Interview de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, à France 2 le 29 mars 1996, sur le chômage et la mondialisation des échanges, le sommet du G7 à Lille sur l'emploi et les grandes lignes de la politique de l'emploi.

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Circonstance : 2ème conférence (Sommet) des pays membres du G7 sur l'emploi à Lille les 1er et 2 avril 1996

Média : France 2

Texte intégral

D. Bilalian : C'est un mauvais chiffre que vous avez à nous commenter ce soir ?

J. Barrot : Oui, c'est un chiffre qui est, en quelque sorte, la conséquence du fléchissement momentané de l'économie. Je crois que, pour autant, il ne faut pas perdre courage. D'abord, parce qu'on sent aujourd'hui un mieux sur le plan économique et surtout, parce qu'on travaille depuis quelques années, et on commence à en avoir quelques fruits, à faire que, même si la progression de notre économie est plus lente, on doit pouvoir, malgré tout, continuer à créer des emplois. Comment ? Par la baisse des charges, par l'aménagement du temps de travail, par la multiplication des emplois de service.

D. Bilalian : Vous vous interrogez sur l'efficacité de la multitude d'aides qui existent jusqu'à présent. Vous vous demandez s'il ne faudrait pas regrouper tout ça et trier un petit peu dans ces mesures ?

J. Barrot : Il faut faire le tri et à la lumière de l'expérience, il faut regarder ce qui marche. Je serais tenté de dire que ce qui marche, c'est ce qui est durable, ce qui est simple, et nous allons le faire. Et puis, il faut aussi se poser des questions de fond sur l'évolution de ce que J. CHIRAC appelait à l'instant la mondialisation. Il faut que la France et l'Europe fassent très attention à ce que la libéralisation des échanges à travers le monde, qui peut être quelque chose de très positif, ne laisse pas au bord de la route un certain nombre de gens qui n'auront pas les moyens de s'adapter.

D. Bilalian : Lundi, il y a une réunion à Lille des ministres des sept pays les plus industrialisés dans le monde sur le thème de l'emploi. En attendez-vous quelque chose ? On a l'impression que les avis des uns et des autres sont plutôt partagés dans ce domaine ?

J. Barrot : D'abord, contrairement à ce qu'on a dit, il y aura les ministres de l'emploi de tous les pays industrialisés mais il y aura aussi les représentants des ministères de l'économie, des finances. Nous allons, pour une première fois pratiquement, faire en sorte qu'on ne parle pas de la mondialisation que sous l'angle purement financier, que l'on intègre aussi le problème de l'emploi, de l'insertion des gens. Il faut que cette rencontre à Lille serve à faire avancer les choses et que nous voyons comment nous pouvons assurer aux travailleurs une sorte de droit à la formation tout au tours de leur vie professionnelle pour que, s'ils sont appelés à la mobilité, ils puissent se réadapter sans inquiétude, sans angoisse.

D. Bilalian : En êtes-vous à vous demander combien il y aura de chômeurs en plus cette année ou espérez-vous tout de même réfréner cette hausse du chômage pour cette année ?

J. Barrot : Je ne suis pas là pour faire des pronostics, je suis là pour agir et pour faire que les chiffres soient les meilleurs possibles. Cela veut dire que nous développerons l'apprentissage – je viens de faire voter les textes qui amélioreront les conditions pour le recrutement des apprentis du côté des jeunes. Nous allons vers la multiplication d'accords d'entreprise pour aménager le temps de travail et regagner ici et là des emplois. Et puis il y a une campagne d'information pour le chèque-service. Si les uns et les autres, notamment les comités d'entreprise, mettent un peu d'argent sur le chèque-service, il y aura plus de tâches de gardiennage d'enfants, toutes sortes de tâches qui pourront ainsi représenter autant d'heures de travail supplémentaires. Je crois que, dans la bataille contre le chômage, rien n'est à négliger. Il faut se battre tous les jours avec une énergie sans faille et avoir de l'imagination. Il me semble que l'année sera meilleure que ne le promettent parfois des gens qui ont tort de nourrir le pessimisme parce que ce n'est pas non plus en nourrissant le pessimisme qu'on gagne des batailles.