Interview de M. Daniel Cohn-Bendit, tête de liste des Verts aux élections européennes de 1999, dans "Le Parisien" du 12 février 1999, sur la stratégie électorale des Verts pour la campagne des élections européennes, notamment sur l'immigration et le nucléaire.

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Média : Le Parisien

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Q - L'Italie vient de procéder à la régularisation de 250 000 sans-papiers. Lionel Jospin doit-il suivre cet exemple ?

Daniel Cohn-Bendit. Le gouvernement italien a pris une décision juste et courageuse. C'était la seule possible ! Il a fait le choix d'une politique équilibrée, c'est-à-dire un soutien à l'Albanie d'où vient la majorité des sans-papiers et, en même temps la fin de la clandestinité « légale ». On ne peut pas vouloir exercer une certaine rigidité aux frontières si on ne régularise pas ceux qui sont dedans. Sinon, on entretient l'appel d'air. Le gouvernement français a préféré s'arrêter au milieu du gué.

Q - En faisant monter les enchères sur le nucléaire et sur l'immigration, les « Grünen » allemands ne mettent-ils pas en péril le chancelier Schröder ?

La gauche allemande et les Verts n'ont peut-être pas choisi la meilleure stratégie. Ils ont d'abord été élus sur le problème du chômage. L'opinion n'a pas compris que le nouveau pouvoir inaugure son action par des questions sur la sortie du nucléaire et sur le code de la nationalité. Mais je reste optimiste.

Q - Dominique Voynet a dénoncé « la France revancharde et aigrie ». N'est-ce pas un peu commode de jouer les victimes ?

Je ne suis ni un martyr ni une victime. Et je ne souscris pas à cette thèse de la victimisation. Le saccage du bureau de Dominique Voynet est scandaleux. Je trouve incroyable que des députés de droite minimisent de telles exactions. Mon objectif est de faire une campagne qui désarme la violence. Partout, je rencontre des gens ignorés, oubliés, marginalisés. Il est temps qu'on discute avec eux : je le fais. Y compris avec les agriculteurs et les chasseurs. On doit pouvoir parvenir à instaurer un vrai débat contradictoire sans jouer au jeu de « qui fait peur à qui ».