Interview de M. François Hollande, secrétaire national et porte-parole du PS, dans "La Tribune" du 6 mai 1997, sur la position du PS sur les privatisations des services publics et la dotation en capital des entreprises publiques.

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Circonstance : Elections législatives les 25 mai et 1er juin 1997

Média : La Tribune

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La Tribune : Selon Martine Aubry, dimanche soir sur Europe 1, le PS « ne veut pas que l'État perde la majorité dans le capital de France Télécom ». Est-ce à dire que vous envisagez d'en céder des parts minoritaires, comme l’actuel gouvernement se proposait de le faire ?

François Hollande : Non. Notre position a toujours été claire. Nous sommes opposés à la privatisation, même partielle, de France Télécom, car elle revient à abandonner les principes mêmes du service public. Cette opération ayant été interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale, il n'est pas question de la réenclencher si nous revenons aux responsabilités.

La Tribune : D’une façon générale, le PS refuse la « privatisation » des services publics. Envisage-t-il cependant des cessions de parts minoritaires ?

François Hollande : Pour ce qui est des services publics – France Télécom, La Poste, EDF-GDF et a fortiori la SNCF –, notre position est de maintenir le capital public à 100 %. La logique même du service public exclut l'ouverture du capital de ces entreprises, qui concourent à une activité d'intérêt général, ce qui les oblige à une péréquation de leurs tarifs et à un accès de tous à leurs services. Cela exclut pour elles des contraintes supplémentaires liées au souci d'assurer le rendement maximal d'un titre ou d'une action.

La Tribune : Comment dans ces conditions, financerez-vous les dotations en capital des entreprises publiques ?

François Hollande : Il y a un problème que le gouvernement sortant n'a pas réglé, c'est celui de la dotation en capital des entreprises ayant connu des pertes importantes, comme GAN ou Giat. La logique de la majorité sortante, c'était de céder des titres d'entreprises du service public non pas avec un objectif industriel ou un souci d'alliance avec un partenaire, mais dans un but strictement financier : obtenir des capitaux pour financer des dépenses qui devraient être assurées par la puissance publique elle-même. Comme dit M. Borotra : « L'État privatise car il a besoin des recettes de la privatisation »... Ce n'est pas notre conception. Si nous arrivons aux responsabilités, nous évaluerons l'ampleur des dotations à affecter à ces entreprises et nous trouverons les moyens de financement appropriés. Mais il ne peut être question de vendre tout ou partie des services publics pour financer ce type de dépenses.

La Tribune : Le programme socialiste ne cite pas l’énergie parmi les services publics dont la privatisation est explicitement exclue…

François Hollande : S'il s'agit d'EDF-GDF, il ne peut être question d'une quelconque privatisation. Pour les entreprises dont le capital a déjà été ouvert et où la participation de l'État, parfois, n'est plus que symbolique, il n'y a pas d'obstacle de principe. Nous sommes alors dans un secteur qui n'a plus de mission de service public ou d'intérêt général.

La Tribune : Martine Aubry parle de « revisiter » les entreprises du secteur concurrentiel dont l’État détient aujourd’hui la majorité du capital, pour déterminer celles qui doivent rester dans le secteur public. Le PS en est-il encore au « ni-ni » – ni privatisations, ni nationalisations – ou sa position a-t-elle évolué ?

François Hollande : Il nous faut poser clairement les principes. Nous excluons d'abord toute renationalisation d'entreprise. Mais nous voulons mettre un coup d’arrêt à certaines privatisations prévues par le gouvernement sortant. Nous l'avons repoussée pour Air France. Et dans l'industrie de défense, nous souhaitons maintenir un contrôle public. En revanche, pour les entreprises du secteur concurrentiel qui ne concourent pas à une activité d'intérêt général, où la participation de l'État n'est plus nécessaire, c'est le pragmatisme qui doit nous guider. Il faut garder une certaine souplesse. Ce que l'on appelle une « respiration ».

La Tribune : Envisagez-vous des privatisations dans le secteur financier ?

François Hollande : Nous apprécierons la situation au cas par cas.

La Tribune : Sans privatisation, comment envisagez-vous la restructuration de l’industrie française de défense ?

François Hollande : Le regroupement Dassault-Aerospatiale doit se faire avec une majorité de capital public. Quant à Thomson-CSF, elle peut rester demain une entreprise indépendante ; elle peut aussi être rapprochée du pôle Dassault-Aerospatiale... C'est aux industriels de nous faire des propositions. Mais le capital public n'empêche aucune opération de synergie ni aucune alliance industrielle.