Interviews de M. Dominique Strauss-Kahn, membre du conseil national du PS, dans "Les Echos" du 14 mai 1997, à TF1 le 15, France 3 le 18, et extraits d'une interview à RTL le 19 mai 1997, sur les relations avec l'Allemagne, les critères de convergence pour la monnaie unique, le programme du PS, pour les élections législatives et les relations PCF PS.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections législatives des 25 mai 1997 et 1er juin 1997

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Texte intégral

Date : 14 mai 1997
Source : Les Échos

Les Échos : Si on regarde ce qui se passe chez nos voisins, on remarque que les partis socialistes sont beaucoup plus européens que vous ne l’êtes aujourd’hui. Pourquoi œ décalage ?

Dominique Strauss-Kahn : D’abord, si on regarde ce qui se passe autour de nous, on constate que les neuf dernières élections qui se sont passées en Europe ont vu huit victoires de la gauche. La seule exception, c’est l’Espagne. La conséquence est qu’aujourd’hui, dix pays sur quinze sont à gauche, quatre à droite, sans compter la France dont on attend les élections. Si la France vote à gauche, il y aura donc, pour la première fois depuis 1958, une véritable homogénéité politique pour faire de l’Europe quelque chose d’autre que ce qui, actuellement, effraie beaucoup de Français et d’Européens, qui ne voient dans la construction européenne qu’une grande machine à les broyer.

Les Échos : Mais, la ligne prise par le Parti socialiste français aujourd’hui est sensiblement en décalage par rapport à ce que présenteraient les autres, notamment le SPD allemand…

Dominique Strauss-Kahn : C’est inexact, le SPD a fait campagne dans le Bade-Wurtemberg contre la monnaie unique ! La réalité est que le Parti socialiste européen, qui regroupe tous les partis socialistes en Europe, a pris une position que nous suivons tous, chacun dans l’expression adaptée à sa situation politique interne. Le PS dit la chose suivante : nous voulons la construction européenne, elle passe aujourd’hui par la monnaie unique. Nous la voulons aux dates prévues, mais nous voulons qu’elle serve à quelque chose, c’est-à-dire, qu’elle favorise la croissance et l’emploi. C’est le sens des conditions que nous posons.

Les Échos : Dire que six pays sont socialistes, c’est oublier que l’Allemagne ne l’est pas. Que faites-vous du couple franco-allemand sir la gauche gagne ?

Dominique Strauss-Kahn : La plupart du temps, il n’y a pas eu coïncidence dans la couleur du pouvoir politique en France et en Allemagne. Regardez les rapports entre Giscard et Schmidt, ensuite entre Mitterrand et Kohl. Rien de neuf de ce côté-là. Ce qui peut changer, c’est que dans toutes les périodes que je viens d’évoquer, quand la gauche était au pouvoir, dans un pays ou dans l’autre, elle était entourée par une majorité de pays de droite.

Les Échos : Est-ce qu’en mettant un peu de souplesse dans l’interprétation des critères vous ne courez pas le risque de laisser passer une échéance historique ?

Dominique Strauss-Kahn : Nous ne mettons pas de souplesse. Nous appliquons le traité. Le dogme des 3 % (de déficit public en pourcentage du PIB : ndlr) en France est devenu un peu ridicule. Le traité ne parle pas d’un seuil de 3 %, mais d’une évolution vers une valeur de référence elle-même appréciée à 3 % dans une annexe. C’est ce qu’on appelle la fameuse interprétation en tendance.

Les Échos : Ce 3 % a été inscrit à la demande de François Mitterrand…

Dominique Strauss-Kahn : Absolument. À l’époque, le déficit était de l’ordre de 1,5 %. L’idée à l’origine de ces critères était de dire que cela permettrait au plus grande nombre possible de pays de nous rejoindre. Lorsque nous disons qu’il faut que les Italiens soient avec nous dans l’euro, nous sommes fidèles à ce qui a présidé à l’existence de ces critères. N’oublions jamais que ce qui est important pour passer à la monnaie unique, c’est la convergence des économies (et donc, des déficits budgétaires), pas le fait que cette convergence se fasse en dessous de 3 %.

Les Échos : Vous arrivez au pouvoir, vous dites : « nous ne sommes plus tenus à l’objectif des 3 % d’ici à la fin de l’année ». Donc, vous êtes prêt à renoncer à un certain nombre de mesures de rigueur pour atteindre l’objectif.

Dominique Strauss-Kahn : Non, nous arrivons au pouvoir et nous disons : « la maîtrise des déficits budgétaires reste un objectif important parmi d’autres pour la politique économique française » ...

Les Échos : La réduction « à terme » …

Dominique Strauss-Kahn : Le déficit budgétaire a atteint 323 milliards de francs, record de France sous MM. Sarkozy et Balladur. Nous n’avons jamais dit qu’il fallait l’augmenter. Mais c’est un problème interne à l’économie française. Nous disons que le problème du passage à la monnaie unique relève principalement d’une discussion politique, notamment avec les Allemands, qui, eux-mêmes, de toute façon, ne seront pas à 3 %. Cela ne sera pas pesé au trébuchet d’un 3,02 % par rapport à un 2,98 %, comme certains semblent vouloir le croire. Attendre serait prendre le risque de reporter la monnaie unique sine die.

Les Échos : Alors, reprenons. Vous gagnez, vous allez voir les Allemands, vous leur expliquez ça, ils vous disent : « il n’en est pas question ; certes il y a une lecture politique, mais nous, nous restons fixés sur l’objectif de 3 %... »

Dominique Strauss-Kahn : Vous faites une hypothèse que je ne retiens pas. J’ai entendu Helmut Kohl dire le contraire et rappeler l’exemple de la décision prise sur la parité entre le mark de l’Ouest et le mark de l’Est, une décision imposée par les politiques contre la Bundesbank.

Les Échos : Pour reprendre votre raisonnement, vous dites qu’il faut rester en convergence, c’est-à-dire que votre objectif n’est pas d’augmenter, ne serait-ce que d’un franc, les dépenses publiques aujourd’hui ?

Dominique Strauss-Kahn : C’est exact.

Les Échos : Les diminuer ?

Dominique Strauss-Kahn : Je n’ai pas, loin de là, le dogme de la diminution de la dépense publique comme certains. Je pense qu’aujourd’hui le problème français n’est pas de diminuer à tout prix, comme le voudrait la majorité, la dépense publique. Pour autant, compte tenu de la pression fiscale actuelle et du niveau du déficit, il ne faut pas non plus l’augmenter.

Les Échos : Cela veut dire, pour le budget de l’État, une stabilisation des dépenses. C’est ce que dit Alain Juppé.

Dominique Strauss-Kahn : Non, les dépenses publiques ne doivent pas être appréciées en milliards, mais être appréciées en pourcentage du PIB, C’est ça le vrai critère.

Les Échos : Cela veut dire que la croissance est effectivement là en 1997, alors vous pourrez lâcher un peu les dépenses.

Dominique Strauss-Kahn : Non, vous avez un vocabulaire moralisateur. Il ne s’agit pas de « lâcher les dépenses ». Il s’agit d’avoir des dépenses publiques qui accompagnent correctement l’évolution de l’économie. Le pourcentage des dépensés publiques de l’État et des collectivités territoriales dans l’économie n’a aucune raison d’augmenter en France. Mais, il n’y a aucune raison de vouloir les baisser à tout prix.

Les Échos : Vous dites qu’il faut ne pas augmenter les dépenses publiques. En même temps, on voit dans le programme un certain nombre d’engagements, sur l’éducation, sur le recrutement ou le transfert de 80 000 policiers, qui suscitent des dépenses nouvelles fortes. Où pouvez-vous trouver des économies ?

Dominique Strauss-Kahn : Dans ce que vous avez dit, tout n’est pas de même nature. Sur les policiers, par exemple, il s’agit bien de transfert et de redéploiement, pas de création.

Maintenant, il y a des efforts à faire en matière d’éducation, de recherche. Ils seront inévitablement à l’origine de dépenses. Mais elles se feront à l’intérieur du budget de l’État.

Les Échos : Cela veut-il dire augmentation du nombre de fonctionnaires au total, ou pas ?

Dominique Strauss-Kahn : C’est difficile de raisonner de façon aussi comptable. Le problème n’est pas de savoir si l’on veut ou pas d’une augmentation du nombre de fonctionnaires. Le problème est de savoir comment chaque franc dépensé par la puissance publique est rendu le plus efficace, quels sont les services rendus en échange à la collectivité, aux individus comme aux entreprises.

Les Échos : Vous financez la création de 350 000 emplois pour les jeunes dans le secteur public par la suppression du contrat initiative-emploi. Est-ce que vous l’allez pas pénaliser les chômeurs de longue durée ?

Dominique Strauss-Kahn : Le chômage de longue durée est aujourd’hui celui qui augmente le plus. D’ailleurs, le ministère du travail a récemment indiqué que le CIE – qui devrait justement le combattre – ne correspondait à la création de nouveaux emplois que dans 20 % des cas. Cela conduit à un coût très élevé par emploi net créé. Il est donc légitime de remplacer ce dispositif. Mais, il n’est pas question de ne pas se préoccuper des chômeurs de longue durée.

Les Échos : Quelles aides à l’emploi souhaitez-vous remettre en cause ?

Dominique Strauss-Kahn : Le problème que posent la plupart des aides à l’emploi, c’est qu’elles provoquent des « effets d’aubaine ». Il faut donc choisir les aides les plus efficaces possibles. Le CIE a coûté près de 20 milliards par an alors que nous proposons 350 000 emplois pour les jeunes pour 35 milliards.

Les Échos : Venons-en à la fiscalité. Vous avez annoncé votre intention de taxer plus l’épargne et de baisser la TVA. Sur quels produits ?

Dominique Strauss-Kahn : Nous sommes condamnés à la prudence. La situation budgétaire qui dérape rapidement nous contraindra à faire un audit des finances publiques. Aujourd’hui, il faut se limiter à donner des orientations sur les prélèvements obligatoires. Ainsi, le rythme de baisse de la TVA dépendra de la situation. Il s’agira de diminuer le taux de TVA qui est aujourd’hui à 5,5 %.

Les Échos : Quelle est votre intention sur l’impôt sur la fortune ?

Dominique Strauss-Kahn : Notre programme énonce clairement le souhait de procéder à une revalorisation des taux de l’ISF.

Les Échos : Un alourdissement de la fiscalité d’épargne ne risque-t-il pas d’entraîner des délocalisations d’épargne ?

Dominique Strauss-Kahn : Le risque de la délocalisation de l’épargne se situe dans la perte de recettes fiscales. Il y a un point d’équilibre à trouver.

Les Échos : S’agissant des 35 heures, vous souhaitez financer cette mesure par des gains de productivité. Où sont alors les créations d’emplois ?

Dominique Strauss-Kahn : Nous n’avons pas dit cela. Dans une économie où il y a des gains de productivité importantes, il n’y a pas d’autres moyens de les absorber que la croissance et la réduction du temps de travail. Quand la croissance est trop faible, il faut réduire le temps de travail. Dans notre pays, le temps de travail hebdomadaire (je parle de la durée effective) est bloqué à 39 heures depuis quinze ans.

Les Échos : Mais la totalité des économistes considèrent que le passage de 40 à 39 heures a été très dommageable pour l’économie. Comment limiter ces dommages en passant de 39 heures à 35 en deux ans ?

Dominique Strauss-Kahn : Dommageable ? Non. Insuffisamment efficace : certainement. Car, les mêmes économistes disent que le mouvement n’a pas été suffisamment important. Le fait qu’un certain nombre de pays aient une durée effective de travail supérieure à la nôtre montre, disent certains, qu’il n’y a pas de lien entre la durée du travail et l’emploi : c’est évidemment faux, dans la mesure où c’est l’évolution de la dure du travail qui peut absorber les gains de productivité. C’est la variation qui compte, pas le niveau de cette variable. Nous devons absolument remettre en marché cette mécanique.

Les Échos : Comment escomptez-vous, avec la réduction du temps de travail et la réintroduction de l’autorisation administrative de licenciements, inciter les chefs d’entreprise à embaucher ?

Dominique Strauss-Kahn : Beaucoup de chefs d’entreprise que je rencontre préfèrent la solution de l’autorisation administrative de licenciement à la pratique actuelle d’une autorisation sous contrôle du juge.

Les Échos : Est-ce que cette autorisation ne va pas pousser les chefs d’entreprise à recourir encore plus, par exemple, aux contrats durée déterminée ?

Dominique Strauss-Kahn : C’est difficilement concevable : 80 % des embauches se font d’ores et déjà par CDD. La fameuse flexibilité réclamée par les libéraux n’a jamais été aussi grande en matière d’embauches, sans que les résultats soient vraiment probants. Il faut, sans doute, plus de souplesse dans notre économie, mais ce n’est pas du côté du contrat de travail qu’il faut la chercher.


Date : Jeudi 15 mai 1997
Source : TF1/Édition du soir

TF1 : On parlait de la fracture sociale tout à l’heure et puis de l’initiative de tous ces exclus qui disent qu’au fond on ne parle pas beaucoup d’eux tout au long de cette campagne. Vous n’avez pas l’impression que les hommes politiques restent un peu trop dans des stratosphères qui ne correspondent pas à ce que sont les préoccupations des gens ?

D. Strauss-Kahn : Oui c’est sans doute un peu vrai mais cela vient notamment de ce que la droite passe son temps à attaquer notre programme et pas à présenter le sien. À tel point qu’on se demande, finalement, si elle a un programme. On se demande si l’ultralibéralisme de Madelin, si c’est le plus d’État de Séguin, si la disparition du Smic de R. Monory. Bref, on ne sait pas bien dans ce cafouillage ce qu’est le programme et du coup, je comprends qu’un certain nombre de Français se disent : nos problèmes quotidiens, quand est-ce qu’on les traite ? Et comme dans le même temps, elle ne veut pas traiter son bilan – vous avez entendu comme moi, le Premier ministre dire qu’il ne fallait qu’il parle du bilan – on comprend. Néanmoins, il aurait pu assumer ce qu’il a fait. La droite se limite à se concentrer sur notre programme. Je ne m’en plains pas, nous l’avons diffusé à dix millions d’exemplaires. Je ne connais pas de Français qui aient eu entre les mains le programme de la droite, et je crois que le débat se concentre sur nos propositions, ce dont il ne faut pas se plaindre mais qui ne permet pas évidement de comparer ce que la droite va faire si elle gagne les élections, ce que M. Juppé va faire s’il reste au pouvoir avec ce que nous nous proposons.

TF1 : Je vous rassure tout de suite, L. Jospin se plaignait justement de ne pas avoir le programme de la droite et avait un avis de recherche. Aujourd’hui, un député, J.-F. Copé, est allé au siège du PS le déposer.

D. Strauss-Kahn : Le problème, ce n’est pas de l’amener à L. Jospin, c’est que tous les Français l’aient ·entre les mains. Tant que tous les Français, presque tous, n’ont pas entre les mains un document qui dit : voilà ce que nous voulons faire, voilà où nous nous engageons, il n’y a pas de réelle démocratie. Ce n’est pas parce que M. Copé va nous porter un document de cinq pages qui sera un catalogue que cela changera quelque chose. Ce sont les Français qui doivent l’avoir. Nous avons fait cet effort et je crois que c’est bon pour la démocratie. Là-dedans, il y a nos principales propositions sur le chômage, comme sur l’exclusion.

TF1 : Est-ce que c’est parce que vous allez dire : On va réduire le chômage, que vous allez réussir ?

D. Strauss-Kahn : Vous savez qu’il ne suffit pas de le dire. Il faut que cela corresponde aux besoins du moment Quels sont les besoins aujourd’hui en matière de chômage ? D’abord, le pouvoir d’achat. On voit bien que la machine économique est en train de s’éteindre doucement, que les entreprises n’ont pas de commandes, qu’il faut du pouvoir d’achat. Il faut stimuler les initiatives, la création de richesses mais il faut qu’il y ait du pouvoir d’achat pour qu’il y ait de la demande. Il n’y a pas un chef d’entreprise qui embauche lorsqu’il n’a pas de la demande. D0nc, il faut du pouvoir d’achat. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi de la réduction du temps de travail. C’est pour cela que nous avons, et les Français le savent, une proposition forte dans cette direction. J’entends la majorité critiquer cette proposition. Je trouve cela quand même un peu bizarre parce que, votre père travaillait plus que vous et gagnait moins, mon père, notre père à tous travaillaient plus et gagnaient moins, pourquoi ? Parce qu’il y a la machine qui est passé par là et le progrès technique. On voit bien que lorsqu’il y a des machines et du progrès technique, il faut qu’on travaille moins parce que la richesse est plus créée par la machine, sinon il y a plus de gens au chômage. C’est malheureusement ce qu’on constate. En refusant la réduction du temps de travail, la droite, aujourd’hui, doit assumer une partie du chômage que nous avons dans notre pays.

TF1 : Entre temps, la longévité est devenue très importante, surtout pour les femmes mais aussi pour les hommes, la retraite diminue. On va se retrouver face à des inactifs qui vont finalement peser sur la Sécurité sociale.

D. Strauss-Kahn : C’est vrai, à cause de l’allongement de la durée de la vie qui est quand même plutôt une bonne chose, reconnaissez-le.

TF1 : Je crois que tout le monde est d’accord.

D. Strauss-Kahn : Il y a plus de retraités et il faut donc que les actifs soient d’autant plus productifs. Mais encore une fois, grâce aux progrès techniques, ils le sont. À condition qu’on n’ait pas trois ou quatre millions de chômeurs qui restent sur le bord de la route. Il faut qu’ils soient actifs plutôt que de ne rien faire. C’est pour cela que notre proposition, c’est l’emploi, l’emploi, l’emploi. Et, s’il n’y a qu’une seule priorité dans le programme que L. Jospin présenté aux Français, c’est bien l’emploi. Alors l’emploi pour tous et particulièrement pour les jeunes parce que vous l’avez noté, il nous apparait qu’il y a une sorte d’injustice terrible, aujourd’hui, à ce qu’il y ait 70 000 jeunes qui sont en dehors de tous les systèmes, qui galèrent – comme on dit dans les banlieues – qui ne savent même pas ce que c’est que le travail. Leur père ne travaille pas, leur mère ne travaille pas, leur frère est au chômage, eux, ils sont dans la rue.

TF1 : Ils perdent des repères.

D. Strauss-Kahn : Exactement. C’est la société française, elle-même, qui est en train de se diluer et qui risque d’éclater au bout du compte si on ne leur fait pas faire quelque chose. Ils entrent dans l’âge adulte sans savoir ce que c’est que le travail. Nous, adultes, nous avons, je crois, une responsabilité qui est de leur donner du travail. C’est pour cela que nous disons qu’il faut pour moitié du côté du secteur public, pour moitié du côté du privé, faire en sorte que la société française prenne en charge ces jeunes. Et c’est pour moi, vraiment un impératif absolu. Je crois que ce sera difficile – il ne faudra pas se raconter d’histoires – mais que l’argent qui est aujourd’hui utilisé dans le budget pour des aides à l’emploi, dont chacun s’accorde à reconnaitre qu’ils ne sont pas très efficaces. A. Juppé le disait lui-même il y a quelques jours. Au moins, on aura un travail qui leur sera offert. J’ai sur moi la liste des premières dizaines de maires socialistes – j’espère qu’il y en aura d’autres demain, de droite aussi : J.-M. Ayrault à Nantes, M. Delebarre à Dunkerque, E. Hervé à Rennes, C. Trautmann à Strasbourg, pleins d’autres encore qui disent : nous allons le faire, nous allons prendre ces jeunes. C’est au bout de la main. Si dans quelques semaines la gauche gagne les élections, c’est par dizaines de milliers que ces jeunes, dans les collectivités territoriales et dans l’État, dans les entreprises aussi, mais c’est un peu plus dur, c’est vrai commenceront à retrouver du travail.

TF1 : Vous n’avez pas l’impression que les gens ne sont pas du tout mobilisés en ce moment et qu’ils voient passer cette campagne électorale comme une sorte de zombie ?

D. Strauss-Kahn : Honnêtement, on ne l’a pas voulue à cette date-là. Le Président de la République a décidé de dissoudre. Bon très bien ! Il a considéré que c’était meilleur pour son camp. Chacun y a vu un petit coup tactique. Donc, les gens sont un peu surpris. Il y a des ponts, la campagne est très courte et donc, on n’a pas vraiment le temps de discuter. C’est pour cela qu’il est important de diffuser ce message. Mais moi, je veux dire aux Français : le changement, vous le voulez, ne doutez pas, il est là. Il est là à portée de la main. Vous qui hésitez, imaginez quelle sera votre joie, votre espoir, le soir des résultats, quand vous vous direz : finalement avec moi, la gauche a gagné. Parce que la gauche peut gagner. C’est cela qui est en jeu dans les dix jours qui viennent.


Date : Dimanche 18 mai 1997
Source : France 3/Édition du dimanche

L. Bignolas : Ce sont donc aujourd’hui les dernières journées, les dernières longueurs, derniers meetings. Toutes les voix seront bonnes à prendre au deuxième tour ?

D. Strauss-Kahn : Toutes les voix qui ont envie de suivre le programme qui est le nôtre et qui se reconnaissent dans les valeurs des socialistes devront se porter dans les urnes. Le problème, vous l’avez vu, c’est le risque de l’abstention. Alors, la Polynésie n’est pas obligatoirement à l’image de ce qui se passera en métropole. Il reste qu’il y a aujourd’hui beaucoup d’indécis et si ceux qui se sentent à gauche, qui ont envie que la majorité change, qui ont envie que le Gouvernement suivant ne soit pas le Gouvernement de M. Juppé, qui ont envie que l’on cesse d’aller dans le mur, que l’on relance l’économie ; bref, ceux qui ont envie que les choses bougent ont besoin de venir tous voter et c’est ça qui est l’enjeu.

L. Bignolas : Ceux qui ont envie que les choses bougent : y compris ceux du Front national qui auraient une préférence pour la gauche ?

D. Strauss-Kahn : Écoutez, il faut arrêter cette plaisanterie. J.-M. Le Pen, une fois de plus, a essayé de brouiller les cartes en lançant des appels qui n’ont aucun sens. Tout le monde sait bien la réalité. La réalité c’est qu’il y a des gens du Front national qui passent au RPR, il n’y en a jamais qui sont passés au Parti socialiste. Les deux-tiers des électeurs du Front national au deuxième tour votent pour la droite, il y en a très peu qui votent pour la gauche. Donc, soyons clairs, s’il y a une porosité, s’il y a une proximité d’idées, c’est bien entre la droite et l’extrême droite et pas avec la gauche. Ce n’était pas une plaisanterie que je vous imputais à vous, c’était celle de J.-M. Le Pen, mais je trouve que c’est une plaisanterie malheureuse.

L. Bignolas : Alors, très sérieusement, les socialistes au pouvoir à l’issue du deuxième tour, quelle est la première mesure urgente à prendre ?

D. Strauss-Kahn : Il y en a plusieurs. Il faut lancer d’abord un audit sur les finances publiques. Personne ne sait aujourd’hui où nous en sommes en matière de dépenses publiques, le budget qui a été voté semblait équilibré. Mais depuis, des tas d’informations qui émanent du ministère des finances donnent à penser que l’on n’en est pas là et que ça dérape…

L. Bignolas : Déficit de la sécu, par exemple ?

D. Strauss-Kahn : Par ailleurs, vous avez raison, il y a le déficit de la sécu…

L. Bignolas : 80 milliards ?

D. Strauss-Kahn : On ne sait pas, on ne sait pas trop puisqu’il semble que tous les chiffres aujourd’hui soient biseautés.

L. Bignolas : Et vous ferez quoi avec ce chiffre ?

D. Strauss-Kahn : On va commencer par savoir ce qu’il en est exactement. Et vous savez, on s’est beaucoup interrogé sur les raisons de la dissolution mais là, avec ces chiffres qui apparaissent, on commence à comprendre : il valait mieux avoir les élections avant qu’après. Malheureusement, ces chiffres sont là. S’ils sont vérifiés, si en effet le déficit est aussi important qu’il semblerait que l’on nous le montre, il faudrait évidemment étaler les mesures que l’on peut vouloir prendre. Mais avant, il faut essayer de savoir.

L. Bignolas : Qu’est-ce que vous faites avec un trou aussi important à la sécu ? Comment est-ce que l’on remet ces finances publiques à flot ?

D. Strauss-Kahn : Encore une fois, le trou de la sécu, s’il existe, il est pour tout le monde, quel que soit le Gouvernement. Au passage, il faut quand même remarquer que le Gouvernement nous annonçait avec le fameux plan Juppé – celui qui avait mis les Français dans la rue – que tout allait être équilibré, on constate que ce n’est pas le cas. Ce qu’il faut, c’est renégocier avec le corps médical une vraie maîtrise des dépenses de santé, pas celle qui est à l’œuvre, là, et que l’on voit bien inefficace, parce que l’on ne peut pas continuer à avoir un déficit comme ça…

L. Bignolas : : Un autre pansement comme les privatisations par exemple ? Ce n’est pas une bonne solution ?

D. Strauss-Kahn : Est-ce que vous croyez vraiment que l’on peut vendre une entreprise française comme France Télécom, ou comme une autre, uniquement parce que l’on a un trou dans le budget ? Il faut avoir des raisons industrielles pour ça. Vendre les bijoux de famille, comme on dit un peu vulgairement, parce que l’on a des dettes, ce n’est quand même pas la bonne solution. Mais encore une fois, nous allons voir ce que nous allons découvrir, et personne n’en sait rien aujourd’hui. Il est clair que ce que le Gouvernement a annoncé au début de l’année était, sinon un mensonge du moins une erreur, et que la réalité risque d’être plus difficile que ce que les uns ou les autres croyaient.

 

Date : Lundi 19 mai 1997
Source : RTL/Le Monde

Dominique Strauss-Kahn, membre du bureau national du Parti socialiste

Passages importants

Élan partagé et/ou cohabitation

(…) Lionel Jospin a en effet dit que nous sommes prêts à partager (…) le pouvoir, puisque la cohabitation c’est, dans une certaine mesure, un partage (…). Nous sommes prêts à ce que, au lendemain des élections, si le peuple le veut, la gauche gouverne dans ce pays.

Pour que nous gagnions (...), il faut que les électeurs de gauche qui, en 1993, n’ont pas voulu voter à gauche, parce qu’ils avaient des reproches à faire (…), reviennent vers leur famille. Il faut aussi qu’ils soient capables de se dire : nous ne voulons pas avoir Juppé pour cinq ans (...).

La campagne est morne, notamment parce que la majorité ne propose rien (...). La démocratie, c’est d’avoir aussi entre les mains, par écrit (...) les propositions des uns et des autres. On a les propositions des socialistes ; je crains que celles de la droite soient restées très évanescentes (...).

SI nous avions eu plus de temps, je ne crois pas que notre programme aurait été différent (...). En revanche, nous aurions eu certainement plus de temps pour l’expliquer aux Français (…).

L’alliance électorale PS-PC

(...) L’alliance électorale que nous avons avec les communistes est tout de même une vieille affaire. Depuis très longtemps, les socialistes et les communistes prévoient, s’ils gagnent aux élections législatives, de gouverner ensemble, et entre les deux tours, de se désister les uns pour les autres (...). Nous avons déjà gouverné avec les communistes, et je ne pense pas que les Français aient eu le sentiment que ni les uns, ni les autres, soient passés sous la table. L’éventualité d’un gouvernement qui, au lendemain du 1er juin, comprendrait des socialistes et des communistes ne me semble pas devoir les effrayer (...).

Je constate que sur ce qu’il faut faire en France aujourd’hui, que ce soit en matière économique, de droits de l’homme ou d’autres sujets encore, nous sommes très proches (...). Il y a au moins un sujet sur lequel il y a une divergence : c’est celui de l’Europe (…). Encore que, j’ai écouté hier soir Robert Hue dans une émission de télévision j’ai constaté que, sur les questions européennes, nous étions moins éloignés qu’on aurait pu le craindre. Les conditions, qu’à juste raison, Lionel Jospin a voulu mettre au passage de la monnaie unique pour qu’elle serve à quelque chose font que, je crois, beaucoup de communiste peuvent s’y retrouver.

(…) Si, finalement, nous devions avoir une divergence à un moment donné (…), eh bien, la majorité au sein même du gouvernement l’emporterait. Lionel Jospin a été clair sur ce point.

Gauche et droite

(...) Je crois que la différence entre la gauche et la droite est grande sans être immense (…). Il y a un respect commun d’un certain nombre de valeurs qui sont celles de la République, mais les différences sont claires, qu’il s’agisse de la relance de la machine économique (…), de la réduction du temps de travail (...) de la priorité que représentent les 700 000 jeunes qui sont aujourd’hui « en galère » (...).

Les critères de Maastricht

Nous disons : Il faut appliquer le traité. Les Français l’ont approuvé. Le traité n’a jamais dit qu’il fallait être en-dessous de 3 % s’agissant des déficits publics : il dit : Il faut tendre vers une valeur de référence (...). Et dans une annexe, il dit : la valeur de référence est 3 % (...).

Ce grand pas en avant dans la construction européenne qu’est la monnaie unique ne sera pas entravé – ce sera une décision politique à prendre et non une décision comptable – par le fait d’être à 3,1 ou à 3,2 (...).

Je pense que les risques d’un déficit public supérieur à celui qu’annonce aujourd’hui le Gouvernement existe (…). Certains pensent même (...) que c’est une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a anticipé les élections (...), considérant qu’il valait mieux avoir les élections avant que les chiffres véritables n’apparaissent, en continuant de faire rêver sur des chiffres biseautés (…). C’est pourquoi nous avons dit qu’il fallait faire le bilan des finances publiques (…). Il est tout de même très scandaleux que dans une démocratie comme la nôtre (…), les chiffres officiels de la dépense publique ne soient pas sur la table (…).

Si le déficit se révélait être, à cause d’une mauvaise gestion du gouvernement (…), supérieur à 3 % (…), il faudrait que cette négociation que nous voulons avoir avec nos partenaires européens puisse se tenir (…). Nous ferons le bilan des années Balladur puis Juppé (…) et si nous sommes à 3,2 ou à 3,3, cette négociation européenne devra prendre corps.

Les records de France de la droite

La droite dans notre pays n’avait (…) qu’un seul record de France (…) : celui de Raymond Barre en 1980 en matière d’inflation. Puis, elle en a eu un deuxième : celui de M. Balladur en 1994 avec le déficit budgétaire (…). Depuis, les conservateurs de notre pays détiennent un troisième record de France : celui des impôts en 1996 (…).

Un programme pour cinq ans

(…) Le programme que nous proposons est un programme pour cinq ans et non pour quarante jours (…).

Je prends l’exemple de la baisse de la TVA. Nous pensons qu’il faut aller dans ce sens. Selon que nous aurons plus ou moins de possibilité, parce que le déficit que nous laissera M. Juppé sera celui qu’il nous avait annoncé ou un déficit exagéré, peut-être faudra-t-il repousser un peu dans le temps la baisse de la TVA (…).

Il n’y aura pas de privatisations

Est-il raisonnable de penser qu’un pays comme le nôtre doit vendre des grandes entreprises publiques pour boucher les trous ? (…) Est-ce que raisonnable de dire que la seule manière qu’à notre pays d’équilibrer son budget c’est de vendre les bijoux de familles ? (…)

Questions : Et France Télécom ?

(…) La privatisation de France Télécom sera arrêtée. Lionel Jospin en a parlé à plusieurs reprises. Mais, comme je le disais, notre programme est un programme pour cinq ans et il se pourrait qu’un jour, telle ou telle sous-filiale, ou telle ou telle chose, puisse se trouver mieux dans le secteur privé que dans le secteur public (…). Je ne vais pas répondre aujourd’hui d’un problème industriel qui pourrait se poser dans trois ou quatre ans. Mais notre ligne, c’est qu’il n’y aura pas de privatisations (…). Les socialistes se sont exprimés plusieurs fois sur cette question : (…) parce qu’il y a mission de service public, ils souhaitent que France Télécom reste avec un capital à 100 % public.

Question : Comment assurer les dotations aux entreprises publiques ?

Les dotations en capital aux entreprises publiques seront prises sur le budget (…).

Il n’y aura pas d’augmentation du déficit de notre part et il n’y aura pas d’augmentation des dépenses publiques. Donc, il n’y aura pas d’augmentation des impôts. Dès que cela sera possible, nous organiserons à travers la TVA, car c’est l’impôt injuste – et pas à travers l’impôts sur le revenu comme a commencé à le faire M. Juppé –, la baisse des impôts (...).

Le financement des promesses de la majorité

(…) Il faut chiffrer et dire où l’on prend l’argent que l’on entend dépenser. La majorité, qui, comme je l’ai dit, n’a pas vraiment un programme écrit – ce qui permet à tout un chacun de lancer en l’air des propositions – ne dit jamais comment elle va faire pour financer à la fois la baisse de l’impôt sur le revenu qu’elle préconise et qu’elle promet (…) et résoudre les problèmes budgétaires évoqués (…).

Une Europe conduite à gauche

(…) Pour la première fois depuis le Traité de Rome, nous pouvons avoir une Europe conduite à gauche (...). L’Europe, elle est bonne fille, elle est comme la République française : quand la majorité est à droite, elle fait une politique de droite ; quand la majorité est à gauche, elle fait une politique de gauche. Pour la première fois depuis quarante ans, nous avons la possibilité d’avoir une majorité de gauche en Europe (...). Ce qui est dans le bulletin de vote des électeurs français dimanche prochain et dimanche suivant, ce n’est pas simplement la victoire de la gauche en France (...), c’est aussi la victoire de la gauche en Europe, c’est la possibilité d’avoir enfin une Europe sociale, enfin une Europe qui conduit une politique de croissance et d’emploi.

Vers une nouvelle intervention du Président de la République ?

(…) J’y suis hostile parce que je crois qu’il n’est pas bon que le Président de la République, dans une période qui s’ouvre et qui peut être celle d’une cohabitation, s’engage trop (…). Si d’aventure le Président de la République décidait d’intervenir encore une fois (…) avant le premier tour, il serait évidemment normal – le contraire serait même scandaleux – que l’opposition puisse répondre (…).

On ne sait pas aujourd’hui qui va gagner, les choses sont parfaitement ouvertes. Si la gauche continue à gagner un demi-point ou un point tous les trois ou quatre jours, comme c’est le cas depuis trois ou quatre semaines, elle gagnera (...). Je ne vois pas d’autre explication à son intervention éventuelle.

La gauche « rempart contre l’extrême droite »

Jean-Marie Le Pen est un des plus grands manipulateurs qui existent dans la politique française (...). C’est entre le Front national et le RPR qu’il y a une porosité, qu’il y a des passages (…). Globalement (…), c’est toujours la gauche qui constitue un rempart contre l’extrême droite (...).

La politique de la France en Afrique

Ce qui s’est passé au Zaïre illustre notamment (...) la faillite de la politique française en Afrique, que Lionel Jospin critique depuis très longtemps (...). Nous avons en Afrique une politique qui n’est pas convenable, dont le Zaïre est aujourd’hui l’une des malheureuses traductions (...). Il semble que le Président de la République ait aujourd’hui compris que ce que la France avait de mieux à faire était de laisser les Zaïrois décider eux-mêmes de leur avenir. En ce sens, Il est probable que la cohabitation sur les problèmes de politique étrangère se fera calmement (...).

Le domaine réservé

Il n’y a pas de domaine réservé. La Constitution est claire : le Gouvernement conduit la politique de la nation. Les pouvoirs qui sont ceux du Président de la République conduisent, dans le domaine de la politique étrangère à ce qu’il y ait un accord, une discussion entre le Président de la République et le Premier ministre. Je suis convaincu que nous serons dans cette situation-là sans difficulté.

« Philippe Séguin est ailleurs »

Philippe Séguin est extrêmement respectable, mais il a quand même changé un peu d’opinion sur l’Europe (…). Je le félicite de nous avoir rejoints (...).

J’ai entendu Philippe Séguin passer un savon à Alain Juppé (...). J’aurais voulu que ce soit l’un des nôtres qui le fasse ! Au sein de cette majorité, il y a des divergences considérables. Ce n’est même pas l’aile gauche de cette majorité. Il est très au-delà de cette majorité, il est ailleurs. Sur de nombreux sujets, il dit des choses sur lesquelles beaucoup peuvent se reconnaitre (...). Cette distorsion au sein de la majorité est la raison pour laquelle elle n’a pas produit un programme.

Fiscalité : un programme « facile » ou « simple » ?

(...) Lorsque la campagne est aussi courte (...), on va à la simplicité, sinon à la facilité (...). On présente aux Français un document simple, sans entrer dans les détails comme on aurait pu le faire si la démocratie avait fonctionné normalement, si nous avions disposé de mois et de mois pour proposer des mesures plus ponctuelles (...).

« Augmenter le pouvoir d’achat »

(…) Il faut repartir de l’avant massivement et si nous attendons encore cinq ans, le temps sera peut-être passé (…). Notre économie s’étouffe parce qu’il n’y a pas de demande (…).

Il faut que l’ensemble de la société française, le patronat, les syndicats et l’État se mettent d’accord sur le fait qu’il faut augmenter le pouvoir d’achat (…). La réduction de la durée du travail donnera aussi du pouvoir d’achat (…). De la même manière, les 700 000 jeunes que nous voulons mettre au travail auront un salaire de montant au minimum au Smic et seront des consommateurs. Il faut regarder notre politique comme un tout (…).

La réduction de la durée du travail

Le progrès technique a cela de formidable qu’il libère l’homme et la femme du travail en leur permettant de faire d’autres choses (…). Cette libération s’est faite au cours du siècle écoulé parce qu’il y a eu réduction du temps de travail. Si l’on travaillait aujourd’hui comme au milieu du XIXe siècle, la moitié des gens seulement travailleraient et il y aurait 50 % de chômeurs (…)

La droite est très ambiguë sur ce problème. Son discours officiel est qu’il ne faut pas de réduction du temps de travail, qu’il faut travailler plus. Mais comme elle se rend bien compte que cette réduction est nécessaire, elle vote la loi Robien et met en œuvre une procédure en catimini, un peu honteuse pour faire de la réduction du temps de travail (...).

Dans la loi cadre qui sera votée dès les premières semaines, si la gauche est élue (…), il y a bien d’autres choses que les 35 heures : il y a tout ce qui concerne la limitation des heures supplémentaires pour créer des emplois, la temps choisi (...). Si la gauche gagne le 1er juin, c’est dès la 2 Juin que l’ensemble de ceux qu’ils auront élus pourront commencer à mettre cela en œuvre. C’est très rapidement que les 700 000 jeunes qu’il faut embaucher (…) commenceront à être embauchés. Dès le mois de juin, c’est plus de 10 000 jeunes par mois qui seront concernés (...).

La maîtrise médicalisée des dépenses de santé

(…) Nous proposons une maîtrise des dépenses de santé. Nous avons toujours été pour (...). Mais elle doit être médicalisée. Ella doit être organisée avec la corps médical pour tenir compte des contraintes qui sont liées à leur fonction, à leur apostolat (…).

On annonce 50 milliards de déficit : c’est bien la preuve que la méthode n’a pas réussi, pas plus le contenu de la réforme (...).

Nous sommes prêts à organiser avec l’ensemble des professions de santé des assises qui permettent de mettre en œuvre une maîtrise des dépenses de santé sur une base médicalisée et pas uniquement comptable (...).

La création de 700 000 emplois pour les jeunes

Du côté public, l’affaire est simple. Cela coûte 35 milliards (...) en année pleine (...). En 1998, cela coûtera 13 ou 14 milliards. Ce n’est que lorsque nous arriverons au bout du processus, dans deux ans, que cela coûtera 35 milliards. Tout le monde a compris que l’on pouvait trouver cet argent dans le budget en supprimant notamment le fameux CIE (...). À peine un sur cinq des emplois subventionnés par le CIE est une création d’emploi (...). Nous proposons que 350 000 jeunes soient pris en charge par les collectivités territoriales ou par l’État (...). Il y aura ainsi directement des emplois dont on a besoin (...).

Embaucher 350 000 jeunes dans le secteur privé, c’est plus difficile (…). Nous avons proposé deux voies qui doivent être mises en œuvre parallèlement. La première est de réformer l’ensemble du système des contrats de qualification, de l’alternance, des canaux qui existent entre la formation et l’entreprise, pour donner une allocation à chaque jeune permettant de dédommager l’entreprise des frais de structure nouveaux liés à son embauche. La seconde, c’est qu’il y a aujourd’hui 200 000 personnes qui ont cotisé pendant plus de quarante ans et qui ne peuvent pas prendre leur retraite parce qu’elles n’ont pas l’âge requis. Dans leur immense majorité, elles veulent partir. Si on les remplace par des jeunes, on trouve déjà plus de la moitié des 350 000 emplois que l’on veut créer pour eux dans les entreprises. Cela aussi peut commencer dès le mois de juin si les Français le veulent (...).