Déclaration de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, et interview à l'AFP et à l'agence Reuter le 10 mai 1996, sur la suite de la conférence de Barcelone pour l'avenir de la Méditerranée, la situation au Liban et le sort des moines otages en Algérie.

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Circonstance : Forum méditerranéen à Ravello (Italie) le 10 mai 1996

Média : Agence France Presse - Agence Reuter

Texte intégral

Intervention à la conférence de presse finale, à Ravello, le 10 mai 1996

Je voudrais souligner après Madame la Présidente l'importance du Forum méditerranéen.

Il y a deux grandes instances désormais où nous nous retrouvons entre Méditerranéens. C'est naturellement le cadre de la conférence de Barcelone et de ses suites, où s'est exprimée une véritable stratégie des Méditerranéens pour organiser leur avenir, à la fois sur le plan de la sécurité, sur le plan du développement économique, et celui du développement culturel.

C'est donc au sein de la conférence de Barcelone et de son suivi que s'organise notre projet commun pour l'avenir de la Méditerranée. C'est au sein du forum, dans sa configuration actuelle ou dans une configuration élargie, pour laquelle la France ne voit que des avantages, que s'organise un dialogue informel qui est d'une autre nature. Autrement dit, d'un côté, un projet avec des décisions et une action sur le long terme et, de l'autre, un cadre de dialogue informel. Ce sont les deux piliers de ce que j'ai appelé hier, et que je voudrais de nouveau appeler devant vous « l'éveil de la conscience méditerranéenne ». C'est un mouvement historique, après des siècles où la Méditerranée s'est plus souvent divisée que rassemblée, plus souvent affaiblie qu'elle n'a progressé. Voici que les gouvernements et les peuples se mettent en marche pour organiser leur avenir.

Il me semble que nous devons avoir à l'idée un projet extrêmement ambitieux, comme dans l'Italie où la Renaissance a eu un tel rayonnement, et que je serais tenté d'appeler « la Renaissance méditerranéenne ».

Dans ce cadre, tous les problèmes sont sur la table, y compris les crises lorsqu'elles surviennent, ce qui a été le cas récemment entre le Liban et Israël, sujet dont nous avons parlé, et puisque Mme Agnelli vient d'en dire quelques mots, laissez-moi simplement ajouter un point. La France pense qu'elle a apporté une contribution déterminante à la résolution de cette crise. Elle l'a fait au nom des liens très étroits qui l'unissent au Liban depuis huit siècles, qui n'ont pas d'égal et que chacun reconnaît me semble-t-il. Elle l'a fait aussi au nom de l'amitié tout à fait réelle et forte qui lie le peuple français au peuple israélien. Nous avions deux amis qui connaissent entre eux une crise aiguë. Quoi de plus normal que de tenter de contribuer à les aider à résoudre cette crise !

J'approuve tout à fait les propos de la Présidente a bien voulu tenir à l'instant, et je la remercie de nous donner en quelque sorte un mandat pour poursuivre notre action dans le cadre de la mise en œuvre de cet arrangement et de la relance du processus. Soyez assurés que pourvue de ce mandat la France sera encore plus forte et plus déterminée dans son action.


Entretien avec l'AFP et Reuter, à Ravello, le 10 mai 1996

Q. :  Qu'est-il ressorti de ces deux jours d'entretien pour la sécurité en Méditerranée ?

R. : La vertu principale du Forum méditerranéen est de permettre à onze ministres des Affaires étrangères de la Méditerranée de se retrouver de façon informelle et de pouvoir dans un cadre approprié évoquer les principaux sujets de l'actualité politique en Méditerranée. Cela ne donne pas lieu à des décisions. Il n'est pas fait pour cela.

Sa deuxième vertu est de donner à la dimension culturelle de nos relations une certaine intensité. J'ai, pour ma part, parlé d'éveil de la conscience méditerranéenne. Je crois que c'est ce à quoi on assiste, ce à quoi contribue ce forum. C'est dans le cadre de la conférence de Barcelone et de ses suites que l'on délibère sur les stratégies, sur le projet commun que nous avons, c'est un vrai projet politique, à long terme, en Méditerranée. C'est dans le cadre du forum que l'on échange des vues sur l'actualité. Il y a un lieu pour l'action, un lieu pour le dialogue.

Q. : Pouvez-vous nous donner quelques détails : avez-vous parlé avec votre collègue algérien ?

R. : Nous avons fait ensemble un tour d'horizon, comme il est normal entre deux pays qui ont des relations étroites et solides.

J'ai, bien sûr, évoqué particulièrement le sort de nos ressortissants – les sept moines français – qui ont été enlevés, en rappelant que nous accordons la priorité absolue à ce qu'ils nous soient rendus sains et saufs. D'autant que, s'agissant d'hommes de prière, la tradition de l'islam est de leur accorder un respect particulier. J'ai confirmé au ministre que la France fait confiance aux autorités algériennes à cette fin.

Q. : Concernant la lutte contre le terrorisme en Europe, notamment en France, le terrorisme islamique, est-ce que c'était une demande du ministre algérien ?

R. : Cette question n'a pas été évoquée.

Q. : Dans la conférence de presse, il semble ressortir une certaine différence de vue entre Mme Agnelli et vous-même sur les efforts à mener au Proche-Orient...

R. : Ce n'est pas ce que j'ai ressenti. La preuve : j'ai remercié Mme Agnelli du mandat qu'elle m'avait confié.

Q. : Vous avez bien dit qu'elle aurait préféré que ce soit au nom de l'Europe et non au nom de la France uniquement.

R. : Oui, mais j'ai entendu qu'elle avait confirmé qu'elle pensait que la France devait continuer à le faire dans ce cadre, et je m'en félicite.

Q. : On a entendu dire, la semaine dernière, qu'il y a des différences au sujet du Liban, différences entre la France et les États-Unis sur le cessez-le-feu ?

R. : Ce n'est pas comme cela qu'il faut présenter les choses. Il y a, pour l'instant, une réflexion et un travail qui se poursuivent en commun par les cinq pays membres du groupe de surveillance sur les modalités d'organisation et d'action de ce groupe. Chacun fait l'apport de ses idées. Les cinq pays se sont retrouvés à Washington hier, je n'ai pas le compte-rendu de leurs travaux, je ne peux donc pas apporter aujourd'hui d'information, de jugement ou d'élément supplémentaire.

Q. : Le problème entre la Turquie et la Grèce a-t-il été abordé lors de ce forum ?

R. : Non. Mais il faut qu'on en sorte.

Q. : Avez-vous l'impression que les deux parties veulent en sortir effectivement ?

R. : Je l'espère.