Texte intégral
Face au FN, le choix des convictions
De nombreuses voix se sont exprimées au cours des derniers jours, à droite comme à gauche, pour défendre des opinions diverses quant à l'attitude à adopter face au Front national. Il s'agit en effet d'un débat important. Il pose une question grave et mérité assurément mieux que la propension, hélas habituelle, des socialistes à se poser en donneurs de leçons et à accuser la majorité de toutes les turpitudes… Les socialistes sont pourtant assurément bien mal placés pour tenir un tel discours après avoir favorisé l'émergence du Front national et s'en être fait sans vergogne un allié objectif. En 1981, Jean-Marie Le Pen n'était pas candidat à l'élection présidentielle faute d'avoir recueilli suffisamment de signatures d'élus. En 1984, le Front national obtenait 11 % des voix. En 1989, il en obtenait 12 %. En 1993, il en obtenait 15 %. À qui la responsabilité ? Ce ne sont ni Jacques Chirac, ni Alain Juppé qui ont dit du Front national qu'il était leur « chance historique », c'est un Premier ministre de François Mitterrand (1). Et ce sont les socialistes, en changeant de mode de scrutin, qui ont permis en 1986 l'élection de 35 députés du Front national. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir de la gauche sur ce thème, et ce d'autant plus que notre position est parfaitement claire : nous rejetons depuis toujours les thèses du Front national parce qu'elles sont incompatibles avec les valeurs du gaullisme et de la République. Il n'y a là rien de nouveau. Nul n'a oublié que Jacques Chirac et Alain Juppé ont constamment rappelé cette position et veillé à ce qu'elle soit parfaitement respectée.
De même, chacun se souvient que lors des dernières élections municipales, j'ai sanctionné avec la plus grande fermeté tout rapprochement avec des candidats du Front national. Nous avons au contraire à leur égard un devoir particulier d'écoute, d'explication et de conviction. Dans cette perspective, la théorie du Front républicain, défendue par certains, n'est pas seulement politiquement inefficace, elle aussi stratégiquement dangereuse. Elle est politiquement inefficace parce qu'elle est incohérente. Ne nous illusionnons pas, nos électeurs ne voteront pas aujourd'hui pour ceux qu'ils ont sanctionnés à deux reprises, en 1993 et en 1995, comme les responsables du malheur de la France et des difficultés dont ils souffrent. Mais il y a plus grave. En prônant une telle attitude, on accrédite la thèse d'un complot hétéroclite de tous contre le Front national, obtenant ainsi le double résultat de conforter ses électeurs dans le rejet des formations politiques traditionnelles et de pousser vers lui ceux que désoriente cette confusion idéologique. Plutôt que de conduire le Front national à une impasse, on lui offre un boulevard. Le Front républicain est une attitude de repli, un aveu d'impuissance. Ce n'est pas en abandonnant ses convictions pour des alliances boiteuses que l'on sert la République. Combattre le Front national exige une tout autre ambition. Il ne suffit pas pour régler cette question, loin s'en faut, d'aligner sur une estrade commune les déclarations de principe d'orateurs que tout sépare par ailleurs. C'est par notre présence sur le terrain, au coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens, que nous avons le devoir de porter au Front national la contradiction. C'est ce que font les militants du RPR, chaque jour, en allant à la rencontre des Français pour les écouter, les entendre et les convaincre.
Combattre le Front national, cela suppose enfin de rendre à la France sa place dans le monde, sa fierté et son rayonnement – comme l'ont permis depuis son élection les actions courageuses de Jacques Chirac. C'est ainsi que nous combattons depuis toujours le Front national, dans la forme de son action comme sur le fond de son argumentation. Et c'est ainsi que continueront à la combattre, sans relâche, dans l'avenir, nos militants, nos élus et candidats.
(1) Cités dans Le Président de Franz-Olivier Giesbert