Interviews de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, à Nile TV et Radio Le Caire et déclaration au Caire le 8 avril 1996, sur le partenariat euro-méditerranéen, la poursuite du processus de paix au Proche Orient et la coopération économique et culturelle de la France avec les pays de la zone.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel de MM. Chirac et Charette au Liban et en Egypte du 4 au 8 avril 1996

Média : Nile TV - Presse étrangère - Radio Le Caire - Télévision

Texte intégral

Entretien à la chaîne de télévision égyptienne « NILE TV » (Le Caire, 8 avril 1996)

Q. : Monsieur le Ministre, notre première question portera sur le partenariat euro-méditerranéen que le Président Chirac a donc développé dans son discours. Tout d’abord, pourquoi avoir attendu si tard pour avoir un nouveau concept et, deuxième question, est-ce que c’est une nouvelle ère de la politique extérieure de la France au Proche-Orient ?

R. : L’élection d’un nouveau Président de la République en France est toujours un événement très important à partir duquel se définit la nouvelle politique étrangère de la France pendant les 7 ans qui vont venir et le Président de la République française a, dès le départ, marqué l’importance qu’il attachait à la qualité et à la densité des relations entre la France et l’ensemble des pays méditerranéens et du Proche-Orient et du Moyen-Orient. On l’a vu dès le sommet des chefs d’État et de gouvernement qui s’est déroulé à Cannes au mois de juin dernier où la France a été à l’origine de la décision de l’Union européenne de consacrer, pour les cinq ans qui viennent, une somme très importante de près de 7 milliards de dollars pour contribuer au développement des pays du sud de la Méditerranée. Et, aujourd’hui, lorsque le Président relance l’idée d’un partenariat de l’Union européenne et des pays de la Méditerranée, qui a connu tant de conflits au cours des siècles mais qui a été aussi une grande zone de rayonnement et de prospérité dans le passé, car c’est là que la civilisation a commencé, une zone de paix où, lorsqu’il y a des conflits, on les règles par la négociation, une zone, aussi, de grand développement économique. Tous les pays du pourtour méditerranéen ont commencé à remettre leurs économies en marche. Nous Européens, nous Français, nous devons encourager, soutenir ce développement pour faire de la Méditerranée une zone de prospérité et d’échanges et pour que nous établissions, entre nous qui sommes issus de trois grandes religions du Livre, qui exprimons des civilisations très anciennes et très fortes, et bien, un ensemble culturel fort avec des échanges très intenses entre les jeunes, entre les universités, entre les cultures.

Q. : Monsieur le Ministre, puisqu’on parle de paix dans la région, on entend parler d’une tentative israélienne de signer un accord pour garantir sa sécurité et sa supériorité nucléaire dans la région. Ne croyez-vous pas qu’une telle initiative pourrait menacer la sécurité dans la région ?

R. : Je ne sais à quoi vous faites allusion exactement mais il va de soi que la sécurité, c’est d’abord un acte collectif. Ce n’est pas la sécurité des uns au dépens des autres, c’est forcément la sécurité commune. Au début nous avons connu ça entre français et Allemands. Nous nous sommes fait beaucoup de guerres, nous nous sommes beaucoup détestés et puis nous avons un beau jour décidé de faire la paix. On l’a faite ensemble, et aujourd’hui Français et Allemands s’entendent bien, sont heureux de vivre ensemble et ont d’étroites relations. Je crois qu’il faut évidemment imaginer qu’au Proche et au Moyen-Orient la paix n’est pas à sens unique, c’est une paix pour tout le monde dans laquelle chacun trouve son avantage et se trouve lui-même en sécurité.

Q. : Vous avez parlé tout à l’heure, justement, du retour de l’Irak dans la communauté internationale et vous nous avez dit que ce retour dépendait de l’adoption par l’Irak des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

R. : Ces résolutions posent un certain nombre d’exigences claires. Je crois qu’il faut que l’Irak les mette en œuvre sans hésiter. Ensuite, il est possible qu’il y ait dans le monde d’autres pays qui souhaitent créer une situation de difficultés envers l’Irak. Nous n’avons pas cette idée-là ; notre idée, c’est que, dès lors que l’Irak appliquera les résolutions du Conseil de sécurité, dès ce moment-là, il retrouvera sa place dans la communauté internationale.

Q. : Justement, le président Chirac a souligné aujourd’hui que pour arriver à une paix juste et globale dans la région du Proche-Orient, il fallait surtout, entre Israël et les Palestiniens, un « échange de la paix contre la paix ».

R. : Oui, c’est comme vous le savez, la position du Conseil de sécurité. C’est un principe de base : chacun doit savoir que la paix a un prix, mais qu’elle est formidablement positive, c’est-à-dire qu’elle apporte beaucoup plus que les sacrifices que l’on pourra faire pour elle.

Q. : Justement, si la balle est ici dans le camp des Irakiens, en ce qui concerne la paix entre Israël et les Palestiniens, la balle est dans le camp de qui ?

R. : Où en est-on ? On en est d’abord à l’application de l’accord intérimaire qui doit être appliqué dans sa totalité. Il ne l’est pas, et il faut donc que, de part et d’autre, on mette en œuvre les derniers éléments de ce qui est prévu, c’est-à-dire l’évacuation d’Hébron et la renonciation par la Charte de l’OLP à l’idée de la destruction d’Israël. Voilà pour l’application de l’accord intérimaire. Ensuite, il faut poursuivre, comme il était prévu, les discussions sur l’étape définitive qui intéresse l’avenir de la Palestine, l’avenir de Jérusalem. Cette négociation devra s’ouvrir et le plus tôt sera le mieux, de façon à ce que les uns et les autres, autour de la table, parviennent ensemble à une solution.

Q. : Monsieur la Ministre, la France joue le rôle de médiateur dans le conflit érythréo-yéménite. Quel rôle la France compte-t-elle jouer dans le conflit israélo-libanais ?

R. : Tout d’abord, nous soutenons le processus de paix ; c’est très important. Ce processus de paix doit apporter la sécurité pour tous et doit aussi assure le Liban la récupération de l’intégralité de ses territoires selon la résolution 425 des Nations unies. La France est prête à apporter sa contribution. Comme vous le savez, le Président de la République a proposé que la France apporte une contribution à l’aide de troupes dans le cadre d’une force multinationale, à définir, qui aurait pour objet d’apporter les garanties de sécurité que de part et d’autre de la frontière libanaise et israélienne, l’on pourrait souhaiter. Nous sommes disponibles, nous faisons des offres pour montrer à quel point nous sommes concernés et impliqués dans le retour du Liban à la pleine souveraineté et à la pleine intégrité territoriale.


Entretien à la radio égyptienne « radio le Caire » (Le Caire, 8 avril 1996)

Q. : Monsieur le Ministre, la France se lance depuis l’élection de M. Jacques Chirac à la présidence de la République dans une campagne diplomatique tous azimuts. Cette campagne diplomatique vise plusieurs objectifs : un dialogue entre tous les pays du pourtour méditerranéen et une paix dans la région du Moyen-Orient qui ne soit pas une « pax americana ».

R. : Vous parlez là de la situation en Méditerranée et des pays du Proche et Moyen-Orient. C’est vrai que le début d’un nouveau septennat, c’est en France, par tradition, le moment où s’élabore la nouvelle politique étrangère française. Vous le savez, la place de la France dans le monde c’est, d’une certaine façon, une responsabilité particulière du Président de la République. Nous pensons que la Méditerranée est, pour la France, non seulement une zone d’influence mais une priorité tout à fait essentielle pour des raisons évidentes. Si ces pays du pourtour méditerranéen sont en paix et prospèrent, la France en subit forcément les effets positifs. Si au contraire, ils connaissent des difficultés, et bien, nous en subissons les effets négatifs. Après tout, pourquoi y a-t-il eu dans les années 60, 70 et même 80, une forte immigration en France qui nous a posé des problèmes ? C’est parce que ces pays étaient des zones de pauvreté, de difficultés, et qu’une partie de leur population, souvent d’ailleurs la meilleure, était portée à quitter leur pays et à aller chercher ailleurs de quoi vivre et travailler. Nous sommes donc pleinement impliqués dans la perspective de faire de la Méditerranée un espace de sécurité, une zone de prospérité et un monde de rayonnement et de dialogue des cultures. C’est pour nous un élément tout à fait capital. Vous savez, quand je pense à la ville de Marseille et au Sud de la France, je me dis que Marseille devrait reprendre et retrouver son rôle de port majeur en Méditerranée au fur et à mesure que tous ces pays sont engagés dans la voie de développement et de la prospérité. C’est donc notre intérêt comme je crois que c’est l’intérêt de nos partenaires car ils savent l’intérêt traditionnel que porte la France à ces pays et ils attendent notre présence, notre rayonnement, nos entreprises, nos démarches culturelles et notre présence politique.

Q. : Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, le Président Jacques Chirac s’est adressé à partir de l’Université du Caire aux jeunes. Quel terme utiliser ? Était-ce un message, un discours ou une conférence ?

R. : C’est une adresse à la jeunesse méditerranéenne, à la jeunesse arabe. La France, qui la connaît bien, doit lui tendre la main. La jeunesse de France, la jeunesse européenne doit bâtir avec la jeunesse du monde méditerranéen et du monde arabe un avenir meilleur. S’adresser à la jeunesse, c’est s’adresser aux forces vives, s’adresser à ceux et à celles qui, demain, auront la responsabilité de ces pays et à qui il faut parler de paix, de prospérité, de culture, tous sujets pour lesquels nous avons un engagement très fort et pour lesquels il y a une aspiration formidable. J’ai écouté, comme vous, cette adresse du Président de la République à la jeunesse égyptienne et, à travers la jeune égyptienne, à la jeunesse du monde arabe. J’ai trouvé très émouvant cet appel : cette jeunesse-là, qui était très enthousiaste, chaleureuse, qui a un haut degré de qualification professionnelle, elle demande à trouver sa place dans la vie et nous voulons l’aider.

Q. : Enfin, Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous dresser le bilan de ces trois jours mémorables de visite officielle du Président Jacques Chirac, en cette dernière journée ?

R. : Oui, en effet, ce sont des jours d’exception. L’accueil reçu par le Président de la République, aussi bien au Liban qu’en Égypte, est un accueil formidable, formidablement positif et je serais tenté de dire que ce voyage est sans doute celui qui était le plus touchant pour le cœur de tous les voyages que j’ai faits aux côtés du Président depuis son élection. Le bilan est positif à tous égards. Bien entendu, nous avons renoué de façon forte et décisive avec le Liban qui est à la recherche de son future et de son espoir. Nous avons créé un nouvel élan dans les relations entre la France et l’Egypte. En même temps, le Président de la République a prononcé deux discours essentiels qui vont laisser une trace forte. Ce discours dont nous venons de parler à l’Université du Caire où il a tracé le cadre de ce que sera la politique arabe et méditerranéenne de la France pour les sept ans à venir et le discours qu’il a prononcé devant le Parlement libanais où il a parlé, je crois, au cœur des Libanais en leur disant « ayez confiance dans votre avenir, nous allons ensemble faire en sorte que cet avenir soit un avenir souriant ». On a, dans la vie diplomatique, beaucoup d’occasions austères dans lesquelles l’on est enfermé dans des salles de conférences ; on a fait son métier, mais un métier inconnu et peu visible pour le grand public. Là, nous étions dans deux moments forts, où la diplomatie prenait un nouveau visage : celui d’un dialogue direct avec le peuple.

 

Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé De Charrette (Le Caire, 8 avril 1996)

Mesdames et Messieurs,

Merci d’abord de me consacrer quelques-unes de vos précieuses minutes dans le souci simplement de vous aider à faire le bilan du voyage du Président de la République au Liban et en Égypte qui était un voyage d’une très grande importance comme vous n’avez pas manqué de le mesurer, sans doute l’un des plus importants des déplacements que le Président de la République ait accompli jusqu’à présent à l’étranger dans ses fonctions. Il poursuivait dans ce déplacement plusieurs objectifs. Il s’agissait d’abord d’affirmer l’intérêt de la France pour cette région du monde et sa volonté très ferme, très déterminée, d’y jouer un rôle très actif. Il s’agissait ensuite de préciser, de faire connaître notre politique vis-à-vis du monde arabe et de l’ensemble méditerranéen. Il s’agissait enfin de contribuer à renforcer notre présence dans le domaine politique dans le domaine économique et dans le domaine culturel.

Sur le plan politique d’abord, comme vous le savez, ce qui se passe dans cette région nous concerne directement parce que la France est une puissance méditerranéenne traditionnellement tournée vers le Proche et la Moyen-Orient. Nous entendons donc non seulement être des témoins mais plus encore des acteurs du processus de paix. Le Président a déjà exprimé cette intention dans de multiples occasions et tout particulièrement lors du sommet de Charm el-Cheikh. À l’occasion de son premier voyage au Proche-Orient, le Président a pu préciser sa pensée en faisant ressortir la nécessité, malgré les tragiques événements récents, non seulement d’appliquer pleinement les accords déjà conclus, mais encore de reprendre les négociations ès que possible sur l’ensemble des volets du processus de paix. Il ne faut pas sacrifier le long terme au court terme des mesures qui seraient dommageables pour la population palestinienne et pour le processus de paix, et qui pourraient remettre en cause ce processus. Par ailleurs, la paix entre Israël et la Syrie ne saurait se faire au détriment du Liban. Bien au contraire la paix va permettre de rétablir l’indépendance et la souveraineté du Liban sur l’intégralité de son territoire.

Sur le plan économique, nous avons tenu à marquer qu’il y avait un très grand intérêt mutuel à développer nos relations ainsi que notre volonté de contribuer activement au développement de la région, dans l’esprit de la conférence de Barcelone. Enfin, sur le plan culturel, nous souhaitons répondre à une demande forte : une présence culturelle française plus active, dans une région où la francophonie est très vivante comme c’est le cas notamment au Liban et en Égypte. Tels étaient nos objectifs.

Je crois que l’on peut considérer que les résultats de ce voyage sont à la mesure des espoirs que nous y avons mis. Ce sont des résultats exceptionnels. D’abord, vous avez pu l’observer vous-mêmes, l’accueil qui a été réservé au Président de la République à Beyrouth comme au Caire fut un accueil tout à fait remarquable. Tous ses interlocuteurs ont exprimé le désir d’une présence européenne et particulièrement une présence française plus forte. Je crois qu’il y a à cette demande très sensible dans les discours publics, comme d’ailleurs dans les entretiens que nous avons pu avoir, deux raisons. D’abord, notre message était fondé sur des principes qui sont compris et appréciés. Ces principes, le Président de la République les a exposés tout à l’heure devant les étudiants de l’université du Caire : partenariat, dialogue entre égaux, respect de l’indépendance des nations, encouragement aux initiatives collectives. Tout cela répond aux préoccupations de nos partenaires. D’autre part, il y a une volonté tout à fait impressionnante de la part de ces pays d’un ancrage plus fort avec l’Europe, ensemble politique, économique et culturel très proche des pays méditerranéens, et qui est déjà en effet le principal partenaire économique, financier, culturel des pays du sud e la Méditerranée. C’est sans doute la raison qui détermine l’intérêt très profond manifesté par nos interlocuteurs à l’égard du processus de Barcelone.

Nous avons par ailleurs constaté une grande convergence des analyses. Non seulement sur les questions régionales mais aussi sur les grands sujets de l’actualité internationale. Cette convergence nourrit l’optimisme qui est le nôtre dans le bilan que nous faisons du déplacement du président de la République au Liban et en Égypte. Avec des pays qui partagent des analyses communes, il est évident que le travail commun s’impose et s’imposera de plus en plus au cours des années qui viennent.

Sur le plan régional, par exemple, nous avons pu observer au cours de ces dernières semaines, au cours de nos entretiens, la volonté d’assurer en commun le suivi des orientations définies à Charm el-Cheikh. Ceci se traduit, comme vous le savez à Washington et s’exprimera très probablement à la session ministérielle qui est prévue dans les prochaines semaines, probablement à la session ministérielle qui est prévue dans les prochaines semaines, probablement à Luxembourg. De même, s’est exprimée la volonté de bâtir le Proche-Orient de l’après-paix en termes à la fois de sécurité, en termes économiques, et de rapprochement culturel. Comme vous le savez, le message du Président de la république concernant la perspective de la réinsertion de l’Irak dans la communauté internationale sous réserve et à la condition que ce pays applique les résolutions des Nations unies, rencontre un écho très largement positif.

Enfin ce voyage, dernier point du bilan, a été l’occasion de renforcer concrètement notre coopération avec nos partenaires, qu’elle soit financière, économique, culturelle. Il y a eu de ce point de vue toute une série d’actes, de gestes, de textes qui témoignent des résultats pratiques, concerts de ces déplacements : qu’il s’agisse de la signature d’un protocole financier avec le Liban, de la création d’une Ecole supérieure des Affaires à Beyrouth, des engagements que nous avons pris pour soutenir et encourager l’action universitaire et le partenariat pour les universités françaises et libanaises et aussi, ici même, de l’inauguration du nouveau centre culturel français, le centre culturel et de coopération du Caire, une réalisation très importante, sans doute l’une des plus belles réalisations de ces dernières années pour le ministère des Affaires étrangères, et qui sera certainement la base d’un rayonnement très intense de la langue et de la culture françaises au Caire et dans la région. Sur le plan économique, la visite des chantiers que nous avons faite ensemble, l’inauguration de l’hôpital de Kasr el-Aïni, témoignent aussi, et ce n’est pas négligeable, croyez-le bien, de la présence des entreprises françaises au Proche et Moyen-Orient et d’une dimension économique tout à fait importante pour les uns et pour les autres.

Voilà quelques éléments d’un bilan que nous pouvons essayer ensemble de tirer de ce déplacement du Président de la République qui a été pleinement conforme aux objectifs que nous nous étions fixés, et qui, je crois, a beaucoup contribué au prestige et au rayonnement de la France dans cette partie du monde tout en ouvrant une nouvelle dimension de la politique de la France envers ses partenaires du Proche et du Moyen-Orient, et ses partenaires de la Méditerranée. Le Président de la République a redit aujourd’hui de façon très forte et très claire à quel point c’était pour lui et pour la France une des priorités majeures de la nouvelle diplomatie française.

Q. : Est-ce que l’on ne pourrait pas parler pour l’Europe d’un co-parrainage du processus de paix, et concrètement qu’est-ce que cela signifie ?

R. : D’abord ce que cela signifie c’est que l’Europe qui contribue déjà beaucoup à tous les engagements économiques à l’égard de la Palestine, à l’égard du développement méditerranéen est prête à poursuivre et amplifier cet effort. Nous considérons qu’un enjeu essentiel que de faire de la Méditerranée et du proche et Moyen-Orient une zone de prospérité. Non seulement c’est bien pour les peuples qui sont en cause amis c’est aussi essentiel pour nous-mêmes, c’est un gage d’équilibre, de paix, de sécurité, de bonne entente alors que cette région a connu au cours de son histoire très longue tant d’affrontements. Nous pensons que c’est un objectif stratégique mais nous ne souhaitons pas non plus être seulement des payeurs. Nous sommes prêts à aller encore plus loin, mais nous pensons aussi que l’Europe doit participer aux discussions, aux grands débats, qu’elle a un rôle de partenaire à part entière pour ces pays qui le ressentent d’ailleurs eux-mêmes ainsi, qui mesurent son importance avec, il faut bien le dire, une sorte de leadership naturel de la France vis-à-vis d’eux, et qui ressentent comme nous-mêmes a nécessité que nous soyons présents dans les grands débats qui intéressent l’avenir du Proche et Moyen-Orient. Je pense que cet objectif est tout à fait clair, et c’est la première fois que le Président de la République en effet le dit avec cette clarté avec cette netteté ; je suis persuadé que cela ne manquera pas d’avoir des conséquences. Sur le « comment », sur le chemin, il faut un peu de patience. Je suis de ce point de vue tout à fait optimiste si je pense à toutes les conversations que depuis de longs mois j’ai pu avoir avec les uns et avec les autres. Je crois que l’on verra au fil des mois à quel point la présence de la France et la présence de l’Union européenne sont non seulement utiles mais nécessaires. Je vais prendre un exemple pratique et particulièrement sensible : le Liban. Le Liban est un pays complexe. Nous avons ressenti, et le Président de la République tout particulièrement, l’inquiétude du peuple libanais sur son avenir. Je crois que nul sans doute ne s’était adressé au peuple libanais comme le Président de la République l’a fait, et je crois qu’il a eu les mots qui touchent parce qu’il parlait de ce qui était le plus important pour le peuple libanais et sa jeunesse. Quels que soient les accords qui pourront être passés demain, les Libanais auront du mal à percevoir si et dans quelle mesure ces accords apportent la pleine réponse qu’ils attendent aux questions qui les concernent directement. Qui mieux que la France peut apporter au peuple libanais et au Liban les garanties, les assurances, et pas simplement des garanties et des assurances militaires, en matière de sécurité, mais plus loin encore cette espèce d’assurance morale pour l‘avenir ? Qui peut le faire, si ce n’est la France ? Voilà pourquoi nous pensons que nous sommes utiles. Nous ne le pensions pas, quoique ce ne soit pas négligeable, simplement parce que c’est l’intérêt de la France et de l’Europe d’être associées, mais aussi parce que nous pensons que c’est l’intérêt des parties. Parce qu’un Liban qui regarderait avec scepticisme et doute les arrangements de paix de demain, ce Liban-là ne serait sans doute pas un Liban aussi sûr que ses partenaires et voisins de demain en auraient besoin ? Et donc il y a un vrai rôle de la France : pas simplement le désir, légitime, et qui est le nôtre de jouer pleinement notre rôle dans cette partie du monde, mais aussi d’apporter une contribution que nous sommes seuls à pouvoir apporter.

Q. : (a/s notion de communauté méditerranéenne)

R. : Votre question est directement liée au processus de Barcelone. Ce processus qui a été mis en œuvre à Barcelone a une importance considérable, et d’ailleurs à mon sens personne n’avait de doutes autour de la table de Barcelone sur l’importance de cette conférence fondatrice d’une nouvelle dimension des relations internationales dans le pourtour méditerranéen. Voilà donc réunis des pays qui ont une histoire extraordinairement ancienne. La Méditerranée est sans doute le berceau de l’histoire des hommes, qui a été marquée par l’esprit de conquête et d’affrontements à de très nombreuses périodes. La conférence de Barcelone oppose pour la première fois une stratégie à long terme qui englobe l’ensemble des partenaires de la Méditerranée et qui a trois volets comme vous le savez ; le volet de paix, d’où la proposition française d’un pacte de stabilité en Méditerranée ; le volet économique dont je parlais tout à l’heure et pour lequel l’Union européenne a mis sur la table pour la première fois à la demande du Président de la République des masses financières considérables pour le prochaines années ; et le volet culturel qui est tout à fait essentiel et dont le Président de la République a reparlé aujourd’hui en rappelant que c’est bien que les diplomates travaillent ensemble, c’est très bien que les chefs d’entreprises fassent de bonnes affaires ensemble mais il est aussi non moins essentiel que naissent entre les peuples, entre les jeunesses, entre les universités des rapport très étroits qui permettront à la nouvelle génération de mieux se connaître, de se découvrir, de se parler e de se comprendre. C’est une véritable stratégie et vous me dites « est-ce que cela va marcher ? ». Bien sûr que cela va marcher, je n’ai aucune espèce de doute. Le Président de la République a fait aujourd’hui une proposition forte, à savoir que la deuxième conférence se tienne en 1997 au niveau des chefs d’État et de gouvernement. Vous vous doutez bien que, quelle que soit l’importance des ministres des Affaires étrangères, que je ne sous-estime pas, naturellement, l’autorité, l’engagement des chefs d’État et de gouvernement autour de cette stratégie sera un acte très important et permettra que les travaux préparatoires, que nous conduisons déjà et qui devront être intensifiés, puissent prendre tout leur développement et recevoir leur consécration par l’autorité des chefs d’Etat et de gouvernement.

Q. : Monsieur le Ministre, quels sont les engagements que le Président a donné aux Libanais par rapport à l’attitude d’Israël ?

R. : Le Président de la République a été assez clair. Le Président a rappelé aujourd’hui la nécessité que le processus de paix reprenne, que ce qui a déjà été décidé soit mis en œuvre, et que les étapes nouvelles prévues s’ouvrent, se déroulent et réunissent. Comme vous le savez, le Président a proposé que la France, dans le cadre d’une force multinationale indéterminée, apporte sa contribution à la garantie des frontières, aux garanties de sécurité qu’un tel arrangement de paix pourrait exiger.

Q. : Monsieur le Ministre, ne pensez-vous pas que les populations du sud de la Méditerranée peuvent être un petit peu déçues quand elles entendent parler de coopération culturelle pour rapprocher les peuplés alors que parallèlement il y a une politique des visas qui est de plus en plus restrictive au fil des années ?

R. : La politique française en matière de visas est une politique globale, elle ne concerne pas tel ou tel pays et encore moins telle partie du monde. Si elle devait concerner une partie du monde, ce ne serait pas vous en doutez bien les pays de la Méditerranée avec lesquels nous avons des liens étroits. Cette politique des visas, nous ne sommes pas les seuls à l’avoir. D’abord, elle est pour l’essentiel organisée dans le cadre des accords de Schengen ; ensuite, elle est partagée par d’autres pays du monde y compris par exemple par les États-Unis ; enfin, nous faisons notre possible pour qu’il n’y ait pas de difficultés particulières pour l’obtention de visas. Il faut être conscient que nous délivrons plusieurs centaines de milliers de visas par an. Autrement dit, c’est vrai qu’il faut un visa pour la plupart des étrangers pour rentrer en France comme, je le répète, c’est le cas dans beaucoup d’autres pays du monde qui agissent de la même façon. Comme toute procédure administrative je veux bien convenir avec vous que de temps en temps il y a des loupés. Mais nous essayons de les régler chaque fois le mieux possible. Quand il y a des erreurs ponctuelles nous essayons de les régler, c’est le rôle de nos consulats. Quand il y a des problèmes d’ensemble que nous pouvons résoudre, nous essayons de les résoudre et soyez assurés de notre pleine disponibilité. Mais on ne peut pas dire que la France est un pays fermé. La France est un pays ouvert qui reçoit des millions de visiteurs étrangers. Je suis pour ma partout à fait disposé à tenter de résoudre certaines doléances, en particulier vis-à-vis des pays du Proche-Orient avec lesquels nous avons tant de raisons politiques, économiques bien entendu, et culturelles, de faire en sorte que les échanges soient facilités.

Q. : Monsieur le Ministre, quand vous parlez d’un rôle politique de l’Europe dans la région, vous adressez-vous en premier lieu aux Américains ? Et dans l’hypothèse d’un accord entre la Syrie, les États-Unis et Israël, qui ne serait pas forcément dans l’intérêt des Libanais, comment l’Europe et la France réagiraient-elles ?

R. : Ecoutez Monsieur, moi je ne peux pas faire de plans sur la comète. Je comprends que vous examiniez toutes les hypothèses mais je ne peux pas faire devant vous l’inventaire de ce que je ferais dans toutes les circonstances possibles et imaginables. D’abord je suis optimiste car je crois que la discussion de paix va reprendre. S’il y a un arrangement de paix entre la Syrie et Israël, quelle sera notre réaction ? Elle sera très heureuse car ce sera un progrès dans la région. Mais je n’imagine pas qu’un tel arrangement de paix pourrait être fait contre les intérêts du Liban. C’est une hypothèse que je n’imagine même pas.

Q. : Monsieur le Ministre, envisage-t-on une visite du Président Chirac en Syrie ?

R. : Le Président de la République achève aujourd’hui son premier voyage au Proche et au Moyen-Orient. La réponse à votre question c’est que comme c’est le premier, cela signifie qu’il y en aura d’autres. Vous verrez beaucoup le Président dans cette région du monde.

Q. : Le Président a évoqué la réinsertion de l’Irak dans la communauté internationale après avoir appliqué les résolutions de l’ONU. N’est-ce pas une utopie ?

R. : Le retour de l’Irak dans la communauté internationale correspond à l’intérêt de tous dès lors que l’Irak aurait appliqué l’intégralité des résolutions du Conseil de sécurité. C’est donc désormais à l’Irak aurait appliqué l’intégralité des résolutions du Conseil de sécurité. C’est donc désormais à l’Irak qu’appartient cette décision. Mais dès lors que l’intégralité de la résolution serait appliquée, il appartiendrait à la communauté internationale d’accepter un tel retour. Je vous rappelle que se déroulent actuellement des discussions sur l’application de la résolution 986. Comme vous le savez la France a été à l’origine de ces discussions puisque la France a insisté de part et d’autre en disant que le blocage à la mise en œuvre de cette résolution n’était pas infranchissable, mais très dommageable pour les populations irakiennes qui souffrent durement de cette situation. Nous avons fait pression en effet pour que ces discussions reprennent, et elles ont repris. J’espère qu’elles vont se dérouler dans les meilleures conditions possibles et que prochainement on en verra la conclusion.

Q. : Monsieur le Ministre, prévoyez-vous uniquement le partenariat européen et arabe dans le cadre de Barcelone ? Le partenariat avec les pays du Golfe n’entre par exemple pas dans ce cadre ?

R. : La coopération en l’Union européenne et le Proche et Moyen-Orient est une coopération très diverse. Vous avez parlé de la conférence de Barcelone. Vous auriez pu parler des nombreux accords d’association qui existent. Ceux qui sont en cours de renouvellement, c’est le cas de l’Égypte et ceux qui sont en cours de négociation. Vous pourriez bien entendu aussi parler de l’accord qui existe entre l’Union européenne e la conférence des États du Golfe. Il y a en effet toute une série d’éléments qui contribuent à organiser les relations entre l’Union européenne et les pays de la Méditerranée, du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Je ne vois pas dans tout cela d’antagonisme, je vois une large palette, un large éventail de dispositions existantes ou en cours de mise en œuvre, qui peuvent permettre de développer ces relations.

Q. : Le conflit entre le Yémen et l’Érythrée est arrivé à une sorte d’impasse. Quelle est votre position ?

R. : La situation n’est pas du tout une impasse. La France s’est engagée dans cette mission que lui avait demandée le Secrétaire général des nations unies. Nous n’avions pas de raison particulière d’intervenir mais nous l’avons fait volontiers pour rendre service à deux pays qui en avaient exprimé clairement le désir, le Yémen et l’Erythrée. J’ai désigné M. Gutmann pour remplir cette mission ; il l’a accomplie. Nous avons fait connaître aux deux pays concernés les conclusions de ce travail. Nous avons bien entendu associé un certain nombre de pays à nos travaux, à nos discussions, à nos contacts, et tout particulièrement l’Égypte en raison de sa position particulière et de son influence régionale. J’en ai parlé d’ailleurs hier de façon très approfondie avec mon collègue et ami Amr Moussa et à l’heure actuelle la situation est la suivante : le Yémen et l’Erythrée ont nos propositions en main. Ils ont demandé l’un et l’autre certains éclaircissements. Nous y apportons réponse et nous attendons la leur.