Texte intégral
Monsieur le Président,
C'est pour l'Assemblée nationale Française un très grand honneur que de recevoir, dans son palais chargé d'Histoire, le chef de l'État de l'un des plus grands, des plus beaux et des plus dynamiques pays qui soit au monde ; un pays à la fois puissant et sans arrogance dont Stéfan Zweig disait qu'il était « le plus digne d'être aimé et cité en exemple », propos qui, un demi-siècle plus tard, est plus actuel que jamais.
Mais oserai-je dire que ce n'est pas seulement le trente-huitième Président de la République du Brésil que nous accueillons aujourd'hui ; c'est aussi Fernando Henrique Cardoso, l'ami de la France, l'intellectuel engagé, l'enseignant qui avait choisi de dispenser chez nous, à Nanterre et au Collège de France, les fruits de son savoir et de son expérience, et qui, après l'hommage de notre Assemblée, va recevoir demain celui de l'Université française.
Entre le Brésil et la France, il existe depuis longtemps, sous le signe de la latinité, bien des liens de culture et d'affection dont la philosophie des droits de l'Homme, l'influence partagée d'Auguste Comte ou le goût des sciences sociales ne sont que des éléments parmi beaucoup d'autres. Rien d'étonnant dès lors qu'existe entre vous et nous une profonde communauté de vues touchant l'avenir de notre planète, et celui de la démocratie.
Ces liens, vous les symbolisez, vous les incarnez mieux que quiconque, Monsieur le Président, et c'est bien pourquoi chacun sait, chacun sent que votre visite d'État constitue le début d'une nouvelle étape décisive dans l'histoire des relations entre nos deux pays.
Sur la scène internationale, il est vrai, – et votre inlassable activité n'y est pas pour rien –, le Brésil est plus présent que jamais. Face à la mondialisation des échanges, votre pays a choisi l'ouverture au monde sans négliger pour autant les exigences des solidarités régionales. N'est-ce pas un choix comparable à celui qu'a fait la France, qui a œuvré avec ses partenaires et voisins dans la voie de la construction européenne.
Certes, sur le plan politique et institutionnel, le Mercosur n'est pas l'Union européenne. Mais qui peut sérieusement exclure pour demain un élargissement progressif du marché commun du cône Sud à l'ensemble de l'Amérique latine, qui préserverait, dans le cadre de structures intégrées, l'identité nationale des États membres ?
L'ouverture du Brésil, puissance continentale, aux relations multilatérales, constitue en effet un atout considérable pour ses voisins car elle favorise l'émergence d'un vaste marché intérieur sud-américain. Elle est un atout pour le pays lui-même, dont elle consacre la vraie place sur le plan mondial ; une place à la mesure d'un pays extraordinairement riche de ressources naturelles, mais aussi de compétences qui s'expriment dans les domaines les plus variés.
Et à cet égard, nul doute que l'accord-cadre commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, conclu à Madrid au mois de décembre dernier, contribuera grandement à mieux intégrer le Brésil dans les échanges de part et d'autre de l'Atlantique.
Nous nous réjouissons d'autant plus de ces perspectives que nous avons suivi avec une grande sympathie et beaucoup d'admiration l'affirmation résolue et l'affermissement continu de la démocratie brésilienne qui a su surmonter avec sang-froid au cours des dix dernières années les ultimes épreuves auxquelles elle était confrontée ...
Mais nulle part, quoi qu'en aient dit certains, l'avènement de la démocratie ne saurait signifier la fin de l'Histoire. Elle n'en est, en fait, que le début. Vous-même qui avez joué un rôle important dans les travaux préparatoires à la Constitution de 1988 vous attachez maintenant à remettre sur le métier d'importants éléments de son dispositif.
Vous avez fait par ailleurs du développement économique une priorité sur la base du Plan « Réal », plan qui a terrassé l'hyper inflation chronique dont souffrait votre pays et restauré sa stabilité économique, plan dont vous fûtes le père et dont vous êtes maintenant le tuteur, et pour le succès duquel de profondes réformes de structure vous ont paru nécessaires. Chacune de ces réformes, qui visent à faire sauter certaines rigidités, trouve, dans des termes sans doute un peu différents, un écho dans notre propre actualité, qu'il s'agisse par exemple des privatisations, de la réforme de l'État ou de la fiscalité, de la réduction des dépenses publiques, ou du financement de la sécurité sociale et des régimes de retraite.
Mais votre préoccupation majeure est d'ordre social. Vous l'avez dit et répété à l'envi, « le Brésil n'est pas un pays pauvre, c'est un pays injuste ». Ces inégalités, vous entendez qu'on s'y attaque par des programmes concernant l'éducation, la santé, la redistribution des richesses, au prix d'efforts considérables dont la portée est réellement historique. Rééquilibrer la société brésilienne et faciliter sa cohésion : voilà bien l'ambition qui commande toute votre politique.
Là encore, nos préoccupations rejoignent les vôtres : progression du chômage et prolifération des exclus, nous conduisent à nous interroger sur les effets de la mondialisation de l'évolution technologique et des logiques nouvelles des marchés financiers qui paraissent trop souvent imposer l'alternative inacceptable du sous-emploi ou de la précarité.
Tout cela montre que nos situations présentent bien des similitudes et que nous avons tout intérêt, les uns et les autres, à jeter un regard sur les conceptions et les résultats de nos expériences respectives.
C'est dire combien un partenariat solide et permanent est nécessaire entre nos deux pays. Or, si l'on considère tout ce qui nous rapproche, on ne peut qu'éprouver une certaine déception face au modeste bilan de nos relations économiques.
À nous donc de faire ce qu'il faut pour stimuler nos entrepreneurs et de les convaincre d'accroître leurs échanges et leurs investissements.
Je ne doute pas que nos Parlements respectifs sauront apporter leur contribution à cette grande entreprise. Au mois de novembre dernier, s'est tenu à Paris dans ce palais, sous la présidence de Madame Nicole Catala, un colloque « France Amérique latine » auquel a participé une importante délégation brésilienne. Il s'agissait de créer des liens plus étroits entre les élus de toutes les nations concernées. Certes, dans le régime présidentiel qui est le vôtre, et dont votre peuple a approuvé massivement le principe par voie de referendum, les relations entre la Présidence et le Congrès diffèrent de la collaboration obligée à laquelle nous sommes accoutumés. Mais dès lors qu'un Président de votre dimension, qui a été lui-même un grand parlementaire qui refuse la démagogie et le populisme, entend agir de concert avec les représentants du peuple souverain, je ne doute pas que vous saurez les inviter à multiplier les contacts avec leurs homologues de pays amis comme le nôtre. Nous avons tous beaucoup à gagner dans la confrontation mutuelle de nos expériences, confrontation à laquelle les techniques nouvelles, notamment celles des autoroutes de l'information, ouvrent un vaste champ encore inexploré.
Monsieur le Président, tout incite la France et le Brésil à se rapprocher toujours davantage. La raison comme le cœur. D'autant que la France et le Brésil, sont, aussi après tout, grâce à la Guyane, des pays limitrophes.
Monsieur le Président, vous êtes ici le bienvenu. Nous formons des vœux pour la réussite de votre visite d'État. Des vœux pour le Brésil. Des vœux pour l'indéfectible amitié du Brésil et de la France.