Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux, pour un de mes premiers déplacements en province depuis ma nomination à la tête du ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement d’inaugurer cette section d’autoroute en pays picard, entre Amiens et Abbeville. En longeant la vallée de la Somme, cette nouvelle infrastructure dessert le littoral picard et la côte d’Opale et ouvre ce territoire à de grandes liaisons avec l’Europe et notamment notre voisin britannique.
Cette vallée, comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, a aussi dans le passé payé un lourd tribut aux restructurations dans le secteur du textile entraînant son cortège de chômage, de drames aux conséquences sociales insupportables. Cependant, ma halte à Flixecourt m’a permis de constater que malgré cette épreuve, les Picards ne baissent pas les bras et je souhaite que cette infrastructure nouvelle facilite le redéveloppement de cette région.
Comme l’illustre très bien cette section autoroutière entre Abbeville et Amiens, la route aussi peut concilier les impératifs de développement économique et d’aménagement du territoire avec les exigences normales d’environnement.
Le développement économique d’une région se traduit au quotidien par des actions concrètes. Ainsi, cette autoroute va-t-elle rapprocher les territoires traversés des grands-centres, qu’il s’agisse de la Région parisienne ou des pays du nord de l’Europe. Après l’achèvement au début de cette année de la liaison vers Rouen, Abbeville se trouve désormais à la convergence de cet axe Paris-Londres et d’un autre itinéraire Nord-Sud qu’est la route des Estuaires, reliant la péninsule ibérique au pays du nord de l’Europe. Cette desserte performante profite aux entreprises qui s’implantent sue les zones industrielles d’Abbeville, de Vimeu et de toute la Picardie maritime.
Je suis aussi ministre du Tourisme avec Madame la Secrétaire d’État, Michèle Demessine, à mes côtés. Cela me plaît d’en parler ici car vous avez su créer les conditions d’un développement harmonieux et équilibré :
- en préservant les qualités écologiques de la Baie de Somme et en invitant des milliers de visiteurs à une pédagogie de la découverte de la connaissance de la nature – c’est ce que vous avez réussi avec le parc de Marquenterre ;
- en offrant une palette diversifiée qui vous permet d’accueillir les amoureux du golf comme de conserver le caractère du tourisme populaire des stations de la côte picarde. Je crois qu’il s’agit là d’une expérience qui mérite d’être mieux connue.
Avec Madame Michèle Demessine, j’entends y consacrer toute l’énergie nécessaire car cela constitue un important enjeu pour notre pays, première destination mondiale sur le plan touristique.
Cette inauguration intervient à un moment particulier dans la vie de notre pays.
Un nouveau Gouvernement s’est mis en place, il y a maintenant trois semaines. Je sais que ce changement est porteur d’attentes et d’exigences nouvelles.
Exigence quant à la méthode utilisée et qui précède la décision. Exigence quant au rapport entre gouvernants et gouvernés. Exigence quant à la société que nous voulons pour notre pays demain. Espoir aussi que les choix retenus après discussion, dialogue soient les meilleurs possibles et que la vie de tous devienne tout simplement plus riche, plus humaine.
Je reçois des centaines de lettres chaque jour, je reçois les acteurs de tous les secteurs d’activités qui dépendent de mon ministère et je peux vous dire que je suis étonné de lire et d’entendre autant de propositions constructives, inventives ; sans réflexe dogmatique avec le souci constant de la crédibilité, de la possibilité, et souvent avec la volonté de travailler à des réponses différentes de celles qui ont conduit aux impasses dangereuses d’aujourd’hui.
Bref, l’espoir dont je parle est sans doute bien différent de celui de 1981. Une des différences est précisément dans cette faculté démocratique d’inventer ensemble, avec tous ceux qui sont concernés, hors des sentiers balisés par des références programmatiques figées qui d’ailleurs n’existent pas.
Comment ne pas voire en effet dans ce qui vient de se passer le 1er juin un appel à résister à l’absurde de cette société qui produit toujours plus de richesse et dans le même temps laisse sur le bas-côté des millions de personnes. C’est pourquoi j’ai répondu à ceux qui m’interrogeaient, dès le premier jour, que je ne serais pas le ministre de la privatisation, de la déréglementation et de l’ultralibéralisme. Trop de drames ont secoué la nation, affaibli la France pour qu’on ne se décide pas à travailler hors des dogmes de la pensée unique qui partout au nom d’une compétitivité brutale et meurtrière pour les plus faibles, conduit à des destructions d’activités, d’emplois, d’environnement.
Changer donc, et ce n’est pas seulement vrai en général, dans le secteur des transports terrestres aussi, il nous faut infléchir les tendances. Qui peut nier les services fantastiques que rendent les routes. Liberté de se déplacer, service rapide et souple pour le transport.
Mais comment ne pas mesurer aussi les risques d’asphyxie, y compris pour la route, que nous encourons en laissant les choses aller comme hier, c’est-à-dire en privilégiant le tout routier ?
Le bon sens oblige à une autre démarche :
- il faut développer la complémentarité, un équilibre plus harmonieux entre mode, fer, voies d’eau, routes. Hier, par exemple ; M. le Directeur du Port Autonome du Havre a profité du PREDIT (à Poitiers) pour insister sur la nécessité d’un « corridor » SNCF ; le Havre-Nancy passant par Amiens.
Marie-Christine Blandin, Présidente du Conseil régional Nord-Pas de Calais m’a interpelé sur plusieurs questions et notamment sur le Canal Seine-Nord. Je veux lui dire que je suis décidé à avancer sur ce projet et c’est pourquoi la concertation interrégionale prévue sera engagée dès le mois de septembre prochain sous l’égide de M. Le Préfet de la Somme, Préfet de Région Picardie et coordonnateur de ce dossier.
Revenons maintenant au secteur routier ; là aussi, il nous faut remettre les choses en place. Aujourd’hui, j’inaugure une splendide autoroute, mais mon ministère n’a toujours pas les moyens d’entretenir correctement le réseau des routes nationales et de gérer ce patrimoine. Comment ne pas voir que les moyens ne sont pas suffisants pour lutter contre le bruit routier et que des milliers de logement sont encore exposés à plus de soixante-dix décibels ? Comment ne pas reconnaître que nous avons un système qui aujourd’hui, face à tout besoin de liaisons nouvelles, ne sait répondre que par l’autoroute concédée à péage… même si celle-ci coûte plus cher que des solutions plus simples et suffisantes, parfois.
Vous le voyez, nous avons besoin de réfléchir à des orientations nouvelles. Nous les travaillerons en nous entourant de toutes les compétences, de toutes les informations nécessaires – sans négliger les experts, sans oublier les usagers et les citoyens. Mais je veillerai à ce que ces choix, que nous mettons en œuvre dans la durée, soient pris en toute clarté et qu’ils redonnent du sens à la décision politique.
J’entends ici ou là dire qu’en arrêtant certaines procédures, nous prenons de formidables risques en matière d’emplois.
Je voudrais déjà dire que nous n’avons arrêté aucun chantier et nous ne le ferons pas. De plus, de grâce, que personne n’oublie que dans les quatre dernières années, le BTP a perdu plus de 200 000 emplois. C’est à un autre mode de développement qu’il nous faut aujourd’hui réfléchir. Tout le monde sait bien que l’entretien, gestion du patrimoine, réhabilitation génèrent plus d’emplois que les grands chantiers. Et en matière de grands chantiers ; je suis sûr que nous en ouvrirons de nouveaux et pas seulement en matière autoroutière.
Concernant l’emploi, je veux aussi saluer l’initiative de la SANEF prise en collaboration avec les autres services concernés, pour réinsérer dans la vie professionnelle des adultes en situation sociale difficile. Comme cela a été précisé, grâce à des liens particuliers, la SANEF a su recruter pour l’entretien et l’exploitation de cette autoroute, notamment pour son centre d’Amiens, des demandeurs d’emplois d’un quartier d’Amiens en difficulté, le quartier d’Etouvie. Je souhaite vivement que ce genre d’expérience puisse se renouveler sur l’ensemble du réseau autoroutier national.
Vous me permettrez un instant de poursuivre à propos de cette question de l’emploi qui est notre souci commun, et de dire à Maxime Gremetz qui m’a écrit sur ce sujet, que j’ai eu l’occasion d’annoncer à Lille la semaine dernière que dès 1997, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de réhabiliter 100 000 logements supplémentaires : 50 000 HLM et 50 000 pour le parc privé. Ces décisions ont des effets induits en matière d’emplois évalués par nos services à environ 35 000. En ce qui concerne l’aide personnalisée au logement, elle sera actualisée et même revalorisée. C’est une mesure de justice sociale qui correspond à une augmentation de 2,5 milliards de francs en volume des prestations APL en année pleine.
Bien entendu, dès que l’on achève un projet, on pense aux suivants.
D’ici l’été 1998, cette autoroute devra être prolongée jusqu’à Boulogne, achevant ainsi cette grande liaison vers les pays d’Europe du nord.
Je vous annonce d’ailleurs que la continuité autoroutière avec le réseau belge est désormais assurée au nord de Dunkerque, avec l’inauguration aujourd’hui de la section de raccordement à la frontière franco-belge où l’on espère aussi ma venue. J’ai bien noté votre souhait que cette autoroute A16 soit reliée au réseau autoroutier en Ile de France.
C’est naturellement dans les secteurs urbanisés que se situent les plus grandes difficultés. Tout le monde sait qu’en tant qu’élu, je me suis toujours opposé au passage de l’A16 en Seine-Saint-Denis. Je n’ai pas changé d’avis.
De même, je crois qu’on ne peut se passer d’un bouclage de la Francilienne. Mais je suis aujourd’hui ministre et ma méthode sera d’abord écouter tous les avis avant de prendre les décisions sur ces sujets.
L’autoroute A29 Le Havre-Amiens-Saint Quentin est quant à elle lancée et elle placera Amiens, à l’aube du prochain millénaire, à un carrefour autoroutier très important. Une première tranche entre Le Havre et Yvetot est en service. Son prolongement jusqu’à Neufchâtel en Bray, point de jonction avec l’A28, interviendra à la fin de l’année prochaine. Le contournement Sud d’Amiens, indispensable au bon fonctionnement de l’agglomération sera mis en service au printemps 98. La mise en service du diffuseur entre l’autoroute A16 et la RN29 à la fin du mois de juin délestera la route nationale d’un grand flux de véhicules qui traversent aujourd’hui des secteurs urbanisés. Une autre autoroute entre Amiens et la frontière belge, l’autoroute A24, est également prévue à l’actuel schéma directeur routier national.
Des études multimodales particulièrement innovantes ont été effectuées. Au niveau de l’Europe, vous avez obtenu que soit financée une extension de ces travaux dans le cadre d’un projet de directive sur l’évaluation stratégique environnementale. Les études réalisées ont montré que cette nouvelle infrastructure est complémentaire de celles prévues au titre des autres modes de transports. Il s’agit d’un dossier difficile, notamment à l’approche e la métropole lilloise. Je le suivrai donc avec une extrême attention et une grande écoute des partenaires concernés.
D’importants travaux ferroviaires sont prévus au contrat de plan comme le barreau de Jussy, l’amélioration de la desserte par la ligne Laon-Paris et l’électrification entre Beauvais et Persan-Beaumont.
Afin de permettre une plus grande fluidité autour de Paris, des réflexions sont en cours concernant l’opportunité d’équiper pour le fret un axe de contournement de la région parisienne via Amiens. Cette démarche s’inscrit dans la perspective d’améliorer la desserte des ports en aval de la Seine.
Améliorer la desserte vers Roissy m’apparaît également constituer un enjeu majeur pour Amiens et le Sud de la Picardie. C’est un moyen de se raccorder au réseau TGV grâce à l’interconnexion à Roissy.
Je comprends les difficultés des usagers qui transitent par la gare du Nord à Paris pour rejoindre Roissy à partir de Creil ou d’Amiens. Cela ne concerne pas seulement les passagers de l’aéroport, mais aussi tous les travailleurs de la plate-forme aéroportuaire. Un montant de 3MF est prévu au contrat de plan interrégional du Bassin Parisien pour l’étude de cette liaison Amiens-Creil-Roissy. J’ai demandé que les études de faisabilité soient accélérées.
Je ne saurai conclure sans féliciter les acteurs de cette belle réalisation entre Amiens et Abbeville : ouvriers, ingénieurs, techniciens et toutes ces femmes et ces hommes des entreprises, bureaux d’études et administrations qui ont fait preuve ici de leurs talents et de leur savoir-faire. Je sais que l’effervescence règne sur les chantiers voisins, entre Abbeville et Boulogne, pour ouvrir cette section nouvelle d’ici l’été 98.
La Picardie, et plus particulièrement le département de la Somme, sera alors dotée d’infrastructures modernes et performantes, lui garantissant une ouverture intéressante sur l’extérieur. D’autres réalisations, tout aussi respectueuses de l’environnement et porteuses d’espoir pour les populations concernées, viendront compléter cette desserte autoroutière, offrant à cette région de nouveaux atouts pour réussir son avenir en renforçant sa position de carrefour européen. Je puis vous assurer que je serai à votre écoute pour que se construisent les infrastructures de demain et doter la France d’un réseau de transports et d’équipements lui permettant de relever les défis du prochain millénaire, tout en répondant aux priorités immédiates.