Articles de M. Jacques Voisin, secrétaire général de la CFTC, dans "La Lettre confédérale CFTC" des 5, 12 et 26 février 1996, sur l'emploi, la réduction du temps de travail, et sur la violence chez les jeunes.

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Média : La Lettre confédérale CFTC

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La Lettre Confédérale CFTC : 5 février 1996

Dissiper le brouillard

Les semaines se suivent et malheureusement se ressemblent. Les chiffres du chômage en décembre viennent apporter une nouvelle touche à la morosité ambiante. La flexibilité n'est plus un souhait du patronat, elle est devenue une réalité. Le marché de l'emploi fonctionne maintenant en flux tendus, les contrats précaires sont devenus le régulateur des variations de la conjoncture. Une fois de plus ce sont les jeunes et les chômeurs de longue durée qui font les frais d'une croissance qui s'essouffle et qui manque de projet.

Et pourtant les solutions ne sont pas si lointaines. Un consens nationale se dégage sur la nécessité de réduire la durée du travail. Commençons par le travail effectué au-delà de la durée légale. Il faut revoir rapidement les contingents et les possibilités de dérogation. Le rôle moteur et régulateur de l'Etat doit jouer à plein en ce domaine.

Arrêtons d'accorder à fonds perdus des allègements de charges aux entreprises. Accordons-les plutôt aux salariés qui acceptent de signer un accord de réduction de la durée du travail générateur d'emplois.

Un signe vient d'être donné en direction de l'apprentissage dans le secteur public, qui reste encore aujourd'hui très embryonnaire. Il faut aller vite et loin. La lettre de cadrage social du Premier ministre doit être rapidement relayée par des négociations dans lesquelles nos sections CFRC doivent jouer un rôle moteur.

Tout le monde est d'accord pour considérer que les emplois de service sont encore sous-développés. Pourquoi ne pas engager une négociation collective sur ce sujet, qui puisse accompagner la construction de ce secteur sans généraliser la précarité ?

L'histoire a montré que les marchés financiers sont toujours en définitive des suiveurs. Ce n'est pas d'abord à eux qu'il faut donner des gages mais à chaque acteur réel de la société. La confiance dissipera alors le brouillard de la morosité.


La Lettre Confédérale CFTC : 12 février 1996

Les branches professionnelles au service de l'emploi

Il faut bien le dire : « la pensée libérale » n'aime pas beaucoup les branches professionnelles. Au nom de la liberté individuelle, il s'agit d'imposer aux salariés des conditions d'emploi et de rémunération de plus en plus dégradées. C'est la liberté du plus fort, au détriment du plus faibles.

Les négociations de branches, qui s'ouvrent en ce moment, ont donc une importance particulière. Il y a seulement quelques mois, un certain patronat faisait le forcing pour laisser tout le champ libre au rapport de force dans l'entreprise. Aujourd'hui, la crise de décembre replace la négociation de branche au centre des espoirs et des attentes de l'ensemble des acteurs sociaux. Il faut donc qu'elles aboutissement dans deux directions complémentaires : les salaires et l'emploi.

En ce qui concerne les bas salaires le dernier Bureau Confédéral fait une proposition novatrice : pas de minima conventionnels inférieurs à 50 % du plafond de la sécurité sociale. C'est un objectif réaliste avec un effet direct sur la croissance. Pour l'emploi, réduction et aménagement du temps de travail doivent être pensés en même temps. La règle CFTC de la répartition de gains de productivité est la suivante : 1/3 pour l'emploi, 1/3 pour les salaires, 1/3 pour l'investissement. De son côté, la confédération maintient la pression pour que l'allégement des charges soit reversé aux salariés qui signent un accord de réduction de travail générateur d'emplois. Si l'expérience récente nous rappelle avec vigueur que le conflit détruit des emplois, il nous faut aujourd'hui dire tout aussi fort que la négociation en construit. Voilà donc la méthode CFTC.


La Lettre Confédérale CFTC : 26 février 1996

La violence, les jeunes et la misère

Les média ont mis les projecteurs cette semaine sur la violence chez les jeunes. Le Premier ministre a réuni hier une table ronde sur la violence en milieu scolaire. Le gouvernement poursuit actuellement ses consultations pour préparer sa loi sur l'exclusion, et de son côté le président du CNPF souhaite faire le point avec les partenaires sociaux sur l'insertion des jeunes. Violence et misère, voilà qui fait partie du quotidien.

La première façon de lutter c'est d'agir dans l'entreprise pour éviter les licenciements. Elle s'accompagne de celle qui consiste simplement à agir, comme le fait une équipe CFTC, qui tournera dans Paris samedi de 23 heures à 5 heures du matin, pour distribuer boissons chaudes, gants, couvertures… Une action parmi d'autres, toute simple, qui tente de rétablir le lien. Telle est bien la source de notre syndicalisme.

Il faut faire vite : 20 % des jeunes ont du mal à lire et à comprendre un texte de 70 mots. Les formateurs des « stages de mobilisation adoptée », qui ont vocation de conduire les jeunes vers une préqualification, rencontrent de plus en plus de violence et sont contraints de se séparer de jeunes qu'ils avaient précisément pour mission de conduire vers l'insertion.

La solitude et la précarité des enfants ne se légitime par aucune organisation économique, aucune mode, aucun mode de vie. Nous attendons du débat sur l'éducation et la famille, qu'il rétablisse les priorités politiques, celles qui mettent l'économie et l'entreprise à l'endroit, et qui rendent l'ensemble de la société « flexible » aux exigences d'un avenir de projets et de paix pour nos enfants.