Editorial de M. Marc Vilbenoît, président de la CFE CGC, dans "La Lettre confédérale CGC" du 5 février 1996, sur la relance de la consommation, la baisse du taux du livret A, et sur sa position favorable à un assouplissement dans la mise en oeuvre de l'Union monétaire, intitulé "Relance, Europe et emploi".

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Média : La Lettre confédérale

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Relance, Europe et emploi

Ce n'est pas à la CFE-CGC que l'on contestera la nécessité d'un soutien à une consommation défaillante.

Nous accueillons toujours positivement une possibilité de réduction d'impôt, celle relative aux intérêts des prêts à la consommation n'échappe donc pas à la règle.

L'accélération des amortissements tant pour les entreprises que pour le logement locatif sera porteuse, aux dires des spécialistes et des professionnels, du gouvernement, d'effets positifs, du moins à titre d'anticipation sur un retour espéré de la croissance.

S'il n'est pas faux non plus de dire que la baisse du taux du livret A est techniquement justifiée, là commence la véritable interrogation sur la portée des mesures de relance. Nul ne peut nier en effet que cette baisse se traduit par une amputation du revenu des ménages.

Rien non plus ne garantit que les taux des crédits à la consommation distribuée par les banques – « qui sont parfois à la limite de l'usure », selon le ministre des finances – baisseront.

Est-ce que sanctionner l'épargne, diminuer le taux du livret A incite à mieux consommer dès lors que la peur du lendemain pour son travail, sa retraite, ses enfants demeure présente, prégnante ?

L'arbitrage entre épargne de précaution et consommation n'est pas affaire de taux mais de confiance en l'avenir. Tant qu'un signal fort ne sera pas envoyé, toutes les incitations risquent de rester à l'état de latence.

Peut-on espérer réamorcer la pompe sans y injecter du revenu disponible ? Du revenu par les politiques salariales autrement dynamiques que celles toujours plus restrictives qui sont conduites aujourd'hui.

Même les patrons britanniques, – dont on ne peut pas dire qu'ils soient des plus progressives – affirment la nécessité d'une hausse continue du pouvoir d'achat des salaires. Les chefs d'entreprise français seraient-ils inaccessibles à ce raisonnement ?

Du revenu encore par une baisse des impôts qui n'attende pas 1997 ou 1998. Un allégement du barème, un abattement à la base, une remise, peu importe la formule, seraient des signaux forts, tangibles d'une volonté du gouvernement.

Mais nous dit-on, est-ce bien compatible avec la réduction des déficits ?

Il m'avait semblé que les Allemands – que l'on nous donne si régulièrement comme modèle – étaient sur cette voie ? Serait-ce impossible pour nous ? Non, ce n'est pas hors de portée, pour autant que l'on accepté l'idée d'une modification des impératifs européen.

Je suis conforté dans cette analyse, que je défends depuis des mois, lorsque j'entends le président du CNPF affirmer qu'il ne ferait pas un drame du report de la monnaie unique et ajouter que le vrai problème réside dans la surévaluation du deutsche mark.

Ma conviction est encore renforcée par les prises de position des chantres les plus intégristes de la construction européenne, de droite ou de gauche, proposant des assouplissements dans la mise en oeuvre de l'euro.

Il est urgent de sortir des apparences, de faire le choix du desserrement réaliste de la contrainte européenne pour donner des marges sur le rythme de résorption des déficits.

Avant qu'une nouvelle flambée du chômage annihile tous les efforts et les sacrifices déjà consentis. Un retour à la case départ serait porteur de tous les dangers.