Interview de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, dans "Le Point" du 2 mars 1996, sur la préservation des chemins, le projet de création d'un observatoire des chemins et la création d'emplois verts.

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Média : Le Point

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Corinne Lepage : "Les chemins font partie de notre patrimoine."

Pour le ministre de l'Environnent, les chemins et sentiers de France doivent être protégés.

Le Point : Quelle politique menez-vous pour préserver nos 800 000 kilomètres de chemins, alors qu'un quart de ce patrimoine a disparu en cinquante ans ?

Corinne Lepage : Ce sont des chiffres inquiétants. Mais, une enquête menée à la demande de mon ministère par la Fédération française de ta randonnée pédestre (FFRP) a révélé un bilan encourageant pour 1995 de la mise en œuvre de plans départementaux d'itinéraires de promenades et de randonnées. 51 départements ont en effet élaboré de tels plans, en milieu rural notamment, permettant de petites ou de grandes randonnées, pédestres, équestres, cyclables ou VTT. Le ministère s'est également engagé dans la protection de sites classés ou inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, comme les chemins du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Nos concitoyens sont, en outre, de plus en plus nombreux à être attirés par le tourisme nature. Il nous faut donc poursuivre une politique ambitieuse d'acquisition, de gestion et d'entretien de nos chemins, d'autant que l'élargissement de la taxe départementale des espaces naturels sensibles permet d'affecter à cette action un financement plus important. Globalement, il s'agit de contribuer à la préservation de nos paysages, qui constituent à la fois un patrimoine naturel et culturel et un capital touristique.

Le Point : Envisagez-vous d'accroître le nombre d'emplois verts ?

Corinne Lepage : Je suis persuadée que l'entre­tien et la réalisation de nouveaux chemins, et la protection du milieu naturel en général, ne peuvent que s'accompagner de la création de nombreux emplois permanents. En 1995, 13 289 emplois verts ont été signés, dont 60 % étaient affectés à la gestion et à la préservation de l'espace. En Basse-Normandie, une région que je connais bien, 123 emplois verts sur les 183 qui ont été recensés cette année sont des emplois durables, et 80 % d'entre eux sont destinés à la gestion des milieux naturels.

Le Point : Lors des assises nationales de la FFRP, votre prédécesseur avait soutenu la création d'un observatoire des chemins. Êtes-vous favorable à ce projet qui pourrait déboucher sur la création d'un conservatoire ?

Corinne Lepage : Je suis tout à fait favorable à la création d'un tel observatoire qui, d'ailleurs, est au centre de la nouvelle convention qui sera signée cette année entre le ministère de l'Environnement et la FFRP. Le ministère étudiera le principe d'un observatoire national après avoir évalué les résultats de l'expérimentation d'un observatoire régional en Bretagne.

Le Point : De quelle manière comptez-vous collaborer avec les associations ?

Corinne Lepage : La création d'un tel observatoire implique une collaboration très étroite avec les associations. Les décisions du gouvernement, récemment annoncées par le Premier ministre à la Commission nationale de la vie associative, vont à l'évidence dans ce sens, avec la possibilité de passer une convention pluriannuelle d'une durée de trois ans avec les associations, l'allégement de la fiscalité et l'exonération des charges pour l'embauche d'un premier salarié. Le doublement des crédits globaux de formation et le projet d'instauration d'un congé formation pour les salariés des associations pourront bénéficier au milieu associatif. La nomination d'un délégué départemental à la vie associative favorisera en outre la concertation entre les directions régionales de l'environnement, les services techniques des collectivités territoriales et tes comités de la randonnée.

Le Point : La FFRP a édité un topo­guide consacré à Paris et crée des itinéraires de randonnées en ville. Pensez-vous intégrer ce type d'itinéraires dans un projet de loi ?

Corinne Lepage : Le travail de concertation qui a précédé la préparation du projet de loi sur l'air a démontré la nécessité de repenser la ville en la rendant aux piétons. Je suis l'un des plus fervents défenseurs du principe de partage de voirie, que j'ai inscrit en bonne place dans mon projet de loi sur l'air actuellement soumis à l'arbitrage du Premier ministre. L'application de ce principe facilitera la pratique de la marche et rendra plus aisée la circulation à vélo, tout en contribuant à la lutte contre la pollution de l'air en milieu urbain.

F. B.