Texte intégral
Chargé par le Premier ministre d'assurer une concertation sur l'avenir des retraites, le Commissariat au Plan réunit une commission depuis quelques semaines. La tradition dans les travaux du Plan est leur caractère consultatif, les organisations syndicales y assistent et interviennent sans pour autant y être liées par les éventuelles recommandations qui en sortent ; les décisions restent de la compétence du gouvernement.
A n'en pas douter, au moins pour Force ouvrière, nous ne dérogerons pas à cette pratique pour le dossier des retraites. C'est ainsi que lors d'une première réunion, nous avions contesté le parti pris, pour comparer les revenus des actifs et des inactifs, intégré les revenus du patrimoine, ce qui, bien entendu, visait à montrer que les retraités n'avaient pas à se plaindre. Nous avons notamment précisé que la question du patrimoine et de ses inégalités n'était pas une question de protection sociale, mais de fiscalité et de répartition des richesses.
La semaine dernière, la réunion était consacrée aux perspectives démographiques et macro-économiques à l'horizon 2040 ! Nous n'étions plus sur le terrain de la prospective mais sur celui des prédictions, de quoi se remémorer Madame Tabouis et ses sempiternels : « Attendez-vous à ce que ».
Car, lorsqu'on connaît les difficultés pour avoir une prévision fiable de croissance économique pour 1999, on mesure la difficulté de l'exercice sur 40 ans.
Bien entendu, ce ne sont pas les fonctionnaires qui ont travaillé sur ces dossiers qui sont en cause (ils font d'ailleurs preuve d'humilité), mais la nature du travail qu'il leur a été demandé de réaliser.
Ces projections se veulent « raisonnables », c'est-à-dire conformes à la politique économique en pratique depuis une quinzaine d'années.
Il en ressort en particulier un objectif de taux de chômage de 9 % en 2040 !
Cela appelle deux considérations primaires. La première, c'est que les gouvernements n'accordent guère de crédit à leur politique qui, vient de le rappeler le Premier ministre, dois mettre la lutte contre le chômage comme priorité. La seconde, c'est qu'il y a de quoi rendre révolutionnaire le plus pondéré des travailleurs. Il n'y a alors aucune raison de s'étonner que les projections financières des régimes de retraite qui seront présentées, basées sur ces perspectives économiques, seront catastrophiques.
C'est aussi une façon de justifier les idées telles que les fonds de pension, sauveurs de la répartition, ou de préconiser comme inéluctable le recul de l'âge de la retraite.
C'est aussi, peut-être, une méthode pour réamorcer la réforme Juppé par une remise en cause des régimes spéciaux et particuliers et notamment celui des fonctionnaires.
D'ores et déjà , Force ouvrière à contesté le caractère inique et partisan de ces prévisions, rappelé que la politique économique actuelle n'était pas incontournable et qu'une autre répartition des richesses était indispensable.
Comment pourrait-on qualifier un projet dans lequel on dirait aux jeunes d'aujourd'hui, et à ceux qui naîtront dans les 20 ans à venir, qu'en 2040 le chômage serait encore de 9 % ?
Pour toutes ces raisons, Force ouvrière a réaffirmé de nouveau qu'elle ne pouvait pas s'inscrire dans un objectif de « diagnostic partagé ». Le rapport remis au gouvernement sera examiné le 25 mars 1999. D'ici là , d'autres réunions auront lieu. Mais, d'ores et déjà , conformément au mandat donné par notre dernière Commission exécutive confédérale, il faut se préparer à sensibiliser et mobiliser de nouveau sur la question des retraites. Nous serons attentifs aux comportements des autres organisations syndicales, l'enjeu est de taille. Il en va de la dignité, de la solidarité des générations et de l'avenir de la jeunesse.