Editoriaux de M. Marc Vilbenoît, président de la CFE CGC, dans "La Lettre confédérale CGC" des 18 et 25 mars 1996 sur les négociations entre les partenaires sociaux sur l'aménagement du temps de travail, la cessation d'activité et l'emploi.

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Média : La Lettre confédérale web CFE-CGC

Texte intégral

La Lettre Confédérale CGC : 18 mars 1996

Rencontre pour l'emploi

Demain 15 mars, les organisations syndicales et le CNPF se retrouveront pour une rencontre qui s'inscrit dans le cycle commencé il y a un an avant les sommets tripartites programmés en décembre à Matignon. Cette réunion va se tenir dans un contexte difficile sur le plan économique. L'activité s'est fortement ralentie, les prélèvements sur les revenus du travail et les politiques salariales restrictives asphyxient la consommation malgré les complexes et successives mesures de soutien prises par le gouvernement. Les rentrées fiscales patinent - trop d'impôt tue l'impôt ? - entraînant une nouvelle rigueur budgétaire. Bref, nous nous installons dans un processus régressif dangereux qui n'est pas sans rappeler la période horrifique 1990-1993.

Au plan social, ce n'est pas mieux. Le chômage a repris sa progression. Chaque jour apporte son lot d'annonces de plans sociaux. Sur le front de l'accès à l'emploi des jeunes, « devoir national » selon le Premier ministre, rien ne bouge. Le moral et la confiance des Français sont au plus bas.

Dans ces conditions, un sommet des partenaires sociaux ne saurait se contenter, comme l'indique le patronat, de « procéder à un échange de vues sur la situation économique et sociale » et « arrêter en commun les sujets sur lesquels nous pourrions engager des négociations ou constituer des groupes de travail ».

L'urgence impose des actions fortes et rapides. Tout d'abord, à la suite de l'impulsion donnée par l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995, des négociations sur l'organisation, l'aménagement et la réduction du temps de travail se sont effectivement engagées dans les branches professionnelles. Sans sombrer dans un pessimisme noir, il faut constater que, dans le meilleur des cas, les délais seront longs pour aboutir et que les réticences - pour ne pas dire mauvaises volontés - sont fortes pour aborder ces questions qui touchent en profondeur à l'organisation du travail. Dans la quasi-généralité des cas, si la flexibilité est bien à l'ordre du jour, l'objectif de la création d'emplois passe à la trappe.

Alors demain, montrons notre volonté, à nous partenaires sociaux de prendre à bras le corps la question de l'emploi.

Engageons sans attendre la négociation de l'accord interprofessionnel sur le temps de travail, prévue dès le 30 octobre - qui doit voir le jour avant le 31 juillet - et devra s'imposer à toutes les entreprises non couvertes par un accord de branche. Sinon la loi uniforme, mal adaptée aux réalités et aussi aux spécificités de l'encadrement, fera passer sa toise brutale.

Bâtissons au travers du Fonds paritaire d'intervention pour l'emploi une nouvelle utilisation des aides consenties aux entreprises. Ces aides et allégements, de tous ordres, sont massivement utilisés mais 78 % des patrons de PME reconnaissent qu'ils ne constituent pas une incitation réelle à embaucher.

Aidons le temps partiel, aidons la réduction du temps de travail mais avec un engagement contractuel de création d'emplois.

Créons, après avoir évalué et simplifié toutes les formules d'insertion des jeunes, un contrat de confiance premier emploi avec des engagements réciproques clairs, stables et durables, en particulier pour les jeunes diplômés.

Élargissons l'accord du 6 septembre et ouvrons l'accès à un contrat de générations pour l'emploi qui permettrait immédiatement l'entrée dans la vie professionnelle à plus de 200 000 jeunes, en contrepartie du départ volontaire de salariés de plus de 55 ans ayant plus de 38 années de cotisations à la sécurité sociale.

Le Président de la République, en évoquant les droits acquis, vient de déclarer qu'il n'y a pas de développement économique sans contrainte sociale.

Puisse le patronat français comprendre que la solution des problèmes sociaux n'est plus aujourd'hui une contrainte mais une exigence pour le maintien des acquis économiques.


La Lettre Confédérale CGC : 25 mars 1996

Un verre à moitié vide

Placée sous le signe d'un patronat développant une analyse pessimiste de la situation économique et jugeant inéluctable une croissance du chômage, la rencontre des partenaires sociaux du 15 mars, si elle n'a pas été un « sommet Canada dry » d'apparences, s'est quand même conclue a minima.

Certes, quatre organisations syndicales, dont la nôtre, ont ratifié le procès-verbal.

Certes, ce sommet se devait d'abord d'effectuer une évaluation des accords conclus depuis une année, mais aussi de les accompagner, de les faire vivre, de les élargir ou de les réformer.

Certes, dans ce souci d'évaluation, l'observatoire des négociations sur l'aménagement/réduction du temps de travail va proposer, d'ici juin, un bilan qui permettra de s'engager, le cas échéant, dans la voie d'un accord national interprofessionnel.

Certes, un groupe de réflexion mettra en place une méthodologie pour impulser, démultiplier et suivre, au niveau local, l'application des accords nationaux interprofessionnels.

Certes, compte tenu de la place prépondérante prise par la construction de l'Union européenne, une commission a été créée qui se préoccupera de l'évolution de l'Europe sociale, ce qui intègre pour nous la notion de présence dans le dialogue social européen.

Mais, je crois que nous sommes loin d'avoir remonté la mécanique contractuelle que l'on espérait se voir mettre en mouvement.

À cet égard, la déception vient surtout de l'insertion et de l'accès à l'emploi des jeunes. Pour toute action nouvelle, le CNPF propose une campagne de mobilisation auprès des entreprises en faveur de cette insertion. C'est dire !

Heureusement, mesure directement positive, un groupe d'étude et de négociation va s'attaquer à la prolongation et à l'extension de l'accord du 6 septembre 1995 (lisez contrat de générations pour l'emploi proposé par la CFE-CGC) et à la mise en place d'un système de cessation progressive d'activité, le tout en contrepartie d'embauches.

Au moment où un ténor du patronat juge perverses et ruineuses les aides à l'emploi et où le président du CNPF semble opérer un repli stratégique en déclarant ne pas être favorable à leur extension, ni demandeur d'une baisse globale des charges patronales, on peut s'interroger sur le changement de discours, après des années de politique inverse. Limites du système, crainte du donnant, donnant ou de l'opinion publique ?

Quoi qu'il en soit, utilisons sans attendre les dotations budgétées pour favoriser le contrat de générations, le temps partiel choisi et les négociations sur le temps de travail. Le temps presse.