Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à TF1 et RTL le 12 juillet 1997, sur les relations entre la France et l'Algérie, la politique méditerranéenne de la France et les relations entre l'OTAN et les pays méditerranéens.

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Circonstance : Voyage en Algérie à l'occasion du Forum méditerranéen à Alger (Algérie) le 12 juillet 1997

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

TF1: 12 juillet 1997

Question : Vous venez de prendre en charge la diplomatie française. Quelle est votre vue et, à votre avis, quel doit être la politique de la France vis-à-vis de l’Algérie ?

Réponse : Je vous dirais d’abord que je suis venu ici pour un rendez-vous méditerranéen et c’est une dimension importante pour la diplomatie française. Il ne faut pas que la Méditerranée soit un lieu d’antagonismes ou de confrontations. Tout au contraire, il faut que ce soit un lieu de coopération et de synthèse, ce qui suppose une volonté politique à la fois tenace et très concrète ; donc j’ai été très heureux que cette réunion ait lieu et d’autre part, le fait qu’elle ait lieu en Algérie, me donnait l’occasion, également bienvenue, de faire la connaissance de mon homologue algérien. Nous avons, en marge, des discussions. Mais les travaux de cette réunion ne portaient pas sur des relations franco-algériennes ou italo-algériennes ou autres. Donc nous avons fait un tour d’horizon de la situation et c’était très utile pour moi de savoir comment mon homologue algérien voit les choses.

Question : On a tous en mémoire l’interview de Lionel Jospin, interview donnée à « Libération » en début d’année. Une interview où il parlait du silence accablant de la classe politique française vis-à-vis de l’Algérie, où il avait des prises de position assez fermes vis-à-vis de l’Algérie. Croyez-vous que la diplomatie française doit-être plus tranchée, plus ferme dans ses propos ou, au contraire, qu’elle doit avoir un style finalement plus « soft » ?

Réponse : Je vous dirais que j’en suis à la prise de contact. Il doit y avoir une politique étrangère de la France par rapport à l’Algérie, comme il y en a par rapport au Maroc, à la Tunisie ou à la Méditerranée. Nous en parlions, il y a un instant. Et comme j’en suis à la prise de contact, je ne peux pas vous dire aujourd’hui comment les choses sont appelées à se développer. Ce que peut faire d’utile, je crois, un ministre des Affaires Étrangères dans ce domaine, c’est de prendre la mesure des choses et d’avoir une analyse exacte de la situation. Et ce qui m’a intéressé au cours de cette visite, c’est, dans la partie bilatérale, la brève partie bilatérale, de savoir qu’elle est la situation ici après la mise en place de cette assemblée nouvelle où l’on note l’existence de partis différents, ce qui est un élément important, un élément nouveau et, d’un point de vue extérieur, assez encourageant. Maintenant, on verra !

Question : En quelque sorte, vous ne voulez pas vous précipiter.

Réponse : Je veux prendre du temps, car je crois qu’il faut faire les choses sérieusement./.


RTL : 12 juillet 1997

Question : La France est l’initiatrice de ce forum avec l’Égypte, est-ce une façon de renforcer sa politique méditerranéenne ?

Réponse : La France et l’Égypte ont en effet été à l’origine de cette initiative qui consiste à avoir un lieu « informel », ce qui exprime bien le terme de « forum », au sein duquel les pays du Sud de l’Europe et les pays de la rive Sud de la Méditerranée peuvent se rencontrer et parler de tout ce qui les préoccupe, de tout ce qui les intéresse, soit leurs soucis, soit leurs projets, dans les deux sens. Je crois que ce forum correspond bien à cette définition ; donc cela reste un objectif important pour la politique étrangère de la France et nus avons l’intention de le développer, de lui donner de plus en plus de substance, sans le bureaucratiser, en gardant ce ton informel qui est excellent.

Question : Il semblerait que l’OTAN ait pris comme décision de s’ouvrir justement à ces pays tiers méditerranéens ; donc, est-ce qu’il est confirmé que vous avez fait passer ce message de l’OTAN pour ouvrir cette concertation à ces pays tiers ?

Réponse : Attendez ! L’OTAN ne s’ouvre pas aux pays méditerranéens. L’OTAN n’a pas pris d’initiatives particulières et je n’ai fait passer aucun message de l’OTAN. Simplement, il se trouve que, parmi les différents sujets, dont le communiqué du Sommet de l’OTAN a parlé, il est question d’une concertation entre membres de l’OTAN, à propos de la situation en Méditerranée, mais ce n’est pas très original, ce n’est pas tout à fait nouveau, il y a toujours eu des comités et des sous-comités dans l’OTAN qui se préoccupaient de la situation dans les zones, disons, périphériques par rapport à l’Atlantique nord, qui est la base de ce traité. Ce n’est pas si nouveau que cela. Si vous le voulez bien, je prendrais la question autrement.

Nous avons constaté, en venant à ce rendez-vous d’Alger, qu’un certain nombre de pays du Sud de la Méditerranée nous disaient : expliquez-nous ce qui se passe dans l’OTAN parce que cela nous intrigue et nous souhaitons savoir de quoi il s’agit. Alors voilà un bon exemple : ce type de rencontres permet d’échanger ce genre de propos. Et on avait dit : « il ne se passe grand-chose, ce sont des concertations internes ». Ce qui est important, c’est plutôt que ce type d’échanges ait eu lieu, même si le sujet, en réalité, sur ce point précis, est presque inexistant.

Question : Vous êtes le « premier ministre » du nouveau gouvernement Jospin à vous rendre en Algérie. Comment se dessinent ces nouvelles relations vis-à-vis de l’Algérie avec la France ?

Réponse : J’ai été content de saisir cette occasion de venir ici, pour faire la connaissance de mon homologue algérien. Nous avons passé un long moment en parlant, là aussi, de façon informelle de tous les sujets qui peuvent nous intéresser, mais je ne suis pas venu d’abord pour cela. Je suis vraiment venu pour cette réunion méditerranéenne et c’est un sujet qu’il faut prendre au sérieux. Donc, les relations franco-algériennes spécifiquement n’était pas à l’ordre du jour.

Question : En matière bilatérale, est-ce que l’on peut parler d’un nouvel esprit de ces relations franco-algériennes ?

Réponse : Pour le moment, on peut simplement dire que les deux ministres ont fait connaissance, qu’ils ne se connaissaient pas et que, à l’occasion du Forum, ils ont passé en revue – rapidement, c’est une première prise de contact – tous les sujets d’intérêt commun : bilatéral, régional… Mais c’est une première étape, ne me demandez pas de commenter à ce stade ce qui doit faire l’objet de développement ultérieurs.

Question : Avez-vous dans la tête un projet de visite de M. Jospin ?

Réponse : Comme je viens de vous le dire aucun développement ultérieur n’est fixé à ce stade. Vos questions sont presque trop diplomatiques si je puis me permettre ; c’est aussi simple que cela ; c’est une prise de contact. On voulait se connaître, faire un peu l’inventaire de la situation, je lui ai demandé de me décrire la situation en Algérie et d’autre part nous avons parlé de l’Europe, nous avons parlé de beaucoup de choses. Mais c’est un début encore une fois, ce n’est pas une négociation, ce n’est pas une discussion bilatérale approfondie, ce ne sont pas des discussions entre délégations et des dossiers concrets, c’est juste une prise de contact à ce stade.