Article de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, et déclaration du Front National en réaction à la réforme de l'armée annoncée par Jacques Chirac et pour la défense de l'industrie d'armement, février 1996 (document diffusé par le Front National Antenne défense).

Prononcé le 1er février 1996

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Débat sur la loi de programmation militaire
Contribution de Jean-Marie Le Pen

Non au désarmement budgétaire

Après plusieurs années de réduction de notre capacité de défense, nous espérions une certaine reprise en mains, ne serait-ce que pour sauvegarder l'essentiel. C'est l'inverse qui se produit.

Le budget de la défense accuse une baisse de l'ordre de 15 % par rapport à la loi de programmation militaire 1995-2000. Amputée d'une vingtaine de milliards, cette loi est déjà caduque. Tous les budgets d'équipement sont touchés mais aussi, ce qui est nouveau, la majorité des budgets de fonctionnement.

Certains disent qu'il n'est pas possible de faire autrement, compte tenu de l'ampleur de la dette publique, et de l'impossibilité de réaliser des économies sur d'autres budgets. C'est faux.

Les moyens existent. Il faut les affecter en priorité à la souveraineté nationale. Comment accepter, par exemple, qu'au moment même où de nombreux programmes essentiels sont reportés, amputés ou annulés, des dizaines de milliards se perdent dans les méandres d'une fausse « union européenne » dont certaines armées s'équipent prioritairement en matériel américain ?

Cette véritable politique d'abandon, que même les socialistes n'avaient pas osé mettre en oeuvre, hypothèque l'avenir de nos industries de défense et la capacité opérationnelle de nos armées. Cette situation est d'autant plus grave que les menaces, tant à l'Est avec le retour des communistes qu'au Sud avec la poussée des islamistes, tendent à se développer.

Sauver nos industries de défense

Accepter le démantèlement de nos arsenaux et la reconversion de notre industrie de défense, c'est soumettre l'Europe entière, de façon irrémédiable, à une totale dépendance vis-à-vis des États-Unis dans ce domaine. Qu'en serait-il d'une défense européenne privée de l'industrie française ?

Il est urgent de rétablir à leur niveau initial tous les programmes annulés, retardés ou amputés, tant pour satisfaire les besoins de nos armées que pour remettre à flot nos entreprises. Vaut-il mieux investir dans la survie et le développement d'un secteur stratégique ou engloutir les mêmes sommes dans l'indemnisation de 300 000 chômeurs de plus ?

Il faut surtout une volonté politique, qui impose de sortir de l'Europe de Maastricht et de constituer, avec les nations européennes dont les intérêts stratégiques sont conformes aux nôtres, un véritable pôle européen des industries de défense. La France ne peut supporter seule les coûts de recherche et développement d'une telle industrie, mais elle ne peut pas non plus soumettre sa politique de défense à des intérêts stratégiques différents des siens.

Seule une grande politique de redressement national peut reconstruire notre outil de défense. Il n'est pas trop tard pour la mettre en oeuvre.


Pour un service militaire volontaire

La conscription n'est plus adaptée aux besoins des armées françaises. Près d'un tiers des jeunes y échappent grâce à leurs relations ou à leurs diplômes, tandis que les autres sont appelés sous les drapeaux pour limiter l'ampleur du chômage chez les 18-25 ans. Si les plus volontaires parviennent à y acquérir de nouvelles expériences et de nouvelles qualifications, la majorité des appelés considère souvent les dix mois passés sous les drapeaux comme une perte de temps.

L'illusoire service civil

Des mesures telles que l'extension du service national obligatoire aux jeunes filles et son évolution vers des formes civiles ne peuvent être retenues.

Restaurant les corvées d'ancien régime dans un contexte de matraquage fiscal, le service civil obligatoire ajouterait l'impôt du temps aux prélèvements obligatoires qui accablent nos concitoyens. Compte tenu de l'ampleur du chômage en France, il serait amoral de la part de l'État de recourir ainsi à une main d'oeuvre forcée et sous payée.

La formation du caractère, et le goût de servir sa nation devraient s'apprendre à l'école. Il faut mettre l'éducation nationale devant ses responsabilités, et non pas se substituer à elle.

Vers un service volontaire

L'évolution des techniques et des menaces conduit nos années vers une professionnalisation accrue. En réduire le volume dans les proportions actuellement envisagées serait cependant suicidaire. C'est pourquoi elles auront toujours besoin de volontaires.

Nombreux sont les jeunes Français qui, sans pour autant souhaiter faire une carrière militaire, veulent acquérir une formation militaire et servir leur pays. Il convient donc de leur offrir cette possibilité. Motivés, régulièrement entraînés, bien équipés et considérés lorsqu'ils sont sous les drapeaux comme des soldats et des cadres à part entière, ils peuvent ensuite constituer de véritables unités de réserve active totalement intégrées à notre dispositif de défense.

Une période d'information et de sélection, comparable à une préparation militaire, pouvant s'effectuer pendant les vacances scolaires ou universitaires, permettra à chacun d'effectuer son choix en toute connaissance de cause.

Intégrée à une grande politique de redressement, celle réforme du service national permettra à la fois de doter nos armées des personnels volontaires dont elle a besoin et de mettre en place une politique cohérente d'emploi des réserves.

Les conséquences des restrictions budgétaires

De nombreuses unités dissoutes

Le format de l'armée de terre risque d'être réduit à 136 000 hommes, ce qui entraînera la dissolution d'une centaine de régiments. Indépendamment des problèmes sociaux qu'elle posera, cette réduction d'effectifs est suicidaire car elle ramène notre défense en dessous du seuil minimal de crédibilité.

Des carrières bloquées

La réduction des effectifs entraînera une profonde modification des carrières. Les militaires sous contrat ne verront pas leurs engagements renouvelés. Les autres seront pénalisés dans leur avancement.

Le long terme sacrifié

Pour réaliser des économies immédiates, les investissements à long terme sont sacrifiés, ce qui va considérablement affecter la capacité opérationnelle de nos années dans les années qui viennent.

Quelques exemples :

Le programme Leclerc subit de plein fouet les restrictions et risque de se limiter à 450 exemplaires en dotation, au rythme d'une quarantaine par an, ce qui revient à diviser par trois la série prévue initialement.

Le nombre de Rafale ne dépassera pas 320, dans le meilleur des cas, ce qui est notoirement insuffisant.

Le porte-avions Charles de Gaulle ne sera intégré à la flotte que fin 1999, avec deux ans de retard... Le deuxième porte-avions nucléaire, dont l'absolue nécessité ne fait aucun doute, est relégué aux calendes grecques.

Un sort identique est réservé aux nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins : si le second est maintenu pour 1999, le troisième sera retardé, et le quatrième probablement abandonné.

Le gel du programme Hades entraîne une perte de l'investissement réalisé de 14 milliards.

Est également menacé de suppression le programme d'avion de transport futur, gros porteur qui fait cruellement défaut à l'armée de l'air.

Un marasme industriel

75 000 licenciements prévus en trois ans dans l'industrie de défense. 50 000 à la DGA, plus de 3 000 à l'Aérospatiale, plus de 20 % de l'effectif du GIAT, etc., dans le meilleur des cas...

300 000 emplois et 5 000 entreprises menacés à terme. Une « reconversion » en vue qui ressemble fort à une disparition définitive.


Ne laissons pas brader notre industrie de défense

Le désarmement budgétaire de la France conduit à la ruine de nos industries de défense. Environ 75 000 emplois sont directement menacés dans les trois ans qui viennent. À terme, ce sont 300 000 emplois et 5 000 entreprises qui risquent de disparaître si la politique actuelle est maintenue.

Pourtant, les solutions existent.

La dernière loi de programmation militaire prévoyait 100 milliards de francs par an de crédits d'équipement pour la défense nationale. C'était déjà insuffisant. Moins de deux ans après, il n'est plus question que de 83 milliards, qui doivent encore être réduits à 75 milliards, alors que les menaces n'ont pas disparu.

Plusieurs programmes d'armement, pour lesquels des dépenses importantes ont déjà été engagées, vont être annulés. Ceux qui sont maintenus seront tous amputés et retardés. Résultat, les coûts de production augmentent vertigineusement et nos produits ne sont plus compétitifs à l'exportation.

Accepter la reconversion de notre industrie de défense, c'est accepter la perte de notre indépendance et de notre souveraineté nationale. La France doit rester capable de produire elle-même, dans un délai très court, les armements dont elle a besoin pour assurer sa sécurité en cas de crise. La rentabilité suivra la volonté politique, et non l'inverse.

Les milliards que le gouvernement prétend ne pas trouver pour la défense de notre souveraineté nationale, il les gaspille ailleurs :

– 15 milliards pour un illusoire « plan banlieues » ;
– 50 milliards par an pour les aides publiques au développement, dont moins d'un tiers arrive effectivement à destination ;
– 300 milliards par an engloutis dans une folle politique d'immigration-intégration, etc.

Les gouvernements, de droite comme de gauche, qui ont voulu le traité de Maastricht, se révèlent incapables de défendre les armements français au sein même de l'Union européenne. Qui, à part la France, a prévu de s'équiper du char Leclerc ou de l'avion Rafale ? Personne. Les commandes partent aux États-Unis...

Appliquer la politique proposée par le Front national en matière de défense, c'est :

– sauver nos industries de défense ;
– créer de nombreux emplois dans ce secteur ;
– développer notre avance technologique ;
– garantir l'indépendance, la souveraineté et la performance françaises.

La CGT et le parti communiste militent depuis des décennies pour le désarmement de la France. Comment peuvent-ils aujourd'hui prétendre défendre l'emploi dans les industries de défense ?

Ils se moquent de la France, ils se moquent des travailleurs français.

Pour sauver nos industries de défense, il n'y a que le Front national


Les solutions existent…

Doter la défense d'un budget crédible

Le budget de la défense peut être raisonnablement porté aux alentours de 5 % du produit intérieur brut, alors qu'il est aujourd'hui inférieur à 3 %. Plus de 200 000 emplois, tant dans les armées que dans les industries de défense peuvent ainsi être créés.

Objecter à cette nécessité la baisse des dépenses militaires dans le monde n'est pas crédible. Il est indéniable que l'équipement des armées françaises accuse un net retard par rapport aux nations comparables, et qu'un gros effort de mise à niveau est nécessaire. Toute restriction budgétaire dans ce contexte est très risquée.

Les moyens existent. Il suffit souvent de ne pas les gaspiller ailleurs. Ainsi, les 15 milliards engloutis dans un illusoire plan-banlieues permettraient la construction du deuxième porte-avions nucléaire et la sauvegarde de nombreux emplois français.

Donner du travail à nos entreprises

La reprise de notre effort de défense permettra de rétablir à leur niveau initial tous les programmes annulés, retardés ou amputés.

Ces programmes donneront tant à la DGA qu'aux industries civiles de défense la bouffée d'oxygène nécessaire à leur survie immédiate et à leur adaptation aux contraintes des années à venir.

Les coûts de nos armements deviendront ainsi plus raisonnables, ce qui aidera nos entreprises à conquérir de nouveaux marchés à l'exportation.

Afficher une volonté politique claire

Les revirements permanents des gouvernements français empêchent les industries de défense de travailler normalement. Lorsqu'une loi de programmation est votée pour 5 ans, il faut s'y tenir et non pas amputer les crédits de 15 % un an après...

Les autorités françaises doivent obtenir l'obligation pour les pays membres de l'Union européenne de pratiquer la préférence européenne en matière d'achat d'armements. Pour cela, elles doivent afficher une détermination et une volonté politique claire, ce qui est loin d'être le cas actuellement.

Cesser de soumettre la France aux intérêts euro-mondialistes et constituer, dans le cadre d'une Europe des nations, un véritable pôle européen des industries de défense s'avère indispensable à moyen terme, tant du point de vue économique que du point de vue stratégique.

Créer un nouvel esprit de défense

Les nouvelles menaces, y compris celles liées à la présence d'enclaves étrangères incontrôlées sur notre sol, doivent être vraiment prises en compte, ce qui suppose de se doter de nouvelles unités et de nouveaux équipements adaptés à ces menaces.

Le rétablissement de la souveraineté nationale est prioritaire. Cela nécessite une armée forte et respectée, mais aussi le maintien de notre capacité à produire nous-même, dans un délai très court, l'essentiel des armements dont nous avons besoin.


Avertissement

La forme et le mode de diffusion de ce document surprendront sans doute certains de ses destinataires.

Exclu de l'Assemblée nationale par une loi électorale inique, quasiment exclu des grands médias, je n'ai qu'un moyen de faire connaître mes positions et mes propositions en matière de défense nationale : m'adresser directement aux militaires et aux employés des industries de défense, en leur demandant de se battre pour sauvegarder non seulement leurs emplois, mais aussi notre outil de défense.

Chacun est libre de partager ou de combattre les orientations politiques que je propose, mais nul ne peut ignorer la réalité. À l'approche du débat sur la prochaine loi de programmation militaire, je me devais de la faire connaître.