Texte intégral
Assemblée nationale - 8 novembre 1995
Réponse du ministre de la défense aux questions orales des députés lors de la discussion budgétaire
Aérospatiale
Q. : (M. Etienne Garnier) : Compte tenu de la hauteur des propos de M. le ministre de la défense, en particulier dans sa conclusion, et des points fondamentaux qu'il a évoqués, j'essaierai de m'en tenir, moi aussi, à ce niveau et à ne pas descendre trop vite, comme il nous l'a aimablement signalé, à celui de nos circonscriptions. Cela m'amène, Monsieur le ministre, à reprendre deux mots de votre intervention, deux mots fondamentaux, à condition de tenir bon, vous comme nous. Face à la situation de la France, avez-vous dit, et du monde, d'ailleurs, il n'est plus « question de tergiverser ni d'éluder ». Je veux donc vous interroger rapidement sur les choix que vous serez très précisément amené à faire dans deux domaines particuliers et, je l'espère, en restant dans la logique des propos que vous avez tenus sur le comportement de l'État par rapport aux industries, privées ou publiques.
Tout d'abord, j'ai été très frappé – je vous l'ai d'ailleurs écrit – que vous ayez eu le courage d'oser, dans une double page, dire des choses plus claires que ce que nous avons l'habitude d'entendre. Voilà qui est un bon signe, peut-être pas définitif, mais un bon signe quand même. Vous avez, en effet, Monsieur le ministre, parlé de ce pivot européen qu'est Aérospatiale et vous avez dit ce qu'il fallait dire. Le ministre attend du président Gallois un plan de restructuration industriel, financier et bien entendu social. Malheureusement, le président Gallois répond : « Je ne peux pas présenter de plan parce que je n'ai pas les arbitrages définitifs du gouvernement. » C'est ce que l'on appelle un serpent qui se mord... je ne sais quoi !
C'est très sérieux, Monsieur le ministre. Il ne peut être acceptable – en tout cas, comme beaucoup d'autres ici, je ne suis pas prêt à l'accepter – que la politique nouvelle de ce pivot européen qu'est le groupe Aérospatiale dont nous tommes tous fiers, commence par la mise à la porte de 4 000 à 5 000 personnes ! Nous ne l'accepterons pas et nous attendrons sagement votre conseil de principe, à savoir que M. Gallois commence au moins par vous présenter, ce qu'il n'a pas fait depuis des années, l'« esquisse de l'esquisse » d'une véritable politique de restructuration, de rénovation à tous égards, au lieu de se contenter de demander des départs en retraite anticipée à cinquante-trois ans auprès de votre collègue ministre du travail. Ce n'est pas ainsi que l'on gère les entreprises !
DCN
J'en viens ensuite, très rapidement, aux bateaux. Là aussi, Monsieur le ministre, je vous demande de ne plus occulter la réalité. Vous l'avez dit avant moi, bien que vous n'ayez pas employé ce mot. Il faut cesser d'invoquer éternellement les difficultés, notamment sur le plan social, car si, dans les arsenaux, le statut d'ouvrier d'État est inattaquable, il est essentiel qu'il en soit de même pour les personnels des chantiers civils. Il faut aussi cesser de dire que ce rapprochement des uns et des autres – problème que M. Bonnet connaît bien – ne peut être l'objet que d'un acte et d'une volonté politiques.
Je reprends vos deux verbes, Monsieur le ministre : on ne peut plus éluder, on ne peut plus tergiverser. Si vous ne faîtes rien, la situation sera pire, car si je parle du court terme, c'est pour mieux assurer le moyen terme. Qu'il s'agisse des avions ou des bateaux, si vous ne vous engagez pas dans la bonne voie, celle normalement que vous avez évoquée pour les avions – mais pas encore à propos des bateaux -, ce sera pire après qu'avant.
R. : Monsieur le député Garnier, j'ai été très clair. Premièrement, je vous l'ai dit, le gouvernement ne se substituera pas aux entreprises de l'industrie de défense. En d'autres termes, Aérospatiale comme la DCN prendront leurs responsabilités. J'ai demandé à M. Gallois qu'il veuille bien me faire parvenir un plan de reconversion, de restructuration, d'évolution, de développement de son entreprise, et c'est en fonction de ce plan que des décisions seront prises.
Deuxièmement, le chiffre annoncé de 4 000 ou 4 500 suppressions d'emploi résulte d'une appréciation avancée devant le comité d'entreprise, mais il n'y a pas de procédure engagée aujourd'hui, car il est bien évident que cela doit s'insérer dans un plan de reconversion.
Troisièmement, sur la DCN, je vous l'ai dit, un groupe de travail a été mis en place. Ce groupe de travail auditionne des députés comme des entreprises. Tous les députés concernés peuvent demander à être auditionnés.
Ensuite, tous les industriels concernés devront présenter des propositions au ministère avant la fin du mois de décembre.
* Dissuasion nucléaire (plateau d'Albion, Hadès)
Q. : Monsieur le ministre, je crois profondément à la nécessité d'une force de dissuasion nucléaire. Je crois aussi à la fiabilité de la nôtre et, au-delà des déclarations de principe ou d'opportunité, à l'intérêt d'en faire partager l'avantage et le coût à l'Union européenne. Mais les bouleversements géopolitiques intervenus en 1989 ont changé la nature des menaces : si la notion de conflit planétaire s'estompe, celle des conflits régionaux grandit, avec le risque redoutable de la dispersion des armes nucléaires.
Le Président de la République en a déjà tiré une première leçon en annonçant la fermeture du site du plateau d'Albion. Notre force stratégique repose désormais sur nos sous-marins nucléaires, dont la mobilité, la quasi invulnérabilité et la puissance de feu en font l'outil essentiel de notre force de dissuasion. Pour les conflits plus limités, nous disposons d'armes tactiques permettant de circonscrire la destruction nucléaire à la neutralisation d'objectifs précis. Le missile air-sol porté par nos Mirage en est une, intéressante, certes, malgré son coût et ses inconvénients, notamment la vulnérabilité et la disponibilité liée aux conditions météorologiques.
La force Hadès, avec une tête nucléaire ou une charge conventionnelle, est une autre arme tactique, complémentaire, caractérisée par une grande souplesse d'emploi, une belle précision, un coût de fonctionnement modeste, une mobilité et une invulnérabilité étonnantes. Qui plus est, parce qu'elle est aérotransportable ou projetable à grande distance, et grâce aux liaisons par satellite, elle peut à la fois s'intégrer dans un système européen de défense et s'expatrier sur un théâtre d'opération extérieur. Monsieur le ministre, si la composante navale, indiscutable, n'appelle pas de remarque particulière, comment envisagez-vous l'avenir de la seconde composante, actuellement dotée à la fois de missiles air-sol et des missiles sol-sol de la force Hadès ?
R. : Monsieur le député, le programme Hadès a été lancé en 1982 et achevé en 1992. Ce système est aujourd'hui en position de veille technique opérationnelle, ce qui permet d'entraîner les personnels et de revenir en configuration pleinement opérationnelles le Président de la République le décidait.
Sans préjuger des choix politiques futurs qui seront décidés en conseil de défense sur proposition du comité stratégique, la force Hadès, arme nucléaire destinée à jouer le rôle d'ultime avertissement, conserve aujourd'hui la mission de garantir le maintien du savoir-faire des personnels et la disponibilité des matériels pour permettre une éventuelle remontée en puissance.
Je ne peux vous en dire plus, puisque le conseil de défense doit statuer dans les prochains mois. Je rappelle simplement que la date limite de service de ce système est actuellement fixée à 2012. En d'autres termes, jusqu'en 2012, il peut rester en état de veille technique. En tout état de cause, le Président de la République statuera dans les mois qui viennent sur le sort à réserver aux forces Hadès.
* Direction des constructions navales (modernisation)
Q. : (M. Bertrand Cousin) : Monsieur le ministre, la direction des constructions navales, vous le savez mieux que personne, est certainement l'un des plus grands ensembles industriels nationaux. Elle représente, sur le plan quantitatif, 25 millions d'heures de travail, 18 milliards de chiffre d'affaires, 24 000 personnes et 500 millions de francs d'investissements chaque année depuis trois ans pour conforter l'outil industriel. Mais l'aspect qualitatif est tout aussi exceptionnel et nombre de pays nous envient l'excellence de ses techniques et de ses savoir-faire.
En raison des contraintes budgétaires, juridiques et commerciales que fait peser sur elle son statut archaïque, la DCN n'apparaît plus adaptée pour affronter les temps difficiles à venir. L'inexorable limitation du plan de charge des constructions neuves au début du siècle prochain ne pourra être compensée que par un dynamisme accru des exportations et des alliances européennes. Faut-il pour autant imaginer les solutions les plus extrêmes pour réformer une structure dont l'état-major de la marine ne saurait se priver ?
C'est dans ce contexte, Monsieur le ministre, que vous avez créé le 13 septembre un groupe de travail sur l'avenir de la DCN. Ce groupe rendra ses conclusions dans les deux mois qui suivent et vous devrez alors prendre des décisions importantes sur le statut de nos arsenaux, dans le respect, je le souhaite, des droits acquis par leurs personnels.
Je souhaiterais que vous confirmiez à la représentation nationale qu'en aucun cas il ne sera décidé de privatiser la DCN ou de la démanteler en établissements distincts, condamnés à une lente anorexie, faute de conserver ensemble la taille critique d'un grand groupe industriel.
Pouvez-vous nous confirmer que ne seront pas adoptées les solutions hasardeuses qui consistent à essayer de conforter les entreprises privées en difficulté, en brisant l'outil public remarquable qu'est la DCN et en opérant des transferts de commandes qui reviendraient à déshabiller Paul pour habiller Pierre, selon l'expression populaire ?
Ce ne sont pas seulement les élus des bassins d'emplois concernés, mais bien toute la population qui y vit et les personnels de la DCN qui attendent une réponse rassurante de votre part.
R. : Monsieur le député, il n'est nullement question de démanteler la DCN, mais d'assurer sa modernisation, et par là même sa pérennité, car tous les observateurs et tous les analystes vous diront que, si des réformes ne sont pas engagées, elle se heurtera à des difficultés insurmontables. Il est vrai que la DCN a un savoir-faire exceptionnel, des compétences particulières, des techniques reconnues, une expérience qui fait l'envie de nombre de chantiers navals dans le monde. Pour toutes ces raisons, il est indispensable que la France la protège, en fasse une entité rentable et permette de garantir l'emploi des salariés qui y travaillent.
Afin d'atteindre ce double objectif, j'ai demandé au délégué général pour l'armement de constituer un groupe de travail pour réfléchir à toutes les possibilités qui pouvaient se présenter pour adapter la DCN aux conditions du monde moderne et à la concurrence, et de me faire des propositions avant la fin de l'année. Trois principes doivent être respectés :
– premièrement, préserver les atouts que possède la DCN, dont certains sont remarquables, notamment la qualité du personnel, sa compétence et son savoir-faire qui font souvent l'admiration de ceux qui la découvrent ;
– deuxièmement, intégrer les préoccupations des personnels, préoccupations sociales et économiques ;
– troisièmement, garantir la capacité de la DCN à équiper notre marine des bâtiments de combat modernes dont elle a besoin et à figurer dans une position plus concurrentielle sur le marché de l'exportation.
Voilà simplement ce que je peux vous dire aujourd'hui. À la fin du mois de décembre et dans le courant du mois de janvier, je pourrai sans doute vous donner des éléments beaucoup plus concrets, car, à partir des conclusions du groupe de travail, mon ministère prendra un certain nombre d'orientations.
Restructurations (accompagnement économique et social)
Q. : (M. Alain Rodet) : Parmi les mesures de restructuration annoncées à la fin du mois de septembre, figurent la dissolution de la base aérienne 274 de Limoges-Romanet et le transfert de l'entrepôt 603 dont une partie des moyens sera redéployée sur les bases d'Ambérieu, Romorantin et Cinq-Mars-la-Pile, ce qui représente pour notre région le départ de près de 300 agents civils et militaires dès 1997. Le 31 octobre dernier, le contrôleur général Yche a rappelé la volonté du Président de la République de compenser cette disparition par la délocalisation à Limoges d'un organisme relevant de votre ministère, mais sans préciser sa nature et en indiquant que l'accueil de l'ensemble des personnels de la base aérienne dans cette structure n'est pas pour autant envisageable. J'espère que vous ne nous laisserez pas trop longtemps dans l'expectative ! Compte tenu de ce dernier élément, je vous demanderai de veiller à ce que l'abondement des crédits du FRED, soit suffisant, compte tenu de la disparition de la base aérienne et des dommages subis dans le domaine militaire, avec la baisse drastique du plan de charge l'usine Renault-Véhicules industriels, dans le domaine de l'armement, et de la disparition de la 15e DI.
R. : Monsieur le député, j'aimerais pouvoir passer un accord avec tous les responsables des communes, des départements ou des régions qui vont vivre ces restructurations. Celles-ci sont indispensables si l'on veut adapter notre outil de défense aux conditions modernes. Je crois que chacun l'a compris et plus personne ne le discute, mais il est bien évident que lorsque cela arrive dans sa ville, son département ou sa région, on a envie que ce soit chez l'autre. C'est un réflexe naturel, mais il faut le combattre.
En tant que ministre de la défense, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour accompagner économiquement et socialement ces restructurations, comme celles des entreprises. À Limoges, je l'ai dit aux responsables qui m'ont interrogé, on transférera avant 1997 un organisme militaire qui pourra accueillir une partie des personnels issus de la base aérienne. Actuellement, les services du ministère étudient plusieurs possibilités. Dès que j'aurai choisi, je le ferai savoir aux responsables, et d'abord aux élus municipaux de Limoges et de la région.
Il y aura une mobilisation du FRED ainsi que des fonds du programme européen Konver pour les reconversions en matière d'armements. Je monterai les dossiers des entreprises qui viendraient me soumettre des projets. Je ne peux aller plus loin aujourd'hui, mais je m'engage à ce qu'ils soient étudiés spécifiquement, et je dirais presque personnellement, pour qu'il y ait des réponses adaptées.
Politique industrielle de défense
Q. : (M. Didier Boulaud) : Permettez-moi d'associer mon collègue, député maire de Nantes, à ma question. Vous avez répondu à une question d'actualité, sur la situation à GIAT Industries : « L'État n'est pas disposé à élaborer sa politique de défense en fonction des problèmes rencontrés par nos industries d'armement, mais en fonction de la sécurité de notre pays. » Sachant qu'il était possible, pour la France, de toucher des dividendes de paix et sachant que l'industrie de défense doit, avant tout, être au service de notre politique de défense et non l'inverse, nous ne viendrons pas critiquer ce postulat. Il n'empêche que cette affirmation constitue de fait, si ce n'est en principe, un changement majeur de la politique française dans ce domaine. Jusqu'alors, l'une des raisons principales, si ce n'est la raison principale, du maintien par la France d'un budget d'équipement élevé, était la nécessité de maintenir le niveau technologique et le plan de charge de notre industrie de défense en vue de la placer en situation favorable pour aborder les restructurations européennes et ainsi faire face à la concurrence américaine. Le Comité stratégique n'a pas rendu sa copie, il est clair que cette politique a pris fin et que, par défaut, une autre politique a été mise en place. Je ne suis pas certain, d'ailleurs, que ce changement de politique au milieu du gué soit la meilleure façon de procéder. Ma question est à la fois simple et complexe : quelle est votre politique industrielle ? Et sous cette interrogation générale se posent plusieurs questions :
– premièrement, quelle est votre stratégie pour l'industrie d'armement ? L'exemple du plan de charge de l'arsenal d'Indret en Loire-Atlantique est particulièrement révélateur. Cet établissement spécialisé dans la propulsion nucléaire risque de se trouver gravement en sous-charge après 1998 si le SNLE, le SNA, le deuxième porte-avions sont abandonnés ;
– deuxièmement, avez-vous l'intention de modifier le statut des entreprises, notamment la DCN ? Envisagez-vous des restructurations importantes sur le plan national – Aérospatiale, GIAT, DCN, Thomson CSF – avant de favoriser des mariages européens, et selon quel schéma ? Est-il envisagé notamment de démanteler l'Aérospatiale, le GIAT et la DCN ? Le statut des personnels sera-t-il assuré ? ;
– troisièmement, est-il dans votre intention de recapitaliser notre industrie d'armement et, si ce n'est pas le cas, quelle politique a votre faveur pour résorber le déficit de nos entreprises ? ;
– quatrièmement, si 50 000 emplois doivent être perdus dans cette industrie dans les deux ans à venir, que comptez-vous faire ? Vous avez parlé d'un plan économique et social à décliner branche par branche, et j'aimerais connaître la nature de l'intervention de l'État dans le cadre de ce plan. Quelles dispositions avez-vous déjà prises et quelles sont lesquelles comptez-vous prendre, car, dans six mois, il risque fort d'être trop tard ?
R. : Si je devais répondre totalement à votre question, je remonterais à la tribune pour au moins une heure, car vous me demandez de redéfinir toute la politique en matière d'industrie de la défense. Je vais tout de même vous donner quelques orientations. Je suis vraiment confus de ne pas aller jusqu'au fond de vos interrogations mais je pense que nous aurons d'autres occasions de le faire.
Concernant d'abord les restructurations, il n'est pas question, je le répète, que le ministre de la défense joue au mécano industriel. GIAT Industries est confronté à des difficultés, l'Aérospatiale a un certain nombre de problèmes et d'autres entreprises sont soumises à des perturbations économiques et sociales. Les directions de ces entreprises doivent prendre leurs responsabilités et éventuellement faire des propositions au ministère de la défense. Celui-ci, en collaboration avec la direction des entreprises nationales ou privées, verra alors quelles sont les initiatives à prendre pour permettre aux entreprises de la défense de continuer à se développer.
Deuxième point, le statut du personnel. Un certain nombre d'entreprises offrent actuellement des statuts spécifiques à leurs personnels. Il n'est pas question de revenir sur ces statuts. Il s'agit de réfléchir avec les partenaires sociaux pour savoir si on les offre aux nouveaux salariés. Je ne vois pas pourquoi il y aurait des changements par rapport à ce qui a été fait. On ne reviendra pas sur les droits acquis sauf si le droit est racheté, si son titulaire est prêt à l'abandonner, mais il faudra que ce soit contre autre chose.
Troisième point, la recapitalisation. Le gouvernement, je le répète, est responsable des fonds publics devant le peuple français. Nous n'allons pas recapitaliser sans contrepartie. Nous recapitaliserons à condition d'avoir en face de nous un partenaire, l'entreprise, qui, après consultation des partenaires sociaux, nous propose un plan de restructuration.
Enfin, il y aura un accompagnement économique et social, et je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Le ministère a déjà des instruments à sa disposition. Il y a le Fonds pour les restructurations de la défense, le FRED. Il y a des sociétés de reconversion ou de capital-risque que l'on pourra aider ou créer. On pourra également, après négociation avec le ministère du travail, offrir certaines conditions à des personnels.
Nous agirons branche par branche, entreprise par entreprise, bassin d'emplois par bassin d'emplois. Je souhaite que ce plan ne s'applique pas d'une manière anonyme et uniforme mais soit adapté à chaque bassin d'emplois, à chaque entreprise, pour répondre aux problèmes spécifiques qui sont posés.
Gendarmerie nationale (32 opérations de restructuration)
Q. : (M. Xavier Pintat) : Les élus du monde rural apprécient chaque jour l'action de la gendarmerie dans les communes. Certes, chacun a eu connaissance des réussites récentes, relayées par les médias, mais l'efficacité de la gendarmerie est constatée quotidiennement sur le terrain par les élus et la population en dépit des moyens généralement limités dont disposent nos brigades. La présence d'une force crédible de maintien de l'ordre en milieu rural est à la fois indispensable et irremplaçable. Toute suppression de poste est souvent perçue comme un élément d'accélération de la désertification et ne fait que déplacer sinon amplifier les problèmes, car la délinquance de toute nature ne tarde jamais à trouver la faille dans le dispositif. C'est pourquoi les trente-deux opérations de restructuration envisagées au motif d'assurer une meilleure répartition des effectifs, uniquement au profit des zones périurbaines, inquiètent les élus ruraux et les populations. L'existence d'un gendarme en plus ou en moins a, dans la plupart des cas, un effet déterminant sur l'action d'une brigade rurale. Cela fait souvent la différence lorsqu'il s'agit d'organiser les rondes de nuit, voire de simples patrouilles.
Ce problème d'effectifs est particulièrement sensible dans les zones du littoral pendant la période estivale. Les problèmes rencontrés dans les banlieues se déplacent vers les zones touristiques pendant l'été, et nous aurions besoin aujourd'hui plus que jamais d'un renforcement des effectifs pour cette période critique où de nombreuses communes voient leur population multipliée par vingt. Malheureusement, c'est généralement le moment choisi pour affecter les détachements mixtes de surveillance et d'intervention mis en place l'été dans ces zones touristiques à des événements nationaux comme le Tour de France. Ne pourrait-on pas d'ailleurs faire appel à d'autres corps de l'armée pour assurer la sécurité de ce type d'événement ?
Ma question portera sur le renforcement des effectifs en milieu rural. Envisagez-vous de renforcer les détachements mixtes de surveillance et d'intervention en période estivale dans les zones touristiques à risque ? Compte tenu de l'adaptation des pelotons de sécurité et d'intervention de la gendarmerie, dont la mobilité correspond parfaitement aux caractéristiques des zones d'habitat diffus, allez-vous tenir l'objectif d'en doter chaque compagnie de gendarmerie, sans vous limiter à un seul peloton par département ?
R. : En ce qui concerne le renforcement de la gendarmerie pendant les périodes estivales et hivernales, un dispositif saisonnier est mis chaque année en place, de façon modulée, dans les régions touristiques comme la vôtre. Ce dispositif s'articule autour de détachements mixtes de surveillance et d'intervention. Ainsi, pour le seul mois d'août 1995, il se composait de 18 escadrons de gendarmerie mobile, soit 1 530 gendarmes mobiles, 25 sous-officiers, 960 élèves gendarmes et 900 gendarmes auxiliaires. Ces renforts s'accompagnent d'un redéploiement temporaire des effectifs des unités de gendarmerie départementale vers ces mêmes zones. L'objectif est de doter aujourd'hui chaque compagnie de gendarmerie départementale d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, un PSIG. Sur les 397 compagnies existantes, 207 en sont déjà pourvues. Liées aux contraintes budgétaires, les créations de PSIG continueront de se faire en fonction du redéploiement des effectifs de la gendarmerie dans sa zone de compétence. Cela reste un objectif prioritaire. Croyez bien que j'y veillerai.
Politique spatiale militaire
Q. : (M. Alain Moyne-Bressand) : Le satellite Hélios 1A a été mis en orbite avec succès le 7 juillet depuis Kourou. Les premières images traitées à la base de Creil confirment la qualité technique des systèmes d'observation et de transmission des données. Le programme de satellite Hélios, décidé en 1986, repose sur une coopération tripartite franco-italo-espagnole, nos deux partenaires européens disposant respectivement d'un taux d'utilisation de 14 % et de 7 %. La nécessité d'assurer la continuité du service en 2000-2001 conduit à définir, dès à présent, une seconde génération dite Hélios II. Celle-ci intégrera des améliorations techniques et prévoira une composante infrarouge qui accroîtra les capacités d'observation. La poursuite de la coopération avec l'Italie et l'Espagne demeure à l'étude et aucun de nos partenaires ne s'est encore engagé de manière définitive, attendant sans doute de connaître la décision des autorités allemandes. En effet, il semble que deux négociations se trouvent liées : la participation des Allemands aux programmes Hélios et la définition d'un satellite d'observation radar.
Pouvez-vous nous confirmer les échéances de décision des programmes Hélios II et Osiris-Horus, double nom selon que l'on envisage ou non une maîtrise d'œuvre allemande ? Avez-vous le sentiment que les deux projets de satellite amarreront définitivement l'Allemagne à l'Europe spatiale et êtes-vous en mesure de nous préciser quelles sont les raisons de leurs hésitations actuelles ? Enfin, ne craignez-vous pas que les Allemands soient tentés de participer aux programmes européens sous réserve d'un accord avec les États-Unis sur les techniques radar ? Dans ce cas, pouvez-vous nous indiquer quels avantages notre pays en tirerait ou quels inconvénients il aurait à supporter ? Par ailleurs, quels projets envisagez-vous à court terme pour le Corps européen et avez-vous déjà retenu une opération à laquelle cette formation pourrait prochainement participer en tant que telle ?
R. : Ma réponse sera brève, dans la mesure où j'ai déjà donné nombre d'éléments de réponse dans mon intervention de tout à l'heure. Je vous confirme qu'actuellement une négociation est en cours avec l'Allemagne. Celle-ci hésite en raison de l'importance de la contribution financière. Mais j'ai très bon espoir. L'Espagne et l'Italie participeront sans doute à ce projet Hélios II. Nous participerons aussi au projet Horus, qui est parallèle et au sein duquel l'Allemagne occuperait une place prépondérante. Vous m'interrogez sur les motivations de l'hésitation allemande. Je n'ai pas de commentaire à faire. Je souhaite simplement que, pour permettre la construction de l'Europe de la défense et notre participation à cette guerre de la communication, du renseignement ou de l'information, l'accord soit scellé avant la fin d'année. Les Allemands nous ont assuré qu'avant cette date ils nous donneraient une réponse, que j'espère positive.
Venons-en au corps européen. Vous savez qu'il a été question de lui demander de participer à la force d'intervention en Bosnie et que pour des raisons diverses – en particulier la question de la participation allemande à la force multinationale en Bosnie -, il n'a pas été possible de le mobiliser. Il n'y a donc pas, dans l'état actuel des choses, d'opération prévue pour le corps européen, même si cette unité est actuellement tout à fait opérationnelle.
Industrie d'armement
Q. : (M. Pierre Favre) : Nous vivons en plein paradoxe. Alors que chacun sait que l'influence de la France dans le monde tient autant au poids de ses industriels qu'aux effectifs de ses armées, on parle aujourd'hui de plan d'adaptation économique et social de notre industrie de défense, voire de déflation des effectifs de plus de 10 % par an, dans les deux ans qui viennent. Comment concilier le poids des industries et leur indispensable adaptation, celle-ci devant s'effectuer sans crise sociale, en maintenant les savoir-faire et la vitalité technique.
Depuis une dizaine d'années, avec la fin de la croissance, l'adaptation de nos industries a sans cesse été retardée. Celles-ci ont connu, à quelques exceptions près, non pas une gestion industrielle, mais une gestion purement administrative ajustant le niveau des effectifs en fonction des commandes de l'État. Aucune gestion prospective des ressources humaines, aucune veille technologique, aucune préparation à des nouveaux métiers, et pas ou peu d'embauches. Tout cela est pourtant indispensable pour assurer le transfert des connaissances, mémoire de l'entreprise, et la vitalité technique. L'État actionnaire s'est montré incapable d'assurer sa mission essentielle : maintenir nos entreprises dans le peloton de tête en assurant leur bonne santé financière.
Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins. Nos entreprises sont techniquement performantes et financièrement au bord de la faillite. En outre, la moyenne d'âge des personnes se situe entre quarante-cinq et cinquante ans. Dans dix ans, les effectifs auront fondu naturellement de plus d'un tiers. Le personnel subit cet état de fait, alors qu'il ne doit en aucune façon faire les frais d'une gestion dont il n'est pas responsable. Ce n'est pas en taillant dans les effectifs « à la hache » dans les deux ans qui viennent qu'on améliorera la situation. Au contraire, ce serait la fin de notre industrie de défense. En effet, dans ce domaine, l'État doit avoir des entreprises prêtes à équiper nos années de façon compétitive le moment venu. Cela a un coût et les relations entre l'État et les entreprises doivent être conduites selon le principe de relations clients-fournisseurs.
Garder les savoir-faire, assurer la vitalité technique, faire de la veille technologique dans des domaines complexes nécessite une gestion prospective des hommes et des outils et une véritable stratégie industrielle. Les hommes ne sont pas de simples matricules que l'on jette aux orties au gré des besoins supposés ou des oukases de Bercy. Aussi, Monsieur le ministre, pouvez-vous m'assurer que votre engagement dans une nouvelle dynamique de modernisation et de croissance, déclinée branche par branche, entreprise par entreprise, sera progressif, et concerté avec toutes les parties concernées ? Car il convient de mettre en place cette stratégie industrielle nécessaire non seulement à notre pays, mais aussi à l'Europe tout entière, afin que nous continuions à disposer d'une industrie indispensable à notre liberté.
R. : J'aborderai votre question sous deux angles : ceux de l'État et de l'entreprise.
Je confirme que l'État a trois missions, qu'il assumera au mieux :
– premièrement, il doit être garant de l'indépendance nationale. Il interviendra dans certaines industries, même en s'écartant des critères économiques normaux. Car c'est la vocation normale d'un État d'assurer une industrie indépendante, permettant à nos forces armées d'être équipées sans subir les pressions internationales ;
– deuxièmement, l'État est actionnaire. Le problème de la récapitulation a été posé il y a quelques instants. Je répète que nous assumerons cette mission à condition que l'entrepreneur qui se trouvera en face de nous assume lui aussi son rôle, c'est-à-dire nous présente un plan de développement et de restructuration ;
– troisièmement, c'est un État client. Et comme je l'ai indiqué dans mon intervention, nous devrons maîtriser les coûts.
Je me permettrai d'insister aussi sur la question des programmes. Si je suis aujourd'hui favorable à une loi de programmation, c'est que la situation est paradoxale. L'État est capable de financer les études, les recherches et le développement d'un projet jusqu'à son terme, mais il est incapable de financer sa fabrication. L'État client devra à l'avenir savoir sélectionner ses cibles et ses programmes.
La question peut également être abordée sous l'angle de l'entreprise. Ce serait une erreur que de considérer l'industrie de la défense comme une industrie totalement à part. Elle s'insère au contraire dans le contexte économique général. À ce titre, elle profitera de l'innovation et vivra des transformations. C'est, pour reprendre l'expression de Schumpeter, la « destruction créatrice ». Certaines entreprises vont se transformer, se reconvertir, d'autres vont perdre des emplois, d'autres encore vont en gagner. Je précise que notre industrie a perdu près de 10 000 emplois par an au cours des dix dernières années, sans que l'on s'en aperçoive vraiment, parce qu'il y a eu un accompagnement de fait. Je souhaite donc que l'accompagnement économique et social que nous mettrons en œuvre favorise non pas une destruction, mais une innovation créatrice dans toute l'industrie de la défense.
Q. : (M. Michel Grandpierre) : La situation des personnels militaires et civils de la défense nationale, y compris celle des gendarmes, est très préoccupante. La réduction des effectifs et la crise de l'emploi, qui conduit nombre d'officiers et de sous-officiers à demeurer plus longtemps dans l'armée, pose de graves problèmes pour l'avenir de la défense. Et la fermeture de brigades de gendarmerie, outre qu'elle met en danger la sécurité des personnes et des biens, complique encore la vie des fonctionnaires concernés.
Au même titre que l'ensemble des personnels des services publics, les militaires et les civils de la défense voient leur pouvoir d'achat régresser du fait de la hausse du coût de la vie et surtout de l'augmentation des impôts indirects et des prélèvements divers. La grève du 10 octobre, soutenue par une grande majorité de l'opinion publique, a d'ailleurs apporté la preuve de l'inquiétude de ces personnels. Monsieur le ministre, comment le gouvernement entend-il prendre en compte la situation des personnes dont il a la charge ?
R. : L'heure tardive m'incite à donner une réponse assez brève. Compte tenu du fait que j'ai abordé cette question du titre III dans mon intervention générale, je vous demanderai de vous y référer. Sans reprendre mes commentaires, je vous précise toutefois que le titre III est en progression, que nous appliquons l'accord Durafour, que les rémunérations sont revalorisées et que nous mettrons tout en œuvre pour que les salariés du ministère puissent bénéficier de la formation et de l'amélioration des conditions de travail qu'ils attendent.
Service national (réforme)
Q. : (M. Paul Mercieca) : Je souhaite revenir sur la situation du service militaire et vous interroger sur son devenir. Il existe un débat entre les partisans de l'armée de métier et ceux de l'armée de conscription. En ce qui nous concerne, notre position n'a pas varié. Nous considérons que l'armée est un attribut de la souveraineté nationale. Sa mission est d'assurer la protection du peuple français contre les dangers militaires extérieurs. En cas de crise, dans le cadre de la sécurité collective européenne et mondiale, dans le respect des souverainetés nationales, elle peut être évidemment appelée à coopérer avec les forces des autres nations. Mais la défense nationale ne peut se concevoir sans la participation active des jeunes. La conscription demeure la base de l'armée nationale et elle est un des fondements historiques de notre identité. Il va de soi qu'une année moderne implique la présence de professionnels hautement qualifiés. Mais elle nécessite aussi un service militaire actif, complété par des forces de réserve organisées. Quelle est votre position concernant l'année de conscription ?
R. : Monsieur le député, le Premier ministre a demandé au secrétariat général de la défense nationale de réfléchir à l'avenir du service national. Il souhaite en effet qu'un grand débat s'instaure sur le sujet. D'ores et déjà, un groupe de travail a été mis en place par le secrétaire général de la défense nationale, qui doit donner ses résultats à la fin de cette année ou au début du mois de janvier.
Mais quoi qu'il arrive, il est bien évident que nous irons vers une armée plus professionnelle, cette armée verra augmenter sa part de professionnels aux dépens des appelés et il conviendra d'opérer un rééquilibrage entre appelés el engagés à l'intérieur des unités. Je ne peux vous en dire plus aujourd'hui, sinon que l'Assemblée et le Sénat seront associés au choix qui sera fait. Et ce choix sera fait après une consultation générale.
Avion de transport futur
Q. : (M. Gérard Corou) : Le Livre blanc de la défense tient compte, à juste titre, du nouveau contexte géostratégique comme des réalités économiques du moment et met en exergue la nécessité de restructurer notre outil de défense. Ces restructurations, dans un contexte de rigueur budgétaire, sont indispensables et sont le prix à payer pour mener une politique de défense ambitieuse, notre appareil militaire devant s'adapter et renouveler ses compétences.
Au-delà de ce constat général, il a été décidé très récemment que l'ancienne base aérienne de Chartres ferait l'objet d'une cessation d'activité, dès 1997, dans le cadre de cette réorganisation. Cette base n'est plus opérationnelle depuis de nombreuses années et a été transformée en « détachement air » en août 1994. Si la décision de fermeture est logique, elle aura des conséquences socio-économiques directes et induites à court terme pour le bassin de vie chartrain. Un accompagnement social et économique doit, à l'évidence, être envisagé au plus vite, et tenir compte des situations individuelles, en vue d'un reclassement du personnel travaillant sur le site qui présente une qualité d'environnement à grande potentialité. Il serait souhaitable que les terrains qui seront ainsi libérés puissent être, en concertation avec la délégation aux restructurations, utilisés en priorité pour la réalisation de projets d'intérêt général et donc que l'aliénation des emprises inutiles aux besoins de la défense, privilégie leur réutilisation par les collectivités territoriales et les organismes publics intéressés.
Quelles mesures compensatoires compatibles avec la contrainte budgétaire et la présentation de l'emploi envisagez-vous de prendre en faveur de l'agglomération chartraine ? Pouvez-vous m'assurer qu'un membre de la délégation aux restructurations viendra sur place, dans les tout prochains jours, prendre la mesure de l'urgence de la situation, car de nombreux projets qui conditionneront l'avenir de Chartres sont en cours d'élaboration ?
R. : Je peux vous recevoir quand vous le souhaitez pour évoquer la question de Chartres. Vous savez qu'actuellement la délégation aux restructurations est en relation avec les autorités. Nous sommes en train de réfléchir à la reconversion de cette base et aucun problème particulier n'a été soulevé jusqu'à présent. Ce dossier est suivi dans l'esprit que j'ai indiqué au cours du débat. Je suis à votre disposition, si vous souhaitez avoir des éclairages particuliers.
ATF (avion de transport futur)
Q. : (M. Jean Diebold) : Ma question porte sur le programme de l'avion de transport futur, l'ATF. Nous savons tous aujourd'hui que le besoin d'un tel appareil existe en Europe et que l'ATF répond à ce besoin. Nous savons tous que les États-Unis mettent tout en œuvre pour saper ce programme, y compris en proposant une éventuelle coopération. Nous savons tous que l'Allemagne vient de prendre une position claire et déterminée dans le projet ATF. Nous savons tous enfin que tout décalage dans ce programme serait extrêmement dangereux.
Or la France, dit-on, s'apprêterait à demander à ses partenaires un report d'une année pour le lancement de la phase de pré-développement de l'ATF. Les crédits nécessaires ne figurent pas dans le projet de budget pour 1996, alors qu'ils sont essentiels pour la réussite de ce programme, sans préjuger d'ailleurs de la décision finale du lancement industriel.
Dans ces conditions, pouvez-vous infirmer cette demande de report, lourde de conséquences ? Pouvez-vous confirmer la possibilité d'une inscription modérée de 50 millions de francs supplémentaires dans le projet de budget pour 1996, nécessaires pour permettre le démarrage sans report du pré-développement du programme, en reprenant par exemple les suggestions de M. Darrason ? Pouvez-vous aussi m'assurer que la France prendra rapidement, comme l'Allemagne, une position déterminée sur ce programme essentiel pour la projection de nos forces et l'avenir de notre industrie aéronautique ? Vous montrerez ainsi que vous préférez, plutôt que de faire travailler l'industrie américaine, apporter du travail à l'industrie française pendant dix ans, avec des retombées pouvant aller jusqu'à trente ans. Au-delà de l'aspect financier, dont je ne méconnais ni l'importance ni la difficulté, j'aimerais trouver à travers ce projet ATF une réelle ambition pour notre défense, pour notre industrie aéronautique et pour l'Europe ainsi que vous venez de le définir dans votre intervention.
R. : Chacun sait que le programme de l'ATF est aujourd'hui dans sa phase préliminaire et qu'il correspond à un besoin que vous avez rappelé. Des études de faisabilité ont été conduites, en coopération avec l'Allemagne et l'Italie essentiellement. L'Espagne, le Portugal et la Turquie participent aussi à ces études. La Grande-Bretagne et la Belgique, quant à elles, se sont associées en qualité d'observateurs. Le nombre d'appareils prévus pour la France est de soixante à soixante-cinq.
Cela exigerait de notre part un investissement d'environ 35 à 40 milliards, le coût unitaire étant voisin de 400 millions de francs. Vous souhaitez que, dès cette année, la France procède à une inscription budgétaire. Vous attirez notre attention sur le fait que l'Allemagne l'a déjà fait. C'est exact. Seulement, l'Allemagne n'a pas engagé de procédure. C'est la raison pour laquelle j'attends qu'elle soit engagée par l'Allemagne et que la loi de programmation soit votée par la France. La décision sera prise durant le premier semestre de 1996.
Durant toute la période qui nous sépare du vote de la loi de programmation, je continuerai les négociations avec l'Allemagne et avec tous les pays concernés. Et l'on prendra la décision de recherche, de développement et d'industrialisation future. Vous dire que ce programme se déroulera selon les analyses aujourd'hui exposées, je ne peux le faire. Car il est bien évident qu'il faudra procéder à une évaluation des coûts, et à une évaluation du marché. Il conviendra de savoir si nos économies peuvent actuellement supporter ce type de projet, étant entendu qu'il faudra y intégrer la création d'emplois et le développement économique local, comme vous l'avez précisé.
Service national (modalités et réforme)
Q. : (M. Michel Hunault) : Je souhaiterais interroger le gouvernement sur les modalités du service national et sur ses intentions de réforme en la matière. Tout d'abord, serait-il favorable à réduire la durée du service national de dix mois à huit mois ?
Ensuite, l'appel sous les drapeaux de jeunes gens qui ont déjà une activité dans de petites entreprises peut remettre en cause la pérennité même de celles-ci. Dans le cas très précis où le départ d'un jeune sous les drapeaux peut remettre en cause la bonne marche de l'entreprise, le gouvernement serait-il favorable à ce que ce jeune la réintègre à l'issue des classes et continue son service selon les modalités du service civil ?
R. : Il existe déjà un régime d'exemption pour les chefs ou les créateurs d'entreprises. Il est soumis à certaines conditions : des emplois définitifs doivent avoir été créés et, si ma mémoire est bonne, il doit s'agir de deux emplois. Si ces conditions sont remplies, la commission compétente prononce l'exemption, ce qui répond au souci de permettre aux entreprises concernées de se développer.
Vous m'avez également interrogé sur l'évolution du service national. Ce point doit être intégré à la réflexion qui sera conduite par la commission nationale qui sera mise en place, conformément au souhait de M. le Premier ministre. Je vous précise que cette commission nationale devra se pencher sur l'évolution du service national, militaire et civil : pour une armée de conscription ou pour une armée de métier, pour une armée professionnelle ou pour une armée telle qu'elle existe aujourd'hui ? C'est dans ce cadre qu'elle pourra évoquer les cas particuliers tels que ceux dont vous avez parlé. Je confirme que le secrétariat général de la défense nationale rassemble les éléments pour permettre à la commission nationale de se saisir du sujet et de préparer une consultation qui s'adressera à tous les Français.
Industries d'armement (restructuration sociale)
Q. : (M. Serge Lepeltier) : Monsieur le ministre, les débats auxquels a donné lieu votre budget ont bien mis en évidence les inquiétudes que la diminution des crédits d'investissement faisait naître dans le secteur des industries d'armement. La nouvelle loi de programmation militaire, qui devrait être votée au printemps prochain, entraînera une restructuration très importante de ces industries et aura vraisemblablement des conséquences très graves sur l'emploi, comme vous l'avez rappelé – je pense particulièrement aux salariés d'Aérospatiale et de GIAT-Industries. Des milliers d'emplois seront à coup sûr concernés. À partir de là, deux questions se posent :
– premièrement, quelles seront les mesures d'accompagnement social destinées à limiter les conséquences sur les personnels de telles décisions ? Je sais bien que vous avez déjà dit que vous ne pouviez répondre à une telle question. Il demeure que ce point nous préoccupe très fortement. Jusqu'à présent, les mesures intéressant les personnels âgés de plus de cinquante-cinq ans ont à peine suffi pour suivre les réductions d'emploi nécessaires. N'en déplaise à M. Etienne Garnier, il faut bien envisager des mesures pour les personnels ayant moins de cinquante-cinq ans. Quelles sont vos intentions à cet égard ? Cette question est celle qui est le plus souvent posée quand on évoque l'accompagnement social ;
– deuxièmement, le nombre de personnels concernés étant très élevé, ne pourrions-nous pas, pour le limiter, être imaginatifs et volontaires en termes de réduction du temps de travail ? La loi quinquennale sur l'emploi pourrait nous y aider. Pourquoi ne pas faire des industries d'armement des pionnières dans le domaine de la réduction du temps de travail ?
Avec le plan social de GIAT Industries, signé au mois de novembre 1993, ce sont 775 emplois qui ont été préservés grâce à une réduction du temps de travail de deux heures. On a ainsi, sur l'ensemble de l'entreprise, abouti à 525 suppressions d'emploi au lieu des 1 300 prévues au départ. Au niveau national, les réductions d'emploi sont si importantes qu'une réduction significative de la durée du temps de travail pourrait apporter un allégement non négligeable. Quelles sont, Monsieur le ministre, vos intentions ?
R. : Monsieur Lepeltier, je ne peux que comprendre vos intentions, mais il n'est pas question pour moi de vous dire aujourd'hui ce qu'il y aura dans les accords qui seront conclus entreprise par entreprise et branche par branche. Tous, nous réclamons toujours la concertation et la consultation des partenaires sociaux. Or, continuellement, on veut décider avant d'en reconnaître les résultats. Je vous le dis franchement, je suis très favorable à ce que l'on puisse utiliser toutes les législations et toutes les réglementations existantes, en particulier pour ce qui concerne les modulations du temps de travail. Mais je suis dans la totale incapacité de vous donner aujourd'hui une réponse plus précise. D'ailleurs, même si ce n'était pas le cas, je ne serais pas plus précis eu égard au souci que j'ai de respecter la liberté contractuelle des partenaires sociaux.
Morbihan (avenir des sites militaires et programme La Fayette)
Q. : (M. Michel Godard) : Monsieur le ministre, votre projet de budget implique deux décisions fort préjudiciables pour le département du Morbihan. La première vise à transférer le RICM de Vannes à Poitiers, la seconde à reporter de deux années la construction de deux frégates La Fayette. Ces deux décisions ont soulevé un vif émoi dans la population morbihannaise. Ces mesures viennent s'ajouter à la fermeture de la base sous-marine de Lorient, intervenue le 1er juillet dernier. En compensation toutefois, les travaux de carénage des sous-marins ont été maintenus sur le site de Lorient jusqu'au début de 1997. Ils représentent 300 000 heures de travail par an. Dès 1997, il s'agira donc d'une perte supplémentaire pour le plan de charge de la DCN de Lorient.
Vous avez accepté la création d'un groupe de travail chargé d'évaluer les conséquences économiques de ces deux dernières décisions. Elle est de nature à jeter les bases d'un dialogue nécessaire et constructif, et je vous en remercie.
D'autre part, j'ai noté que vous considérez le programme La Fayette comme un programme prioritaire dans le cadre de la gestion des crises. Vous précisez par ailleurs, dans le document de présentation de votre budget, que ce programme comporte bien la construction de six frégates. Néanmoins, certains craignent que le programme ne soit pas conduit complètement à son terme.
Pouvez-vous me confirmer que le projet de loi de programmation militaire comportera, dans sa rédaction initiale, la construction de six frégates La Fayette ?
R. : Monsieur le député, nous nous sommes déjà rencontrés pour examiner la situation de votre région. Je ne pourrai que confirmer ce que je vous ai déjà dit :
– en premier lieu, un groupe de travail regroupant des représentants du ministère et les élus de votre région – du Morbihan, et particulièrement de Lorient et de Vannes – étudiera les investissements de compensation que pourra accompagner le ministère de la défense eu égard au transfert du RICM à Poitiers et les difficultés qu'a pu rencontrer Lorient ;
– en deuxième lieu, on me demande continuellement la raison du transfert du RICM. Elle est simple : l'opération permet de faire gagner 100 millions de francs à l'État. En effet, à Poitiers, il y a une caserne vide et à Vannes, le RIMA et le RICM. Ces deux régiments, compte tenu des nouvelles normes qui sont imposées pour les casernes, doivent voir leur casernement rénové et la construction de nouveaux bâtiments se révèle nécessaire. En outre, le RICM a reçu des engins blindés qui exigent des espaces d'entraînement dont nous ne disposons pas actuellement. Nous pouvions donc soit transformer les casernements de Vannes et acheter ou équiper des terrains d'entraînement, ce qui aurait représenté un certain coût, soit transférer le RICM à Poitiers, pour un coût inférieur de 100 millions de francs. Nous avons pris la décision de transférer le RICM à Poitiers ;
– en troisième lieu, en ce qui concerne Lorient, je vous précise que six frégates sont prévues, et que six frégates seront construites. Mais je ne peux aujourd'hui vous donner de calendrier.
Telles sont les simples réponses que je voulais vous apporter.
Cadres militaires
Q. : (M. Guy Teissier) : Je souhaiterais attirer votre attention sur la situation des personnels militaires, et plus particulièrement des personnels sous-officiers. Du fait notamment de la réduction du format des années consécutives au projet Armées 2000 et de l'inquiétude qui incite les sous-officiers à quitter le service actif à cause d'une situation économique incertaine, nous assistons à un phénomène qui tend à se développer, voire à se banaliser : le vieillissement des cadres.
La loi du 30 octobre 1975 a prévu, en son article 5, des dispositions permettant de faciliter le départ des personnels officiers. À l'origine, ces mesures d'aide au départ ont été, pour l'essentiel, conçues en vue de faciliter la résorption des effectifs excédentaires officiers recrutés à l'occasion des conflits d'Indochine et d'Algérie. Concrètement, ces dispositions accordent le bénéfice de la retraire au grade supérieur dans la limite d'un contingent annuel aux officiers qui quittent le service quatre ans au moins avant leur limite d'âge.
Comme j'ai pu le proposer à l'occasion de l'élaboration de mon rapport sur les cadres militaires de demain – Quel recrutement pour quelle formation ? -, je pense que cette mesure d'aide devrait être élargie aux sous-officiers. Outre le rôle évident qu'une telle mesure peut avoir pour résorber le problème du vieillissement de nos cadres, elle permettrait également de redonner à nos sous-officiers, confrontés aux profondes mutations de notre outil de défense, le soutien moral et matériel qui leur est de plus en plus nécessaire pour exercer avec confiance leur mission, et participerait ainsi, d'une manière évidente, à la lutte contre le chômage en permettant l'intégration au sein de nos armées de jeunes gens qui sont aujourd'hui sans emploi. Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions, à court et à moyen terme, quant à l'éventuelle extension du champ d'application de l'article 5 de la loi de 1975 ?
R. : Monsieur Teissier, je voudrais d'abord vous remercier de votre rapport, dont la qualité n'est pas à démontrer : il présente un grand intérêt et nous permet d'alimenter le débat. Vous suggérez d'étendre aux sous-officiers une disposition qui est prévue pour les officiers dans le but d'adapter la structure de nos armées aux conditions nouvelles. Il est vrai que l'extension d'une telle mesure aux sous-officiers encouragerait le départ de ceux-ci, qui hésitent aujourd'hui à prendre une retraite anticipée. Mais je voudrais faire deux observations. D'abord, il ne pourrait s'agir que d'une disposition transitoire. Ensuite, cette disposition poserait un certain nombre de problèmes financiers qu'il conviendra d'évoquer. C'est la raison pour laquelle il ne m'est pas permis de l'inscrire dans le budget de 1996. Cela dit, il est évident que, dans une réflexion plus large sur le format des armées et le dégagement des cadres – il faut appeler les choses par leur nom – la mesure que vous préconisez méritera d'être étudiée.
Service national et formation professionnelle
Q. : (M. Antoine Carré) : Je voulais vous poser une question sur le service national. Mais vous y avez partiellement répondu. J'ai bien compris que les réflexions du gouvernement sur ce sujet de première importance nous seraient communiquées dans quelques mois. Je vous poserai donc sans attendre ma seconde question. Le gouvernement a fait de la lutte pour l'emploi sa première priorité. Or le chômage touche plus particulièrement les jeunes, qui quittent souvent le cursus éducatif sans avoir reçu de formation susceptible de leur permettre d'accéder rapidement à un emploi. Pour ceux qui sont reconnus aptes à servir sous les drapeaux, le service militaire ne fait que repousser de quelques mois la redoutable confrontation avec le marché de l'emploi. Beaucoup ont semble-t-il, le sentiment de se trouver, à l'issue de leur service militaire, encore plus démunis face au défi de la vie professionnelle.
Certes, la vocation du service militaire n'est pas de compenser les défaillances du système éducatif. On ne peut néanmoins nier que l'immersion temporaire des jeunes dans w, système collectif de formation et, pour certains d'entre eux, d'exercice de responsabilités, soit porteuse d'opportunités et contribue à la préparation à la vie professionnelle. On comprend donc qu'en période de crise économique la tentation soit forte de se retourner aussi vers le service militaire pour y trouver des instruments de lutte contre le chômage. Monsieur le ministre, dans quelle mesure cette dimension est-elle aujourd'hui prise en compte ? Plus précisément, le projet de loi de finances pour 1996 comporte-t-il des mesures concrètes destinées à faciliter l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle au terme de leur service militaire ?
R. : Monsieur le député, cette question est essentielle. Le service national va-t-il marquer une rupture dans la vie des jeunes gens ou va-t-il au contraire leur permettre de passer du stade d'élève, d'étudiant ou d'apprenti à l'immersion dans la vie active ? Depuis un certain nombre d'années, les responsables de la défense se sont interrogés et des dispositifs ont été mis en place pour que le service national ne soit pas une rupture, mais pour qu'il permette au contraire le passage de la vie scolaire, étudiante ou d'apprenti à la vie active. Dans le budget de 1996, on trouve à cet égard une confirmation puisque sept nouvelles cellules emplois seront destinées à faciliter l'embauche en fin de service militaire, que 2 000 nouveaux contrats de volontaires pour le service long assortis d'une clause de pré-qualification ou de spécialisation professionnelles seront financés et que, enfin, les actions de formation professionnelle seront renforcées. Je suis personnellement convaincu qu'il faudra intégrer davantage la formation professionnelle dans le service militaire et étudier la manière dont l'ouverture sur la vie active peut être facilitée, les jeunes pouvant alors utiliser le service militaire comme première expérience professionnelle.
Engagements extérieurs de la France
Q. : (M. Laurent Dominati) : Vous avez évoqué dans votre intervention générale les opérations extérieures et leurs coûts. Je vous avoue qu'il m'est arrivé, comme à beaucoup de nos concitoyens, de douter de l'utilité de certaines d'entre elles. Par exemple, nous sommes engagés en Bosnie depuis l'été 1992. Nous y avons aujourd'hui 8 000 hommes. S'il m'est arrivé de douter, il m'est aussi arrivé de reprendre espoir, comme au mois de mai dernier, puisque, sous l'impulsion du Président de la République, vous avez su réagir rapidement en opérant un regroupement de nos forces, en convainquant nos alliés britanniques et en déclenchant ainsi un sursaut de la part des États européens puis de la part des Américains, qui fait naître enfin un mince espoir de paix en Bosnie. C'est précisément un changement remarquable qu'il faut donc saluer. On a enfin une raison de se dire que le coût de cet engagement extérieur peut être supporté par la nation puisqu'elle peut être fière d'un engagement de la France au service de la paix. Mais il n'en demeure pas moins que ces opérations ont un coût et, après les avoir saluées, if faut allier un certain réalisme à l'ambition.
Ma question porte donc sur le coût des engagements extérieurs de la France et sur leur éventuelle inscription au budget. Actuellement, aucune ligne budgétaire ne leur est consacrée. Vous avez cité le budget des charges communes. Ne pourrait-on y prévoir une ligne, dans la mesure où ces opérations extérieures sont répétitives et où la France est constamment appelée sur ces théâtres d'opération au service de la paix et de sa vocation universelle ? Je vous remercie, Monsieur le ministre, de me répondre. Je vous remercie aussi de ce que vous avez fait au mois de mai dernier et de ce que vous continuez à faire.
R. : Monsieur le député, je vous remercie tout d'abord pour les paroles que vous avez prononcées s'agissant de l'action décidée par le Président de la République et menée par le gouvernement en Yougoslavie et aux Comores. Je voudrais revenir sur la vocation de la France, car j'entends souvent des personnes se demander : « À quoi bon ces interventions extérieures ? À quoi bon aller en Yougoslavie, aux Comores ? » Ma réponse est très claire : la France a une vocation internationale. Si elle est allée en ex-Yougoslavie, c'est parce qu'elle se fait une certaine idée de l'homme, des droits de l'homme. Si la France est allée en ex-Yougoslavie, c'est parce qu'elle ne peut admettre la purification ethnique, la violation de la souveraineté, c'est parce qu'elle ne peut accepter qu'une telle guerre civile se déroule, avec toutes ses horreurs, sur ce territoire. Aujourd'hui, vous l'avez rappelé, nous avons là-bas plus de 7 400 soldats qui ont démontré qu'ils étaient capables d'ouvrir le chemin de la paix. Le processus de paix a été engagé grâce à la fermeté du Président de la République bien sûr, mais surtout grâce à l'engagement de ces hommes sur le terrain.
Pour les Comores, c'est « parole donnée, parole tenue ». La France a conclu des accords de coopération, surtout avec des pays d'Afrique qui entretiennent avec nous des liens historiques. Il est indispensable qu'elle puisse respecter les engagements qu'elle a contractés. Il est absolument nécessaire que nous puissions répondre à un appel lancé par le gouvernement d'un pays lié à la France par un accord de coopération. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à cette vocation internationale de notre pays. À toutes celles et à tous ceux qui rêvent d'une France qui ferait du cocooning social, qui se replierait sur elle-même, je dis qu'elle perdrait son esprit, son essence, sa substance, son exception, que la France ne serait plus la France et que ce serait renoncer à la nature même de notre pays.
S'agissant du coût de ces opérations, j'ai répondu tout à l'heure : oui, je suis favorable à ce qu'une provision soit inscrite dans les lois de finances initiales, cela n'a pas été fait ces dernières années. Le coût pour cette année est néanmoins encore inférieur à celui des années précédentes, et je m'en félicite. Je rappelle les chiffres : 6,1 milliards en 1993 ; 5,6 milliards en 1994 et 4,2 milliards en 1995. Je souhaite, comme vous, qu'à partir de l'année prochaine le gouvernement vous propose une provision que le Parlement pourrait voter.
Industries de l'armement (restructurations et reconversions)
Q. : (M. Franck Thomas-Richard) : Monsieur le ministre, vous m'excuserez si ma question traduit les préoccupations d'un élu de terrain alors que vous avez évoqué le souci qui doit être le nôtre de nous placer dans une situation de recul national vis-à-vis d'un budget tel que celui de la défense. Les choix effectués par l'État, notamment la baisse du budget de la défense et la diminution de certains programmes, provoquent des restructurations majeures dans les industries de l'armement. M. Galy-Dejean parle de 50 000 emplois.
Même si vous avez pu nous rassurer Monsieur le ministre, s'agissant notamment du titre V, dans mon département du Cher, l'opinion publique est inquiète. En effet, 25 % de l'emploi y est lié à l'armement. Or la situation de GIAT Industries est particulièrement préoccupante. Les conséquences des coupes envisagées dans les programmes militaires sont alarmantes en termes d'emploi et nécessitent la mise en œuvre de dispositifs de départ socialement acceptables.
Monsieur le ministre, ne serait-il pas logique d'envisager l'étalement dans le temps de ces restructurations, d'essayer de les équilibrer et, la situation de GIAT Industries et de l'Aérospatiale n'étant pas nouvelle, de trouver un terrain d'entente avec les partenaires sociaux pour que ces mesures soient mieux acceptées ?
Par ailleurs, quelle sera la politique d'accompagnement social dans les départements touchés par la restructuration de l'industrie de l'armement ? Surtout – c'est un point sur lequel je voudrais insister – ne sera-t-il pas nécessaire de mettre en place une véritable politique de diversification et de reconversion ? En effet, je vous en ai parlé à plusieurs reprises, nous avons, à Bourges comme ailleurs, des sociétés de reconversion mais je n'ai pas l'impression qu'elles remplissent totalement leur rôle. Beaucoup n'ont pas de projet et celles qui en ont se montrent frileuses pour les financer. À ce sujet, monsieur le ministre, je m'étonne que les prêts accordés par ce type de sociétés pour des créations d'entreprises soient soumis à la garantie d'une autre société financée par l'État.
L'opinion publique est inquiète. Vous avez envisagé un examen précis de la situation, site par site, et je vous en remercie. Pour ma part, s'agissant de Bourges et du bassin d'emplois, je n'ai connaissance d'aucun projet précis. Il me paraît temps de meure en place de véritables cellules de reconversion au niveau de ces bassins d'emplois. Vous nous avez parlé de lacunes vis-à-vis de nos structures, notamment en matière commerciale, en matière d'exportation. Ces sociétés de reconversion témoignent aussi de lacunes. Il est donc à tout le moins nécessaire de renforcer leur efficacité.
R. : Lorsque les élus des bassins d'emplois concernés par les transformations de l'industrie de la défense mettront en place une structure de coordination des différentes actions économiques et sociales, il est bien évident que le ministère de la défense les considérera comme des interlocuteurs valables, avec lesquels nous pourrons passer des conventions. Comme je l'ai dit, il y a quelques instants, nous préparons actuellement des conventions types avec les régions, pour pouvoir accompagner ces reconversions, ces évolutions, ces actions de formation qui seront rendues nécessaires. Je serais très heureux si ces conventions pouvaient prévoir des comités de coordination où seraient impliqués les élus municipaux, départementaux, régionaux, nationaux concernés par cette restructuration des bassins d'emplois. C'est mon premier élément de réponse.
Mon second élément de réponse – j'insiste mais cela me paraît trop important pour que je n'y revienne pas – c'est qu'il n'est pas question pour le ministère de la défense de faire du mécano industriel, de prévoir à la place des dirigeants, de casser pour pouvoir reconstruire. Il est question, pour nous, d'avoir des interlocuteurs. Durant les semaines à venir je dois rencontrer les dirigeants d'Aérospatiale et du GIAT Industries. Je leur ai demandé de me présenter des plans de restructuration, à partir desquels nous déciderons d'éventuelles recapitalisations, des mesures d'accompagnement économiques et sociales ainsi que des orientations commerciales à mettre en œuvre.
Sénat : 6 décembre 1995
Réponses du ministre de la défense aux sénateurs lors de la discussion budgétaire
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, pourquoi ne pas vous le dire ? J'ai été frappé par le sérieux, par la pertinence, mais surtout par la cordialité de vos propos, et je voudrais vous remercier de votre participation à la discussion de ce projet de budget pour 1996 que j'ai eu l'honneur de vous présenter. Je vous remercie, monsieur le président de la commission, de vos analyses et de l'intention de vote que vous avez exprimée. Je voudrais aussi remercier les rapporteurs, ainsi que tous les orateurs qui ont fait connaître leur point de vue, et qui, pour ceux qui appartiennent à la majorité, ont fait savoir qu'ils apporteraient leur soutien à ce projet de budget.
Je vais maintenant tenter, Mesdames, Messieurs les sénateurs, de répondre à la richesse de vos interrogations. J'aborderai dans un premier temps les questions budgétaires, puis celles qui concernent le personnel et la gendarmerie, avant d'évoquer les sujets relatifs à l'industrie et aux programmes d'armement. J'aborderai enfin les questions touchant aux mesures d'accompagnement des restructurations, ainsi que les perspectives actuelles de la défense européenne.
En ce qui concerne les questions budgétaires, je voudrais remercier M. de Rohan d'avoir souligné que, si je vous ai présenté un projet de budget pour 1996 en baisse par rapport au budget de 1995 et si je n'ai pu respecter l'annuité prévue par la loi de programmation militaire, cela est dû à un certain nombre de raisons, que je voudrais vous rappeler.
Diminution des crédits budgétaires (raisons)
La première raison tient au fait que, de 1993 à 1995, nous étions en période de cohabitation et qu'il n'a pas été possible, dans la loi de programmation qui a été votée par le Parlement, de répondre à toutes les questions posées par le Livre blanc. Je ne donnerai qu'une illustration à mes propos : le problème de la dissuasion nucléaire.
La deuxième raison réside dans l'augmentation de la contrainte budgétaire du fait de la dégradation de la conjoncture économique et de la baisse de nos recettes fiscales.
La troisième raison – et je me permettrai d'y insister tout au long de la soirée – c'est que l'on peut certainement dépenser mieux sans dépenser plus et même dépenser moins tout en dépensant mieux. C'est en fait tout l'objectif que je tenterai d'atteindre avec vous et dont je vais essayer de vous montrer le bien-fondé.
Nouvelle loi de programmation militaire 1997-2002 (raisons – échéances)
Tout d'abord, avant même d'aborder les questions relatives au projet de budget pour 1996, je voudrais évoquer la nouvelle loi de programmation militaire dont j'ai annoncé le dépôt prochain.
Je commencerai par exposer les raisons pour lesquelles je souhaite l'élaboration d'une loi de programmation militaire.
M. de Villepin a rappelé qu'elle était absolument indispensable pour donner une meilleure visibilité à nos armées et à notre industrie et assurer une meilleure information des citoyens. Il a raison, quatre fois raison ! C'est dans l'intérêt des armées que nous présenterons un projet de loi de programmation militaire. Il faut, en effet, que l'armée connaisse l'évolution de ses effectifs et qu'elle sache comment seront renouvelés ses équipements.
Le vote d'une loi de programmation ira également dans l'intérêt de notre industrie de défense. J'ai dit, et je le répète à cette tribune, que le budget de la défense nationale n'est pas prioritairement fait pour permettre à l'industrie de défense de se développer. Autant je suis favorable à ce que notre industrie de défense soit forte pour garantir l'indépendance nationale, autant je pense que le budget de l'État doit être défini d'une manière autonome. Néanmoins, il est absolument indispensable que l'industrie de défense connaisse nos projets à moyen terme, pour prévoir ses investissements ou ses restructurations.
Cette nouvelle loi de programmation va également dans le sens de l'intérêt des pouvoirs publics car il sera nécessaire d'avoir une approche globale pluriannuelle. Nous nous en rendons compte tous les jours. Si nous avons ce souhait, nous avons en tête un certain nombre d'interrogations, c'est peut-être parce que, trop longtemps, nous avons voulu travestir la réalité, pour ensuite nous heurter à des difficultés. Aujourd'hui, je pense que le monde tel qu'il rend obligatoire une nouvelle loi de programmation militaire qui soit empreinte d'honnêteté et de clarté.
Enfin, il y va de l'intérêt de tous nos concitoyens car, à l'occasion de cette nouvelle loi de programmation militaire, nous débattrons des moyens dont notre pays doit se doter pour faire face aux nouvelles menaces qui pèsent sur sa sécurité.
Cette année, la mise en place du plan Vigipirate nous amené à nous interroger sur l'évolution des menaces dans le monde moderne. Est-ce que les menaces sont à nos frontières ou sur notre territoire ? Est-ce que les menaces sont des menaces de terrorisme, d'intégrisme ou d'extrémisme ? Est-ce que les menaces sont des menaces de mafia, de trafics ? Sont-elles idéologiques, comme on en a connu avant 1989 ? Ces questions, il faudra que les citoyens se les posent, il faudra que les hommes politiques y répondent, il faudra que la nouvelle loi de programmation en tienne compte.
C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, il est absolument nécessaire de nous doter d'une nouvelle loi de programmation. Je suis actuellement persuadé que le calendrier retenu par le gouvernement pour la mise au point de cette nouvelle loi est le plus adapté, même s'il exige de notre part des efforts considérables.
Fallait-il aller plus vite, comme l'a suggéré M. Baylet ? Si nous étions allés plus vite, M. Baylet nous aurait dit aujourd'hui : vous êtres allés trop vite ; vous n'avez consulté ni l'Assemblée nationale ni le Sénat. M. Delanoë nous reproche, ce soir, de présenter un budget caractérisé par une absence de choix. Mais si nous avions fait des choix définitifs, il nous aurait expliqué que nous avions préjugé les décisions qu'adopteront l'Assemblée nationale et le Sénat durant les mois à venir. Alors, fallait-il aller plus vite ? Nous savons bien qu'il n'aurait pas été raisonnable de prendre des décisions si lourdes de conséquences dans la précipitation, sans disposer d'une évaluation globale de l'évolution de notre appareil de défense.
Etait-il possible d'attendre encore ? C'est la question que nous a posée M. Blin, qui a souligné « l'ampleur de la tâche » et « la minceur des délais ». Pourtant, il nous faudra, avant la fin de l'année prochaine, disposer de cette nouvelle loi. Au demeurant, son élaboration sera moins longue que celle de la précédente. Il n'est en effet pas question de rédiger un nouveau « Livre blanc », puisque celui qui a été mis au point sous la responsabilité de mon prédécesseur constitue encore pour nous un document de référence, même si certaines des questions qu'il a posées sont encore sans réponse. Si nous ne voulons pas que le budget de la défense devienne la variable d'ajustement du budget de l'État, il nous faut disposer au plus vite d'une nouvelle programmation, établie sur des bases solides.
Nouvelle loi de programmation militaire 1997-2002 (contenu)
Vous ne manquerez pas de m'interroger sur les grandes lignes de la loi de programmation. Vous comprendrez qu'au stade où en sont les travaux je me contente de vous faire part de mes réflexions personnelles :
– il est souhaitable que la prochaine loi de programmation concerne non seulement le titre V, mais aussi le titre III relatif aux effectifs. En effet, je ne vois pas comment une telle loi ne pourrait viser que les crédits d'équipement alors qu'équipements et effectifs sont indissociablement liés. Le titre V du budget de la défense constitue en effet un tout que l'on ne peut dissocier sans courir le risque de voir ce qui n'aurait pas été programmé diminuer mois après mois, année après année, à quoi bon disposer de chars Leclerc si l'on ne commande pas en même temps les munitions et si l'on ne peut ni les transporter ni les entretenir ? ;
– faut-il réserver un sort particulier aux crédits d'entretien programmé du matériel, comme le suggère M. André Boyer dans son rapport écrit ? Cette proposition mérite en tout cas d'être examinée avec attention ;
– je souhaite, par ailleurs, que la prochaine loi de programmation ne retienne plus la notion de crédits disponibles. Je suis convaincu, je l'ai dit et je le répète, que nos présentations budgétaires ont été perverties par cette notion ;
– bien que le principe du recours aux crédits de report et aux fonds de concours figure en toutes lettres dans la loi du 23 juin 1994, leur utilisation ne contribue à faciliter ni la gestion ni le contrôle des dotations allouées à mon ministère. Sur ce point, je suis donc en parfait accord avec MM. Faure, Blin et Vinçon. Je mettrai donc tout en œuvre pour que l'on n'ait plus recours aux crédits de report ni aux fonds de concours ;
– de même, je crois qu'il serait plus sain que les crédits destinés à financer des recherches duales soient à l'avenir clairement affectés au département ministériel qui en a l'utilisation, plutôt que de donner lieu à des parodies de négociation entre des administrations dont les vues ne sont pas nécessairement convergentes, c'est le moins que l'on puisse dire, et je parle d'expérience ! ;
– enfin, puisque j'évoque des pistes de réforme, j'ajoute qu'il serait bon de redonner tout son sens à la notion d'autorisations de programme que la défense a un peu perdu de vue, parce que c'est l'instrument de l'engagement pluriannuel de l'État.
Je tiens à dire à M. de Villepin que je partage pleinement les préoccupations qu'il a exprimées à propos du respect de la programmation que nous allons prochainement élaborer. Vous avez raison de souligner, monsieur de Villepin, que ce respect conditionne « la crédibilité de l'instrument » que constitue, pour nous, la programmation des dépenses militaires. Vous avez raison de dire qu'il est indispensable que l'application de la prochaine loi de programmation « redonne à cet exercice son sens et sa valeur ». Je le dis comme je le pense : il serait grave de voter une loi de programmation qui serait jetée le lendemain aux orties.
S'il est normal que les armées participent aux efforts exigés par la situation économique et sociale de notre pays, ce qui peut justifier un certain décalage par rapport à la programmation, leur contribution doit également tenir compte de la nature particulière des missions qui leur sont confiées.
Loi de finances rectificative 1995 (collectif budgétaire)
De ce point de vue, le collectif qui sera prochainement examiné par votre assemblée revêt, à mes yeux, un caractère exemplaire. Je n'insisterai pas sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à lui donner une ampleur particulière, vous les connaissez mieux que moi.
Pour limiter les déficits publics à 5 % du produit intérieur brut, il a été décidé d'annuler plus de 20 milliards de francs sur l'ensemble des budgets civils et militaires. La contribution de la défense à cet effort d'économies s'élèvera à 3,5 milliards de francs, qui seront prélevés sur son titre V. Le montant de cette seconde annulation est important, je ne prétendrai pas qu'elle sera absorbée sans difficultés par les armées. Je tiens cependant à souligner que, comme je l'avais demandé au Président de la République et au Premier ministre, la contribution du ministère de la défense à ce nouvel effort d'économies sera, cette fois, du même ordre que son poids dans le budget de l'État.
Quant aux ouvertures de crédits, dont devrait bénéficier le titre III du ministère de la défense dans le cadre du collectif, elles atteindront 2,1 milliards de francs. Compte tenu des 2,8 milliards de francs qui leur ont déjà été alloués au mois d'août dernier, les armées auront donc bénéficié, cette année d'un abonnement de 4,9 milliards de francs. Ces ouvertures de crédits devraient permettre d'assurer la couverture des surcoûts liés au plan Vigipirate et aux opérations extérieures, de faire face à certaines dépenses de fonctionnement qui n'étaient jusqu'à présent pas budgétées, telles que les loyers de la gendarmerie ou l'augmentation du prix des carburants, et d'apurer, pour la première fois, la quasi-totalité du déficit dont souffre, depuis plusieurs années, le ministère de la défense en matière de rémunérations.
Cet assainissement de la situation financière du ministère, qui avait déjà été engagé par mon prédécesseur, fait entrer la défense dans un cercle que je qualifierai de vertueux. Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire sur le projet de collectif que vous allez prochainement examiner.
Opérations militaires extérieures (coût 1995, fondements)
J'en viens maintenant aux opérations extérieures, qui ont été évoquées notamment par M. Trucy, dont la compétence sur le sujet m'a beaucoup impressionné. La dernière estimation du surcoût qui résulte de ces opérations pour les armées s'élève à 4,3 milliards de francs pour l'ensemble de l'année 1995, contre 6,1 milliards de francs en 1993 et 5,6 milliards de francs en 1994.
Après la loi de finances rectificative votée au mois de juillet, le prochain collectif devrait permettre de couvrir tous les besoins des armées en matière de rémunérations et de fonctionnement, à l'exception cependant de ceux qui concernent l'entretien programmé du matériel, encore imputé sur le titre III.
J'ajoute à l'intention de M. de Gaulle que les débats qui précéderont l'élaboration de la prochaine loi de programmation (...) obligatoirement l'occasion d'une nouvelle réflexion sur la place de nos engagements extérieurs dans la politique que nous souhaitons conduire au-delà de nos frontières. Mais permettez-moi, monsieur le sénateur, d'insister sur le fait que les opérations extérieures s'inscrivent souvent dans la vocation naturelle de la France.
Si notre pays est intervenu en Bosnie et au Rwanda, ce n'est ni par prestige ni par jeu. Il est intervenu pour faire respecter les droits de l'homme en Bosnie et la dignité de la personne humaine au Rwanda. La France ne serait plus la France si elle ne savait pas prendre ses responsabilités, coûteuses sans doute, à l'égard de l'histoire et du monde, dans des pays européens ou africains, comme elle l'a fait récemment.
Je souhaite évidemment qu'un débat soit engagé, mais je suis convaincu que, à la fin du XXe siècle et au cours du XXIe siècle, ces opérations extérieures feront essentiellement partie d'une politique de défense fidèle aux valeurs qui sont le fonde ment même de notre communauté nationale.
M. Husson m'a interrogé sur le coût de ces opérations et, en particulier, sur celui de notre participation à la mise en œuvre du plan de paix dans l'ex-Yougoslavie. Ce surcoût, qui est actuellement de 2,6 milliards de francs, devrait avoisiner les 4 milliards de francs.
M. Delanoë s'est félicité du recours au provisionnement. Je souhaite en effet, qu'un minimum de crédits figure à l'avenir au budget initial de la défense ou à celui des charges communes afin de dispenser nos forces d'avancer les sommes nécessaires au financement de leur engagement sur des théâtres extérieurs. Cela vaut naturellement pour les dépenses du titre III et celles du titre IV.
S'agissant toujours des questions budgétaires, j'évoquerai encore trois points : s'agissant des crédits de fonctionnement des bases aériennes, je peux rassurer MM. de Villepin et Falco : cette question a été réglée par mes services. S'agissant du « blanc » budgétaire, j'indique à M. Trucy qu'il sera remis à la représentation nationale au début du mois de janvier. S'agissant de l'Institut des hautes études de la défense nationale, je tiens à confirmer à M. Vinçon l'intérêt que je porte tout naturellement à cet organisme, qui pourtant ne relève pas de mon budget.
Personnel du ministère de la Défense
J'en viens maintenant aux questions de personnel. Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés du sort des personnels de la défense, qu'ils soient militaires ou civils, et je les en remercie, car ils méritent l'intérêt que vous leur portez. Les visites que j'ai effectuées dans les unités ou dans les établissements durant ces six derniers mois et le dialogue direct que j'ai pu avoir, comme nombre d'entre vous, avec ces personnels au sein des instances de concertation du ministère m'ont donné l'occasion de les découvrir, d'apprécier leurs qualités humaines et professionnelles et de mesurer la confiance que le gouvernement et le Parlement peuvent avoir en eux.
Je souhaiterais maintenant répondre aux préoccupations que vous avez manifestées en évoquant d'abord la professionnalisation et le service national, ensuite les réserves et enfin les effectifs et le régime de protection sociale des militaires.
Professionnalisation
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la participation significative de la France à la prévention ou à la résolution de crises de natures diverses a mis en évidence la nécessité, pour le chef de l'État et le gouvernement, de pouvoir faire appel à des unités immédiatement disponibles en nombre suffisant.
Telle est la justification – nombre d'entre vous l'ont reconnu – d'une professionnalisation accrue des armées. Comme l'a souligné M. Trucy, tout accroissement de la professionnalisation modifiera, de manière plus ou moins radicale, l'équilibre entre militaires d'active et appelés. La question du service militaire et du rôle des appelés dans les armées se trouve en conséquence posée.
Il est vrai que la décision serait facilitée par l'identification précise d'un format critique des armées en deçà duquel le service militaire ne serait plus viable – c'est ce que vous avez appelé, si j'ai bien compris vos propos, le « seuil de rupture » – et par une connaissance approfondie et incontestable des coûts comparés de la conscription et de l'armée de métier. Or, tous ceux qui se sont penchés sur ce dossier savent que ces éléments sont difficiles à apprécier, pour des raisons que je voudrais vous exposer en quelques mots.
La notion de seuil de rupture, c'est-à-dire de niveau à partir duquel le service militaire ne serait plus viable, est tirée de l'expérience de la pratique du service national et de ce que doit être le rôle confié aux appelés pour que l'obligation qui leur est imposée soit acceptable et conserve son sens et son intérêt, tant pour l'individu que pour la collectivité.
Ce seuil est appréhendé de manière totalement différente selon les armées, parce qu'elles emploient un nombre d'appelés fort variable, dans des conditions elles-mêmes diverses. À ce stade des travaux du Comité stratégique, il apparaît que la marine est sans doute, aujourd'hui proche du seuil de rupture, alors que l'armée de terre pourrait voir ses effectifs d'appelés diminuer sensiblement tout en continuant à proposer à ceux-ci des fonctions dignes d'intérêt.
Conscription – armée de métier (coût)
En ce qui concerne la comparaison des coûts respectifs de la conscription et de l'armée de métier, il convient avant tout de définir de quoi on parle :
– s'agit-il du coût économique ? On mesure rapidement les limites de cette approche, qui conduit à comparer des objets qui ne sont pas de même nature. En effet, la défense n'est pas un service marchand et on voit mal comment mesurer la part de production de ce service qu'il faudrait imputer à chaque appelé ;
– s'agit-il alors du coût budgétaire ? Dans ce cas, je suis effectivement en mesure de vous indiquer quelles sont les rémunérations moyennes des différentes catégories de personnels : il est bien évident qu'un engagé coûte plus cher qu'un appelé.
On peut également mettre en évidence les « coûts indirects » à partir d'une répartition des frais d'alimentation, de transport, d'habillement, d'infrastructure et de formation. Pour autant, la difficulté d'une comparaison entre armée professionnelle et armée de conscription demeure entière, parce que les modes de fonctionnement et les structures des deux modèles sont totalement et fondamentalement différents. Toutes les analyses des structures de coûts des armées étrangères mettent cependant en évidence qu'à volume égal une armée entièrement professionnalisée engendre un coût de fonctionnement supérieur d'environ un tiers à celui d'une armée de conscription.
De cette analyse, je tire pour ma part, deux leçons :
– la première, c'est qu'il sera absolument indispensable, pour aborder ce débat, que je vous présente des résultats qui auront été obtenus grâce à des instruments comptables qu'il sera nécessaire de perfectionner ;
– la seconde leçon, c'est qu'il est déraisonnable de chercher seulement dans des critères financiers les éléments d'une décision dont la nature est éminemment politique. Je suis convaincu que le choix entre armée professionnelle et armée de conscription doit se faire, bien sûr, en fonction de considérations financières, mais surtout à partir d'une analyse politique.
J'aurai sans doute l'occasion de venir à nouveau vous parler de ce sujet, pour évoquer le lien entre conscription et cohésion nationale, afin de savoir si l'idéal qui est la base même de la conscription telle que nos prédécesseurs l'ont instaurée en 1905 peut toujours aujourd'hui être respectée compte tenu des conditions du monde moderne.
En ce qui concerne l'évolution du service national, je reprendrai à mon compte l'observation faite par M. Blin : il faut évidemment connaître les orientations sur le format des armées avant de s'engager dans une réforme du service national ; c'est ce que j'ai demandé au Comité stratégique d'étudier pour que l'on puisse en débattre.
Service national (formes civiles)
À propos des formes civiles, qui ont fait l'objet, comme M. Habert l'a rappelé, d'un récent rapport du Conseil économique et social, je voudrais apporter une réponse qui m'est personnelle : je ne pense pas que l'on doive jeter l'anathème sur telle ou telle forme du service civil et, notamment sur le service des VSNE. Toutes les formes de service sont aujourd'hui utiles et respectables ; Mais il conviendra d'étudier, à l'occasion d'une refonte complète que nous pourrons imaginer ensemble, les moyens permettant de garantir une véritable égalité entre tous les jeunes Français, qu'ils aient ou non à effectuer leur service national ou leur service militaire.
Ce qui importe, c'est que la légitimité de ces formes civiles soit reconnue, que les besoins auxquels elles cherchent à répondre soient clairement identifiés, qu'elles ne soient pas source d'inégalités supplémentaires et qu'elles consacrent un juste équilibre entre le souci de l'intérêt général et celui de l'enrichissement humain et civique des jeunes appelés.
À cet égard, je rejoins certaines propositions de M. Bonnet – celles qui concernent les postes de secours, je dois l'avouer, plus que celle qui est relative aux haras – car elles s'inspirent de la recherche de l'intérêt général que je viens d'évoquer, et de la notion de service. Je suis convaincu, en effet, que c'est dans ce sens que nous devrons réfléchir. Nous sommes donc bien d'accord : il s'agit de s'interroger plus sur des formes « civiques » que sur des formes « civiles » du service national.
Pour terminer sur le service national, qui a fait l'objet d'une analyse et de propositions fort intéressantes de la part de M. Vinçon, je rappellerai que le projet de budget, que je présente aujourd'hui, prévoit la poursuite de l'effort en faveur des appelés, notamment en matière de formation professionnelle.
Je l'ai dit tout à l'heure, l'une des angoisses de notre société concerne sans aucun doute l'emploi des jeunes. Il est indispensable que, à l'occasion du service national, nous soyons capables d'offrir aux jeunes appelés, non seulement par des modules de formation professionnelle mais aussi par un apprentissage susceptible de leur permettre d'entrer ensuite dans la vie active, la possibilité d'apporter leurs compétences à la vie professionnelle et d'éviter ainsi d'avoir à se heurter au mur du chômage.
J'aurais certes souhaité que les questions d'éloignement et de transport soient mieux prises en compte à travers l'octroi d'un voyage gratuit mensuel supplémentaire. Toutefois, le financement d'une telle mesure est difficile dans la conjoncture actuelle. Elle aurait pourtant permis, je le sais, d'atténuer les effets de l'éloignement des jeunes appelés, qui est évalué à 200 kilomètres en moyenne, mais recouvre, en réalité, des situations individuelles fort différentes.
Je le dis comme je le ressens, lors de la discussion que nous aurons demain sur l'évolution du service national ou du service militaire, il conviendra de réfléchir à la manière de prévoir l'appel ou l'affectation du jeune appelé, si celui-ci reste « appelé ». Dès lors, nous devrons nous interroger sur les menaces telles que la France les aborde. Ne convient-il pas, comme dans un certain nombre de pays, de prévoir l'accomplissement d'un service national à proximité du domicile, afin que l'intéressé soit mobilité à des occasions extraordinaires, lorsque des menaces apparaissent ? C'est une des pistes auxquelles il conviendra de réfléchir. Vous l'avez évoqué à propos de l'éloignement, je l'aborde à mon tour au sujet des nouvelles menaces qui peuvent apparaître dans notre pays comme dans d'autres pays modernes.
Réserves
À propos des réserves, je souhaiterais d'abord dire à M. Bécart que les réflexions conduites voilà deux ans par M. Haenel et les propositions qu'il a alors formulées n'ont rien perdu de leur actualité.
Elles avaient déjà été prises en compte dans l'élaboration de l'actuelle loi de programmation militaire. Elles continuent d'inspirer les travaux de la mission du préfet Di Chiara, qui œuvre à la définition d'un véritable « statut du réserviste » en liaison étroite avec les associations, les états-majors, les administrations de l'État concernées et les employeurs publics ou privés. Enfin, elles ont fait l'objet de plusieurs expérimentations riches d'enseignements. Il en sera évidemment tenu compte dans les décisions qui seront prises au plus haut niveau de l'État, en ce qui concerne tant le format futur des armées que l'évolution du service national.
Effectifs de l'année de l'air et de l'armée de terre
S'agissant des effectifs, je crois utile de faire une première remarque qui fait suite aux observations pertinentes de plusieurs rapporteurs, notamment MM. Falco et Vinçon, à propos des sureffectifs de l'armée de l'air et de l'armée de terre. Je souscris sans réserve à leur analyse ; nous devons en effet tirer des leçons en ce qui concerne la gestion des carrières, le rythme des recrutements et les conditions de la reconversion professionnelle des militaires dans la situation économique actuelle.
C'est un de nos soucis, et le secrétaire général pour l'administration vient de me soumettre un premier projet tendant à rendre plus efficaces les dispositifs en vigueur, tout en laissant à chaque armée l'initiative de mesure susceptibles de répondre de manière mieux appropriée aux situations originales de certains de leurs personnels.
Effectifs de l'Administration centrale du ministère de la defense
Ma seconde remarque renvoie à la question soulevée par M. Trucy sur les effectifs de l'administration centrale du ministère de la défense.
La réduction de 10 % des effectifs des administrations centrales concerne mon ministère au même titre que les autres ministères. Mais comme vous l'avez souligné, pour le ministère de la défense, la difficulté réside dans la définition de ce qu'est l'administration centrale. En effet, les services centraux comprennent l'administration classique, les États-majors, les directions de la délégation générale pour l'armement et les directions centrales des grands services de soutien. Je suis pourtant favorable à la réduction de 10 % que vous avez appelée de vos vœux.
C'est la raison pour laquelle, aux termes de la directive du Premier ministre du 26 juillet dernier, j'ai demandé qu'une étude soit réalisée sur ce point. J'espère que cette démarche permettra d'avoir une vision claire des effectifs de l'administration centrale, d'en maîtriser l'évolution et de procéder ultérieurement à d'éventuelles délocalisations, comme certains l'ont souhaité.
Protection sociale des militaires (sécurité sociale, pension, retraite)
Au sujet du régime de protection sociale des militaires, je voudrais indiquer qu'il n'est pas question, aujourd'hui, de remettre en cause l'existence de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, qui gère, avec le succès qu'a rappelé M. Trucy, les dépenses de maladies des militaires et de leurs familles, selon les mêmes règles que celles du régime général.
En revanche, les militaires seront concernés par la réflexion menée sur l'évolution du régime de retraite des agents publics. Ne serait-ce que pour cette raison, les décisions relatives aux fonctionnaires civils, notamment celles qui auront trait à l'augmentation du nombre d'annuités nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein, leur seront applicables. Au demeurant, cette application automatique ne me semble pas contestable.
Il faudra, en revanche, être attentif aux conséquences qu'elle pourrait avoir en termes de gestion des carrières, de limites d'âge, de bonifications ou de droits à la jouissance anticipée d'une retraite dont bénéficient aujourd'hui les sous-officiers à partir de quinze ans de service, et les officiers à partir de vingt-cinq ans de service.
C'est pourquoi, dès l'annonce de la création de la commission Le Vert, j'ai adressé une lettre à mon collègue Jacques Barrot, pour que la spécificité du problème des retraites militaires soit clairement prise en compte dans les réflexions de cette commission. Sachez que je veillerai à ce que le conseil supérieur de la fonction militaire soit tenu informé de ses travaux.
Gendarmerie nationale
J'en viens aux questions relatives à la gendarmerie. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, la gendarmerie constitue une force essentielle pour la sécurité des biens et des personnes, qui est l'une des priorités du gouvernement. Elle est également un élément central du dispositif de sécurité intérieure, face aux nouvelles menaces qui affectent notre territoire. Son statut est militaire et elle relève de la compétence du ministère de la défense. Je ferai tout – je dis bien tout – pour que le caractère militaire de la gendarmerie soit protégé. Je veillerai à ce qu'un traitement équitable soit assuré entre la gendarmerie et les autres forces de sécurité. L'ancrage militaire de la gendarmerie est historique. Il répond autant qu'autrefois aux nécessités actuelles. Les gendarmes sont très attachés à leur statut militaire. Le gouvernement, moi-même et nos concitoyens le sont aussi, car ce statut est garant des valeurs partagées avec les autres armées. Aujourd'hui, près de 1 000 militaires de la gendarmerie servent à l'extérieur aux côtés de leurs camarades de l'armée de terre, de l'armée de l'ai et de la marine, au titre de l'organisation des Nations unies et de l'Union de l'Europe occidentale. Demain, l'engagement de la gendarmerie aux côtés des trois autres armées en Bosnie sera sans doute accru, compte tenu de la nature du plan de paix.
La priorité budgétaire accordée à la gendarmerie va de pair avec les réformes en profondeur mises en œuvre : l'organisation et le fonctionnement de la gendarmerie vont être adaptés pour accroître sa capacité opérationnelle et entraîner un important effort de productivité. Ainsi que je l'ai déjà dit, je mettrai tout en œuvre pour augmenter les emplois civils afin que les gendarmes puissent assumer leurs compétences propres et ne soient pas acculés à assumer des compétences secondes ne relevant ni de leur formation ni de leurs traditions.
Brigades de gendarmerie transférées (dix-neuf)
Le transfert des dix-neuf brigades territoriales évoqué par M. Bertrand Delanoë s'inscrit dans cette perspective. Je précise à votre intention, monsieur le sénateur, que ces transferts correspondent à des redéploiements et non à des dissolutions.
Le projet de budget que nous examinons ce soir prévoit d'ores et déjà que 20 millions de francs seront affectés à la gendarmerie pour permettre à cette dernière de renforcer l'encadrement, de reconnaître, par des promotions, le niveau réel des responsabilités et, plus généralement, de revaloriser les carrières des personnels de l'arme.
Cette action sera poursuivie dans le cadre d'un plan plus vaste qui s'inscrira dans la prochaine loi de programmation militaire.
Dans son rapport sur la gendarmerie, M. Michel Alloncle s'est interrogé sur les conséquences de la suppression de la franchise postale à compter du 1er janvier prochain. Je suis en mesure de vous rassurer sur ce point, monsieur le rapporteur pour avis. Comme vous le savez, l'obligation d'affranchir les correspondances s'imposera à toutes les administrations de l'État à partir du 1er janvier prochain. Les crédits permettant à la gendarmerie d'y faire face devraient lui être transférés. Le montant et la date de versement de ces ressources sont en cours de discussion avec le ministère de l'économie et des finances.
Compte tenu des différentes missions assumées par la gendarmerie en matière de sécurité intérieure, notamment, j'ai bon espoir que le budget de la gendarmerie n'aura pas à souffrir de ce transfert de charges.
Politique industrielle d'armement
J'en viens aux programmes et affaire industrielles. M. de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, s'est interrogé sur les cibles qui seront retenues pour le Rafale et le char Leclerc, sur le devenir de l'hélicoptère NH 90, sur l'avion de transport futur, ainsi que sur la décision de réaliser le second porte-avions nucléaire. Ses préoccupations sont partagées par nombre des orateurs qui se sont exprimés ce soir, notamment par MM. Maurice Blin et Hubert Falco. Au printemps prochain, lors de la discussion du projet de loi de programmation, nous répondrons à toutes ces questions. Mais je peux dès à présent vous indiquer les critères de choix du gouvernement.
Programmes nucléaires
S'agissant tout d'abord des programmes nucléaires, le principe de suffisance qui structure la politique française depuis de nombreuses années reste, comme vous le savez, inchangé. Mais sa traduction sera à l'évidence modifiée, si cela est nécessaire, par les choix qui seront arrêtés par le président de la République sur l'avenir de la composante terrestre, c'est-à-dire sur l'avenir du plateau d'Albion, sur le contenu et sur le calendrier de réalisation des programmes concourant à la modernisation des composantes aérienne et maritime.
Monsieur Delanoë, pour pouvoir réfléchir à l'évolution des programmes nucléaires, le gouvernement ne s'est pas réfugié dans les rapports d'experts ! Les décisions relatives aux essais nucléaires, au plateau d'Albion ou à la modernisation des équipements maritimes ou aéroportés sont certes éclairées par des rapports techniques. Mais ce sont des décisions politiques prises par le président de la République et par le gouvernement à partir de propositions du ministre de la défense.
Le montant des crédits affectés aux programmes nucléaires et leur poids dans le budget d'équipement des armées sont d'environ 20 % aujourd'hui. Je rappellerai à M. Philippe de Gaulle, qui m'avait interpellé à ce sujet, que, si ce montant doit varier à la marge, ce sera en réalité en fonction de décisions de réorganisation de la force nucléaire.
Projet Palen
Je répondrai à M. Baylet, qui m'a interrogé sur le projet Palen (Préparation à l'arrêt des essais nucléaires), que l'adaptation à l'interdiction totale des essais nucléaires nécessite de remplacer les expérimentations en vraie grandeur, aujourd'hui effectuées au centre d'essais du Pacifique, par de simulations numériques mettant en jeu des codes de calcul et de puissants ordinateurs. Ces simulations doivent être complétées par des expériences partielles de laboratoire destinées à vérifier la cohérence des prévisions des modèles. Le laser mégajoule est la principale de ces expériences. Il s'agit de réaliser les conditions physiques de la fusion thermonucléaire, soit une température de plusieurs dizaines de millions de degrés dans un volume très réduit. Il nous faut aujourd'hui fixer les contours de ce projet. C'est pourquoi j'ai demandé à l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique de me faire des propositions pour la réalisation de cette capacité scientifique majeure.
Programmes d'armement classique (principes)
S'agissant des programmes d'armement classiques, le premier principe directeur qui guidera les choix du gouvernement sera, naturellement, le besoin opérationnel des armées. Mais il nous faudra aussi prendre en compte deux orientations fondamentales : d'une part, la conservation de la base industrielle et technologique qui a assuré l'indépendance de notre pays ; d'autre part, le partage avec nos partenaires du poids de programmes que la France ne pourra pas assumer seule.
Ces principes ne sont pas simples à concilier et nécessitent de définir une nouvelle organisation et de nouvelles politiques d'acquisition, qui doivent reposer sur le respect scrupuleux des responsabilités de chacun et sur l'effort de tous.
Au-delà de la nécessaire compatibilité entre les matériels, c'est en termes de besoins militaires européens que les états-majors devront désormais raisonner. Aujourd'hui, les Européens sont de plus en plus engagés dans des actions conjointes. Cet horizon commun, qui se traduit déjà par la constitution de forces et d'états-majors européens, doit s'exprimer dans le domaine de l'armement. C'est l'ambition de la structure de coopération franco-allemande qui sera officialisée demain au sommet de Baden-Baden et mise en place à partir du 1er janvier prochain.
En outre, les états-majors, en liaison étroite avec la délégation générale pour l'armement, doivent veiller à exclure de la définition de leurs besoins les sophistications inutiles – plusieurs sénateurs ont attiré mon attention sur ce point – et des options trop coûteuses. Chaque évaluation devra associer l'approche technique et la culture de gestion. Nos industries ont su relever les défis technologiques ; elles doivent maintenant relever les défis de la compétitivité.
J'ajoute enfin que l'État devra rechercher des relations plus transparentes et plus contractuelles avec les entreprises de défense : à l'État, la responsabilité de définir une vision claire et une perspective solide à moyen terme ; tel sera l'objet de la loi de programmation et aux entreprises, l'engagement sur les coûts des programmes et les économies à réaliser.
Ces principes s'appliqueront à tous les programmes, même si je ne peux évoquer aujourd'hui que certains d'entre eux :
Rafale
En réponse à la question posée par M. Hubert Falco, je confirme que, si le calendrier de réalisation du Rafale n'est pas encore arrêté, son existence ne sera en aucun cas remise en cause. Ce programme correspond à un besoin de l'armée de l'air et de la marine. Il représente en outre un enjeu crucial pour notre industrie aéronautique, dont M. Philippe Madrelle a souligné le caractère stratégique. Sachez, Monsieur le sénateur, que le ministère de la défense partage votre analyse sur ce point.
ATF
L'avion de transport futur, évoqué par M. Bernard Plasait devra être réalisé selon des modalités permettant de réduire drastiquement son coût si nous voulons pouvoir l'inscrire dans la prochaine programmation.
NH 90
S'agissant du NH 90 et, de façon plus générale, des programmes menés en coopération, je confirme à M. Maurice Blin que toutes les décisions qui seront arrêtées feront l'objet d'une concertation préalable avec nos partenaires européens.
Industrie de l'armement (ouverture à l'industrie civile, à la coopération européenne)
J'en viens maintenant aux entreprises de défense : j'attends d'elles qu'elles se mobilisent pour maîtriser le coût des programmes. Pour ce faire, je privilégie deux pistes : tout d'abord, leur ouverture vers l'industrie civile, pour tirer parti d'une convergence technologique de plus en plus forte et pour renforcer chez elles la culture de concurrence et de compétitivité ; ensuite, leur ouverture vers l'Europe et vers le monde. S'agissant de l'Europe, l'émergence de groupes puissants, constitués grâce à l'investissement que représente la préférence européenne et répondant à une stratégie de défense commune à long terme, est indispensable pour assurer la pérennité de notre base industrielle et de nos compétences. Proposer ces évolutions et ces alliances relève de la responsabilité première des industriels. Je les ai encouragés à aller en ce sens. M. Blin a souligné avec perspicacité à cette tribune la complexité des questions et l'ampleur de la tâche auxquelles la défense devra faire face dans les mois à venir. Croyez bien que j'en mesure pleinement les enjeux.
DCN (arsenaux)
Je peux également rassurer M. Jean-Luc Bécart : il est pour moi hors de question de démanteler nos arsenaux. Mon objectif est au contraire de définir les moyens de pérenniser la direction des constructions navales en la modernisant, en recherchant une meilleure compétitivité et en lui permettant de relever les défis qui, aujourd'hui, lui sont lancés.
Restructurations militaires (années et industrie de défense)
Enfin, j'en viens à l'accompagnement des restructurations. Comme je vous l'ai proposé dans mon propos introductif, et pour répondre aux questions qui m'ont été posées, notamment par M. Trucy, je souhaite revenir sur les mesures d'ordre économique ou social que je compte mettre en œuvre pour accompagner les importants mouvements que vont connaître simultanément les armées et l'industrie de défense.
En ce qui concerne tout d'abord les armées, je voudrais vous indiquer quelle méthode je compte employer puisque, comme le fait justement observer M. Hubert Falco dans son rapport sur l'armée de l'air, les mesures de restructuration déjà engagées ne suffisent pas et que d'autres décisions doivent être prises.
Concertation sociale
Cette méthode consistera, tout d'abord, à annoncer les décisions suffisamment à l'avance pour que leur exécution puisse faire l'objet d'une mise en œuvre concertée entre les services du ministère de la défense et les collectivités territoriales concernées. La procédure des « tranches annuelles » qui a été employée jusqu'ici et à laquelle j'ai dû moi-même me résoudre n'est sûrement pas la meilleure.
En effet, les décisions sont alors perçues comme des sentences, parce que la « tranche » suivante n'est pas connue et que la cohérence n'apparaît donc pas. À cet égard, je compte tirer parti de l'élaboration d'une nouvelle loi de programmation pour annoncer un calendrier de mesures qui accompagneront l'évolution des effectifs et des structures du ministère tout au long de la période d'exécution de ladite loi.
Ma méthode consistera, ensuite, à mobiliser tous les moyens nécessaires au reclassement du personnel civil touché par la dissolution d'un établissement ou d'une unité. Voilà quelques mois, j'ai lancé une opération baptisée « Proxima » qui, comme son nom l'indique, permet d'accentuer la mobilité du personnel au sein de la défense, à l'intérieur d'un même bassin d'emploi. Il est impératif, en effet, que disparaissent les cloisons existant entre les armées et les services de la défense.
Ce nouveau mode de gestion facilitera le reclassement des agents civils de la défense. Par ailleurs, le dispositif de formation professionnelle mis en place par mes prédécesseurs afin de faciliter ce type de mobilité de proximité devra être renforcé.
Toutefois, il ne suffit pas, si l'on veut atteindre tous les objectifs que l'on s'est fixés, d'abattre les cloisons au sein du ministère ; il faut aussi que, dans d'autres administrations de l'État, s'ouvrent des possibilités d'accueil des agents de la défense. C'est la raison pour laquelle j'ai saisi certains de mes collègues pour que les obstacles techniques à cette mobilité interministérielle soient levés, dans des conditions qui, je l'espère, seront rapidement élaborées.
Il me paraît également indispensable que l'aménagement du temps de travail, pratiqué depuis de nombreuses années dans les entreprises, le soit de manière beaucoup plus systématique au sein du ministère. Cela suppose des modifications dans l'organisation des services. Je donnerai des directives dans ce sens, car je crois que la défense doit, là comme ailleurs, savoir prendre exemple sur les modes de gestion en vigueur en dehors du monde administratif.
Ma méthode consistera, enfin, à aider les villes ou les départements qui verront disparaître la présence militaire ou, plus généralement, des activités de défense à développer d'autres activités créatrices d'emplois.
Je souhaite qu'en plus des moyens traditionnels – FRED, KONVER – les collectivités territoriales concernées puissent profiter du dispositif contractuel que le ministère de la défense aura mis en place avec certaines régions, dans le cadre de l'accompagnement économique et social des restructurations industrielles de la défense.
Aujourd'hui une chose est certaine : quelles que soient les orientations qui seront décidées dans les prochains mois et l'évolution des commandes militaires de l'État, l'industrie de défense devra se restructurer et sera donc conduite à réduire ses effectifs.
Plan d'accompagnement économique et social
Le plan d'accompagnement que le gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre a pour objet de proposer aux entreprises, à leurs salariés et aux collectivités locales concernées des mesures susceptibles de favoriser ces adaptations en prenant en compte à la fois la nécessité de ne pas créer de demandeurs d'emplois supplémentaires et le devoir d'aider les entreprises et les bassins d'emploi les plus touchés à se reconvertir. L'élaboration de ce plan, je le répète, est en cours. À ce stade, j'estime que l'effort devra porter sur deux points particuliers :
Temps de travail (aménagement et organisation)
Il devra porter, d'une part, sur l'aménagement de l'organisation et du temps de travail et sur la mobilité géographique et professionnelle, afin de limiter aux situations exceptionnelles le recours à des mesures dérogatoires de cessation activité. Ce caractère exceptionnel devra être apprécié en fonction de la démographie des établissements concernés et des difficultés de reconversion au plan local.
Reconversion (déconcentration des aides)
L'effort devra porter, d'autre part, sur le traitement très déconcentré des mesures d'aide à la reconversion. La démarche que j'ai entreprise est la suivante :
– dans un premier temps, les présidents des entreprises de défense recevront des orientations, à partir desquelles ils proposeront, en les déclinants site par site, les mesures qui leur semblent indispensables pour accompagner les évolutions qu'ils envisagent ;
– ensuite, en liaison étroite avec le ministère du travail, ces mesures seront recensées et feront l'objet d'arbitrages portant sur leur financement et leur traduction juridique. Il importe d'aller vite, très vite ; je souhaite que ces arbitrages interviennent dès que possible, c'est-à-dire au début de l'année prochaine. Au début du printemps prochain, le gouvernement doit pouvoir présenter un plan qui fera l'objet, pour sa mise en œuvre, des négociations indispensables au sein des entreprises.
Ce plan pourrait s'articuler autour de trois axes : l'un concernerait les personnels sous statut public, l'autre serait applicable aux personnels de droit privé et le troisième serait relatif au dispositif contractuel établi entre l'État et certaines régions pour que la gestion des adaptations soit conduite au plus près des bassins d'emploi.
À propos des entreprises, je veillerai, bien sûr, à ce que les problèmes des grandes sociétés ne soient pas seuls pris en considération ; les petites et moyennes entreprises doivent être parties prenantes dans le dispositif d'accompagnement.
Dans l'immédiat, il ne m'est pas possible d'aller plus loin dans la description du plan pour une raison simple : je ne souhaite pas un plan du type sidérurgie, c'est-à-dire un plan qui s'applique de la même manière partout au même moment. Chaque entreprise de défense, chaque entreprise du secteur aéronautique, a ses propres spécificités. C'est la raison pour laquelle je souhaite un traitement au cas par cas, un traitement sur mesure, réalisé par les services de l'État et les services de l'administration grâce à des contrats qui seront conclus dans le cadre du plan de conversion et de développement que je viens d'exposer.
Contexte européen et international
Le dernier point que j'aborderai concerne les questions internationales. Quelques jours après les grandes manœuvres du corps européen désormais pleinement opérationnel, et à la veille du traité de Paris qui conclura la paix en Bosnie, je ne peux manquer d'évoquer devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les aspects européens de notre défense, puisque c'est bien l'Europe qui, géographiquement comme politiquement, forme le cadre naturel de celle-ci.
Ex-Yougoslavie
À M. Trucy, qui m'interrogeait sur la situation en ex-Yougoslavie, je répondrai d'abord que la France a été partie prenante à la préparation et la négociation des accords de Dayton et qu'elle est aujourd'hui pleinement associée à leur mise en œuvre. J'ajouterai même que si ces accords ont pu être signés, c'est grâce à la détermination, je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, du Président de la République, grâce à l'engagement de la France et de ses soldats sur le terrain en Bosnie.
Certes, le passage du relais de l'ONU à l'OTAN peut sembler, comme vous l'avez souligné, Monsieur le sénateur, paradoxal. La nature de l'enjeu, l'impératif d'une application rapide et efficace des accords pour appuyer une dynamique que nous savons tous vulnérable et tout simplement la nécessité de prévoir des règles d'engagement claires suffisent à le justifier. Sur le terrain, nous avons souhaité et obtenu le principe de l'unité de commandement.
S'agissant, en particulier, d'une opération de maintien de la paix, il nous a paru nécessaire de mettre en place les modalités d'un réel contrôle politique, sous la responsabilité du Conseil atlantique, auquel la France participe activement, comme elle l'a toujours fait.
Nous relevons également avec satisfaction que les règles d'engagement de la force multinationale qu'est l'IFOR sont proches de l'esprit de celles qu'appliquait déjà la force de réaction rapide. Les forces seront ainsi pleinement en mesure d'assurer leur mission. Celles de la FORPRONU étaient gênées par l'interprétation de leurs règles d'engagement qui prévalait alors.
Pour sa part, la France, qui a conscience des difficultés et des risques particuliers inhérents à certains points sensibles de la Bosnie, notamment à Sarajevo, veillera – je le dis solennellement – à l'application scrupuleuse et intégrale de l'accord de paix.
Coopération européenne
S'il est une grande leçon que nous pouvons d'ores et déjà tirer du conflit yougoslave, c'est que l'existence politique de l'Europe est liée à ses moyens militaires. Si les armes demeurent impuissantes en l'absence d'une véritable détermination politique, une volonté commune n'a aucune chance d'aboutir sans moyens opérationnels. Il est donc urgent, alors que se profile déjà la Conférence intergouvernementale de 1996, de développer à la fois la solidarité et la coopération européennes. Rien ne sera possible sans un minimum de solidarité politique en matière de défense et de sécurité. Celle-ci implique une prise de conscience sur la nécessité de maintenir l'autonomie des États européens dans ce domaine. Je rejoins là les préoccupations exprimées par MM. de Rohan et Machet. Les Européens doivent parvenir à assumer leurs responsabilités à travers une identité de défense qui puisse à la fois être le pilier européen crédible d'une Alliance atlantique rénovée et l'identité de défense de l'Union européenne.
Coopération franco-allemande – Corps européen
Pour ma part, je vois de solides raisons d'espérer : d'abord avec le rôle d'impulsion politique permanent que jouent Paris et Bonn, en particulier au sein du Conseil de défense franco-allemand ; ensuite, avec le dialogue soutenu, débouchant sur l'opérationnel, que nous entretenons avec nos partenaires de l'Europe méridionale ; enfin, avec le nouvel élan que la France et la Grande-Bretagne ont su trouver en matière de stratégie et de dissuasion en proclamant la communauté de leurs intérêts vitaux. Cette solidarité politique doit naturellement trouver une expression concrète à travers une coopération européenne renforcée.
Exercice européen « Pégasus 95 »
L'exercice « Pegasus 95 » s'est inscrit dans cette perspective en marquant, sur les terres jadis ensanglantées des Ardennes et de l'Argonne, l'entrée dans la phase opérationnelle du corps européen. Cet événement majeur s'est déroulé en pleine cohérence avec la constitution récente d'entités militaires multinationales et d'états-majors européens. Je citerai les Euroforces – Eurofor et Euromafor – qui regroupent la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal, le groupe aérien européen, que nous venons d'inaugurer avec la Grande-Bretagne, mais également la collaboration remarquable que nous avons entretenue avec des unités britanniques et néerlandaises au sein de la force de réaction rapide en Bosnie.
Ces coopérations opérationnelles vont de pair avec un travail particulièrement important dans le domaine prioritaire de l'espace et du renseignement.
OTAN
Je terminerai sur ces questions internationales en abordant celle de l'OTAN. M. de Rohan a attiré l'attention de votre assemblée sur l'évolution des structures de l'OTAN. Il a rappelé qu'elle avait été la décision du général de Gaulle. Il est question pour nous, non pas de réintégrer les structures militaires, comme certains commentateurs l'ont indiqué, mais de participer de manière plus intense à l'Alliance atlantique, de provoquer la rénovation de l'OTAN et de permettre la constitution du pilier européen de défense.
Ainsi, nous favoriserons, dans le cadre de la conférence intergouvernementale, l'émergence d'une véritable entité européenne de défense. Cela demandera du temps et de la patience. Pourtant, la Bosnie a démontré que ce temps nous était compté.
UEO
C'est la raison pour laquelle nous abordons cette construction européenne sous tous ses aspects. Lors de la dernière réunion de l'UEO, j'ai demandé, au nom de la France, que l'on puisse imaginer, que l'on puisse construire, que l'on puisse mettre en place un état-major européen. Lors de la dernière réunion du Groupement des armements de l'Europe Occidentale (GAEO), j'ai demandé la constitution d'une structure de coopération européenne d'armement.
Demain, à Baden-Baden, sera officialisée la structure de coopération franco-allemande de l'armement, qui constituera en réalité, le prélude à l'agence européenne.
Telle est notre démarche ! Il s'agit non pas de porter atteinte à l'indépendance nationale ou à l'autonomie des décisions de la France, mais de permettre à la France de jouer tout son rôle en Europe dans le cadre de l'Alliance atlantique. Voilà, Mesdames, Messieurs les sénateurs, les quelques réflexions, trop longues, j'en conviens, que je voulais formuler après vos différentes interventions.
L'objectif du gouvernement est simple : refonder le consensus sur la défense. Nous savons qu'un pays ne peut avoir une défense viable que si cette défense est portée par toute la communauté internationale. Mais nous savons aussi qu'un pays qui est taraudé par l'exclusion, travaillé par le chômage, paralysé, traumatisé par les déficits est un pays qui ne peut faire souffler l'esprit de défense. Il n'existe pas, en effet, de défense nationale sans sentiment d'appartenance à une communauté nationale. Notre approche est donc totalement cohérente : d'une part, elle veut garantir notre outil de défense, d'autre part, elle veut permettre à notre pays d'engager son redressement économique et social.