Texte intégral
1. Que pense la ministre de la jeunesse et des sports du départ d'un jeune footballeur français dans un club anglais ?
Qu'un jeune de quinze ans soit acheté par un club professionnel me touche profondément. Ce commerce est une atteinte à l'éthique sportive. C'est d'autant plus inquiétant qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Nous savons que dans la périphérie du football, des gens repèrent des jeunes talents et se livrent à un véritable trafic.
2. Dans votre future loi d'orientation sur le sport, y aura-t-il un ou plusieurs articles visant à protéger la formation des footballeurs français ?
Oui. Je proposerai au Parlement deux dispositions essentielles. La première consiste à interdire toute transaction commerciale sur un jeune sportif mineur. Deuxième mesure : un jeune sportif issu d'un centre de formation devra signer son premier contrat professionnel avec le club qui l'a formé. Cette disposition va donner un fondement juridique aux règles qui s'appliquent dans le sport français. Il s'agit là d'une sorte d'obligation de retour envers la collectivité qui consacre d'importants moyens et humains à la formation. Notre objectif est de préserver l'originalité d'une formation sportive unique au monde. De cette manière, nous maintenons un lien structurel entre une mission d'intérêt général et le sport professionnel aux seuls appétits financiers.
3. Ne risque-t-on pas de se heurter à la législation européenne, notamment au traité de Rome ?
Nous avons eu le même type de débats à propos de la loi sur le dopage. Certains me disaient d'attendre, craignant qu'en se montrant aussi déterminée, la France ne se retrouve isolée en Europe. C'est exactement l'inverse qui s'est produit. Si nous ne voulons pas laisser s'instaurer un commerce d'enfants et voir nos centres de formation devenir des marchés d'approvisionnement des clubs les plus riches, il faut légiférer sans tarder. Jusqu'à une période récente, la logique qui prévalait en Europe était de considérer le sport comme une marchandise, les clubs comme des entreprises, et la loi de la libre concurrence au-dessus des règlements sportifs. Aujourd'hui, cette vision a nettement reculé. Le contexte est favorable à une reconnaissance, au sein de la Communauté européenne, de la spécificité du sport comme élément constitutif d'une culture, d'une identité, d'une citoyenneté.