Article de M. Charles Millon, ministre de la défense, dans "La Lettre de la défense" et interview dans "Service public" de février 1997 et dans "Armées d'aujourd'hui" de mars, sur la réforme de l’État, celle des armées et sur la nécessité du contrôle de gestion.

Prononcé le 1er février 1997

Intervenant(s) : 

Média : La lettre de la défense - Service public

Texte intégral

Date : février 1997
Source : Propos sur la Défense, n° 65

Réforme de l’État

La communauté de défense vit l’une des plus grandes transformations de son histoire. La réforme qui a été engagée n’est plus, comme par le passé, une simple adaptation, mais une véritable révolution. Qu’il s’agisse des armées avec la professionnalisation, de notre industrie avec la réforme de la DGA, ou de la mise en place du nouveau service national, l’ensemble des militaires et des civils de la défense participe activement à ce grand dessein voulu et initié par le président de la République. C’est une véritable culture de responsabilité qui se développe à tous les échelons du ministère. Elle demande, je le sais, beaucoup d’efforts, mais les expériences récentes ont montré que les personnels de défense répondent présent dans les moments décisifs. J’ai donc toutes les raisons d’avoir confiance pour la mise en œuvre de la réforme.

Contrôle de gestion (tableau de bord de la réforme des armées)

Pour réussir une modernisation d’une telle ampleur, il est indispensable de disposer d’instruments d’évaluation et de pilotage. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé la mise en place d’un tableau de bord de la réforme. Outil essentiel de suivi du changement, il va nous permettre, à tout moment, de vérifier l’adéquation de sa mise en œuvre par rapport à l’objectif, de réagir de façon fine et adaptée en cas de modification de tel ou tel paramètre. C’est avec le concours de celles et de ceux qui travaillent au sein du contrôle de gestion que je pourrai mesurer la façon dont la communauté de défense vit l’avancée de la réforme. Car une réforme, à l’évidence, ne peut s’accomplir sans dialogue. Seul le dialogue permet de réagir par des mesures appropriées sans se laisser dépasser par l’urgence, et de développer une véritable capacité d’anticipation. L’enjeu est en effet trop important pour se contenter d’une gestion approximative, au jour le jour.

En accomplissant cette transformation sans équivalent, la défense participe à la fois à la nécessaire maîtrise de la dépense publique, à l’indispensable modernisation de la gestion administrative et au renforcement de l’État dans ses missions régaliennes. Elle se place ainsi résolument aux avant-postes de la réforme de l’État.


Entretien du ministre de la défense au mensuel « Service public »

Question : Pourquoi attachez-vous aujourd’hui une telle importance au contrôle de gestion ?

Réponse : Depuis la chute du mur de Berlin, les données géostratégiques ont changé et sont en évolution permanente. Parallèlement, à cette mutation, nous connaissons un bouleversement de notre société qui se traduit notamment par une nécessaire maîtrise de la dépense publique. Pour reprendre les termes du président de la République, nous devons aller vers « une armée plus efficace et moins coûteuse ». Le grand chantier de la Défense nouvelle s’engage donc dans une logique de réduction et de meilleure connaissance des coûts. Pour atteindre un tel objectif, il est indispensable de se doter d’outils efficaces. Le contrôle de gestion en fait partie.

Question : Vous avez souhaité disposer d’un tableau de bord, qu’en attendez-vous ?

Réponse : Je me suis personnellement impliqué dans la mise en place d’un tableau de bord de la réforme que je viens d’évoquer. J’ajoute que ce tableau de bord fait partie intégrante du contrôle de gestion dont on pourrait dire qu’il constitue un baromètre. Il serait tout à fait inconcevable qu’une transformation de cette ampleur soit menée en l’absence de tout instrument d’évaluation et de pilotage.

Nous devons pouvoir à tout moment vérifier l’adéquation de la mise en œuvre par rapport à l’objectif et réagir de façon fine et adaptée en cas de modification de tel ou tel paramètre. Un point de situation mensuel est fait, au cours duquel les données synthétiques et globales du ministère me sont communiquées. Elles permettent de remettre en perspective l’action quotidienne. L’enjeu est, en effet, trop important pour se permettre une gestion approximative, au jour le jour, de la réforme.

Question : Quels liens faites-vous entre ce tableau de bord et les impératifs stratégiques du ministère ?

Réponse : Le tableau de bord n’a pas pour but d’apporter la connaissance exhaustive de tout en permanence, mais de mettre à la disposition des décideurs, chacun à leur niveau, des indicateurs synthétiques qui permettent de suivre particulièrement l’avancée de la réforme dans cinq grands domaines déterminés par les travaux du comité stratégique que j’ai mis en place dès mon arrivée au ministère. Il s’agit du passage à l’armée professionnelle, de l’évolution du service national vers le rendez-vous citoyen et le volontariat, la restructuration de l’industrie de défense, l’adaptation des armées dans leurs dimensions humaines, patrimoniales, organisationnelles, territoriales et financières, et, enfin, de l’évaluation permanente des capacités opérationnelles des forces en terme de projection.

Question : Ce contrôle de gestion s’adapte-t-il bien à la culture militaire ?

Réponse : L’expression même de contrôle de gestion est ambiguë. Le contrôle de gestion doit être compris dans son acception britannique de pilotage ou de maîtrise et non comme un mode de surveillance supplémentaire. Il nécessite en effet que soient négociés, entre les différentes parties prenantes, des objectifs communs. Or, ce dialogue de gestion existe depuis de nombreuses années dans les armées et se traduit par des rendez-vous sur objectifs.

Question : Comment s’inscrit la réforme de votre ministère dans la réforme de l’État ?

Réponse : Depuis plusieurs décennies, la défense s’adapte aussi bien au contexte géostratégique qu’aux moyens que la Nation est prête à lui consentir. Aujourd’hui, le ministère et les armées doivent se réformer, comme en 1962, pour répondre aux orientations du président de la République. Sont revus les missions, le format des forces et autres organismes, la composition des personnels, l’organisation… le tout sous forte contrainte financière. Je souhaite que ce travail exceptionnel soit pour les autres administrations une source utile de comparaison et, pourquoi pas, d’inspiration.


Date : mars 1997
Entretien du ministre de la Défense avec « Armées d’aujourd’hui »

Question : Monsieur le ministre, quel est votre objectif en matière de contrôle de gestion ?

Réponse : Depuis la chute du mur de Berlin, les données géostratégiques ont changé et sont en évolution permanente. Parallèlement à cette mutation, notre environnement social et économique est confronté à un bouleversement qui se traduit par une nécessaire maîtrise de la dépense publique. Ces nouvelles données nous conduisent vers une logique de réduction et de meilleure connaissance des coûts.

Les techniques de contrôle de gestion constituent un outil qui doit nous permettre de mener à terme les réformes que notre ministère doit conduire, en maîtrisant à la fois la gestion et la capacité opérationnelle. Pour reprendre les termes du président de la République, j’attends donc du contrôle de gestion qu’il nous aide à aller vers « une armée plus efficace et moins coûteuse ».

Question : Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour parvenir à cet objectif ?

Réponse : Il serait tout à fait inconcevable qu’une transformation de cette ampleur soit menée en l’absence de tout instrument d’évaluation et de pilotage. C’est pourquoi je me suis personnellement impliqué dans la mise en place d’un tableau de bord pour piloter les évolutions du ministère. Ce tableau de bord n’a pas pour but d’apporter la connaissance exhaustive de tout, en permanence ; il retrace les résultats du ministère dans cinq domaines que j’ai retenus à la suite des travaux du comité stratégique que j’ai mis en place dès mon arrivée au ministère.

Il s’agit du passage à l’armée professionnelle, de l’évolution du service national vers le rendez-vous citoyen et le volontariat, la restructuration de l’industrie de défense, l’adaptation des armées dans leurs dimensions humaines, patrimoniales, organisationnelles, territoriales et financières, et, enfin, de l’évolution permanente des capacités opérationnelles des forces en termes de projection. Dans ces domaines, nous devons en effet pouvoir à tout moment vérifier l’adéquation de la mise en œuvre par rapport à l’objectif et réagir de façon fine et adaptée en cas de modification de tel ou tel paramètre.

Question : Comment percevez-vous la diffusion du contrôle de gestion au sein du ministère de la Défense ?

Réponse : Le dialogue de gestion existe déjà depuis de nombreuses années dans les armées et se traduit progressivement par des rendez-vous sur objectifs précis, raisonnés, tant dans leur contenu que dans leur délai de réalisation, entre deux niveaux hiérarchiques de la chaîne de commandement.

Nous disposons aujourd’hui de plus de 300 cadres qui, ayant reçu une formation identique de base au contrôle de gestion dispensée par le centre de formation aux ressources humaines (CFRH), ont une culture commune.

Ils sont, pour la plupart, en position de décideurs comme responsables d’organismes ou en position d’aide au pilotage, comme contrôleurs de gestion. Je constate que les actions de ces contrôleurs de gestion, mais aussi la sensibilisation de tous les responsables du ministère aux grands principes du contrôle de gestion, ont contribué très largement à la diffusion et à l’approfondissement du contrôle de gestion.

Nous assistons ainsi, à un changement de culture qui se traduit par un véritable dialogue de gestion entre les différents niveaux hiérarchiques du ministère sur la base d’échanges confiants.

Question : La logique induite par le contrôle de gestion et la logique opérationnelle sont-elles compatibles ?

Réponse : La plupart des officiers aujourd’hui ont une carrière qui les amène à s’occuper alternativement de questions opérationnelles et de questions administratives. Dans les deux cas, il s’agit d’être le plus efficient possible et de tirer le meilleur parti des moyens qui sont à leur disposition. Ces hommes sont appelés à commander et diriger et le contrôle de gestion constitue une aide au commandement. Au ministère de la Défense, le contrôle de gestion est une technique performante qui est amenée à se développer, car elle peut s’appliquer à beaucoup de circonstances de la vie militaire.