Texte intégral
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. François Bayrou, ministre de l’éducation nationale. Mesdemoiselles et messieurs les députés des enfants, je suis heureux, au nom du Gouvernement, même si celui-ci n’expédie en ce moment que les affaires courantes, de pouvoir vous saluer et de m’adresser à vous qui êtes, pour une journée, les représentants élus de millions de jeunes Français.
Quand, l’an dernier, pour la première fois dans l’histoire de la République, des élèves de CM2 comme vous, sont venus prendre place dans cet hémicycle à l’invitation du président de l’Assemblée nationale, j’avais indiqué combien je me réjouissais de l’initiative que M. Philippe Séguin avait prise. J’avais considéré, en effet, que si l’on permettait exceptionnellement à des personnes de s’asseoir sur les sièges qui sont d’ordinaire exclusivement réservés aux élus de la nation, nul n’y était plus autorisé que de jeunes élèves tels que vous, à qui l’on apprend à devenir des citoyens français.
Or, peut-on bien apprendre et comprendre sans travaux pratiques, sans voir concrètement la réalité de ce que l’on étudie ? Je crois, pour ma part, qu’il en va pour l’éducation civique comme pour l’histoire ou les sciences naturelles. On vous a expliqué à l’école ce qu’était et ce que faisait un maire, un député, un président de la République. Mais il manquait peut-être à ces explications des images, des illustrations.
En venant aujourd’hui à l’Assemblée nationale, dans ce lieu riche d’une très grande histoire que le président de l’Assemblée a rappelée, dans ce lieu où se fait la vie publique, la vie politique de la France, je crois que vous recevez la plus belle des leçons de choses que la démocratie puisse vous proposer.
Vous allez sans doute me répondre que, même si vous n’aviez pas eu la chance d’être là aujourd’hui, vous savez très bien à quoi ressemble la vie politique puisque tous les jours, à la télévision, dans les journaux télévisés et quelquefois aux « Guignols de l’info », vous en avez des images. Mais il y a une très grande différence entre la télévision et la réalité.
Devant la télévision, vous ne pouvez pas vous exprimer. Ici, vous intervenez directement. Chacune de vos classes a préparé un texte et nous avons entendu les trois qui ont été retenus par le jury et que nous avons tous applaudis. Dans un instant, vous nous poserez des questions. Voilà, c’est cela la démocratie, c’est cela le rôle du citoyen : intervenir, donner son avis, faire soi-même des choses et non pas regarder en spectateur les choses se faire sans vous.
Il y a aussi une autre différence : la télévision, c’est surtout fait pour distraire et pour amuser – en tout cas, c’est trop souvent le rôle qu’elle s’assigne. C’est pourquoi, souvent, on y parle de la vie politique et des hommes politiques en s’en moquant. Certes, il est tout à fait permis de le faire, surtout lorsque c’est sans méchanceté. D’ailleurs, on se moque souvent des gens que l’on aime bien et il vous arrive, j’en suis sûr, de vous moquer de vos copains et même parfois de vos maîtres. Mais s’il est bon de s’amuser, il ne faut pas oublier que la politique est une chose très sérieuse, et qu’elle engage la vie de tout le pays, c’est-à-dire celle de vos parents, celle de vos familles et la vôtre.
Par exemple, dans le lieu où vous êtes, des députés ont essayé, jour après jours, de comprendre les problèmes essentiels du pays et de leur apporter des réponses. Ils l’ont fait en décidant des dépenses, en votant les impôts, c’est-à-dire – comme l’un d’entre vous l’a souligné tout à l’heure – en cherchant la meilleure manière de dépenser l’argent versé par tous, par vos parents, par vos familles.
La politique est également une chose sérieuse parce que les décisions qui sont prises, les choix qui sont opérés le sont pour de très nombreuses années. Ainsi, nous venons ensemble d’élire le Président de la République. Pour la première fois, vous avez pu suivre une élection présidentielle. Or, dans sept ans, pour la prochaine élection présidentielle, la plupart d’entre vous seront déjà en âge de voter et, sept ans plus tard, lors de l’élection suivante, beaucoup d’entre vous auront déjà des enfants. Un peu à la manière d’un arbre que l’on plante, ce que l’on décide aujourd’hui ne prend toute son ampleur que bien des mois, voire bien des années plus tard. Ces événements sont si rares qu’ils méritent que nous y prêtions une très grande attention.
La politique est une chose sérieuse, enfin, parce que son exercice, sa pratique, ne sont pas offerts à tout le monde sur la planète, bien loin de là. En effet, dans leur majorité, les enfants du monde vivent dans des pays où les gens ne sont pas libres, où les citoyens ne peuvent pas s’exprimer.
A ce propos, je tiens à évoquer devant vous un visage, à vous raconter une histoire. Elle concerne, non pas une période ancienne, mais des événements qui se sont déroulés il y a moins d’un mois, le 16 avril. Un petit garçon pakistanais âgé de douze ans – il s’appelait Igbal Masih – a été assassiné parce qu’il avait pris la défense des enfants esclaves. Sachez que ce petit garçon avait été vendu pour douze dollars, c’est-à-dire soixante francs, par son père à l’âge de quatre ans. Pour soixante France, on a donc pu vendre, de nos jours, un petit garçon qui est devenu esclave dans une industrie de son pays.
Si M. le président de l’Assemblée nationale le permet, je voudrais que, ensemble, à la mémoire de ce petit garçon qui avait pris la défense de tous les autres petits garçons de la planète, nous nous levions et observions – comme nous le faisons quelquefois dans cet hémicycle – une minute de silence. (Les députés des enfants, et Mme et MM. les membres du bureau se lèvent et observent une minute de silence.)
A l’évocation d’un seul visage, vous avez sans doute compris la chance que nous avons. En effet, contrairement à des milliards de personnes dans le monde, nous avons la liberté de participer aux décisions qui nous concernent ; nous vivons dans un pays où les enfants sont libres et protégés. Dans cette assemblée, nous consacrons tous ensemble le meilleur de notre intelligence et de notre cœur à améliorer sans cesse la situation du pays, de nos enfants et de la liberté.
Vous avez été aujourd’hui les députés de tous les enfants de France à l’Assemblée. Vous y avez été envoyés en leur nom pour découvrir la Maison de la liberté de tous les Français, la Maison de l’avenir de la France. Comme M. le président l’a indiqué, nous voudrions, nous qui, pour l’instant, assumons ces fonctions, que votre mission ne prenne pas fin après votre retour chez vous ? Vous devrez continuer à être pour tous les Français, pour les jeunes de votre âge comme pour les moins jeunes, des modèles de civisme, c’est-à-dire de responsabilité.
Je crois, monsieur le président de l’Assemblée nationale, que tous les députés peuvent être fiers d’avoir eu à leur place, pour une journée, de tels défenseurs de la démocratie. (Applaudissements.)
Questions à M. le Président de l’Assemblée nationale et à M. le ministre de l’éducation nationale
M. le président. Nous allons maintenant procéder à une séance de « questions-réponses » qui se déroulera de la façon suivante : dix d’entre vous interrogent alternativement, le ministre de l’éducation nationale et moi-même. M. Bayrou répondra donc à cinq questions et j’essaierai de répondre aux cinq autres. Le ministre parlera de sa place, c’est-à-dire du banc du Gouvernement, comme il l’a fait tous les mercredis au cours des quatre sessions qui se sont déroulés depuis deux ans, pour répondre aux députés qui l’ont interrogé. Comme les députés qui interviennent le mercredi, ceux qui auront à poser une question parleront depuis l’hémicycle. Ils ne montreront pas à la tribune, mais se déplaceront jusqu’au micro le plus proche.
Prenez tout votre temps ! – Profitez-en, parce que les députés, eux, sont strictement limités à deux minutes trente – c’est-à-dire ne parlez pas trop rapidement pour que nous puissions bien vous entendre et bien vous comprendre.
La première question va être posée à M. le ministre de l’éducation nationale par Julien Roussel élève de l’école de Mazargues-Vaccaro à Marseille, représentant la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône. La parole est à Julien Roussel. (Applaudissements.)
Julien Roussel. Monsieur le ministre, pourquoi y-a-t-il autant de violence et de délinquance dans les établissements scolaires ?
M. le président. Je te remercie, Julien, de cette question qui est d’une grande brièveté. Elle est exemplaire pour les députés qui t’écoutent, car elle démontre que l’on peut dire l’essentiel en une phrase.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. François Bayrou, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député des enfants, il y a autant de violence dans les établissements scolaires parce qu’il y a beaucoup de violence dans le pays ! La violence existe dans la société dans laquelle nous vivons ; elle rejaillit donc sur l’école.
Les adolescents qui se livrent à des actes de violence sont souvent eux-mêmes des victimes : victimes de l’ambiance dans leur famille, victimes de l’angoisse de leurs parents, victimes des quartiers dans lesquels ils habitent, victimes des temps dans lesquels nous vivons, lesquels portent à la violence plutôt qu’à l’apaisement. Il faut toujours avoir ces considérations présentes à l’esprit quand on parle de violence à l’école.
La mission de l’école est précisément de faire en sorte qu’il y ait moins de violence, plus de chances pour tous dans la société.
Pouvons-nous faire quelque chose ? Ma réponse est oui.
Nous le faisons d’ailleurs tous les jours : l’éducation civique dont nous donnons un exemple aujourd’hui en est l’illustration. C’est l’éducation à ce que j’ai appelé, avec le président de l’Assemblée nationale, « la responsabilité ». Cela signifie que l’on a, entre ses mains, sa propre vie et la vie des autres, que l’on est responsable. L’éducation civique est une réponse à la violence, mais il y en a bien d’autres.
Ainsi, je crois que si les établissements scolaires – je pense en particulier aux collèges et aux lycées – étaient moins grands, s’ils avaient des dimensions plus humaines, s’il y avait davantage d’adultes pour encadrer les enfants, les adolescents, la violence serait moins grande. Notre effort portera donc sur ce sujet, car si la violence ne trouve pas sa source dans l’école, on peut trouver dans l’école des réponses au problème que tu as évoqué. (Applaudissements.)
M. le président. La question suivante va m’être posée par Valérie Guiraud, élève de l’école primaire de Cesseras, représentant la cinquième circonscription de l’Hérault.
La parole est à Valérie Guiraud.
Valérie Guiraud. Monsieur le président, pensez-vous que nos députés représentent vraiment tous les Français, même les plus démunis ?
M. le président. Ta question, Valérie, porte sur un sujet essentiel.
Vous qui avez été élus par vos camarades, toi et tous ceux qui sont ici présents, devez bien comprendre que vous les représentez tous sans exception. C’est la même chose pour le Président de la République, pour les députés, pour les sénateurs : une fois élus, ils doivent considérer qu’ils représentent l’ensemble de la nation, même ceux qui n’ont pas voté pour eux. Cela signifie que les élus ne représentent normalement ni une région, ni une ville, ni une profession, ni une catégorie sociale, mais tous les citoyens. Ils doivent donc se forcer à raisonner au nom de l’intérêt général et non de tel ou tel intérêt particulier.
Vous savez sans doute que cela constitue un grand changement par rapport à la monarchie, puisque, à l’époque, les députés représentaient leur ordre. Certains représentaient la noblesse, et ne défendaient que les intérêts de la noblesse. D’autres représentaient le clergé ! D’autres, enfin, représentaient les autres catégories, ce qu’on appelait le tiers état. La Révolution a changé tout cela, et c’est là que se trouve le cœur de la République : donner la possibilité à chaque citoyen, en particulier aux plus pauvres, aux plus démunis, comme tu l’as dit, de participer à la vie politique nationale, chacun étant sur un pied d’égalité.
Il faut cependant apporter un correctif, car ceux qui sont les plus démunis, les plus éloignés du pouvoir doivent faire l’objet de la plus grande attention. Ainsi que je vous l’ai indiqué dans mon discours d’introduction, la politique est une grande mission à condition de la considérer comme un service rendu aux autres, en particulier à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les plus démunis. (Applaudissements.)
Julien Sirixay. Monsieur le ministre, est-ce pour aider les enfants à devenir « Européens » que vous voulez qu’ils apprennent l’anglais dès le cours élémentaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. le ministre de l’éducation nationale. Julien, je t’indique d’abord que si je voulais imposer à tous les élèves d’apprendre l’anglais, j’aurais des problèmes très graves. Je souhaite seulement que, dès le cours élémentaire, les élèves puissent apprendre une langue vivante, par seulement pour qu’ils deviennent « Européens », mais parce que la France a besoin de jeunes et d’adultes parlant les langues de ceux qui fréquentent notre pays, qui commercent avec nous, que nous rencontrons en voyage, sans jamais oublier que la première langue qu’il convient d’apprendre reste évidemment le français. C’est bien cette priorité qu’il faut garder présente à l’esprit.
J’ai toujours été révolté par l’injustice que constitue le fait que seuls certains enfants, grâce à la situation de leur famille, parce que leurs parents ont de l’argent, puissent, très tôt, apprendre des langues vivantes, par exemple parce qu’ils ont pour s’occuper d’eux des personnes de nationalité étrangères qui peuvent leur apprendre une langue vivante dès leur plus jeune âge.
Je considère qu’il est bon pour la nation et pour les enfants eux-mêmes que chacun ait, très tôt, sinon la connaissance, du moins des notions d’une langue vivante et de sa prononciation. En effet, l’on apprend beaucoup plus facilement ce que l’on apprend tôt, dans le domaine des langues en particulier.
Nous ne saurions nous accommoder du retard que la France a pris en matière d’enseignement des langues vivantes. Tes parents te confirmeront sans aucun doute que les Français sont, parmi les Européens, ceux qui parlent le moins facilement des langues étrangères. Il faut rattraper ce retard et corriger cette injustice. C’est pourquoi j’ai souhaité que les langues vivantes soient apprises très tôt. (Applaudissements.)
M. le président. La question suivante va m’être posée par Karen Alves, élève de l’école publique Saint-Liphard, et qui représente la deuxième circonscription du Loiret.
La parole est à Karen Alves.
Karen Alves. Monsieur le président, les affaires nous perturbent. Nous ne comprenons pas. Peut-on empêcher cela ? Est-ce parce que nous sommes libres que cela arrive, que certains en profitent ?
M. le président. Tu poses une question d’une grande actualité. Pour y répondre complètement je formulerai deux remarques préalables : d’abord, les élus, en particulier les députés, sont dans leur immenses majorité des gens honnêtes ; ensuite, le fait qu’ils soient amenés à gérer ce qu’on appelle les fonds publics, c’est-à-dire l’argent de tout le monde, rend beaucoup plus graves leurs fautes éventuelles.
Si les affaires semblent effectivement s’être développées au cours des dernières années, deux questions peuvent être posées : pourquoi cette multiplication ou cette apparente multiplication ? Comment répondre à ce qu’il est, comme tu l’as laissé entendre, une menace pour la démocratie ?
D’abord, il faut se méfier des fausses impressions. Si l’on a le sentiment qu’il y a beaucoup d’affaires, c’est parce qu’on a défini des règles nouvelles, qui n’existaient pas auparavant. Du coup, la justice a pu s’intéresser à des choses auxquelles elle n’avait pas accès auparavant, ce qui ne signifie pas qu’elles n’existaient pas.
Pour autant, on estime que les années 80 n’ont pas été de très bonnes années en matière de corruption, les infractions dans ce domaine en la matière ont progressé, non seulement en France mais dans la plupart des pays d’Europe.
A quoi cela est-il dû ? Essentiellement au fait que, pendant les années en cause, on a beaucoup parlé de l’argent. On ne pensait même qu’à cela.
En tout cas, l’exemple de certains pays étrangers, l’Italie parmi d’autres, nous montre que la lutte contre la corruption est un enjeu très important pour la bonne qualité d’une démocratie.
Cette Assemblée nationale l’a bien compris puisque, il y a quelques mois à peine, elle a pris l’initiative de mesures nouvelles dans ce domaine.
L’idée majeure que je voudrais que tu retiennes, que chacun et chacune d’entre vous retienne, c’est que, pour la corruption comme pour le reste, chacun des pouvoirs doit jouer son rôle.
Dans une démocratie, les seules personnes qui aient le droit de se prononcer sur la culpabilité de quelqu’un, qu’il soit un simple citoyen ou un élu, ce sont les juges, et personne d’autre. Ce ne sont pas les élus. Ce n’est pas non plus aux journalistes de se substituer aux juges.
A l’inverse, il est toujours très important que les juges fassent bien leur travail et n’aient pas la tentation de se substituer aux élus. Leur vocation consiste à punir les comportements malhonnêtes et en aucun cas à peser sur les choix des électeurs.
Cela nous renvoie à la définition de la séparation des pouvoirs dont nous parlions tout à l’heure. (Applaudissements.)
Nous allons maintenant évoquer un endroit célèbres, puisque la question va être posée à M. le ministre par Vanessa Castelli, qui est élève de l’école primaire de Varennes, dans la deuxième circonscription de la Meuse.
La parole est à Vanessa Castelli.
Vanessa Castelli. Monsieur le ministre, comment l’école peut-elle aider tous les enfants, tous les jeunes à devenir demain des citoyens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. le ministre de l’éducation nationale. Vanessa, c’est probablement la question la plus importante que nous ayons à traiter.
Lorsque l’on réfléchit à l’éducation nationale, à l’école, on pense bien entendu aux connaissances intellectuelles et à la préparation à l’emploi.
Mais le plus important, c’est, comme tu viens de le dire, la préparation à être citoyen, à jouer tout son rôle dans le pays auquel on appartient et à être un citoyen responsable.
Pour devenir un citoyen, il faut être éduqué. On éduque en matière d’activités physiques : c’est l’éducation physique. On éduque beaucoup en matière d’activités intellectuelles : l’histoire, le français, les langues, les mathématiques. Tout cela, c’est de l’éducation intellectuelle. Eh bien ! il faut faire aussi de l’éducation civique.
Jusqu’à maintenant, l’éducation civique – à laquelle était consacrée environ une demi-heure par semaine – faisait l’objet d’un enseignement à part des autres matières, c’est-à-dire que l’on étudiait l’Assemblée nationale, le Sénat, le département, la commune. C’était très important.
A mes yeux, cela ne suffit pas.
Je voudrais que, dans les années qui viennent, on se mette à faire de l’éducation civique dans toutes les disciplines.
Je vais prendre un exemple qui te paraîtra surprenant : peut-on faire de l’éducation civique en éducation physique ? A priori, cela paraît étonnant. Et pourtant, réfléchis à la manière dont doivent se comporter les spectateurs dans un stade, les joueurs sur le terrain pour éviter certains gestes, pour éviter les bagarres et les coups de poing, pour éviter ces mouvements de panique et ces incidents où de jeunes hommes – on l’a vu, hélas ! – trouvent la mort simplement pour avoir été spectateurs dans une tribune. Tout cela impose que l’on fasse aussi de l’éducation civique dans le cadre aussi de l’éducation physique.
Et cela est possible dans toutes les disciplines. En mathématiques, par exemple – et je m’en tiendrai là – on peut étudier ce qu’évoquait le président de l’Assemblée nationale tout à l’heure, c’est-à-dire un budget pour beaucoup plus de 1 000 milliards de francs. On peut étudier ce budget : on peut chercher à savoir à quoi correspond un emprunt et combien de temps il faudra pour le rembourser.
Autrement dit, il faut que l’école assume pour sa part la mission de former non seulement des élèves, non seulement des intelligences, non seulement de futurs professionnels, mais les citoyens que chacun d’entre vous – vous le montrez aujourd’hui – vous êtes, comme tous vos camarades de classe. C’est très important pour l’avenir du pays. (Applaudissements.)
M. le président. Pour me poser la question suivante, la parole est à Emmanuelle Frédéric, de l’école d’Awala-Yalimapo, représentant la deuxième circonscription de la Guyane.
Emmanuelle Frédéric. Monsieur le président, nous avons été frappés de voir l’âge avancé de certains députés et hommes politiques en général. Des hommes aussi âgés comprennent-ils vraiment les problèmes des jeunes ? Ne serait-il pas possible d’avoir une retraite pour les parlementaires ?
M. le président. Tout d’abord, il ne faut surtout pas s’imaginer que les députés sont âgés.
Pierre Lévy nous parlait tout à l’heure d’une moyenne d’âge de cinquante-quatre ans. En fait, cette moyenne est de cinquante-deux ans et deux mois. Et je suis très fier d’être en-dessous de la moyenne, car j’ai cinquante-deux ans et un mois. (Sourires.)
Plus de la moitié des députés ont moins de cinquante ans, soixante-deux moins de quarante ans et le plus jeune d’entre nous a été élu à vingt-sept ans. Ce n’est d’ailleurs par le record : M. Mendès France, que j’évoquais tout à l’heure, avait été élu à vingt-cinq ans, et ce record n’a pas encore été battu.
De toute façon, ce n’est pas parce que l’on appartient à une certaine catégorie de la population que l’on comprend mal les problèmes des autres. Les problèmes des jeunes sont souvent – ne l’oublions pas ! – ceux de tous les Français, qu’il s’agisse du chômage, de l’insécurité, de l’inégalité des chances ou encore de la lutte contre le sida.
L’essentiel est que les gens plus âgés comprennent les problèmes des jeunes, qu’ils aient les contacts nécessaires pour cela.
De même, il revient aux plus jeunes de prendre conscience des problèmes des personnes plus âgées. On a évoqué les problèmes des plus de soixante-cinq ans. Ceux-là aussi, il faut les comprendre et y répondre.
Voilà pourquoi – mes collègues sont du reste en train de me surveiller du coin de l’œil, et je ne vais plus les décevoir (Sourires) – je ne suis pas du tout favorable à l’idée d’un âge de retraite obligatoire pour les parlementaires.
Quoi qu’il en soit, si vous voulez rajeunir l’Assemblée nationale, il faut vous y préparer tout de suite et, dans quinze ou vingt ans, vous pourrez, comme l’a dit M. Bayrou vous présenter, vous aussi, à ces élections. (Applaudissements.)
La parole st à Charlotte Brochard, élève de l’école élémentaire publique de Hambers, dans la première circonscription de la Mayenne, pour poser sa question à M. le ministre.
Charlotte Brochard. Monsieur le ministre, comment comptez-vous maintenir les petites écoles comme la nôtre dans les régions rurales ?
M. le président. Monsieur le ministre, vous répondrez aussi efficacement que brièvement ! (Sourires.)
M. le ministre de l’éducation nationale. Très brièvement, en effet !
Je considère que maintenir les écoles dans les régions rurales est indispensable. Je suis ministre depuis un peu plus de deux ans. Et je suis très heureux de pouvoir dire que, au cours de cette période, aucune école n’a été fermée. C’est la première fois depuis très longtemps qu’on décide de ne fermer aucune école. De sorte qu’il y a aujourd’hui, en France, plusieurs écoles qui comptent moins de cinq élèves, ce qui n’est pas non plus l’idéal.
Mais, si l’on veut qu’un village reste vivant, il faut lui laisser son école et, pour cela, consentir les sacrifices nécessaires.
Alors, tu me demandes comment faire pour maintenir les petites écoles. En le décidant et en nous l’imposant à nous-mêmes comme règle commune. (Applaudissements.)
M. le président. Pour me poser la question suivante, la parole est à Mary Melyon, élève de l’école mixte I du Raizet aux Abymes, représentant la première circonscription de la Guadeloupe.
Mary Melyon. Monsieur le président, on parle beaucoup de l’absence des députés lors des séances de l’Assemblée nationale. Vous qui avez la possibilité de vous faire remplacer, profitez-vous de cette chance pour vous absence vous aussi ? (Sourires.)
M. le président. Je le disais tout à l’heure : il ne faut pas exagérer l’absence des députés.
La discussion dans l’hémicycle n’est qu’une partie du travail des députés. La majeure partie s’est déroulée avant que le texte qu’ils ont à étudier ne vienne en séance publique. Il a déjà été examiné en commission et a fait l’objet de recherches et de débats.
Les députés ont aussi à s’occuper de leur circonscription, des gens qui les ont élus.
En tant que président, je peux effectivement me faire remplacer par l’un des six vice-présidents. D’après ce que j’entends, c’est à la fois opportun et nécessaire, car c’est parfois très fatigant.
Vous savez qu’il arrive à l’Assemblée de siéger six jours sur sept, quand ce n’est pas sept sur sept. On commence à neuf heures trente du matin. On arrête à treize heures. On reprend à quinze heures. On arrête le soir, à dix-neuf heures trente, pour reprendre à vingt et une heures trente. Et souvent, on va jusqu’à une heure et demie du matin. Après quoi on recommence le lendemain.
Il est donc normal que, moi aussi, je me fasse remplacer, d’autant que le président de l’Assemblée nationale a d’autres choses à faire que de présider. Il doit également organiser le travail de l’Assemblée, y compris le travail matériel. Il y a, à l’Assemblée, entre 3 000 et 3 500 personnes qui travaillent. Le président est, en quelque sorte, avec MM. les questeurs et avec le Bureau, le « maire » de l’Assemblée. Il a à régler les problèmes – j’allais dire de cohabitation ! non (Sourires.) – de « coexistence » de tout ce petit monde ! (Applaudissements.)
La parole est à Matthieu Vaissié, élève de l’école Jean-Jaurès, au Bouscat, représentant la première circonscription de la Gironde, pour poser sa question à M. le ministre.
Matthieu Vaissié. Monsieur le ministre, de plus en plus, on demande aux élèves de faire des études longues, afin d’obtenir de nombreux diplômes. A quoi cela va-t-il servir s’il n’y a pas de travail !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. le ministre de l’éducation nationale. Matthieu, c’est une question dont tout le monde discute chaque fois qu’il y a une interrogation, un débat devant des journalistes ou dans la rue. Tes parents aussi parlent, entre eux, de cette question.
Je voudrais, comme nous arrivons au terme de cette séance, répondre par deux réflexions très brèves.
Premièrement, c’est bien de se préoccuper de l’emploi. On a raison, et la réflexion sur la manière dont l’école en général prépare à la vie professionnelle est très importante.
Mais, deuxièmement, les études et les diplômes, ça ne sert pas qu’à l’emploi. Ça sert à « construire » l’homme que tu seras, le citoyen que tu seras – on l’évoquait tout à l’heure avec la question de Vanessa –, l’esprit libre que tu seras, quelqu’un qui pourra comprendre ce qui se passe dans le monde et ce qui se passe dans sa vie. L’école sert d’abord à cela. La priorité est de fabriquer les hommes que les petits garçons seront, les femmes que les petites filles seront. Voilà à quoi cela sert d’abord. Il ne faut jamais l’oublier. (Applaudissements.)
M. le président. Pour me poser la dernière question, la parole est à Nadim-Serge Audi, élève de l’école élémentaire mixte, 221, boulevard Péreire à Paris, représentant la seizième circonscription de Paris.
Nadim-Serge Audi. Monsieur le président, quelles tâches supplémentaires à le président de l’Assemblée nationale par rapport aux autres députés ?
M. le président. J’ai déjà, en partie, répondu à la question sur les problèmes d’organisation de la vie en commun des quelque 3 500 personnes qui vivent et travaillent à l’Assemblée nationale, sur les problèmes de rapports avec l’extérieur, sur les problèmes de bonnes relations entre les divers groupes politiques.
Mais il faut savoir qu’il y a aussi des choses que le président n’a pas le droit de faire. Par exemple, la tradition veut que le président ne prenne pas part aux débats, ne vote pas, sauf exception, ne dépose pas de proposition de loi ou d’amendement.
Donc, c’est un métier un peu particulier.
C’est d’ailleurs tellement particulier – je le dis au cas où cela donnerait des idées à d’aucuns – que, dans certains pays, lorsque le président de l’Assemblée se représente, il n’y a pas de candidat contre lui. J’ai l’impression que M. Bocquet et M. Kucheida ne m’écoutent pas, ce qui est tout à fait regrettable, car c’est à eux que ce discours s’adressait ! (Sourires.)
Cela dit, Nadim-Serge, je te remercie pour ta question. (Applaudissements.)
Clôture de la séance
M. le président. Nous allons maintenant, et malheureusement, devoir nous séparer.
J’espère que vous garderez de cette journée à l’Assemblée nationale le meilleur souvenir et que vous pourrez raconter à vos camarades qui vous ont désignés comment ça s’est passé, ce que vous avez vu, ce que vous avez appris.
Lorsque j’aurai levé notre séance, vous ne quitterez pas votre siège. Nous allons faire des photos, qui seront envoyées dès la semaine prochaine dans chacune de vos classes et qui prolongeront donc le souvenir de cette journée.
Après quoi, des indications vous seront données pour que la sortie de l’hémicycle se fasse dans les meilleures conditions possibles et que vous puissiez rejoindre en bon ordre vos accompagnateurs. (Applaudissements.)
La séance est levée.