Texte intégral
Certains analystes du mouvement de décembre 1995 ont été étonnés de son apparente hétérogénéité sociale et thématique : ne réunissait-il pas étudiants et cheminots, salariés et retraités… manifestant pour mieux travailler à l’université, contre le contrat de plan État-SNCF, pour 37,5 annuités de droits à une retraite pleine, contre la réforme de l’assurance-maladie… Quelle cohérence dans tout cela, sinon une cohérence de classe des petits salariés du secteur public solidairement unis contre le « plan social » de leur patron, l’État ? Parmi ces derniers, les femmes sont relativement plus nombreuses dans les catégories C et D que les A et B, de même que, dans le privé, à travail et qualification égales j’accorde en genre avec le substantif le plus proche), salaire inégal. C’est la première domination.
La seconde relève de ce que l’on appelle hypocritement la sphère privée, dans laquelle le machisme se perpétue encore largement : « je me demande combien de femmes sont restées en contemplation devant la machine à laver. Assises. Fumant une cigarette. Sans rien faire. Sans en foutre une broque, nom de dieu. Contemplant. » (Christian Rochefort, rubrique mythique « le sexisme ordinaire », Les Temps Modernes, novembre 1976).
À ces deux premières dominations, Coluche associa une troisième : « …si, en plus, tu es pauvre, moche et immigrée… ». En décembre dernier, l’immigré disparut. Le mouvement social (du salariat, non du prolétariat ; rassurons-nous) a chassé la figure inquiétante de l’immigration déferlante, notamment de ces femmes d’ailleurs dont tous les tiers-mondistes vous diront qu’elles sont les clés du développement soutenable de la planète. Un dollar par jour et par fillette du Sud, pour son éducation, telle est la mesure de notre avenir à toutes et à tous.