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Il n’y aurait pas de vraie politique de lutte contre l’exclusion, et d’intégration sans une « politique de la ville ». Le chômage des jeunes, le mal de vivre des banlieues, la dégradation de l’environnement urbain sont autant de facteurs qui entretiennent la fracture sociale dénoncée par le Président de la République. Dans ce contexte, comment concevez-vous votre rôle et vos priorités ?
Il faut bien mesurer que notre pays ne connaît pas seulement une crise économique, mais bien une crise de civilisation qui a frappé durement l’agglomération urbaine et ce, depuis plus de vingt ans. Voilà pourquoi effectivement lutter contre l’exclusion, pour l’intégration, implique de mettre en œuvre une politique de la ville ambitieuse. Comme l’a souligné récemment le Président de la République, l’exclusion, la rupture du lien social dans nos villes, la désertification d’un nombre croissant de zones de notre territoire, la crise de nos valeurs républicaines appellent une fois encore la France à se dépasser. C’est donc dans ce contexte, que je conçois mon rôle de ministre délégué à la ville et à l’intégration. Et je souhaite m’appuyer sur les lignes de résistance et de force de notre société qui sont autant de signes d’espoir pour l’avenir. Mon rôle est aussi de mettre en avant et de valoriser toutes les expériences de terrain, qui permettent de réduire concrètement, chaque jour, la fracture sociale. Il faut que l’on cesse d’avoir et de ne produire que des images négatives, ou de « casse », à propos des banlieues, alors qu’il existe des actions formidables dans les quartiers, qui permettent de renouer avec une vie sociale normale. De toutes ces actions positives, il faut parler !
Quant à mes priorités, ma première est celle de Jacques Chirac et Alain Juppé ont fixé au gouvernement : l’emploi. Or le retour à l’emploi dans les quartiers, c’est comme pour la solidarité, cela ne se décrète pas. Il y faut une volonté politique forte. Eh bien, nous avons cette volonté. Mettre la politique de la ville au service de l’emploi est le fil rouge du Programme national d’intégration urbaine que nous avons élaboré et que nous présenterons prochainement dans le détail avec le Premier ministre et Jean-Claude Gaudin.
Vingt ans sur le terrain en Seine-Saint-Denis font de vous un homme pragmatique. Cette expérience vous donne sans doute une vision précise des actions à mener pour lutter contre l’exclusion dans les banlieues et pour y créer des activités génératrices d’emplois. Vous annoncez un plan Marshall pour les banlieues. Quelles en sont les grandes orientations et les objectifs ?
Oui ! Mon expérience de député-maire en Seine-Saint-Denis m’a montré combien il fallait être pragmatique en matière de politique de la ville, pragmatique et modeste. S’il y avait un polycopié de recettes, cela se saurait ! Que ce soit en Seine-Saint-Denis ou dans les autres départements urbains, je rencontre nombre d’associations, de maires et d’élus locaux, de travailleurs sociaux, de chefs de projets de quartiers, de sous-préfets à la ville, qui font un travail remarquable. C’est à tous ces acteurs de terrain à qui je pense constamment, afin que nous leur donnions les moyens d’agir avec encore plus d’efficacité. Dans ces conditions, lorsque l’on a parlé de « plan Marshall » c’était en termes d’image, de comparaison. Le Programme nationale d’intégration urbaine ne sera la traduction concrète et réelle. Ce programme intéresse vingt ministères ! C’est dire qu’avec Jean-Claude Gaudin, nous jouons tout notre rôle de coordination et d’impulsions interministérielles. Pour être efficace, la politique de la ville ne peut être que transversale et s’inscrire dans la durée. On ne résoudra pas les problèmes des quartiers difficiles en quelques jours ! La tâche ressemble plus à celle de l’architecte social que du pompier urbain.
Aussi notre programme se conçoit sur le long terme selon quatre axes majeurs : un soutien massif et une priorité absolue au développement de l’emploi et des activités économiques, la restauration de la présence de l’État et des services publics, une meilleure mixité sociale et de l’habitat, enfin le renforcement du lien social et du partenariat avec les habitants, en soutenant notamment l’initiative associative. Pour chacune de ces propositions, notre préoccupation première est la jeunesse.
J’ai donc une vision précise des actions à conduire pour lutter contre la ségrégation urbaine et l’exclusion. Il y a urgence à remettre l’homme au cœur des choix économiques et sociaux. Tel est mon objectif fondamental
On fonde beaucoup d’espoir sur le développement des emplois de proximité. Quel est votre sentiment à ce propos ?
Je vous l’ai dit, l’emploi est la priorité. Cela étant posé, je me refuse à créer des illusions sur les emplois de « proximité ». Leur développement peut constituer en effet un certain espoir pour les habitants des quartiers sensibles, à condition que l’on repère correctement les besoins en ce domaine. On peut toujours lancer de grands chiffres, ce qui compte sur le terrain c’est de créer dans les années qui viennent plusieurs dizaines de milliers d’emplois dans les quartiers, dans tous les domaines de leur vie quotidienne. De nouveaux métiers apparaîtront sans aucun doute, parallèlement au développement des métiers existants. Il nous faut savoir innover, être inventif, pour soutenir et favoriser toutes les énergies créatrices dans les quartiers. Par exemple, avec la défiscalisation que nous proposons, on peut générer de l’activité économique.
Les emplois de proximité ou d’utilité sociale que nous nous proposons de développer s’inscrivent dans une perspective d’insertion et de promotion sociale des intéressés, au premier rang desquels les jeunes.
C’est en nous mobilisant au service de l’emploi, avec l’ensemble des partenaires de la ville, que nous parviendrons à reconstruire une solidarité, mais une solidarité active, donc efficace !