Déclaration et interview à la presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur les relations entre la France et l'Espagne, l'élargissement de l'Union européenne, l'Union économique et monétaire et la coopération en Méditerranée, Ibiza le 21 juillet 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Séminaire interministériel franco-espagnol à Ibiza (Espagne) les 20 et 21 juillet 1997

Média : Agence Algérie Presse Service - Presse

Texte intégral

Entretien avec la presse française (Ibiza 21 juillet 1997)

Question : Quelle est votre impression d’ensemble ?

Réponse : Ce séminaire est tombé très bien puisqu’il a permis à un certain nombre de ministre du gouvernement Français de rencontrer leur homologue du gouvernement Espagnol. Nous avons passé avec les ministres espagnols une soirée et une matinée très détendues, ce qui a permis d’aborder avec eux tout de suite, très concrètement les différents sujets. On a vraiment parlé de tout, de toutes les questions qui peuvent préoccuper la France et l’Espagne en ce moment.

Il y a eu une dimension bilatérale : nous avons passé en revue toutes les questions touchant à la coopération dans la lutte contre le terrorisme, les problèmes des fruits et légumes, toutes les questions bilatérales intéressant les ministres présents, équipement, défense ou justice. Les travaux ont été très féconds, très précis, très complets.

Il y a eu d’autre part un échange très approfondi, très intéressant, sur l’Europe. La France et l’Espagne ont des vues d’avenir très proches sur ce que doit être l’Union européenne. L’UE est dans une phase très importante puisqu’il s’agit d’opérer l’élargissement, mais de le faire bien, pour que l’élargissement n’aboutisse pas à émettre en cause tout ce qui a été fait avant en Europe et surtout pour que l’Europe, après, soit toujours capable de fonctionner, d’avoir de politiques communes, d’être capable de décider sans devenir un ensemble trop vaste et ingérable. Là-dessus, il y a des positions qui ne sont pas exactement les mêmes entre les partenaires, mais l’important est que l’idée pour l’avenir soit la même. Il est donc très intéressant et très utile, on le verra plus tard, que la France et l’Espagne soient en contact très étroit.

Question : Quels sont les autres sujets qui ont été abordés ?

Réponse : Nous avons eu même le temps de parler de l’Otan, de l’UEO, de la coopération en Méditerranée, bref, de très nombreux sujets.

Question : Est-ce que, pour parler de l’Europe, les Espagnols ont la même approche que nous de la Conférence européenne sur l’emploi qui va se tenir à Luxembourg ?

Réponse : Sur cette conférence, ils souhaitent comme nous – c’est nous naturellement qui avons lancé cette idée –, comme les Luxembourgeois qui sont présidents, comme les Belges qui en ont parlé avec nous il y a très peu de jours, quelle soit la plus utile possible.

Question : Et sur le dialogue euro-méditerranéen ?

Réponse : Il y a une pensée commune, en quelque sorte, entre les Espagnols, les Italiens et les Français qui voit bien qu’ils ont un rôle particulier à jouer pour qu’il y ait un vrai dialogue entre le sud de l’Europe et le nord du continent africain et que la Méditerranée – un concept en réalité plus géographique qu’autre chose – devienne un vrai concept politique et géostratégique. Il y a là une vraie discussion entre les pays concernés. Il y a eu d’ailleurs un forum euro-méditerranéen qui avait cette fonction, il y a aussi le processus dit de Barcelone, mais les pays moteurs de l’idée, ce sont l’Espagne, la France, l’Italie. Nous avons eu un échange de vues sur la façon d’entretenir ce processus, car si ce n’est pas nous qui le faisons, il pourrait perdre de sa force./

 

Conférence de presse conjointe - propos du Ministre (Ibiza 21 juillet 1997)

Monsieur le Ministre des Affaires extérieures, cher Abel,

Merci de cette présentation à la fois sympathique et parfaitement exacte de nos travaux. En effet, les ministres du nouveau gouvernement français sont venus à Ibiza en ayant à l’esprit de poursuivre et de renforcer cette tradition assez récente, mais déjà très vigoureuse, de travail en commun entre les deux gouvernements et confirmer, mais cela n’était pas nécessaire, une volonté politique d’aller de l’avant.

Au nom de tous mes collègues, je remercie les autorités et la population d’Ibiza, je remercie les membres du gouvernement espagnol de la façon dont nous avons été reçus ici, dans un climat vraiment amical, vraiment détendu – ce n’est pas une clause de style, ce n’est une formule diplomatique –. Je veux dire par là que ce type de rencontre, ce climat de cordialité chaleureuse qui a été créé, nous a permis de travailler, je crois, encore plus vite et encore mieux. Tout cela était vraiment très utile.

Toutes les questions d’intérêt commun ont été abordées, même si cela a été dans un court laps de temps. Cette absence de formalisme, cette manière de traiter tout de suite les questions concrètes, telles qu’elles se présentent, nous ont fait je crois gagner du temps, sur toutes les affaires d’intérêt commun, européennes ou bilatérales.

En matière bilatérale, les ministres vous le diront, dans les domaines de l’intérieur, de la justice, de la défense, de l’équipement, de l’agriculture, les questions ont été abordées clairement et nettement, avec la volonté d’aller de l’avant, de surmonter les problèmes quand ils se présentent, de traiter tout le dossier. Vous en aurez immédiatement la confirmation.

Sur le plan européen nous avons eu des échanges de vues d’autant plus importants que l’Europe est à un tournant, notamment en ce qui concerne le passage à l’euro. Là-dessus, de part et d’autre des engagements très clairs ont été confirmés : les objectifs sont clairs et nets, dans le cadre du Traité et à la date prévue.

D’autre part nous avons eu un échange très intéressant sur la façon dont nous concevons l’évolution de l’Union européenne, qui doit réussir l’élargissement – c’est-à-dire opérer un élargissement qui ne remette pas en cause la capacité pour l’Europe de fonctionner par la suite, d’être efficace et joue son rôle, de garder des politiques communes même si elles doivent être adaptées –. C’était un élément important car nous entendons bien, nous, Français et Espagnols, jouer un rôle déterminant dans cette Union européenne telle qu’elle va devoir s’adapter dans les années qui viennent.

Nous avons traité aussi de très nombreuses questions comme l’OTAN, la Méditerranée et toutes les autres questions qu’Abel Matutes a mentionnées.

Je souligne encore l’excellence de ce climat et cette très bonne façon d’approcher les thèmes de travail, en me félicitant de l’occasion qui a été ainsi donnée à des ministres qui ne se connaissaient pas encore d’établir tout de suite une relation confiante, une relation utile et efficace qui nous permettra d’aller encore plus loin, sur toutes ces questions que nous avons bien traitées et concrètement traitées, avec une vision de l’avenir qui nous est commune.