Texte intégral
Mes chers compatriotes, mes chers amis, je suis particulièrement heureux d'établir avec vous ce premier contact. C'est en effet, comme vous le disiez, Monsieur l'ambassadeur, ma première visite en Russie en qualité de ministre des affaires étrangères. C'est aussi ma première venue dans ce pays exceptionnel et cela a été l'occasion aussi de cette première rencontre avec le nouveau ministre des affaires étrangères, M. Evgueni Primakov. C'est la première fois depuis sa nomination que M Primakov rencontre l'un de ses grands partenaires occidentaux.
C'est donc à beaucoup d'égards un événement significatif. Comme vous le disiez, Monsieur l'ambassadeur, ma venue ici s'inscrit dans un dialogue bilatéral nourri entre la France et la Russie depuis la rencontre de Rambouillet et de l'Élysée des 20 et 21 octobre derniers entre le Président de la République Jacques Chirac et le Président Eltsine, entretiens qui ont été, vous le savez, le premier geste d'une nouvelle démarche entre nos deux pays. Le récent séjour à Paris du chef de l'État russe, à l'occasion du service solennel célébré à Notre-Dame à la mémoire de M. François Mitterrand, a permis aux deux Présidents de s'entretenir à nouveau, pendant plus d'une heure. Ce mouvement sera poursuivi lors des échéances majeures que seront la visite à Moscou et à Kazan du Premier ministre à la mi-février, le séjour du Président de la République ici-même à l'occasion du Sommet du G8 sur la sûreté et la sécurité du nucléaire civil, Sommet qui sera co-présidé par la Russie et par la France. Enfin, je vous le rappelle, le Président Eltsine se rendra à Lyon pour participer à la deuxième partie du Sommet du G7, en juin prochain.
Je dois souligner combien les entretiens que j'ai eus hier avec le Président Eltsine et avec M. Primakov, ce matin avec le nouveau Président de la Douma d'État, ont été des entretiens approfondis, d'une grande signification, je crois d'une grande portée pour l'avenir et qui par conséquent doivent contribuer, avec les rencontres des deux Présidents, à donner une nouvelle vigueur aux relations entre nos deux pays.
La France attache désormais une importance de tout premier plan à ses relations avec la Russie. Nous pensons que le développement des relations bilatérales entre notre pays et la Russie est essentiel à la stabilité et à la paix en Europe et dans le monde. Nous croyons aussi que cette relation, fondée sur l'engagement définitif de la Russie dans la voie de la démocratie et de l'économie de marché sera l'un des aspects essentiels de la diplomatie française au cours des années qui viennent.
Naturellement, tout cela serait impossible sans la présence d'une communauté française solide, importante et dynamique. La fin d'une longue période de division de l'Europe, mais surtout la transition, les profondes transformations que connaît la Russie, lui fournissent l'occasion de donner toute sa mesure, et permettent à la France et aux Français d'occuper une place correspondant à leur importance et à leur capacité tout en renouant des relations très anciennes Je crois qu'il faut que nous soyons conscients les uns et les autres que nous vivons une période de transition ici, mais une transition dans laquelle nous avons confiance pour faire en sorte que la Russie renoue avec son histoire, renoue avec son passé et entre, par le fait même, dans la modernité parce qu'il y a un lien entre les deux, il y a un lien entre un pays qui reconnaît son histoire et un pays qui se prépare à l'avenir. L'un ne va pas sans l'autre, et je voudrais une fois de plus saluer tout ce qu'apporte l'identité nationale russe à la culture, à la civilisation, à la construction de l'Europe de demain.
L'expérience directe et la connaissance du terrain et des hommes que vous avez, mes chers compatriotes, ainsi que l'appréciation des risques, constituent des éléments irremplaçables dans l'élaboration des stratégies de nos entreprises en vue de la conquête des marchés russes. Notre place est insuffisante, elle doit progresser. Naturellement, ce n'est pas à l'État de dicter aux entreprises ce qu'elles doivent faire mais je crois qu'il est de l'intérêt de la nation que nous soyons davantage présents dans cette période que traverse la Russie. Dans le domaine des investissements, nous sommes les troisièmes. C'est une position honorable mais dans le domaine de la vie et des marchés de la Russie, nous avons un retard considérable qu'il nous faut récupérer ce retard, il suffit pour le mesurer de voir combien les Allemands sont plus présents que nous, sans raison réelle. Et donc, je souhaite que notre pays, nos entreprises, notre collectivité nationale regardent davantage vers la Russie, vers ses marchés, vers ses capacités, vers ses hommes et ses femmes
Je pense particulièrement en vous disant cela aux hommes et aux femmes qui représentent les quelque 400 entreprises ou banques françaises, mais aussi aux représentants de la culture et de l'éducation qui animent un vaste réseau culturel organisé autour de nos huit antennes régionales ainsi qu'aux nombreux boursiers du gouvernement français participant activement aux échanges culturels. Naturellement, tout ce qui concerne la politique culturelle doit être soutenu, encouragé, développé. Plus il y a d'initiatives, mieux cela vaut. Je vous le dis tout en étant conscient, au moins autant que vous, probablement même un peu plus, de la rigueur budgétaire actuelle. Chaque fois que je vais dans une ambassade et que je m'entretiens avec ses cadres et ses responsables, je leur dis qu'il faut se préparer à faire plus avec moins. Mais après tout, c'est ce que font nos entreprises tous les jours. Tous les jours, elles se battent et apprennent qu'elles doivent année après année gagner de la productivité, ce qui veut dire faire plus, faire mieux avec la même somme ou faire autant avec moins et parfois faire plus avec moins. Eh bien, c'est la situation dans laquelle nous sommes. Il faudra, au cours des temps qui viennent, que nous soyons capables de faire preuve de talent et d'imagination pour affronter cette situation.
La Russie restera, sera plus que jamais, soyons-en assurés, parmi les priorités du ministère dans l'allocation des crédits de l'action culturelle.
Je souhaiterais mentionner également nos journalistes, toujours à la pointe d'une actualité riche, mouvante et elle le sera, à n'en pas douter, pendant l'année 1996 en Russie, et me féliciter que le prix Albert Londres 1995 ait été attribué à titre collectif au bureau moscovite de l'Agence France Presse pour son excellente couverture des événements de Tchétchénie. Notre métier aussi, c'est d'avoir la clarté de dialogue, la transparence de l'information. C'est un service que nous rendons à la Russie.
Je n'oublie pas enfin de souligner la contribution apportée par les personnels de l'ambassade relevant du Quai d'Orsay, mais également d'autres ministères et administrations, à la mission consistant à nouer des relations étroites et durables avec la Russie dans tous les domaines. Je voudrais, si vous me le permettez, rendre hommage à la qualité et à l'efficacité de l'ensemble de l'équipe qu'anime remarquablement votre ambassadeur, M Morel, auquel je voudrais présenter mes félicitations.
Je voudrais en profiter pour rappeler que la diversité de nos structures d'État est une tradition bien française à laquelle nous sommes, si j'ai bien compris, viscéralement attachés. Cette diversité, doit s'organiser dans l'unité de l'État et que l'ambassadeur est, à Moscou comme ailleurs, ce qu'un préfet est dans le département, c'est-à-dire le responsable et l'animateur de l'ensemble des services de l'État. Le gouvernement, et en particulier le département que j'ai l'honneur de diriger, est conscient des préoccupations qui sont les vôtres afin de mieux y répondre. Vous savez que la décision a été prise de transformer la section consulaire de l'ambassade en consulat de plein exercice, ce qui veut dire que, naturellement, nous allons nommer un consul : il est envisagé de doter ce consulat de moyens accrus. Je ne vois pas très bien comment on peut en effet transformer une section consulaire en consulat sans vous donner les moyens de la mission qui est la vôtre, ce que nous essaierons de faire.
L'éducation des enfants n'est pas non plus perdue de vue. Le passage du lycée français, qui accueille 400 enfants issus de 47 nationalités, en autonomie financière et en gestion directe doit être l'une des clés de l'amélioration en fonctionnement. Reste, bien entendu, la question des locaux à laquelle nous attachons la plus grande importance et je l'ai rappelé hier même à M. Primakov en espérant qu'enfin nous parviendrons à résoudre ce problème.
Je rappelle que nous sommes l'un des rares pays à avoir, à travers le monde, un réseau exceptionnel de lycées et parfois d'ailleurs aussi de collèges et d'écoles. Ce réseau est déterminant pour la défense de la langue et de la culture françaises. Naturellement, il est pour les parents français établis à l'étranger, établis ici en Russie, un moyen très précieux de pouvoir assurer l'éducation de leurs enfants. C'est la mission première. Mais la mission seconde, très importante, c'est aussi de former les futures élites des pays où nous sommes installés et je souhaite que le lycée français soit un haut lieu de l'exigence, un lieu privilégié de l'élite russe de demain.
Soyez enfin assurés que la sécurité des personnes fait l'objet d'une grande attention dans cette ambassade comme de la part des services compétents du Quai d'Orsay, et que tout est mis en œuvre pour soutenir votre action et vous prêter assistance en cas de besoin.
Mes chers amis, vous êtes en Russie peu nombreux mais dynamiques et très actifs. Votre mission est d'une particulière importance. Votre rôle est digne d'une attention particulière à un moment où la Russie elle-même est dans une situation particulière. La France la considère, la respecte comme une grande nation. La France la considère et la respecte comme un pays qui a fait le choix de la démocratie et de l'économie de marché. La France la considère et la respecte comme un pays qui, pour cela, a traversé, traverse encore, traversera peut-être encore, des moments difficiles, a accepté de lourds sacrifices dans cette période forte et difficile mais importante pour la Russie. Je souhaite que vous soyez, chacun et chacune d'entre vous, les porteurs d'un message simple : la France accompagne la Russie dans sa démarche ; la France a l'intention d'avoir avec Moscou des liens très étroits d'amitié et de coopération. Je suis venu ici avec M. André, député de la Manche et président du groupe d'amitié franco-russe. Je le remercie de m'avoir accompagné, je le salue et je voudrais qu'il soit parmi nous et parmi vous aujourd'hui le témoin de la permanence des liens qu'il y a entre nos deux peuples.
Aujourd'hui s'achève une période difficile pour la Russie et forcément difficile pour les rapports franco-russes. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que nous renouons avec la Russie de toujours pendant qu'elle-même renoue avec son histoire et s'efforce de trouver les voies de l'avenir. Soyez celles et ceux qui, au nom de notre pays, les accompagnent dans cette démarche.
Vive la Russie ! et vive la France.