Interview de M. Alain Madelin, vice-président du PR et président du mouvement Idées-action, à Europe 1 le 2 avril 1996, sur l'élection de François Léotard à la présidence de l'UDF et sur la poursuite de son action politique au sein de l'UDF.

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Circonstance : Election par le Conseil national de l'UDF de M. François Léotard à la présidence de l'UDF le 31 mars 1996

Média : Europe 1

Texte intégral

O. de Rincquesen : Êtes-vous, comme le dit le Figaro du jour, un pied dans l'UDF, un pied au dehors, et de toute façon la tête ailleurs ?

A. Madelin : J'entends bien continuer à m'exprimer au sein de l'UDF et j'entends aussi continuer à m'exprimer au sein de la vie politique française. Depuis déjà quelque temps, j'essaie à ma façon de contribuer à réconcilier les Français avec la vie politique et de faire de la politique, c'est vrai un peu autrement. Pourquoi ? Parce que j'estime qu'il y a une coupure très grave qui est en train de se faire entre ceux qui sont dirigés, les Français ordinaires et d'une façon générale, les classes dirigeantes et les milieux politiques.

O. de Rincquesen : Pour ce qui est de l'expression un pied dedans, un pied dehors ?

A. Madelin : En ce qui concerne l'UDF, c'est résolument à l'intérieur et je crois que j'ai obtenu ce score dans des conditions démocratiques extrêmement difficiles, c'est le moins que l'on puisse dire, et j'entends bien constituer un pôle réformateur. Le score que j'ai obtenu est un véritable courant, sans doute le courant le plus important qui existe aujourd'hui à l'intérieur de l'UDF.

O. de Rincquesen : Qu'est-ce que ça veut dire : des conditions démocratiques difficiles ? C'est démocratique ou ça ne l'est pas ?

A. Madelin : Non, parce que vos auditeurs ne savent très bien : une démocratie de parti, ça n'est pas comme la démocratie à l'élection d'un conseiller général, d'un maire ou d'un président de la République ; c'est une démocratie un peu préfabriquée dans la mesure où, par exemple, il y a toute une série d'électeurs qui sont en réalité désignés par les appareils politiques, souvent même des permanents des partis politiques. Donc je partais avec un handicap, c'était une mission difficile, voire impossible dès lors que vous avez autant d'électeurs qui sont cooptés et qui sont désignés par les appareils politiques. Cela étant, je ne suis pas mauvais perdant parce que j'estime avoir gagné beaucoup, beaucoup en sympathie des électeurs, des adhérents ou des sympathisants de base de l'UDF. Tous les sondages et tous les votes, quand il a pu y avoir des votes libres à la base, ont montré que ces derniers souhaitaient la rénovation de l'UDF et le succès du projet que je présentais.

O. de Rincquesen : Il y a un premier bureau politique de la nouvelle UDF demain : vous y serez ?

A. Madelin : Oui, j'y serai.

O. de Rincquesen : Et vous êtes preneur de l'offre publique de réconciliation de F. Léotard ?

A. Madelin : Oui, mais il faudrait d'abord que l'on commence par dire la vérité. L'UDF a élu un président : F. Léotard. Ce président à peine élu nous a dit qu'il y aurait deux présidents, qu'il y aurait F. Léotard et F. Bayrou. C'est assez amusant, ce n'est pas tout à fait statutaire, on peut appeler cela l'union, d'aucuns appelleront ça « une combine ».

O. de Rincquesen : Et là-dedans, vous vous mettez où, puisque vous devez trouver votre place dans la nouvelle organisation de l'UDF – c'est toujours F. Léotard que je cite ?

A. Madelin : Je verrai bien. En tout cas, avec les adhérents directs, une partie des radicaux, le PPDF et bien d'autres qui m'ont soutenu, mes amis du Parti républicain, j'entends bien contribuer à maintenir une certaine cohésion pour le réformateur de l'UDF, pour essayer de faire bouger et la vie politique française et, si c'est possible, l'UDF.

O. de Rincquesen : Il y aura un courant Madelin, il y a une minorité, une opposition à sa majesté, un tandem Madelin-de Charette, une amicale ?

A. Madelin : Il y aura des réformateurs qui continueront à s'exprimer à essayer, dans la vie politique française, de faire entendre la voie de la réforme ; la voie de la réforme en général pour la société et peut-être aussi la voie de la réforme au sein de l'UDF parce que, le moins que l'on puisse dire est que l'on a un déficit démocratique qui est à combler d'urgence.

O. de Rincquesen : C'est vous que je cite : « poursuivre mon action au sein de l'UDF pour le renouveau dans la vie politique et avec mes amis ». D'abord, qui sont vos amis ?

A. Madelin : Je crois que lorsque vous faites 30 % des voix, ça fait beaucoup de monde, ça fait le premier courant à l'intérieur de l'UDF. Je vous rappelle simplement, si vous enlevez tous les conseillers nationaux qui ont été désignés par les appareils politiques eux-mêmes, mais vraiment sans aucun pluralisme, des gens absolument sûrs que l'on a désignés, F. Léotard est minoritaire à l'intérieur de l'UDF. Je le dis encore une fois, je ne suis pas mauvais perdant mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a un véritable courant, qu'il y a un véritable espoir de faire de la politique autrement, de faire de l'UDF autre chose, une UDF rénovée, unitaire, plus démocratique. Ce projet est fort à l'intérieur de l'UDF, je n'entends pas l'abandonner bien sûr.

O. de Rincquesen : Il s'exprimera comment à l'intérieur de l'UDF – puisqu'on a très bien compris que vous y restez ?

A. Madelin : Attendez, j'attends de voir d'abord quelles seront les structures, si on aura un, deux, trois, quatre présidents. Vraiment j'attends de voir d'un peu près les projets qui seront ceux de la nouvelle équipe demain. Je suis sûr que l'on trouvera notre place et si, par hasard, on la trouvait pas, je vous rassure, on se la fera tout seul, ni ligotés, ni bâillonnés.

O. de Rincquesen : Il y aura une amicale des chiraco-giscardiens ou des giscardo-chiraquiens ?

A. Madelin : Non, ne dites pas cela. Il y aura une amicale, en tout cas une unité de ceux qui veulent le renouveau, la démocratie, et dans la vie politique française, et au sein de l'UDF.

O. de Rincquesen : Là-dedans, il y a de la place pour des idées, pour de l'action pour parler comme le mouvement Idées-Action ?

A. Madelin : Oui, j'ai un mouvement qui n'est pas directement un mouvement politique. C'est le mouvement Idées-Action qui essaie de faire de la politique autrement, c'est un véritable succès aujourd'hui, il s'implante en profondeur et c'est un mouvement ouvert sur la société. Le drame, à l'heure actuelle, est que les partis politiques ont tendance à se replier sur eux-mêmes. Je ne voudrais pas que l'UDF devienne une coquille vide, vide de militants ou remplie de permanents, coupée de la société. Bref, vous savez, vous avez une tendance – générale d'ailleurs, je ne parle pas de l'UDF – des partis politiques à se transformer en syndicats, en syndicat d'élus défendant les légitimes intérêts des légitimes élus. Un jour ceci risque de provoquer une vague de rejet de la part des électeurs. Alors, à ma façon, j'essaie de combler ce déficit, de faire de la politique autrement dans un mouvement ouvert qui est un mouvement d'idées, de propositions et d'action, c'est le mouvement Idées-Action.

O. de Rincquesen : Le déménagement des bureaux de l'UDF, est-ce que c'est plus qu'un symbole ?

A. Madelin : Je n'en sais rien, je ne suis pas déménageur, demandez à ceux qui déménagent.

O. de Rincquesen : Vous aurez un petit bureau, un grand bureau ?

A. Madelin : Moi j'ai les bureaux de mon mouvement, le mouvement Idées-Action, cela me suffit !

O. de Rincquesen : On ne vous a pas dit ce que serait la répartition des mètres carrés ? Il paraît qu'il y en aura moins qu'avant.

A. Madelin : Écoutez, je n'en sais rien. En tout état de cause, ce que je sais est que j'entends bien continuer mon action et je me sens redevable, pour celles et ceux qui m'ont fait confiance, d'un espoir et d'un mouvement auprès d'eux.

O. de Rincquesen : Est-ce que l'UDF retrouvera un présidentiable qui lui a fait défaut l'année dernière ?

A. Madelin : Je n'en sais rien, nous n'en sommes pas là. Pour l'instant, il y a bien un président de la République et il y a une majorité présidentielle : c'est dans ce cadre qu'il faut mener notre action.

O. de Rincquesen : Et que vaut l'affirmation selon laquelle, bien plus que la présidence de l'UDF, c'est une autre présidence qui vous intéresse et ce qui sous-tendrait vos idées et votre action ?

A. Madelin : Non, je crois avoir montré tout au long de ma vie que je n'étais pas guidé par un plan de carrière, que je faisais les choses par conviction, même quand ça n'était pas franchement mon intérêt. Je l'ai toujours fait dans la vie politique, je l'ai fait lors des élections présidentielles. Et en étant candidat à la présidence de l'UDF, ce n'était pas, pour moi, le choix le plus facile, loin de là. Je l'ai fait par conviction, avec envie de voir bouger l'UDF pour faire bouger la France.