Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur le cinquantenaire du Festival international du film de Cannes, Cannes le 15 mai 1996.

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Circonstance : Conférence de presse à l'occasion de la présentation du programme du cinquantième anniversaire du film de Cannes, à Cannes le 15 mai 1996

Texte intégral

Un demi-siècle, voilà un demi-siècle bientôt, dans un an très exactement, que le Festival international du film de Cannes, rythme la vie mouvementée du cinéma mondial. Il semble en constituer le cœur, un cœur qui irriguerait tous ses membres, lui insufflerait année après année l’énergie qui fait de l’art cinématographique, l’art populaire par excellence.

C’est un moment très particulier que le Festival de Cannes. Un point d’arrivée et un point de départ à la fois. Il fait état, à chacune de ses éditions, de la production des films depuis sa précédente organisation, et en même temps, il permet de recenser toutes les inspirations, les créations, les talents qui se déploieront dans les mois à suivre.

Ainsi, chaque Festival de Cannes est une célébration en soi, un anniversaire du cinéma, un événement dont la portée dépasse les enjeux de la compétition qui se déroule tous les ans. Mais le cinquantième anniversaire est un instant plus solennel encore. C’est une étape aussi, comme dans la vie de tous les hommes. Les commémorations occupent un rôle central dans la vie de toutes les sociétés, et la société du cinéma ne fait pas exception.

Le temps du souvenir permet, paradoxalement, de se projeter dans l’avenir, d l’envisager avec sérénité et lucidité. La nostalgie porte en elle les promesses du futur. Si le Festival de Cannes est aujourd’hui le premier rendez-vous du cinéma mondial, c’est parce que dès ses débuts il a su faire jouer la magie du septième art.

Quels débuts, en effet ! Les films qui furent présentés cette année-là, en 1946, juste après la guerre, appartiennent presque tous à l’histoire du cinéma, qui si elle n’est pas très longue, n’en est pas moins d’une extraordinaire richesse. Se côtoyaient, à Cannes en septembre 1946, de véritables chefs-d’œuvre.

Je pense à La Symphonie Pastorale de Jean Delannoy ; je pense à ce classique délicat et émouvant, Brève Rencontre, mis en scène par David Lean ; je songe aussi à Rome, Ville ouverte de Roberto Rossellini, qui dans l’immédiat après-guerre, restituait avec une vérité presque dérangeante l’horreur de ce conflit et marquait la naissance du cinéma moderne.

Mais les personnalités présentes, lors du Premier Festival, n’étaient pas moins exceptionnelles, qui ont imprimé leur originalité au cinéma mondial depuis près de cinquante ans. L’immense Michèle Morgan, récompensée pour son interprétation dans La Symphonie Pastorale, et à qui je voudrais avouer mon admiration et mon émotion de la rencontrer aujourd’hui ; Jean Marais qui fut pour Jean Cocteau, cette année-là, la bête d’un contre de fée surréaliste ; Henri Alekan, grand maître des lumières et des ombres, chef opérateur de La Bataille du Rail ; Billy Wilder qui venait pour son film, The Lost Week-End et bien d’autres étoiles encore au firmament du cinéma.

Les images, l’art, les artistes s’étaient ainsi donné un rendez-vous qui, depuis, se perpétue et décline toutes les facettes duc cinéma et du rêve éveillé qu’il offre à tous ses spectateurs.

Cinquante ans plus tard, la magie opère toujours. Les noms des membres du comité de parrainage de l’anniversaire qui sera célébré au mois de mai 1997, en sont les preuves vivantes, dont les noms sonnent comme des souvenirs et des promesses de nombreux éblouissements cinématographiques.

Il suffit de les entendre :
    Woody Allen
    Michelangelo Antonioni
    Ingmar Bergman
    Bernardo Bertolucci
    Francis Coppola
    Elia Kazan
    Stanley Kubrik
    Akira Kurosawa
    Maurice Pialat
    Alain Resnais
    Steven Spielberg
    Andrzej Wajda
    Wim Wenders
    Billy Wilder
    
Le Festival de Cannes, s’il est un événement international d’une telle ampleur, c’est parce qu’il réunit de pareils artistes, présente leurs œuvres et celles de bien d’autres créateurs dont il révèle le talent, mais n’en demeure pas moins un rendez-vous populaire, qui ne réserve pas son accès à une élite. C’est une fête du cinéma pour ceux qui le font, et pour tous ceux qui l’aiment.

Je me réjouis que la célébration du cinquantième anniversaire du Festival, telle qu’elle se prépare, confirme ce caractère éminemment populaire du cinéma e j’en appelle à toutes les cinématographies mondiales pour élargir, si cela est encore possible et nécessaire, la portée universelle de cette manifestation prestigieuse, qui participe au rayonnement culturel de la France.

Je souhaite, avec un peu d’anticipation, à la cinquantième édition du Festival International du Film de Cannes et à ses organisateurs le plus grand succès.