Déclaration de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, en réponse à une question sur l'application des accords de Dayton, le maintien de l'unité de Sarajevo et la sécurité des populations civiles, à l'Assemblée nationale le 6 décembre 1995.

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Circonstance : Signature à Dayton (Etats Unis) le 21 novembre 1995 d'un accord de paix sur la Bosnie entre la Croatie, la Serbie et la Bosnie Herzégovine

Texte intégral

Q. : Nous avons tous salué la conclusion des accords de Dayton pour le retour de la paix en Bosnie, Mais la politique consiste surtout à regarder devant soi pour voir où nous allons. Dans les accords de Dayton, il apparaît qu'un point sera sans doute décisif pour la paix et pour la stabilité : Sarajevo. Chacun sait ce que toutes les populations civiles de la capitale bosniaque doivent à la France, au Président Chirac, à nos militaires, aux généraux qui ont commandé nos casques bleus. En exécution des accords de Dayton, Sarajevo sera placée sous le contrôle des forces françaises. C'est logique.

Mais des trois zones, l'américaine, la britannique et la française, c'est cette dernière qui sera la plus difficile. Des inquiétudes ont été exprimées sur la manière dont pourraient être appliquées à Sarajevo les dispositions arrêtées. On a dit que l'accord devrait être complété pour garantir la sécurité des populations civiles et pour que nos armées puissent correctement assumer leurs responsabilités.

Pouvez-vous nous faire connaître votre sentiment sur ce point et nous dire les actions engagées pour que la France puisse rester dans le droit fil de son action passée et conserver le capital d'estime et de confiance qu'elle a gagné là-bas ?

R. : Vous venez de le rappeler, l'un des principaux enjeux de la récente négociation de Dayton était le maintien de l'unité de la ville de Sarajevo et de son caractère pluriculturel. C'était d'ailleurs un des points majeurs, incontournables, qu'avait fixé le Président de la République française avant la négociation. La carte qui a été entérinée à Dayton prévoit bien le maintien de cette unité et le rattachement de toute l'agglomération de Sarajevo à la fédération croato-bosniaque, y compris certains quartiers habités par des Bosno-Serbes. Et c'est là que résident la difficulté et la fragilité de la situation actuelle, avec deux risques : un nouvel exode de ces populations serbes et la reprise des combats. La situation est donc délicate, en particulier pour nos forces françaises déployées à Sarajevo. Aucun des membres du Groupe de contact ne peut accepter un nouvel épisode dans le martyre de Sarajevo. Nous n'acceptons pas non plus qu'elle perde son caractère multiculturel et soit à nouveau découpée.

Il nous faut donc rassurer et protéger les populations de Sarajevo, quelles qu'elles soient.

Et c'est ce à quoi nous travaillons avec les autres membres du groupe de contact, en cherchant les meilleures modalités d'application des accords de Dayton. Ce travail est engagé. Il va d'ailleurs aboutir vendredi et samedi à la toute prochaine conférence de Londres, à laquelle participera, pour la France, M. Hervé de Charette.

J'ajoute, puisque votre question m'en donne l'occasion, qu'en dépit des apparences, et contrairement à ce que prétendent certains commentaires, l'Union européenne a joué tout son rôle pour la paix, sous l'impulsion en particulier d'Alain Juppé, à Genève, au mois de décembre 1993, et dont les accords de Dayton sont tellement proches. Je pense au nouvel élan qu'ont donné la France, le Royaume-Uni, et d'autres pays de l'Union européenne, avec notamment la création de la force de réaction rapide. Et je tiens à le dire au moment où certains doutent de notre pays : nous avons des raisons d'être fiers de la politique étrangère de la France.