Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, en réponse à une question sur le concept commun franco-allemand de sécurité et de défense, à l'Assemblée nationale le 28 janvier 1997.

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Texte intégral

Q. : Monsieur le Premier ministre, dans moins d'une heure va commencer la discussion du projet de loi sur le service national, troisième volet d'une réforme de notre politique de défense définie par le seul Président de la République. Or, la presse nous apprend l'existence, tenue secrète depuis près de deux mois, d'un accord confidentiel, signé le 9 décembre 1996 à Nuremberg lors du sommet franco-allemand, accord qui définit « un concept stratégique commun » entre Paris et Bonn. Le ministère des affaires étrangères annonce que cet accord est le plus complet qui ait été élaboré par nos deux pays dans le domaine politico-stratégique. Il concerne tous les aspects de notre défense et, partant, de notre souveraineté nationale.

Le Parlement est, une fois encore, tenu à l'écart de décisions majeures pour l'avenir du pays, et on lui demande de débattre aujourd'hui d'un projet de loi sans en connaître le contexte. Ce n'est pas seulement abaisser le rôle de la représentation nationale, c'est, de fait, le réduire à rien. Il n'est pas acceptable, quel que soit l'avis que l'on puisse avoir sur le fond, que le Parlement n'ait connaissance de ce texte qu'après le débat sur le service national et, de surcroît, comme on l'a annoncé, par voie de presse, samedi prochain. Au nom du groupe communiste, je vous demande donc, Monsieur le Premier ministre, de suspendre l'ordre du jour, de faire distribuer aux députés de la nation l'accord de Nuremberg et d'organiser un débat, suivi d'un vote, sur ce document.

R. : Monsieur Brunhes, jamais un gouvernement n'a autant respecté les droits du Parlement. Et je vais vous le démontrer. Il est exact que le 9 décembre dernier, à Nuremberg, a été signé, par le Chancelier Kohl et le Président Chirac un protocole d'accord sur le concept commun franco-allemand de défense et de sécurité.

Par respect pour le Parlement, le Président de la République a demandé que ce document ne soit pas publié tant que les assemblées n'en auraient pas été informées.

Q. : Il a été publié dans Le Monde !

R. : Avant le 15 décembre, le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale et les présidents de commission ont été destinataires du protocole d'accord signé par le Président Chirac et le Chancelier Kohl. Alors, Monsieur Brunhes, vous devriez être plus prudent dans vos jugements. Vous savez bien, même si vous n'êtes pas d'accord avec nous, que nous poursuivons une politique d'indépendance et d'autonomie en matière de défense dans le cadre européen. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons l'affirmation de l'identité européenne de défense et de sécurité. Le concept commun, dont vous prendrez connaissance, s'inscrit dans cette démarche européenne et n'a rien à voir avec toutes les analyses que vous avez exposées.