Interview de M. Alain Juppé, Premier ministre et maire de Bordeaux, dans "Sud-Ouest" du 20 janvier 1996, sur la gestion municipale de Bordeaux, le cumul des mandats et son image politique personnelle auprès des Bordelais.

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Média : Sud Ouest

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Sud-Ouest : Comment réagissez-vous au fait que le sondage « Sud-Ouest »/CSA montre, notamment, que les Bordelais ne sont pas encore convaincus par votre action de maire et trouvent, à 63 %, que vous n'êtes pas suffisamment impliqué dans la vie municipale ?

Alain Juppé : Les résultats de ce sondage sont contrastés. Ils laissent apparaître, par exemple, que les Bordelais ont le sentiment que je ne suis pas assez présent. Mais ils montrent aussi que les Bordelais ont vraiment le sentiment que les choses avancent dans plusieurs domaines pour notre ville.

Dans vos commentaires, vous avez souligné que les opinions classées plutôt positives à l'égard du maire ont baissé de 14 % entre le mois de mars 1995 et aujourd'hui. Je ne vois pas les choses ainsi. Par rapport à l'élection municipale, véritable sondage en grandeur nature, il y a 4 point d'écart. Eh bien, pour ma part et dans le climat politique général actuel, je trouve cela plutôt satisfaisant.

J'observe enfin, en regardant les détails de l'enquête, et là nous entrons dans le domaine politique, que 82 % des Bordelais qui ont voté Chirac aux présidentielles et 73 % de ceux qui ont voté Balladur ont une opinion positive du maire. Ce chiffre passe à 18 % chez les électeurs de Jospin.

Il y a donc sur ces résultats une projection de mon image politique personnelle.

Sud-Ouest : Une majorité des Bordelais interrogés trouve qu'il n'est pas bon que la même personne soit à la fois Premier ministre et maire de la ville. Que leur répondez-vous ?

Alain Juppé : Selon les études, on se rend compte que cela peut être considéré comme une chance et, parfois, comme un handicap.

Quoi qu'il en soit, il ne faut tout de même pas oublier que lorsque j'ai été candidat à la mairie de Bordeaux, j'étais déjà Premier ministre.

Entre les Bordelais et moi, le contrat, en quelque sorte, n'a donc pas été écrit auprès.

Ce que je peux vous dire c'est que je consacre mon énergie et ma foi à Bordeaux.

Sud-Ouest : Malgré tout, allez-vous modifier quelque peu vos emplois du temps pour être davantage présent dans la ville dont vous êtes maire ?

Alain Juppé : Ce n'est pas en ces termes que l'on doit voir les choses. Dans ma vie de Premier ministre et de maire, il n'y a pas de coupures.

Mes préoccupations vont de l'un à l'autre. Et les Bordelais doivent clairement savoir qu'il est fréquent que je m'en occupe, à Paris, d'importants dossiers concernant Bordeaux où, chacun le sait, je suis très régulièrement.

Sud-Ouest : Qu'allez-vous faire pour conforter les 68 % de Bordelais qui pensent que vous avez un projet d'avenir pour Bordeaux ?

Alain Juppé : Ce chiffre me montre que les Bordelais ont compris le message. Pour eux, c'est clair, Juppé a un projet pour la ville dont il est le maire. Je vais donc poursuivre sa mise en oeuvre, comme je l'ai plusieurs fois indiqué, avec sagesse, circonspection et volonté.

Mais il est évident qu'il est difficile de juger au bout de sept mois un projet qui doit se concrétiser dans sa totalité sur dix ou douze ans.

Sud-Ouest : Ce sondage, Alain Juppé, déçoit-il l'homme et l'élu politique que vous êtes ou bien le fait-il se réjouir ?

Alain Juppé : Je trouve que les résultats de ce sondage sont encourageants. Certains éléments me réjouissent lorsque, par exemple, je constate que 46 % des Bordelais pensent que les choses vont plutôt mieux pour l'image et le rayonnement de notre ville ou bien que 44 % ont le même sentiment pour l'aménagement de Bordeaux. Et puis d'autres éléments m'incitent à aller pins loin, à faire plus, comme, entre autres, pour la propreté de la ville.

En définitive, les résultats de ce sondage sont stimulants pour nous.