Interview de M. Daniel Cohn-Bendit, tête de liste des Verts aux élections européennes 1999, dans "La Provence" le 3 février 1999, sur son rôle et sa personnalité dans la campagne des européennes face aux polémiques provenant notamment de la "gauche plurielle".

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Circonstance : Visite en région Provence - Alpes - Côte-d'Azur du 3 au 5 février 1999 à l'occasion de la campagne pour les élections européennes

Média : La Provence

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La Provence : Vous attendiez-vous, lorsque vous avez été désigné, lors du congrès de Noisy-le-Grand, des 14 et 15 novembre 1998, tête de liste des Verts, à un tel remue-ménage ?

Daniel Cohn-Bendit : N'exagérons rien. Il y a plus de monde dans mes meetings que dans les manifestations organisées contre moi, par les chasseurs ou le lobby du nucléaire. Je remarque simplement que les organisations de chasseurs se sont mobilisées alors même que je n'avais pas dit un mot sur la chasse. Quant aux positions des Verts sur le nucléaire, elles sont ultra connues et ma présence dans cette campagne européenne ne change rien à l'affaire.

La Provence : Vous suscitez, malgré tout, quelques sérieuses réserves au sein du mouvement de Mme Voynet qui ne semble pas très enthousiaste devant votre façon de mener trop librement le débat.

Daniel Cohn-Bendit : Une tête de liste n'a pas à incarner le plus petit dénominateur commun. Quant à mes habits de candidat, je m'y sens parfaitement à l'aise, pas du tout à l'étroit. Et si divergences il y a parfois avec les Verts, quoi de plus normal ? Nous ne sommes pas un mouvement qui pratique la langue de bois et la conception de l'Europe que je défends peut irriter certains. Cela ne doit pas nous effrayer les uns, les autres. J'assume sans état d'âme ces différences de sensibilité.

La Provence : Assumez-vous tout aussi tranquillement les attaques de Jean-Pierre Chevènement à votre endroit et les propos peu amènes de Charles Pasqua sur « ces Allemands qui reviennent en France tous les trente ans » ?

Daniel Cohn-Bendit : Bien évidemment, je déplore ces excès, de même que je regrette que le ministre de l'intérieur ne veuille pas dîner avec moi, même si c'est son droit le plus strict. Je reste, toutefois, persuadé qu'à un moment ou à un autre, nous nous retrouverons tous les deux sur des idées communes. Lui comme moi faisons partie de la « gauche plurielle » et, à ce que sache, M. Chevènement n'a pas l'intention de s'en démarquer. Pas plus que moi d'ailleurs.

La Provence : Espérez-vous également vous rapprocher de Robert Hue avec lequel les échanges sont plutôt vifs ?

Daniel Cohn-Bendit : Ces frictions apparentes font partie du jeu électoral et ne doivent pas masquer l'essentiel. Je suis sur la même longueur d'onde que M. Hue lorsqu'il déclare vouloir construire une Europe sociale. Je trouve le choix de Geneviève Fraysse intelligent et audacieux. La parité était d'ailleurs une idée de Bernard Tapie !

La Provence : Aimez-vous être comparé à l'ancien ministre de la ville de François Mitterrand ?

Daniel Cohn-Bendit : Oh, là, là, je ne dirai rien, surtout rien sur Bernard Tapie. Ces rapprochements n'ont aucun sens. Si me comparer à lui signifie que je fais bouger les choses, tant mieux. Pour le reste… je ne vois rien en lui qui me ressemble.

La Provence : Pas même votre goût des médias ?

Daniel Cohn-Bendit : Les journalistes ont trouvé en moi de quoi faire de l'info. Tant mieux pour eux et tant mieux pour moi si je peux, grâce à cela, faire passer les idées auxquelles je tiens. Mais je ne veux nullement « casser la baraque » et pousser chacun dans ses retranchements. Je dis même aux chasseurs que je rencontrerai probablement aujourd'hui à Manosque que je suis prêt à organiser avec eux un vrai débat. Sans parti pris.