Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, en réponse à des questions sur la politique à l'égard de l'Irak et le contrôle du désarmement, à l'Assemblée nationale le 22 décembre 1998.

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Texte intégral

Réponse du ministre des Affaires étrangères à une question de M. Georges Hage, député du Nord.

Irak (nouvelle politique sous l’égide du Conseil de sécurité)
Question : L’agression anglo-américaine contre l’Irak – cependant que siégeait l’instance suprême de vigilance qu’est le Conseil de sécurité – a constitué une violation caractérisée du droit international et de résolutions de l’ONU que les USA soumettent autoritairement à leur propre exégèse. On ne peut pas condamner ces actes de barbarie dont, quoi qu’on dise, les populations civiles sont les victimes désignées. Affirmer que rien ne peut amoindrir la responsabilité des USA, exciperait-il du comportement de Saddam Hussein ? La tragédie est d’autant plus cruelle que des considérations relatives à la politique intérieure américaine ont été ostensiblement avancées dans ce pays où sévit le maccarthisme sexuel et où l’on ignore, pour ne l’avoir point ratifiée, la convention internationale sur les droits de l’enfant, ce qui voue les adolescents à la chaise électrique.
La responsabilité du comparse britannique est non moins écrasante. Quid de la politique européenne de sécurité ? A quel prix Tony Blair a-t-il monnayé sa participation pour que les USA n’apparaissent pas totalement isolés ? Qui pourrait croire que le prix du pétrole est étranger à cette affaire ?
Dois-je préciser que les députés communistes auraient souhaité de la part de nos autorités les plus éminentes plus de fermeté – je confirme ce propos après vous avoir entendu -, puisque la France se veut mère des arts, des lettres et du droit, ce qu’elle n’a point manqué de rappeler en ce cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme ?
Les résolutions de l’ONU et du Conseil de sécurité ne sauraient servir d’instruments à la politique hégémonique des USA. Aujourd’hui l’ONU, demain l’OTAN ? Dans les relations internationales, le recours à la force doit être à jamais banni, et sans tarder, avant que le développement des armes de destruction massive ne rende possible l’irréparable en n’importe quel lieu de la planète par le maléfice de n’importe quelles puissances.
Monsieur le ministre, quelles initiatives compte prendre la France pour faire lever l’embargo, instaurer de nouvelles relations avec l’Irak et prévenir toute agression ?

Réponse : Vous avez demandé quelles initiatives la France comptait prendre mais vous avez déjà entendu le Premier ministre en parler il y a quelques minutes. Vous savez donc que tout est organisé autour de la volonté de restaurer l’autorité du Conseil de sécurité. Dans ce cas précis, les mots prennent tout leur sens puisque ce dernier est trop souvent bafoué ou contourné.
C’est pourquoi toutes les propositions mises en avant par la France pour préparer la sortie de la crise, en attendant la solution de la tragédie, ont pour centre les décisions du Conseil de sécurité. Celui-ci doit prendre ses responsabilités et prévoir un système de contrôle lité à une action à long terme, comme l’a précisé le Premier ministre.
Il s’agit d’instaurer des conditions qui permettront d’envisager la question de l’embargo sur une base différente, puisque l’on aura alors réglé la question de la sécurité régionale. C’est en agissant au sein de cet organisme que nous reprendrons l’initiative, ce qui est cohérent avec l’attitude constante de la France en la matière ; elle a toujours veillé à la stricte application des résolutions, mais en voulant toujours éviter qu’elles ne servent de prétexte. Nous nous situons donc dans la continuité d’initiatives que nous avons prises avant ce moment difficile.

Réponse du ministre des Affaires étrangères à une question de M. François Loncle, député de l’Eure.

Contrôle du désarmement de l’Irak (nouvelle politique)

Question : Je me permets de revenir, après les deux questions de MM. Georges Sarre et Georges Hage – mais peut-être en termes moins fleuris que ceux de mon collègue communiste – sur les frappes aériennes réalisées conjointement par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Je veux dire la condamnation de cet acte par l’ensemble du groupe socialiste et ses préoccupations quant au règlement de cette grave crise internationale. La décision américaine, illégitime au regard du droit international, s’est, de surcroît, révélée inefficace. Aujourd’hui, ce sont les Nations unies, son secrétaire général, le Conseil de sécurité qui sortent affaiblis de cet acte unilatéral. Et peut-être la position du dictateur irakien Saddam Hussein s’en trouve-t-elle, paradoxalement, confortée.
Les États-Unis ont-ils voulu, délibérément, affaiblir, avec la complicité de M. Richard Butler, la crédibilité de l’ONU ? La France, le président de la République et le gouvernement ont-ils, avec des partenaires partageant notre point de vue, les moyens de réparer en quelque sorte les dégâts et de contribuer utilement à la nécessaire sortie de crise ? M. le Premier ministre vient de tracer la voie. En dépit de l’attitude britannique, très négative pour l’Union européenne, les Quinze peuvent-ils, avec la communauté internationale, éviter que ne se reproduise une action unilatérale, fruit de l’hégémonie américaine, préjudiciable aux relations internationales qui devraient présider à la marche du monde ?

Réponse : Vous avez exprimé avec conviction les sentiments du groupe socialiste. Soyez sûr, tout d’abord, que le Premier ministre et le gouvernement y sont très sensibles. Vous avez d’autre part, parlé de contribuer utilement à la solution de ce problème et à la sortie de la crise. Tout est là. Comment y contribuer utilement ? Eh bien, précisément, en permettant au Conseil de sécurité, par le biais de notre action, de retrouver son rôle, – ce qui n’aurait jamais dû cesser d’être le sien –, et en faisant le lieu où se décidera un système qui, pour l’avenir, sera satisfaisant sur tous les plans.
Le premier objectif à atteindre, c’est de faire en sorte que l’Irak – puisque tout est né de la guerre du Golfe, il faut revenir à la chronologie des évènements – ne puisse pas redevenir un danger pour ses voisins et pour la région. C’est la raison pour laquelle, étant donné que tous les pays de la région le demandent instamment à tous les membres du Conseil de sécurité – sur ce point particulier, il n’y a pas de désaccord en son sein pour ce qui est de la vision à long terme – nous proposons un système dit de contrôle continu, de “monitoring”, portant sur différents aspects, et militaires et financiers, afin de pouvoir traiter le problème préalable. La bonne réponse à cette question permettra de voir la levée de l’embargo sous un jour nouveau.
Voilà ce qui s’appelle travailler utilement. C’est ce que fait en ce moment la France en liaison avec ses partenaires du Conseil de sécurité afin de rétablir une position commune, en liaison avec ses partenaires européens. Nous serons toujours inlassablement à la tâche, même si des crises viennent entraver notre démarche de fond. Nous ne nous décourageons jamais en ce qui concerne l’expression européenne. Il nous faut donc surmonter le problème actuel et garder notre objectif.