Article de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, dans "Français d'abord" de la deuxième quinzaine de mai 1997, lettre aux médecins parue dans "Présent" du 17 mai et interviews à France-Inter le 19, "Paris Normandie" du 21 mai et RMC le 22 mai 1997, sur la campagne des législatives et la nouvelle convention médicale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections législatives anticipées des 25 mai et 1er juin 1997

Média : Emission Forum RMC FR3 - Français d'abord - France Inter - Paris Normandie - Présent - RMC

Texte intégral

Date : 2ème quinzaine de mai 1997
Source : FRANÇAIS D’ABORD

« Le cinquième élément »

On a beaucoup parlé, sur la Croisette, lors du dernier Festival de Cannes, du film de Luc Besson, « Le cinquième élément ». Interviews, tribunes libres, tables rondes, invitations au journal de vingt heures, la gent du show-biz a beaucoup glosé et disserté sur un film somme toute banal.

En revanche, les journalistes politiques ont beaucoup moins parlé du « cinquième élément » de la vie politique française, le Front National. Ainsi va la vie aujourd’hui en France ! Ce qui relève de la fiction occupe abondamment les écrans, ceux qui veulent changer la réalité sont mis sur la touche.

Rarement campagne aura été aussi trafiquée, principalement par le jeu biaisé et ô combien fallacieux de l’occultation médiatique. De bout en bout, ce n’auront été que combines, tripatouillages et magouilles entre les complices de la Bande des Quatre, beaucoup plus duettistes que duellistes, bien décider à monopoliser l’espace médiatique, en dépit du fait qu’ils n‘ont pas de message à faire passer, puisqu’ils disent toute la même chose, font tout le même constat de leurs échecs et proposent les mêmes recettes impuissantes. Les minauderies des starlettes de la Croisette ne sont rien en regard du cinéma des ténors de la caste politico-médiatique. Leur seule crainte était que le Front national parvienne à s’exprimer. Ils nous ont évincés des colonnes des journaux et des tribunes politiques. Ce fut, à l’encontre du Front national, l’application systématique de la règle du minimum minimorum, autrement dit du plus petit des minimums.

Quand les prébendiers et les menteurs de la Bande des Quatre, sous prétexte qu’ils sont représentés à l’Assemblée nationale, monopolisent les heures d’antenne, le Front national, qui a la confiance de millions et de millions de Français, mais se trouve évincé du Parlement par le biais d’une loi inique, a droit, lui, à la portion congrue. Dans les émissions officielles, il bénéficie royalement de... 7 minutes d’antenne, au même titre que tous les zozos, adeptes de la lévitation compris ! Ils se sont plaints, ces tartuffes du PC, du PS, du RPR et de l’UDF que la campagne était sans relief et sans saveur. Mais c’est bien de leur fait ! Ce sont eux qui ont créé de toutes pièces de faux-débats, aussi artificiels les uns que les autres ! Ce sont eux qui ont ressassé les mêmes rengaines, les mêmes litanies, les mêmes péroraisons ! Quand Chirac a publié son texte aussi texte aussi terne que mou dans les colonnes de 14 grands quotidiens de province, qui le premier a répondu le jour même par une tribune libre envoyée à toute la presse, si ce n’est Jean-Marie Le Pen ? L’avez-vous lue ? Non.

Pour la bonne raison qu’au rebours des règles les plus élémentaires de la déontologie journalistique, ils ont choisi de me bâillonner, de me censurer. C’est là sans doute ce qu’ils appellent démocratie !

Cette tribune, vous la lirez pourtant, parce que « Français d’abord » a décidé de vous la présenter. C’est là un outil essentiel de notre combat. Car si nos adversaires ont en partie échoué, c’est parce que le dynamisme de notre appareil militant et votre mobilisation ont été formidables. Même quelque peu pris de court par cette dissolution-magouille, nous avons réussi en un petit mois entrecoupé de multiples « ponts », à faire connaître notre message, à porter la bonne parole nationale jusque dans les terroirs les plus reculés.

Tous vous avez eu du mérite à vous dévouer de la sorte, sacrifiant bien souvent de paisibles promenades dominicales ou de longs week-ends de détente pour le travail militant. C’est ce sens du devoir, l’amour du travail accompli, le sentiment de se donner avec passion à notre patrie, qui font notre puissance. Ce dévouement incroyable qui force le cours des choses, fait accomplir des prodiges, nous permet de vérifier une nouvelle fois que Charles Maurras avait raison : en politique, le désespoir est bel et bien une sottise absolue.

C’est ce que nos adversaires ne comprennent pas, eux qui confondent la politique avec l’art de faire des fausses factures ! Ils ne comprennent pas que nous puissions nous donner aveuglément à cette cause si belle qu’est la défense de la nation. C’est l’amour de notre terre, de notre patrimoine, de notre histoire, la certitude que cet héritage est en péril, qui nous donne la force de combattre. Car, vous le savez, l’enjeu de cette élection dépasse et de loin les petites ambitions personnelles C’est de la France et de son avenir qu’il s’agit aujourd’hui. Alors, retroussez vos manches pour la dernière ligne droite. Aidez vos candidats, soutenez-les par des tractages, des boîtages, des discussions sur les marchés, ou en tenant des bureaux de vote ! Le résultat sera à la mesure de nos efforts et notre avenir à la hauteur de nos espérances !

PS : mobilisez-vous aussi pour aller dans les bureaux surveiller les dépouillements ! Ne nous laissons pas voler au dernier moment les voix gagnées durant cette campagne !


Date : 17 mai 1997
Source : Présent

Chers amis médecins,

L’aboutissement des tractations conventionnelles entre le gouvernement Juppé, les caisses d’assurance-maladie et les syndicats dits « représentatifs », ainsi que l’impossibilité de recours administratif ou juridique contre cette convention, vous imposent une fausse alternative le 31 mai prochain, date butoir de la signature individuelle de la convention médicale :
    - le refus de ratifier le texte entraînera votre faillite personnelle ;
    - l’adhésion à la convention vous fera perdre votre liberté médicale ;

Il existe néanmoins une troisième voie politique. En effet, seul le Front national s’est engagé clairement dans son programme à abroger les ordonnances Juppé.

Souvenez-vous que lorsque la loi est injuste, il faut changer la loi et si le législateur ne veut pas changer la loi, il faut changer le législateur. Aussi, en votant pour les candidats du Front national le 25 mai et le 1er juin prochains, vous dénoncerez ce marché de dupes et aurez l’assurance d’être défendus à l’Assemblée nationale face aux ukases du gouvernement. Sinon, le 31 mai, il sera définitivement trop tard.


Date : Lundi 19 mai 1997
Source : France Inter

A. Ardisson : Le tirage au sort a voulu que vous inauguriez cette dernière semaine de campagne avant le premier tour. Une campagne que l’ensemble des observateurs s’accorde à trouver morne, n’ayant pas réussi à mobiliser l’intérêt des Français. Que manque-t-il ou qu’est-ce qui a manqué pour passionner les foules ?

J.-M. Le Pen : Le Front national ! Il a manqué dans ce débat qu’il soit démocratique, c’est-à-dire qu’il soit ouvert devant le peuple, non seulement entre ceux qui tiennent le pouvoir et qui y alternent depuis 20 ans, mais avec l’authentique opposition nationale. Celle-ci a été traitée comme un exclu. Nous avons été pratiquement à l’écart du débat et les hypocrites minaudaient hier sur France 3, comme M. Alexandre, en disant « J’ai trouvé la campagne du Front national très molle ». Oui, très molle, M. Alexandre, parce que vous n’avez pas eu l’occasion de la voir, car si vous nous aviez invités et si nous avions été opposés au pouvoir, c’est-à-dire à la droite, tous nos candidats – tous nos représentants n’ont été opposés qu’à la gauche, jamais nous n’avons eu en face de nous ni un Juppé ni un Séguin ni quelqu’un de la majorité. Ce sont là des méthodes qui sont totalement scandaleuses. Je voudrais, avant de vous répondre, dire ceci aux électeurs : puisque vous n’avez pas vu les gens du Front national pratiquement sur les antennes de télévision et dans les radios, lisez ce que nous avons fait parvenir, car nous avons fait un énorme effort militant pour vous faire parvenir les papiers qui expliquent nos positions. S’ils sont chez vous, faites l’effort de les lire.

A. Ardisson : Ce que vous dites là a peut-être été vrai à une certaine période de campagne officielle, vous êtes quand même très présent. Vous faites aussi des meetings ; vous êtes présent sur les antennes des radios et des télévisions. De votre côté, sur les thèmes que vous avez mis en avant, est-ce que vous n’avez pas aussi des faiblesses ?

J.-M. Le Pen : Je ne crois pas du tout. Si les gens regardent la télévision, ils s’apercevront que M. Hue a été invité 10 fois plus longtemps que le Front national alors qu’il ne représente pas la moitié de notre potentiel électoral. On y a vu aussi Mme Voynet très souvent. On y a vu aussi M. Chevènement. Ce sont des gens qui représentent 1% des voix, alors que le Front national en représente plus de 15.

A. Ardisson : Redoutez-vous une forte abstention ? Dans le dernier numéro du Monde, un expert a montré que mathématiquement, une forte abstention ruinerait votre stratégie de maintien au second tour puisqu’il faut proportionnellement davantage de voix pour obtenir les fameux 12,5 % d’électeurs inscrits.

J.-M. Le Pen : Nous avons fait ce qu’il fallait pour qu’il n’y ait pas d’abstention. Nous invitons les gens à voter, parce qu’ils ont cinq minutes de liberté tous les cinq ans pour décider de leur sort, si peu d’ailleurs. Mais pour le peu que cela est, il faut le faire. Qu’ils viennent voter ! C’est leur seule manière de jouer leur vie autrement qu’en étant des esclaves.

A. Ardisson : Quel est votre but dans cette élection ? Évidemment, faire le maximum de voix et avoir le maximum d’élus mais au-delà, est-ce faire battre la majorité, comme vous en avez donné l’impression notamment ces derniers jours ?

J.-M. Le Pen : Ce qui est essentiel pour nous, c’est d’obtenir le plus grand nombre de voix au premier tour et au deuxième tour et, compte tenu du fait qu’il y a une balance presque égale entre la gauche et la droite, espérer avoir dix ou quinze députés qui nous permettraient d’arbitrer en fonction de l’intérêt national, ce qui serait sans doute une vue révolutionnaire de l’avenir.

A. Ardisson : Les sondages ne sont plus autorisés mais on peut toujours se référer aux derniers parus. Vous n’êtes pas en passe de réussir votre pari.

J.-M. Le Pen : Je croyais que les sondages étaient une photographie du moment. Par conséquent, ne me citez pas ceux de la semaine dernière ! Il y a encore plus du tiers des citoyens qui n’ont pas choisi ou qui n’avouent pas leur choix, car souvent on a peur, dans ce pays, d’avouer, surtout quand on vote pour le Front national, car on peut être l’objet de persécutions diverses. Alors, ceux-là vont faire la différence. Personnellement, s’ils lisent la littérature que nous leur avons envoyée, je suis convaincu qu’il y aura une belle surprise dimanche prochain.

A. Ardisson : Imaginons deux cas de figure. Premier cas de figure : vous avez des députés à l’Assemblée. Comment vont-ils penser ?

J.-M. Le Pen : Ils pèseront à chaque fois dans le sens de l’intérêt national. Ils pèseront – je ne vais pas reprendre le programme – contre l’Europe de Maastricht, contre la politique du chômage, d’immigration et d’insécurité, de fiscalisme, qui a été pratiquée aussi bien par la droite que par la gauche, pour l’un dix ans, pour l’autre dix ans. C’est ça que les Français doivent avoir sans cesse à la mémoire : les gens qui se proposent à leurs suffrages sont des gens qui ont dirigé la France et qui sont responsables de tous les échecs actuels.

A. Ardisson : Second cas de figure, celui que vous ne voulez pas envisager mais qui pourrait arriver : vous n’avez pas d’élu. Que ferez-vous de votre matelas de voix ? Comment pèsera-t-il dans le débat national ?

J.-M. Le Pen : Nous continuerons à nous battre, c’est bien évident. Il y a des élections l’année prochaine : il y a une élection régionale très importante ; il y aura des élections cantonales. S’il y a une victoire de la gauche, il y aura peut-être bientôt une élection législative car l’avantage qu’il y aurait à ce que la droite soit battue, c’est d’abord que ça ferait échec à la demande de chèque en blanc de J. Chirac et que nous pourrons espérer, dans un an ou deux, une nouvelle élection législative à la suite d’une dissolution, si le Président acceptait moins bien d’avoir une majorité hostile, alors qu’il avait été, lui, le Premier ministre de F. Mitterrand.

A. Ardisson : J’ai l’impression que vous passez déjà une étape et que vous en êtes à donner des consignes pour le deuxième tour.

J.-M. Le Pen : Non, pas du tout. C’est ce que disait de manière tout à fait mensongère hier M. July qui disait que j’appelais à voter pour le Parti socialiste. Je n’ai jamais appelé à voter pour le PS ?

A. Ardisson : C’est parfois ce qu’on entend, quand même !

J.-M. Le Pen : Mais c’est votre interprétation – une interprétation qui est pratiquement toujours biaisée. J’ai dit que je pense qu’il serait moins grave pour la France d’avoir une cohabitation avec une défaite de la majorité, que de donner un chèque en blanc pour cinq ans à J. Chirac pour dissoudre la France dans l’Europe de Maastricht. Ça, c’est clair.

A. Ardisson : Je voudrais revenir sur le fond de la campagne et sur les thèmes qui ont été ou pas abordés pour connaître votre position en matière de protection sociale. Même si les Français ne se font guère d’illusions en matière d’emploi, ils se rendent compte que ce que proposent les uns et les autres n’est pas exactement la même chose dans ce domaine.

J.-M. Le Pen : Je ne vais pas vous parler de la protection sociale. D’ailleurs, mes concurrents n’en ont pas parlé non plus. Mais je vous signale que nous avons sur le sujet exclusivement une brochure de 20 pages – imaginez le temps qu’il faudrait pour vous l’exposer. Simplement, je constate que la Sécurité sociale ne cesse de continuer à être en déficit catastrophique, et que les solutions, les 20 plans de Sécurité sociale n’ont jamais abouti à obtenir un résultat positif. Il est vrai que la Sécurité sociale est en déficit essentiellement à cause du chômage, à cause du manque de ressources, à cause aussi des 50 milliards de déficit causés par la présence de l’immigration. Citons plutôt les sujets qui n’ont pas été abordés pendant cette campagne électorale, ce qui explique peut-être que les citoyens ne s’y soient pas beaucoup intéressés : c’est en effet la protection sociale et familiale. Ce sont tous les sujets qui passionnaient les Français. Ce sont les seuls dont on n’a pas parlé, pourquoi ? Parce que c’étaient les sujets du Front national !

A. Ardisson : Oui, mais d’un autre côté, quand on vous demande d’en parler, vous vous bloquez, en disant « On n’a pas le temps » !

J.-M. Le Pen : Posez-moi une question !

A. Ardisson : Je vous en ai posé une sur la protection sociale.

J.-M. Le Pen : Posez-moi une question, autrement je vais vous répondre : je suis pour la protection sociale. Posez-moi une question. Laquelle ? sur quel sujet ?

A. Ardisson : Je voulais savoir par exemple si vous aviez l’intention de supprimer certaines prestations.

J.-M. Le Pen : Quelles prestations ?

A. Ardisson : Je ne sais pas !

J.-M. Le Pen : Pourquoi voulez-vous que je supprime des prestations ? C’est le Gouvernement qui supprime les prestations, qui les diminue et qui augmente sans cesse les cotisations. Ça, c’est la politique du Parti socialiste et c’est la politique du RPR.

A. Ardisson : Vous considérez donc que la protection sociale et familiale, telle qu’elle existe actuellement, ne doit pas être entamée.

J.-M. Le Pen : Bien sûr que si ! Elle doit être changée, elle doit être modifiée. Il est évident que si on continue dans la voie dans laquelle nous allons, elle sera ruinée. Il ne suffira pas d’augmenter indéfiniment le RDS comme l’a fait M. Juppé. Il est vrai qu’il faut résoudre le problème du chômage, parce que c’est lui qui est à la base du déficit de la protection sociale. Mais il y a beaucoup d’autres raisons. Je vous le dis : j’ai une brochure que je vous ai apportée et que je vous laisserai si vous voulez, qui s’appelle « Les priorités sociales du Front national ». Elle comporte 20 pages. Alors, je ne vais pas vous les exposez en deux minutes. Mais les électeurs l’ont reçue. Par conséquent, ils pourront la lire.


Date : Mercredi 21 mai 1997
Source : PARIS-NORMANDIE

Paris-Normandie : Comment appréhendez-vous ces élections législatives ?

J.-M. Le Pen : Au niveau local, je pense que c’est chic de la part d’une femme de se porter candidate dans une circonscription réputée si terrible. Mantes est en effet l’emblème de l’atmosphère d’insécurité grandissante qui règne dans ces banlieues. L’autorité recule devant l’anarchie et la violence, et on tente de régler les problèmes de manière artificielle en y injectant de l’argent.

Paris-Normandie : Et au niveau national ?

J.-M. Le Pen : Les sondages dont nous sommes abreuvés sont totalement dérisoires. Le nombre de triangulaires dépendra du taux de participation il pourrait y en avoir 200 ou même 300 ce qui changerait tout. On ne peut présager des résultats, je suis comme Jeanne d’Arc : on se bat et Dieu donne ou ne donne pas la victoire.

Paris-Normandie : Comment se déroule les élections pour le Front national ?

J.-M. Le Pen : Nous savions dès le départ que nous serions écartés du débat par les grands médias. Nous avons donc décidé de faire une campagne de terrain particulièrement active. Les efforts ont été exceptionnels du point de vue du matériel de propagande distribué aux militants. Le coût global a dépassé les quatre-vingt millions de francs. Nous sommes donc très confiants pour le second tour et si Marie-Caroline est en passe d’être élue, je viendrai de nouveau la soutenir.


Date : Jeudi 22 mai 1997
Source : RMC

P. Lapousterle : Un mot sur l’ex-Zaïre devenu République démocratique du Congo, deux entrepreneurs Français ont été assassinés avant-hier par des hommes en uniforme est-ce que vous pensez que c’est une vengeance contre la politique française dans ce pays et que faire ?

J.-M. Le Pen : Je crois que chaque fois qu’il y a des explosions politiques dans ce pays d’Afrique, il ne fait pas bon être blanc et puis c’est aussi la période des règlements de comptes. Nous avons connu ça aussi…

P. Lapousterle : Être français, surtout, en l’occurrence ?

J.M. Le Pen : Oui, être français d’autant qu’il faut bien dire que la victoire de Kabila c’est une écrasante, cuisante défaite de la diplomatie africaine de la France qui n’a cessé de soutenir les Hutus, de soutenir Mobutu et c’est aussi le fruit d’une rivalité d’influence entre les États-Unis et les Européens, et en particulier les Français dans cette affaire.

P. Lapousterle : Alors si Mobutu demandait de revenir en France, il faudrait accepter à votre avis ?

J.-M. Le Pen : Je ne suis pas chargé de cette responsabilité. C’est l’allié de la France. La France abandonne souvent ses alliés quand ils sont en difficulté. Je ne sais pas ce qu’ils feront. Cela m’est relativement égal.

P. Lapousterle : Dans quelques jours, les Français vont voter, on parle en ce moment du problème de la cohabitation, le Président de la République a dit : il faut que la France parle d’une seule voix. Est-ce que vous pensez que… ?

J.-M. Le Pen : C’est le cas. On n’entend en tous les cas que la voix de l’établissement. On n’entend que la voix des gens qui sont au pouvoir ou qui sont de l’alternance du pouvoir. Je vais vous donner un exemple : j’étais hier à Marseille…

P. Lapousterle : Vous y êtes toujours, je vous signale…

J.-M. Le Pen : Je suis toujours à Marseille mais j’étais hier à Marseille devant 3 000 personnes, il n’y a pas eu un seul écho de mon meeting à la télévision, en tous les cas pas sur Antenne 2. On a parlé de M. Hue, de M. Séguin qui, devant des effectifs squelettiques, exposaient leurs idées ; moi, Le Pen, on n‘a même pas cité le fait que j’étais à Marseille. Alors, ce sont des conditions de combat politique, des conditions de combat électoral qui sont absolument scandaleuses, qui sont dignes d’une République bananière et dans ces conditions, je pense que nous allons prendre des initiatives et qu’en tous les cas, nous allons montrer que nous ne sommes pas complices et que nous ne sommes pas caution d’un système aussi antidémocratique.

P. Lapousterle : A quelles initiatives pensez-vous ?

J.-M. Le Pen : Eh bien, je pense personnellement à la grève de la présence lors de la soirée électorale. A ce moment-là, nous n’irions pas sur les plateaux et ainsi, les Français sauraient que les dirigeants du Front national, en tout cas, ne sont pas complices de cette opération. Et je réunis notre bureau exécutif pour prendre cette décision mais vous vous doutez bien qu’une décision de cette gravité entraînera, je pense, une prise de conscience des Français des conditions absolument aberrantes dans lesquelles ce débat politique s’est déroulé depuis d’ailleurs plusieurs semaines.

P. Lapousterle : Donc le Front national ne serait pas présent dimanche soir sur les plateaux ?

J.-M. Le Pen : C’est la proposition que, personnellement, je soutiendrai.

P. Lapousterle : Est-ce que vous pensez, pour revenir à la cohabitation, qu’elle est le pire mal qui soit, comme le pensent les gens de la majorité ou bien que c’est le moindre mal, au contraire, par les temps qui courent ?

J.-M. Le Pen : Personnellement, je pense que c’est le moindre mal. D’abord, parce que ça ouvre de nouveau la possibilité d’une future élection au bout d’un an, d’une nouvelle dissolution et ensuite, parce que je crois que ça affaiblit la volonté de Chirac de se ruer dans la servitude maastrichienne.

P. Lapousterle : Cela veut dire que vous voulez cette cohabitation. On a beaucoup dit que votre parti était très divisé sur cette affaire.

J.-M. Le Pen : Non, pas du tout. Il est tout à fait uni dans la même conception. Je l’ai résumé et elle a l’adhésion de tout le monde chez nous, à savoir que je ne m’étonne pas que la gauche soit la gauche – je la combats depuis cinquante ans, je la connais bien – mais je trouve que sa position est normale ; mais en face, je considère que la droite, ce sont des traîtres et que j’exècre dans leur traitrise.

P. Lapousterle : Est-ce que ce jeudi matin, M. Le Pen, vous redites la phrase que vous avez dite : « Je préfère une Assemblée de gauche ou une Assemblée de droite » ?

J.-M. Le Pen : Il n’y a pas une Assemblée de gauche ou une Assemblée de droite. Je viens de vous exposer mon sentiment.

P. Lapousterle : Est-ce que vous répétez cette phrase que vous avez dite ?

J.-M. Le Pen : Mais non, je vous l’ai exposé. Alors que je viens de vous donner une opinion finement nuancée, pourquoi voulez-vous que je la synthétise dans une formule équivoque et ambiguë ?

P. Lapousterle : Est-ce que vous souhaitez la victoire de l’opposition ?

J.-M. Le Pen : Je ne souhaite rien du tout. Je constaterai les dégâts en arrivant. Ce que je souhaite, c’est la victoire du Front national parce que sans la victoire du Front national, la France va disparaître, surtout si elle donne un chèque en blanc à J. Chirac pour cinq ans, pour mener une politique qui va substituer aux structures de notre pays des structures étrangères.

P. Lapousterle : Alors, sur ce point, qui est un point fondamental pour les Français, c’est-à-dire le traité de Maastricht, ce n’est pas le Président de la République qui l’a signé, c’est l’ancien Président de la République et en plus, les Français l’ont voté par référendum. Est-ce que l’on peut revenir…

J.-M. Le Pen : Référendum qui fut gagné d’une courte prostate, on le sait, on sait dans quelles conditions.

P. Lapousterle : Ça veut dire quoi une « courte prostate » ?

J.-M. Le Pen : Ça veut dire que le Président de la République, cinq jours avant le scrutin, a révélé qu’il avait un cancer de la prostate alors qu’il le savait depuis douze ans. S’il l’a fait à cinq jours des élections, c’était pour créer un petit choc émotionnel dont il a d’ailleurs, il faut bien le dire, profité.

P. Lapousterle : Les Français ont accepté ce traité par référendum, est-ce que l’on peut revenir sur un texte que les Français ont voté ?

J.-M. Le Pen : Ils avaient accepté aussi l’armistice de 1940, ils ne se sont pas trouvés liés en 1945…

P. Lapousterle : Ce ne sont pas les Français, ce sont les députés à l’époque, ce n’est pas pareil ?

J.-M. Le Pen : Ce n’était pas des Français, les députés ?

P. Lapousterle : Ce n’est pas le peuple français.

J.-M. Le Pen : Si on avait consulté le peuple français en 1940, à 98 %...

P. Lapousterle : Mais est-ce que l’on peut revenir sur un texte qui…

J.-M. Le Pen : Mais bien sûr que l’on peut revenir, c’est évident. Quand on s’aperçoit que l’on a mis la tête dans un nœud coulant, on peut en effet couper la corde, c’est une question de légitime défense.

P. Lapousterle : Sur cette campagne électorale qui, sans être longue, s’éternise quand même, on a l’impression que personne, finalement, n’a réussi à intéresser les Français. C’est votre sentiment aussi ?

J.-M. Le Pen : Et pour cause ! C’est un débat tout à fait convenu entre des gens qui, pratiquement, pensent la même chose sur les différents problèmes ; qui ont alterné au pouvoir depuis vingt ans et qui ont tous échoué sur l’ensemble des sujets. Que ce soit le chômage, l’immigration, l’insécurité, le fiscalisme, l’illettrisme, la corruption politique, il n’y a aucun de ces sujets, qui passionnent les Français, qui n’a été abordé au cours de cette campagne pour une raison très simple, c’est qu’ils n’avaient à présenter que des bilans d’échec.

P. Lapousterle : Quelles sont les espérances de votre formation dans ces élections législatives ?

J.-M. Le Pen : Moi, si le sort est aussi ironique que l’on dit, eh bien je souhaiterais que le Front national ait suffisamment de députés – ne serait-ce qu’entre dix et vingt – pour arbitrer une Assemblée dans laquelle la droite et la gauche seraient arrivées à égalité.

P. Lapousterle : Vous pensez que c’est jouable comme on dit en sport, le fait que vous ayez de quinze à vingt députés ?

J.-M. Le Pen : Oui, je pense que c’est jouable parce que je pense que les Français peuvent tout de même avoir un réflexe, une réaction devant le mépris dans lequel ils sont tenus. Parce que, visiblement les hauts fonctionnaires qui nous gouvernent, de tous ces partis de l’établissement, convoquent le peuple français, comme ça, une fois tous les cinq ans, pour leur donner un alibi de pouvoir, mais ne se croient pas obligés de prendre en considération loyalement et démocratiquement ce que les Français pourraient souhaiter. Alors, on trompe les Français. Il n’y a pas un véritable débat démocratique avec un véritable choix démocratique. Cela peut provoquer, de la part d’un certain nombre de citoyens, le réflexe de se dire qu’après tout, voulant sanctionner à la fois la gauche et la droite, ils votent pour le Front national, au moins au premier tour, pour montrer qu’ils sont en désaccord avec la politique menée par ces différents partis.

P. Lapousterle : Vous avez dit, tout à l’heure, que l’on n’avait pas abordé les vrais problèmes ; je prendrai juste le problème de la sécurité, qui est un point essentiel pour les Français. Vous dites : finalement, la droite et la gauche ont échoué, mais on voit quand même que la gauche dit qu’elle se débarrassera des lois Pasqua-Debré si jamais elle venait au pouvoir. On ne peut quand même pas dire qu’elle soit d’accord sur ce point, par exemple ?

J.-M. Le Pen : C’est un débat bidon. C’est un débat autour d’une coquille vide, mais ils ont besoin de cela pour montrer leurs différences, autrement on va dire : ils sont superposables. Dans la loi Debré, il ne reste plus rien après les différentes reculades du Gouvernement, après que le Conseil constitutionnel ait vidé le texte de loi de ce qu’il comportait encore de très légèrement coercitif. Il n’y a plus rien. Alors, on peut continuer à faire semblant, M. Jospin et M. Juppé font semblant. Moi, je dis d’ailleurs, M. Juppin et M. Jospin parce qu’ils sont tout à fait interchangeables.

P. Lapousterle : Un mot, M. Le Pen : vous maintiendrez tous vos candidats en mesure de se maintenir au deuxième tour ?

J.-M. Le Pen : Oui, sûrement. J’espère qu’ils seront très nombreux. Cela dépendra aussi de la participation, je voudrais que les Français veuillent bien participer à ce qui va déterminer leur vie parce que, demain, il sera trop tard.

P. Lapousterle : Et pour tous ceux qui ne pourraient pas se maintenir, il y aura une consigne de vote nationale ?

J.-M. Le Pen : Certainement, notre bureau va se réunir, en tout cas lundi matin, pour tirer les conclusions du premier tour et prendre les décisions qui s’imposent.

P. Lapousterle : Ce sera quoi, à votre avis ?

J.-M. Le Pen : Je ne sais pas.

P. Lapousterle : Vous ne savez pas encore.

J.-M. Le Pen : Cela va beaucoup dépendre des résultats. Évidemment, on va étudier les résultats et on prendra une détermination mesurée, vous vous en doutez bien.