Texte intégral
Nous avons l’intention de tenir nos engagements, mais nous aurons à les tenir dans des conditions difficiles. Quand on cherche la raison première de la dissolution, au-delà de l’exercice de la ruse en politique, la seule qu’on puisse retenir est la volonté du gouvernement d’anticiper sur les difficultés et de faire des élections avant qu’elles ne surgissent. C’est pourquoi nous en héritons. Mais ces difficultés sont souvent plus sérieuses, en tout cas sur un certain nombre de dossier, que je ne le pensais.
La hiérarchie des priorités.
Il faut faire des choix et hiérarchiser les priorités de l’action du gouvernement, les priorités de l’action de l’action de la gauche. La hiérarchie que je retiens est la suivante :
- l’emploi doit, avant tout, nous guider ;
- La lutte contre les inégalités et pour la justice sociale ;
- la performance économique du pays ; cette économie que nous devons muscler, parce que sinon aucune politique sociale ne tiendra longtemps ;
- enfin, l’engagement européen, parce que c’est pour les socialistes un choix historique et un choix stratégique.
Ces choix seront faits devant le pays. Ils ne seront pas faits dans le silence plus ou moins confortable des antichambres ministérielles, sous la contrainte de je ne sais quel groupe de pression, ou encore dans le dos des Français. Ils seront examinés et débattus au sein du gouvernement, proposés, débattus et, je l’espère, faits avec les groupes parlementaires qui assurent la majorité du gouvernement et au premier chef, naturellement, avec le groupe parlementaire majoritaire, avec le groupe socialiste à l’Assemblée nationale et avec le parti.
J’ai dit que la gauche était la majorité, plurielle et, à cet égard, je suis fier d’être le second Premier ministre après Pierre Mauroy à renouer avec un gouvernement, avec une majorité qui comportent l’ensemble de la gauche et en plus un courant nouveau, novateur à certains égards, qui est la fraction la plus dynamique, la plus ouverte, la plus sociale et la plus cohérente de l’écologie. Je suis fier de renouer avec cette tradition de diversité et de rassemblement, avec cette logique de l’union de la gauche revisitée, mais il est bien évident, surtout ici, que ce qui m’intéresse au premier chef, c’est la relation entre le gouvernement et le Parti socialiste dont j’attends finalement le soutien, le débat et la proposition.
Il faut pour poser les termes des débats qui s’ouvriront forcément, notamment à partir du moment où nous avons un congrès – s’entendre sur une chose : je me sens comptable de la ligne qui a été majoritairement, définie par le parti. Donc je me sens comptable de mes propres engagements.
L’orientation que préconisent certains, du moins à travers un certain nombre de prise de positions, peut-être intéressante mais elle a un défaut : elle n’aurait pas eu l’occasion d’être appliquée parce que nous n’aurions pas pu gagner avec cette orientation-là. Il faut que ce soit clair. C’est sur une orientation principale et première, que nous avons gagné.
Cela fait quasiment 30 jours que le gouvernement a été constitué. Dans un certain nombre de domaines – le plan emploi-jeunes, la conférence salariale, il a fait le choix délibéré non pas de faire des annonces ou de réunir des forums sociaux, mais de se donner le temps de préparer sérieusement les choses, avec vous. Sur le programme Jeunes, avec les chargés de mission que Martine Aubry met en place en accord avec les ministres et dont certains viennent du groupe parlementaire, avec des élus qui se sont engagés pendant la campagne sur le plan emploi-jeunes, notamment les élus socialistes.
Rien ne se fera sans vous.
L’une d’entre nous, cette semaine, a dit : « Tous les actes forts d’un gouvernement doivent être donnés dès le départ ». Je voudrais nuancer cette affirmation. Le sens de ce que l’on veut faire, les grandes orientions autour desquelles on va travailler, doivent être donnés dès le départ. Mais tous les actes d’un gouvernement dès le départ, non. Cela, c’est la garantie de la fausse rupture, la garantie de déboucher sur l’immobilisme. J’espère bien que, dans un ou deux ans plus tard, nous serons encore capables, au gouvernement, de poser des actes importants pour les Françaises et les Français.
Nous attendons de vous, au gouvernement, un soutien lucide mais réel, sans complaisance mais aussi sans arrière-pensée. Vous êtes le parti de la majorité. Si, face à la droite, dans une majorité plurielle, ce sont de nos rangs que sitôt fusent les premières critiques, si c’est de là que semble venir l’incitation au désenchantement, si l’on ne marque pas clairement en quoi, y compris sur des dossiers difficiles, la pratique de la gauche est différente de celle de la droite, alors comment convaincre ?
Vous pouvez attendre de moi et du gouvernement, l’écoute et le débat. Avec le Parti socialiste, naturellement, le débat a toujours été de règle et il doit aller de même dans l’avenir. Rien ne sera fait sans vous. Vous serez étroitement associés aux décisions et celles-ci seront aussi les vôtres.
Je suis pleinement pour le débat. Je suis pour l’élaboration collective, non seulement dans le parti mais dans la relation entre le gouvernement et le parti. Je ne souhaite pas de spectateurs grognons de l’action conduite par le gouvernement mais je souhaite au contraire des responsables associés, notamment quand ils sont en responsabilité, disant leur choix, proposant éventuellement des alternatives – j’y reviendrai –, puis solidaires des décisions. Les responsables, les élus, les militants du parti seront donc associés à la discussion, que ce soit dans le Bureau national ou dans le Conseil national, que ce soit dans les groupes parlementaires ou à l’occasion du Congrès qui vient.
La méthode que je vous propose.
La méthode que je vous propose et c’est là, à mon sens, que se situent un véritable espace de discussion, un vrai rôle pour le Parti socialiste renouvelé, inspiré de la démocratie, essayant de modifier – plus que nous n’avons su le faire dans le passé – les pratiques de la Ve République.
Amsterdam.
La méthode que je vous propose, ce n’est pas simplement critiquer Amsterdam, ce que l’on y a obtenu ou pas, c’est dire : qu’est-ce qu’il fallait faire ? Moi, j’affirme clairement qu’avec un président de la République me disant : « J’ai engagé la parole de la France. A Amsterdam, au Sommet, c’est moi qui parlerai pour exprimer la position de la France et je dirai que la position de la France est entérinée », j’ai décidé de ne pas ouvrir l’action gouvernementale, le début de cette majorité et le début de la vie du groupe parlementaire, par une crise de cohabitation, par une crise européenne avec l’ensemble de nos partenaires et par une crise d’échange. C’est un choix ! Ce choix peut être critiqué mais il faut en proposer un autre et dire comment il fallait agir.
Dans ce cadre, sur un Pacte de stabilité que je n’ai pas approuvé et dont nous verrons bien s’il s’appliquera le moment venu, nous avons essayé d’ouvrir des espaces nouveaux et nous l’avons fait, y compris en secouant un peu l’Europe.
Vilvorde.
A aucun moment, je n’ai dit ou nous n’avons dit : « Si nous gagnons, Vilvorde sera rouvert ». Nous ne connaissions pas la réalité du dossier industriel mais nous avions beaucoup de raisons de croire que les choses étaient sérieusement engagées. On a immédiatement rouvert la discussion. J’ai reçu le Premier ministre belge à sa demande. Le ministre de l’Économie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, le secrétaire d’État à l’industrie, Christian Pierret, ont rouvert la discussion avec le PDG de Renault.
Nous avons dit : « nous voulons rouvrir le dossier, nous ne voulons pas que la fermeture soit immédiate, nous voulons qu’on rediscute avec les syndicats, nous voulons un plan de réindustrialisation, même partiel, nous voulons qu’on aille plus loin dans le plan social ». Nous allons essayer de faire bouger les choses avec, en face de nous, un partenaire industriel qui disait : « Écoutez, si vous faites toutes les choses à notre place, on vous laisse le dossier et vous le réglez ». Donc, il fallait à la fois pousser et tenir compte des problèmes. C’est dans cet espace que nous avons fait avancer les choses.
Ces débats, nous les aurons. Nous les aurons avec chacun d’entre vous et il faudra que chacun propose ses solutions alternatives, soit prêt à les assumer et que le Parti tranche pour lui-même, que le gouvernement également tranche.
Je vous propose aussi de vous saisir de problèmes qui vous concernent directement. Je ferai là une allusion rapide aux élections régionales. Je ne crois pas que le gouvernement doive se saisir de cette question. Mais si au niveau des partis, du Parlement, on voit les choses autrement, nous apprécierons. C’est plutôt la méthode que je vous suggère. Voilà des espaces dans lesquels le gouvernement n’est pas forcément obligé de s’impliquer. Il a déjà largement sa part de travail. Vous comprenez donc que je réfute, comme je l’ai d’ailleurs toujours réfutée, l’opposition simpliste et stérile entre culture d’opposition et culture du gouvernement. Je ne connais personnellement que la culture de responsabilité, qu’on soit dans l’opposition ou qu’on soit au gouvernement et c’est celle-là, j’espère, qui nous guidera.
Nous avons gouverné, nous avons été sanctionnés à certains égards, nous savons tous très bien que nous revenons de loin sur le plan politique. Les déplacements de voix dans l’élection de 1997 ont été relativement faibles. Certes, je pense que notre victoire est logique, qu’elle est l’expression de la lucidité du peuple. La droite est sans doute affaiblie, elle subit le poids de sa défaite, mais elle va se reconstituer autour de sa base dans la société, autour de sa volonté de revanche et aussi en essayant d’utiliser le point d’appui qui est le sien avec le pouvoir présidentiel.
Donc, le débat gauche-droite, comme l’a dit François Hollande, conserve sa pertinence et son actualité. Il prend une coloration particulière à laquelle nous devons être attentifs et que nous devons contrer politiquement.
Voilà des motifs de combat compte tenu des raidissements de la droite, mais aussi de sa mortelle attraction vers l’extrême-droite.
Devant des échéances importantes pour nous, face à une situation économique et sociale grave, ceux qui nous ont élus, mais aussi les Français plus largement, ne veulent pas que nous nous divisions. Ils ne veulent pas que nous n’assumions pas collectivement la responsabilité que nous leur avons demandé de nous déléguer et que nous exerçons aujourd’hui.
N’oublions pas le chemin parcouru ensemble depuis 1993. N’oublions pas surtout celui qui nous reste à parcourir. Cherchons donc ensemble, dans l’intérêt du pays et sans doute aussi dans notre intérêt bien compris, les voies du succès commun.
François Hollande
Premier secrétaire délégué du Parti socialiste.
Un mois après la constitution du gouvernement de Lionel Jospin et quatre mois avant notre Congrès, il faut revenir sur le rôle de notre parti dans les mois et les années qui viennent, c’est d’ailleurs le sens de ce Conseil national. Chacun en convient d’ailleurs, le Parti socialiste, dans cette phase, doit être un acteur, un relais, un aiguillon disent certains. Et même si l’on peut s’exprimer sans pour autant donner des coups d’aiguille, il faut quelquefois savoir « aiguillonner » lorsque c’est nécessaire. Mais, au-delà des mots, quelle est la traduction dans la réalité du rôle du Parti socialiste ? Je crois que dans la période actuelle, nous pourrions tous ensemble nous fixer trois ambitions pour le parti.
Le Parti socialiste, soutien et acteur de l’action du gouvernement. Il doit d’abord être fier de soutenir le gouvernement. Je prendrai le seul exemple du plafonnement des allocations familiales. Je crois que cette mesure, au-delà de son annonce, a été comprise comme une mesure importante, comme une mesure utile, comme une mesure de justice dès lors qu’elle restait limitée au seul secteur des prestations familiales. Je pense que les socialistes ont été plutôt à l’aise pour défendre cette mesure devant leurs propres électeurs, en tout cas plus à l’aise que Maxime Gremetz manifestant avec Christine Boutin devant l’Assemblée nationale !
Notre deuxième rôle est de participer à l’élaboration collective de nos choix politiques. Le Parti socialiste n’est pas un spectateur confiné aux applaudissements zélés à chaque déclaration mais il doit participer à l’élaboration de choix qui nous concernent tous. Je prendrai là encore deux exemples tirés de l’actualité. Lors de notre dernier bureau national, nous avons souhaité que l’autorisation administrative de licenciement soit rapidement rétablie. Je crois que nous avons agi dans la bonne direction, car il fallait indiquer à l’opinion publique que c’était là notre perspective, et qu’il n’était pas forcément inutile, dans le cadre actuel des plans sociaux annoncés de façon brutale et parfois cynique, de fixer cette orientation à notre action.