Interview de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, dans "La Lettre des Européens" de mars avril 1996, sur le débat sur l'Europe et sur la conférence intergouvernementale de révision du traité de Maastricht.

Prononcé le 1er mars 1996

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Média : La Lettre des Européens

Texte intégral

La Lettre des Européens : Vous êtes ministre des affaires européennes depuis juin 1995. Avez-vous ressenti depuis lors une évolution du débat européen en France ?

Michel Barnier : Oui, à coup sûr ! Ces dernières années avaient été marquées par l'inexistence du débat européen dans notre pays, un silence qui avait prévalu longtemps pour n'être rompu, en définitive, que par le débat de ratification du traité de Maastricht. Or, c'est ce silence qui fait le plus de tort à la cause européenne ! En devenant ministre des affaires européennes il y a un an, je me suis engagé à tout faire, à la place qui est la mienne, pour « réconcilier les Français avec l'Europe » comme l'a souhaité Jacques Chirac.

Et pour cela, pour éviter que l'on ne parle de l'Europe que périodiquement, seulement à l'occasion de crises, il faut que le débat européen soit permanent en France. Et ce débat a commencé à s'élargir, il y a quelques mois, à la faveur de l'agitation autour de la monnaie unique ; puis il a pris de l'ampleur et du sérieux à l'approche du lancement de la Conférence intergouvernementale. Il a aujourd'hui rebondi sur la volonté humaniste du président de la République de « remettre l'homme au cœur du projet européen », et de promouvoir le modèle social européen. Les très nombreuses prises de position des formations politiques, du monde associatif et des médias, tout cela est positif : les choses commencent à bouger. Il y aura, je le sais, des polémiques, des secousses, à propos de l'Europe, dans les semaines et les mois à venir. Cela vaut mieux que le silence !

La Lettre des Européens : Vous représentez la France à la Conférence intergouvernementale, chargée de réviser les institutions. Comment cela se passe-t-il concrètement ?

Michel Barnier : Les réunions du groupe des représentants ont lieu chaque semaine, normalement à Bruxelles.

Une fois par mois, les ministres des affaires étrangères, réunis à l'occasion du conseil « Affaires générales », examineront l'orientation prise par ces travaux. Pour l'instant, la conférence, qui doit durer au moins un an, vient de s'ouvrir et nous n'en sommes qu'au premier « tour de table ».

Je peux, cependant, d'ores et déjà vous dire que nous ne perdrons pas de temps. Les discussions portent sur le cœur de chaque sujet, grâce notamment au travail préparatoire accompli l'année dernière par le groupe de réflexion sur la CIG, le « groupe Westendorp », qui a considérablement clarifié et dégagé les enjeux.

Bien qu'il soit naturellement trop tôt pour tirer des conclusions sur le déroulement de la CIG, chacun pourra en savoir davantage au moins de juin, lors du Conseil européen de Florence, qui se penchera sur l'état de la négociation.

La Lettre des Européens : Quel est l'objectif du dialogue national pour l'Europe que vous avez lancé à l'occasion de la Journée de l'Europe, le 9 mai ?

Michel Barnier : Ce dialogue doit proposer à nos compatriotes, l'occasion d'exprimer leurs sentiments et leurs idées à propos de la construction de l'Europe. Il s'agira, pendant un an, de susciter un très grand nombre de réunions consacrées à ce thème, de permettre aux Français, quelle que soit leur préférence civique ou leur situation géographique, d'engager la discussion, d'échanger des opinions et des propositions, et de nous mettre à l'écoute de leurs préoccupations. Ce ne seront pas des réflexions d'experts, un peu conventionnelles, mais au contraire, un débat ouvert le plus largement et le plus librement possible, avec tous ceux qui voudront y participer.