Texte intégral
Date : 3 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
C’est avec une heure de retard sur l’horaire prévu que le Comité national du Parti communiste Français s’est réuni hier, sous la présidence de Jean-Paul Magnon. L’ambiance est visiblement à la satisfaction. S’y mêle, avec une certaine gravité, le sentiment d’avoir à assumer une responsabilité historique. Le président félicite les députés communistes réélus et nouvellement élus. Ils sont nombreux dans la salle. L’assistance se lève et applaudit.
La parole est ensuite donnée directement à Robert Hue, secrétaire national. Ce dernier n’a pas de rapport écrit. Il annonce qu’il va donner un certain nombre d’éléments qui sont le fruit d’une discussion qui vient d’avoir lieu au Bureau national.
L’orateur commence par une brève analyse des résultats : « Nous tiendrons, déclare-t-il, le moment venu, une réunion lus approfondie sur l’importance des mouvements électoraux par rapports à nos choix stratégiques et par rapport à la situation de la France. » Robert Hue réaffirme ce que chacun a pu constater dans les départements, les télévisions et les radios. Il souligne que « la puissante défaite de la droite a été amplifiée au second tour. Ce qui n’était pas évident. » Ce n’était, après le premier tour, qu’une hypothèse. « C’est la politique d’austérité liée à Maastricht qui est sanctionnée, et qui a littéralement explosé dans cette campagne électorale. C’est aussi, ajoute-t-il, ce rapport du pouvoir à la façon de gouverner qui a été rejeté. L’idée qu’on n’accepte plus que les engagements ne soient pas tenus s’est imposée. » C’est toute une méthode d’exercice du pouvoir, la façon de faire d’un gouvernement qui s’est enfermé tout au long de sa campagne dans ses certitudes, que les citoyens qu’on n’a pas voulu entendre ont refusée. « Souvent note Robert Hue, les arguments les plus percutants étaient ceux qui objectaient : si vous proposez des choses semblables à celles qui ont échoué, vous échouerez aussi. »
Le dirigeant communiste insiste ensuite sur ce qui lui paraît être la deuxième caractéristique de ce second tour de scrutin : « Une immense volonté de changement s’est exprimée. » C’est dans ce cadre qu’on peut parler d’un succès pour le Parti communiste, ce qui est, à son avis, la troisième caractéristique du scrutin : « Au premier tour, deux millions et demi de voix ont exprimé une volonté d’un changement bien à gauche. Et puis, au second tour, l’amplification de premier qui, avec le mode de scrutin que l’on connaît, n’était pas évidente pour nous si notre démarche n’avait pas fortifié notre capacité de rassembler largement. Car, pour aller à 39 députés communistes, il n’y a pas simplement des mécanismes et des automatismes. Quelque chose permet aujourd’hui aux Françaises et aux Français de se rassembler sur notre politique. Nous nous livrerons à l’analyse, circonscription par circonscription, de notre capacité de rassemblement. Il semble que, dans bien des endroits, nous ayons été la meilleure force de rassemblement. Cela implique que nous ayons donc été porteurs de ce qu’il y avait d’attente dans le mouvement. C’est un succès très important pour notre ligne d’ouverture, de prise en compte des attentes populaires, et de données constructives à gauche. »
Le secrétaire national du PCF trace ensuite, en sept points, les différents axes de la perspective actuelle.
- Premièrement, déclare-t-il, il faut bien mesurer les attentes, auxquelles la gauche se doit de répondre. Un changement de politique est nécessaire. Un changement réel, avec une autre logique, enclenchée tout de suite : celle du progrès social comme moteur, et du respect des citoyens en tenant les engagements et en s’appuyant sur leurs exigences.
- Deuxièmement. On se trouve dans une situation inédite, rappelle-t-il. Rien à voir avec les situations que nous avons connues, ni avec les réponses que nous avons apportées au moment du Front populaire, à la libération, et en 1981. La situation est même différente de celle prévue par le 29e Congrès du Parti, fin 1996. Il nous a manqué un an de débat et d’action nécessaires avec les citoyens, sur notre position, pour la gauche se mette à l’unisson des exigences populaires. C’est parce que ce travail constructif des communistes n’a pu être conduit à son terme à cause de l’anticipation des élections, que le Parti socialiste a pu en rester à son programme s’inscrivant dans les contraintes de l’Europe de Maastricht et rester en-dessous des exigences du mouvement social des citoyens.
- Troisième idée. Nous avons donc décidé de prendre en compte cette situation et pris l’initiative de la rencontre du 29 avril avec le Parti socialiste, où nous avons obtenu la déclaration commune que vous connaissez. Elle prend, dans cette situation, une grande signification. Il faut l’avoir en permanence en tête. Elle comporte des avancées sérieuses. Et, en même temps, il y a des différences qui apparaissent.
Sur la base des avancées, on pourrait définir et mettre en œuvre une politique impulsant avec l’appui du mouvement social, des changements réels. Robert Hue précise qu’il s’est contenté de rappeler cette déclaration lorsque des dirigeants socialistes, ou Jospin lui-même, se sont inscrits dans un cadre différent.
- Quatrième idée. Dès le soir du dimanche 1er juin, le PCF s’est placé dans la perspective de continuer à mettre en œuvre cette politique jusqu’au gouvernement de la France. « Nous avons fait, pour cela, note Robert Hue, des propositions dans le cade de la déclaration commune, permettant d’en concrétiser les orientations, avec des décisions de nature à enclencher réellement une autre politique, bien à gauche, pour répondre aux attentes. » Ces propositions, qui n’ont pas été rendues publiques, ont été remises aux membres du Comité national et transmises aux secrétaires fédéraux qui n’en sont pas membres pour que l’ensemble du Parti en prenne connaissance.
- Cinquièmement. Pourquoi toutes ces propositions ? Depuis que la possibilité de la gauche l’emporte était devenue un secret de Polichinelle se posait la question de savoir si on allait attendre – comme le souhaitait visiblement Lionel Jospin – d’être au soir du second tour pour engager les contacts, voir attendre qu’il soit nommé Premier ministre pour discuter ensuite. Robert Hue révèle alors qu’il est intervenu auprès du secrétaire national du PS dès vendredi pour qu’une rencontre ait lieu. « Cette première discussion s’est tenue. J’ai senti de grande réticences à ce que des mesures significatives soient envisagées – tant d’ailleurs en ce qui concerne des questions économiques et sociales que la façon de gouverner. En même temps, l’idée a été acceptée qu’il y ait des rencontres. Nous avons travaillé avec un certain nombre de camarades de différents secteurs, sur des propositions qui ne soient pas maximalistes, et qui puissent enclencher un processus de changement. Lionel Jospin en a pris connaissance dimanche après-midi. Ces propositions, ce n’est pas « tout, tout de suite », mais c’est « tout de suite, ce qui est nécessaire pour engager vraiment le changement à gauche, pour s’engager dans une voie nouvelle de progrès social ». L’orateur signale ici que, dimanche soir encore, le premier dirigeant socialiste ne considérait pas qu’il pourrait ou voudrait les prendre en compte. « Ce sont pourtant tout simplement les grandes lignes du message qui viennent d’adresser les Français et les Françaises à tout le monde, au Parti socialiste comme aux autres. »
- Sixièmement. « Nous sommes force de proposition. C’est notre ligne, a encore précisé Robert Hue. Mais encore faut-il discuter ; nous avons obtenu qu’il y ait une rencontre ce matin à 11 heures. » Les choses sont restées pour l’essentiel dans l’esprit de ce que disait Jospin dimanche soir. « Nous avons souhaité de nouveaux contacts. Une réponse de Lionel Jospin devait être donnée après ce premier contact. Nous en sommes là pour le moment. » Le Bureau national a décidé de lui adresser dès ce matin une lettre pour dire que nous souhaitons, sans délai, qu’il y ait les rencontres nécessaires, et notamment celle appuyée par nos propositions.
- Septièmement. « Comment dans cette étape politique nouvelle, être utile pour travailler à ce que les attentes ne soient pas déçues, se demande alors Robert Hue. Nous souhaitons pouvoir être utile en allant au gouvernement. Si le maintien de l’attitude actuelle de Lionel Jospin à l’égard de nos propositions ne le permettait pas, nous proposerions de nous affirmer résolument dans le pays et à l’Assemblée nationale comme une force constructive de proposition. Pour soutenir tout pas en avant. Pour susciter les mesures positives. Pour, avec les Français qui vont, sous des formes diverses ; continuer à faire valoir leurs attentes, pousser dans le bon sens et continuer à œuvrer pour une nouvelle construction politique. (…) Cela, dans le but de permettre une nouvelle étape dans la politique gouvernementale – avec la pleine prise en compte des exigences de progrès social de notre peuple -, les communistes restent disponibles pour participer jusqu’au gouvernement. L’alternative, c’est : ou bien on participe tout de suite sur la base des propositions qu’on a faites, en totale fidélité à la déclaration commune ; ou bien, si l’attitude de Lionel Jospin nous empêche de participer, une attitude résolument constructive pour préparer notre participation à venir comme une nouvelle étape pour la France. Cela dit, notre choix, a insisté le secrétaire national du PCF, c’est le premier terme de l’alternative, pour qu’on puisse participer dès maintenant au gouvernement. Des millions de gens attendent cela de nous et on va tout faire pour cela. »
Après avoir indiqué que la situation qu’il venait de décrire amenait à « bousculer un certain nombre de prévisions », Robert Hue a invité les membres du Comité national à donner leur avis, et à mettre dans la soirée les communistes au courant de tout cela, sans pour autant qu’ils arrêtent définitivement leur décision. Compte tenu de la mobilité de la situation. Bien évidemment.
Date : 3 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
Ce n’est ni 1936, ni la période de la Libération, ni 1981 : c’est 1997, c’est inédit et nous voulons réussir. La question essentielle est celle du contenu d’une politique de gauche, précisément pour ça réussisse. Nous sommes obsédés par la réussite », explique Robert Hue. Il tient un point de presse lundi après-midi. La séance du Comité national n’est pas tout à fait terminée. Mais des journalistes sont là en grand nombre. Certains, même, attendent depuis le matin.
Le secrétaire national du PCF indique que les membres du Comité national ont évoqué les raisons de la défaite de la droite. Ils ont pointé notamment la volonté de la droite française d’appliquer avec zèle une politique maastrichtienne avec les conséquences que l’on sait en matière d’austérité, ou de licenciements. Il souligne également que la façon dont les électeurs ont rejeté une conception du pouvoir et de la politique a été regardée de près. « Les Français ont souhaité être entendus. Et il faut les entendre », précise-t-il. Selon lui, ce qui caractérise la situation, c’est cette immense volonté de changement qui s’est exprimée. « Elle s’est traduite par une dynamique certaine. » Les communistes ont donc décidé de mesurer avec précision l’attente des électeurs de manière à ce que la gauche la prenne bien en compte et qu’elle y réponde. Robert Hue précise : « Il y a une autre logique à enclencher tout de suite avec comme moteur le progrès social, le respect des citoyens, le respect de ce qui s’est exprimé à l’occasion de ce scrutin. Le PCF, aujourd’hui, est engagé dans un processus qui est, dans la situation dans laquelle nous sommes en ce moment ininterrompu. » Le secrétaire national donne le détail des discussions engagées avec le PS. « Depuis plusieurs jours, indique-t-il, des propositions très concrètes ont été faites au PS, à Lionel Jospin, pour que très vite se dégagent des éléments significatifs de ce qui pourraient être les changements. » Il se fait plus précis encore : « Pour cette démarche, nous avons pris comme base les propositions de la déclaration commune signée entre le PCF et le PS : nous sommes convaincus qu’elles permettent de concrétiser les orientations de changement politique. »
Il annonce que le Comité national a adopté une résolution Selon Robert Hue, elle montre toute la volonté du PCF pour que la gauche réussisse avec la participation de toutes les forces de gauche dans un gouvernement pluraliste. « Nous sommes engagés dans des discussions, répète-t-il, les communistes vont débattre ce soir. Et il y aura un prolongement à ces débats avec une nouvelle réunion du Comité national mardi. »
Le secrétaire national revient sur la démarche : « Nous pensons qu’il est possible, sur la base de la déclaration commune, de concrétiser les vrais changements à gauche qu’attendent les Français et les Françaises. Et nous avons fait des propositions concrètes, sur des mesures très précises au PS et à Lionel Jospin. Pour nous, il ne s’agit pas d’un tout-tout-de-suite. Mais c’est tout de suite faire ce qui est nécessaire pour engager le changement attendu. Notre démarche est donc bien nous inscrire dans une logique nouvelle de progrès social. Nous souhaitons être utiles en allant au gouvernement. Nous proposons de soutenir ce qui va, dans les heures qui viennent, contribuer à ce qu’ensemble nous débouchions sur des choix politiques qui permettent que les différentes forces politiques de gauche et écologistes soient au gouvernement. C’est cela notre démarche essentielle. Et c’est sur cette démarche que j’ai proposé que le Comité national se prononce. Et j’ai aussi donné tous les éléments d’appréciation, comme nous le ferons ce soir en direction de tous les communistes. En expliquant que, depuis plusieurs jours, des discussions ont été engagées. »
Robert Hue révèle que, dès vendredi, il a pris l’initiative d’une rencontre avec Lionel Jospin, rencontre qu’il qualifie d’importante et où il a fait part de la volonté du PCF de réussir, de participer au gouvernement, et de voir prises en compte des propositions constructives. Il s’agirait, entre autres, d’une première augmentation du SMIC au 1er juillet, de l’ordre de 500 francs, d’une baisse de la TVA et d’une aide aux PME. « Nous avons continué samedi. Un texte contenant des détails précis a été adressé à Lionel Jospin. J’en ai parlé avec lui dimanche soir, juste avant la proclamation de résultats, entre 18 h 30 et 19 heures. J’ai souhaité que les discussions continuent dès ce matin. En fin de matinée, j’ai adressé une lettre à Lionel Jospin où je lui ai réaffirmé notre volonté de voir la gauche réussir, notre volonté de participer à un gouvernement si les conditions sont réunies sur les bases de la déclaration commune. »
Et si les conditions ne sont pas réunies ? Robert Hue : « Devant le Comité national, j’ai aussi naturellement évoqué la situation qui serait créée s’il n’y avait pas les réponses que nous attendons. J’ai réaffirmé qu’en tout état de cause, nous voulons nous inscrire résolument dans le pays, et à l’Assemblée nationale, comme force constructive de proposition. De soutenir tout ce qui peut aller de l’avant. Ou susciter toutes mesures positives avec les Français qui vont intervenir dans ce débat. Imaginant même que s’il n’y avait pas immédiatement les conditions réunies, de toute façon, nous nous situons dans une démarche de force constructive : nous voulons que la gauche réussisse. Et que cette force constructive de proposition soit suffisamment puissante pour que l’alternative d’une participation communiste au gouvernement reste la question le moment venu. »
En réponse à des questions de journalistes, le secrétaire national du PCF rappelle que « l’alternative ne peut pas être participation ou opposition. L’alternative, c’est, à l’étape où nous en sommes, ou bien on participe sur la base des propositions faites, ou bien on constate que les blocages qui peuvent exister empêchent cette participation. Je veux dire que c’est le premier terme de cette alternative qui est pour nous essentiel : la volonté de tout mettre en œuvre dans les heures qui viennent pour une participation au gouvernement de la France. »
Date : 4 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
La première phase de la consultation des communistes sur la question de la participation au prochain gouvernement a donné lieu à une mobilisation exceptionnelle des adhérents du Parti dans tout le pays. Très conscients de l’importance de l’enjeu, ceux-ci ont débattu avec sérieux, franchise et un grand esprit de responsabilité. Un examen attentif des procès-verbaux de ces réunions fait apparaître que, dans la diversité des positions exprimées, la majorité des communistes a apprécié et appuyé la démarche proposée par le Comité national : affirmer la vocation et la volonté du PCF de participer au gouvernement pour répondre à l’attente de changement exprimée par le vote des Français ; et, dans cette perspective, tout faire pour que des réponses positive aux propositions et aux questions adressées à Lionel Jospin et au Parti socialiste permettent d’avancer dans cette voie.
C’est dans cet esprit que la direction du PCF a poursuivi ses contacts lundi soir et mardi matin. Non avec l’intention d’obtenir des « garanties » -celles-ci ne se forgeront que par l’intervention politique et citoyenne au parlement et dans le pays – mais avec l’objectif d’une affirmation claire, dès le début de la législature, d’objectifs et de mesures significatifs, correspondant aux grands axes de la déclaration commune PS-PCF du 29 avril dernier et illustrant la volonté d’enclencher une véritable logique de changement.
Ces efforts appuyés sur la volonté clairement exprimée des communistes dans leur consultation ont permis de faire avancer la situation dans la journée d’aujourd’hui. Les questions que nous avons posées et les propositions que nous vous avons formulées sont prises en considération dans une mesure qui nous paraît appréciable, quant à l’action du futur gouvernement. Et ce, dès le début de la législature.
Nous allons rendre compte sans attendre aux communistes de ces avancées, afin qu’ils puissent s’exprimer en connaissance de cause sur le choix d’une grande portée que va avoir à faire dès demain, mercredi, le Parti communiste Français.
Le Comité national du PCF propose, dans ces conditions, en pleine lucidité quant à l’ampleur du travail à accomplir – dans le même esprit constructif qui l’anime au cœur du mouvement social et citoyen, et convaincu d’aller ainsi dans le sens d’une attente profonde du pays -, de répondre positivement à la question de participation à une majorité parlementaire de gauche et à celle de ministres communistes au gouvernement de la France.
Date : 4 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
Deuxième réunion, hier, à 15 heures, du Comité national du Parti communiste français, sous la présidence de Marie-Georges Buffet. A l’issue de la consultation des communistes qui s’est tenue lundi soir, Robert Hue donne de nouveaux éléments d’information, fait le point de la discussion en cours, et livre une proposition à soumettre, le soir même, aux militants du PCF dans les mêmes conditions que la veille.
Le secrétaire national du PCF comme par se féliciter de l’esprit de grande démocratie qui caractérise la réflexion et les débats qui ont lieu actuellement entre communistes dans tout le pays : « Le Bureau national s’est réuni et a apprécié ce qu’avait été cette discussion. Notre pratique démocratique plaît beaucoup au Parti et correspond à notre démarche de fond. Ce qui se passe depuis hier soir n’a lieu dans aucun parti politique. » Le processus engagé est significatif des progrès considérables accomplis pour faire participer l’ensemble des communistes à la prise de décisions.
Sans entre dans le détail des assemblées, l’échange de points de vue entre communistes s’avère extrêmement fructueux. On note une participation à un niveau exceptionnel : « Nous avons réuni des dizaines de milliers de communistes en une soirée, en quelques heures. Cela montre bien que notre congrès a eu raison de prendre la décision de consulter les communistes, même si nous ne pensions pas le faire en 1997 mais un peu plus tard. »
Le sens de la consultation
Robert Hue souligne qu’il se dégage « un élan » par rapport à ce que représente le résultat électoral des premiers et deuxièmes tours. L’amplification constatée au second tour a également dynamisé l’état d’esprit des citoyens et les attentes qui existent envers les communistes dans le pays. « Il apparaît d’ores et déjà, précise l’orateur, que l’idée que nous puissions participer au gouvernement est très largement approuvée dans la mesure où elle va de pair avec notre volonté de discuter d’un certain nombre de question et d’obtenir des éléments qui nous permettent d’aller plus loin dans les décisions à prendre. » Il y a, note-t-il, « une très grande lucidité des communistes, comme du peuple d’ailleurs, sur ce qui est en train de se passer. Il y a, bien sûr, des illusions, et aussi des camarades qui ne souhaitent pas du tout que nous nous engagions. Mais l’essentiel reste qu’une réflexion consciente se fait jour sur ce qu’il faut faire aujourd’hui, à partir de ce que ressentent les communistes eux-mêmes. » Le dirigeant communiste insiste sur le fait que « quelle que soit la décision que le Comité national va propos au Parti », il faut se garder « de tout clivage, de toute démarche visant à théoriser ce qui ne doit pas l’être. Nous faisons des choix, nous prenons nos responsabilités dans un moment précis, historique. Mais en même temps, le Parti doit garder ce qui a conduit à cette large démarche de réflexion à cette unité formidable dans sa diversité. Toute manifestation d’étroitesse, d’où qu’elle vienne, à propos des décisions que nous prenons, dit vraiment être rejetée. »
Nouveaux éléments d’information
Robert Hue rappelle le statut des propositions qui ont été faites : « Il s’agissait pour l’essentiel, de la concrétisation politique et des choix prioritaires que cela implique, sur la base de la déclaration commune Parti socialiste-Parti communiste, signée le 29 avril, et qui nous sert de référence. » Il rappelle qu’une série de rencontres ont conduit le PCF à s’adresser au premier secrétaire du Parti socialiste pour lui demander une nouvelle rencontre au cours de laquelle seraient examinées un certain nombre de questions. « Nous savons bien que, devenu premier ministre, ces questions, il fallait qu’il y réponde dans les nouvelles conditions de sa fonction institutionnelle. Il devait apporter des réponses de premier ministre aux questions que nous nous posions. » L’orateur explique alors qu’il ne s’agissait lus d’une discussion de formation à formation politique, mais d’une discussion visant à ce que, dans un discours d’investiture à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la cohabitation, et devant le peuple français, les orientations politiques de Lionel Jospin soient précisées.
Robert Hue poursuit alors en ces termes l’exposé des faits. « Lundi soir, Lionel Jospin m’a appelé pour me dire que les conditions n’étant plus les mêmes à la suite de sa nomination à Matignon, on pouvait discuter, et qu’il fallait même que l’on se voit très vite, pour qu’on puisse parler des questions que nous posions et également avoir un échange sur ce que pourrait prendre comme forme la participation gouvernementale si nous le souhaitions. »
Cette rencontre a eu lieu mardi matin. Le premier ministre, qui devait assurer la passation des pouvoirs à 11 heures, a passé entre une heure vingt et une heure et demie avec la direction du Parti communiste pour discuter de ce que pouvait être la configuration politique gouvernementale à venir. Robert Hue souligne que la durée de cette entrevue doit être mise en rapport avec le travail du Parti et sa façon de poser démocratiquement les problèmes. Il y a eu deux phases dans la discussion. D’abord avec une délégation, puis en tête à tête avec le premier ministre. « Nous sommes partis, précise Robert Hue, de l’idée que la réponse à nos propositions – que nous ne voulions pas poser en ces termes de conditions – consistait à entendre les réponses d’un partenaire éventuel. Il est apparu que, dans un premier temps, il ne peut plus y avoir de texte écrit car c’est maintenant le discours d’investiture qui dira si oui ou non un certain nombre de questions que nous nous posons ont été prises en compte. » La délégation du PCF ne pouvant se contenter de cela, il a été précisé ce que pourraient être les éléments clés s’appuyant sur la déclaration commune PS-PCF.
Le point de la discussion avec le Premier ministre
Robert Hue évoque ensuite les éléments positifs et les éléments négatifs de cette première phase : « Ils ne faut pas se raconter d’histoires. On ne fait pas inverser les positions de fond du Parti socialiste sur les grands choix qu’il a précisés dans sa campagne. Nous l’avons déjà dit la veille Mais ce qu’il y a de neuf ; c’est qu’il y aura des choses intéressantes et enrichissantes dans le discours d’investiture. Notamment un certain nombre de propositions concernant la fiscalité et l’orientation de l’argent. De toute façon, nous partons de l’idée que les propositions communistes seront un élément de travail de la majorité gouvernementale, le groupe communiste à l’Assemblée jouant un rôle charnière important. (…) Dans le cas de la participation, nos propositions seront au cœur de la réflexion du gouvernement lui-même. »
Nous avons donc souhaité, pour notre part, ajoute Robert Hue, qu’apparaissent dans la déclaration d’investiture du premier ministre ces éléments qui sont le moteur du progrès social et qui sont le pouvoir d’achat, le rôle de l’argent, etc. Je ne développe pas davantage sur la nouvelle façon de gouverner et le respect des citoyens. » Les choses ont été prises en compte et la direction du PCF en a eu la confirmation hier à 1 heure et demie de l’après-midi. Un nouvel entretien téléphonique avec Lionel Jospin a eu immédiatement après.et il a été convenu, a précisé Rober Hue devant le Comité national, « qu’il était inimaginable qu’apparaissent publiquement, d’une façon systématique et délibérée, de éléments d’un discours d’investiture du premier ministre avant que celui-ci ne le prononce jeudi prochain. Il y a là un problème de pratique démocratique, de respect des institutions. » C’est pourquoi, soulignant qu’il fallait dire aux communistes les choses et en appeler à leurs responsabilités, Robert Hue a demandé que la teneur détaillée de la réponse de Lionel Jospin ne serait pas rendue publique avant son intervention officielle de premier ministre.
Les membres du Comité national ont également été avertis par le secrétaire national du PCF que la composition du gouvernement avait été évoquée au cours du tête-à-tête. Les communistes auraient deux ministres pleins et un secrétaire d’État supplémentaire. Le tout, ben sûr, si la participation était finalement décidée.
Le sentiment de Robert Hue
En conclusion, Robe hue a donné son sentiment sur la proposition qui a été discutée et retenue par le Bureau national. « Il y a, a-t-il souligné, une demande très forte des gens et des communistes. Le sentiment est fort que le Parti communiste doit aider en faisant tout pour que ce gouvernement avance. L’idée existe qu’au moment où il faut prendre ses responsabilités, nous ne devons pas lâcher et être prêts, même si c’est dans des conditions très difficiles (…) Certains pensent que notre présence au gouvernement est une garantie. Ils n’ont pas raison. Notre présence au gouvernement n’est pas une garantie et elle n’a de signification que s’il y a bataille politique, mouvement populaire et mouvement citoyen, qui permettent de faire avancer. C’est dans cet état d’esprit que nous sommes. (…) Certains camarades ont le sentiment, et ils n’ont pas totalement tort, que nous pouvons être conduits assez vite à des difficultés compte-tenu de la situation politique dans laquelle nous sommes. Ils posent la question : faut-il aller dans un gouvernement sachant qu’il y aura des difficultés ? Il nous faut être lucide. Nous savons bien que, si nous n’y allons pas, dans ce gouvernement, maintenant, il y aura une grande déception vis-à-vis du Parti à qui on reprochera de ne pas avoir été jusqu’au bout de ses responsabilités. (…) Donc, dans ces conditions, conclut le rapporteur, je pense qu’il faut participer au gouvernement, en toute lucidité. »
Date : 04 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
Nous avons beaucoup réfléchi sur tous les éléments d’appréciation. Dans ces conditions, en pleine lucidité et dans un esprit très constructif, j’ai souhaité que le Comité national propose aux communistes qui vont se réunir ce soir partout, pour se consulter et voter, de répondre positivement à la question de la participation à une majorité parlementaire de gauche et celle de ministres communistes au gouvernement de la France.
L’annonce est faite par le secrétaire national du PCF. Il est près de 19 heures, mardi. Le Comité national vient de terminer ses travaux non-stop pour la deuxième journée consécutive Robert Hue précisera que le Comité national est composé de 150 responsables politiques et qu’il y a eu 2 voix contre et pas d’abstention sur cette proposition.
« Nous sommes encore dans une phase de consultation des communistes des communistes », ajoute-t-il. La première phase de cette consultation avait commencé la veille avec un débat partout sur la question de la participation des communistes au gouvernement de la France. Selon Robert Hue, « Il s’est passé au PCF un évènement avec cette consultation qui a réuni de dizaines de milliers de communistes. Lesquels, jusqu’à très tard souvent, dans la soirée de lundi, ont livré leur sentiment. Sentiment naturellement pris en compte par le Comité national. » Il ajoute : « Nous avons eu aussi une très riche discussion au Bureau national du PCF, puis au Comité national avec de très nombreuses interventions. »
Le secrétaire national fait alors le point sur les évènements. « Hier soir, rappelle-t-il, quand on s’est quitté, je vous avais dit que j’avais adressé une lettre à Lionel Jospin et que je lui demandais de me rencontre pour examiner la situation posée par les résultats très positifs de ces élections législatives et voir les conditions dans lesquelles pourraient s’engager la constitution d’une majorité politique et la constitution d’un gouvernement pluraliste. » Il précise : « Il y a eu plusieurs contacts. J’ai rencontré ce matin, longuement, Lionel Jospin, avant sa passation de pouvoirs. Nous avons eu une discussion très approfondie et riche. Ensuite, des contacts se sont poursuivis entre nos différents responsables politiques. Dans le débat que nous avions, il ne s’agissait pas de poser des conditions. Mais de voir ensemble ce que nous considérions comme des objectifs pouvant être suffisamment significatifs d’engagement d’une logique nouvelle dès le début de la législature. »
Pour le secrétaire national du PCF, « volonté des communistes dégagée par la consultation, et tout ce qui s’est exprimé sur ce qu’est notre position – très réaliste, sérieuse, responsable – a permis des avancées qui nous paraissent appréciables. » Il indique qu’il n’entrera pas dans le détail de ces avancées : « Ce ne serait ni élégant, ni correct, ni même dans l’esprit républicain qui m’anime. Quand on a un entretien de ce type avec le premier ministre, il appartient à celui-ci de donner son sentiment devant le Parlement sur ce qu’est sa politique à moment de sa déclaration d’investiture. Je suis certain d’y retrouver le contenu de nos discussions. »
Comment va maintenant s’achever le processus de décision ? Robert Hue : « La décision, et le débat, est naturellement ente les mains des adhérents. Ce soir, les communistes vont avoir l’ensemble des éléments et vont voter sur la base de la déclaration adoptée par le Comité national. Je réunirai mercredi matin le Comité national et c’est à ce moment que nous prendrons la décision définitive en fonction des résultats de cette consultation. »
En conclusion, il note que ce processus « est assez exceptionnel ». Il constate : « Ce qui vient de se passer dans un pays comme la France, au moment où la crise de la politique est si forte, cette consultation de tous les adhérents d’un parti politique pour définir ce qu’ils vont décider ensemble, me semble une étape démocratique de mutation considérable. C’est un grand bonheur pour moi d’avoir pu la conduire avec les communistes. »
Date : 5 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
Robert hue intervient après le vote entérinant, dans les conditions que l‘on sait, la participation communiste au gouvernement. Le secrétaire national du PCF indique tout de suite qu’il ne tirera pas de conclusion, mais qu’il veut seulement donner quelques informations importantes.
Le dirigeant exprime sa satisfaction sur la façon dont le Parti communiste a géré la consultation de ses adhérents. Le processus a passé le mur des médias. On a vu sur les écrans de télévision la façon dont les choses se passaient dans les sections, dans les cellules. Cette consultation-là est un évènement politique en soi. Et nous-mêmes nous ne l’avions pas fait auparavant. « Quand on regardait mardi soir, notre Robert Hue, les journaux télévisés et qu’on voyait cette droite qui se déchire et s’empoigne de partout, et cette consultation démocratique des communistes, on voyait bien qu’il s’agissait de deux conceptions du monde et de la vie politique opposée. L’une qui contribue à creuser, de façon terrible, le fossé entre la société e la politique ; l’autre qui en train de recoudre ensemble la société et la politique. » L’orateur ajoute : « Les communistes sont gourmands, ils veulent aller plus loin et cette consultation a été une étape nouvelle de nos avancées, de notre mutation et de notre culture de diversité qui dit encore s’enrichir. » Robert Hue exprime ici son accord avec l’appréciation de Nicolas Marchand, insistant sur la sérénité du débat et l’erreur qui serait la cristallisation de ce qui s’est exprimé dans débat sous forme de clivages : « La diversité a été vraiment très multiple, précise-t-il. Tout cela va continuer de vivre, et le secrétaire national du PCF souhaite lui aussi que le Parti continue d’avancer dans cette pratique démocratique du débat. Nous tenons là un élément essentiel de notre stratégie et de notre démarche. »
Robert Hue propose alors de prendre le temps nécessaire pour revenir sur l’étape dans laquelle nous sommes et qui nous a conduits à faire ces choix : « L’étape nouvelle dans laquelle nous entrons mérite un grand débat de notre Comité national, une réflexion approfondie sur notre nouvelle façon de faire. » Il souhaite que se tienne « assez vite » -c’est-à-dire dans le courant du mois – une session du Comité national ce sujet. Pour l’immédiat, il annonce une communication sous forme de tract sur ce que le PCF vient de faire. « Il ne faut pas attende, il faut prendre des initiatives. Nous sommes à l’offensive. N’attendez pas que cela vienne d’en haut. » Il donne en exemple la mise en place dans certaines fédérations de rencontres avec les gens qui ne sont pas communistes, pour discuter de ce qui s’est passé et à qui l’on propose d’adhérer dans ce climat : « Il faut renforcer le Parti, accroître la diffusion de « l’Humanité ». Au moment où on annonçait la dissolution de l’Assemblée, rappelle-t-il, nous étions engagés dans un débat très important sur « l’Humanité » et le rôle que notre journal joue dans cette période. Profitons de la situation actuelle, s’exclame-t-il, pour renforcer notre diffusion. Profitons du courant qui existe dans le pays. Cela ne sera pas tous les jours comme cela ! »
Le dirigeant communiste revient alors sur l’idée – déjà affirmé la veille – que, si beaucoup d’hommes et de femmes dans ce pays nous considèrent comme les « garants » du changement ; nous ne partageons pas cet avis, car la garantie du changement c’est le peuple et son intervention citoyenne.
Il évoque ensuite les aspects constitutionnels qui interdisent de rendre publiques, au moment où a lieu le Comité national, les responsabilités gouvernementales et les noms des communistes qui participeront à l’équipe très resserrée dont Lionel Jospin sera le Premier ministre. « C’est au président de la République et au Premier ministre de rendre public le nouveau gouvernement. » Robert Hue confirme ici ce qu’il avait dit la veille : il y aura deux ministres et un secrétaire d’État communistes. Dévoiler publiquement leurs attributions et leur identité relève du protocole officiel. Il s’étonne que certaines nouvelles aient été données dans la presse et souligne que « cela ne vient pas de nous ». Après avoir informé très précisément sur ce point les membres du Comité national, le dirigeant communiste propose qu’on applaudisse. Ce qui ne se fait au Comité national que très exceptionnellement…
Date : 5 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
Je voudrais vous dire qu’après consultation démocratique des adhérents du PCF, le Comité national du Parti communiste français décide de la participation de ministres communistes au gouvernement de la France. » Voilà c’est fait. Mercredi 4 juin 1997, 11 heures, siège du Comité national du PCF, la décision vient d’être prise. Le secrétaire national, Robert Hue, tient son point de presse et annonce que 78,2% de communistes consultés la nuit précédente ont approuvé.
« Il y aura dons des ministres communistes au gouvernement », souligne le responsable du PCF. Il précise : « Ils y travailleront de façon constructive en y faisant vivre l’originalité, l’utilité, l’efficacité de leur apport. » Sur un ton quelque peu solennel ; il ajoute : « En cette heure importante de l’histoire de notre pays, et persuadé de répondre aussi à une attente profonde, le Parti communiste français mesure l’ampleur des efforts à accomplir et le rôle qui sera le sien en liaison avec le mouvement social et citoyen. C’est avec courage et lucidité que le Parti communiste aborde cette période nouvelle de la vie politique française. Avec la volonté d’être pleinement utile à la réussite des changements tant espérés et si nécessaires pour notre peuple, pour la France. »
Robert Hue cite ensuite des chiffres. Ceux des résultats de la consultation des adhérents du PCF. En deux jours, il y a eu trois réunions du Comité national, 60 000 communistes – ce n’est évidemment pas tous les communistes – ont pu être consultés, et 78,2% ont approuvé la proposition de participation de communistes au gouvernement, 18,9% ont exprimé un avis contraire, et 2,9% se sont abstenus. Sur l’ensemble du pays, il y a deux fédérations départementales qui n’ont pas voté pour cette proposition : il s’agit du Pas-de-Calais et de la Somme.
Et selon Robert Hue, ce qui vient de se passer – et, dit-il à l’adresse des journalistes, vous y avez contribué en rendant publiques ces images et les sons -, ce qui vient de se passer dans ce Parti communiste est un événement très important : « Je crois qu’aucun parti n’a pu se livrer à une telle consultation démocratique. »
Combien de ministres communistes ? Robert Hue : « Évidemment, je le sais ! Mais je n’ai pas, moi, à rendre publique cette information. Ni le nombre ni le nom. Bien sûr j’en ai beaucoup parlé avec Lionel Jospin. Mais c’est le jeu des institutions républicaines. La nomination du gouvernement revient au premier ministre et au secrétaire général de l’Élysée. »
Il ajoute aussitôt : « Je ne peux pas vous dire le nom des ministres communistes. Mais je peux vous dire qui ne l’est pas : en l’occurrence moi. » Et d’expliquer que s’il n’est pas ministre, c’est qu’il a choisi de ne pas l’être.
Le ton est presque celui de la confidence : « C’est un choix que j’ai fait, et certains journalistes le savent, depuis très longtemps. Je souhaite en effet me consacrer pleinement au Parti communiste, à conduire sa mutation : c’est tellement exaltant ! Ces dernières heures en attestent ! Je suis entouré d’un collectif qui travaille dans une ambiance très constructive. D’ailleurs, vous allez vus en rendre compte : vous allez voir des visages nouveaux à côté de moi, ces ministres, ce renouvellement… C’est une belle image qui va apparaître. Je vais continuer à travailler dans ce sens. »
Confidences encore : « Pour tout vous dire, cette discussion avant même que je sache qu’il pouvait y avoir participation de ministres communistes au gouvernement, je l’ai eue il y a plusieurs mois avec Lionel Jospin. Nous avions alors abordé les questions de pouvoir. Il y a plus d’un an, j’avais formulé avec certains journalistes le même souhait : ne pas être ministre. Ce qui ne signifie pas que les choses soient figées. En tout cas, c’est mon choix, dans ce moment important de la vie politique de ce pays, où il est nécessaire que les hommes politiques soient mieux appréciés. Si je n’étais pas le secrétaire national du Parti communiste, on pourrait imaginer les choses différemment. Je crois qu’il est bon de montrer sa volonté à la fois de maintenir le choix d’une démarche politique, du rôle d’une formation politique, et le choix citoyen d’être près des gens. J’y attache une grande importance. »
Date : 5 juin 1997
Source : L’HUMANITÉ
Devenue majoritaire à l’Assemblée nationale, la gauche est aujourd’hui placée devant les grandes responsabilités. Elle se doit en effet de répondre aux attentes, aux espoirs des Français.
Le Parti communiste, qui a pleinement contribué au rassemblement nécessaire pour assurer la défaite de la droite et le succès des forces de gauche, de progrès et écologistes, ne ménagera pas ses efforts pour la réussite des changements voulus par notre peuple.
C’est aussi avec cette volonté politique clairement affirmée qu’il a discuté et décidé dans un processus démocratique inédit la participation de ministres communistes au gouvernement de la France.
On le sait, les communistes avaient engagé au début de l’année 1997, pour le poursuivre jusqu’en 1998, un large dialogue avec les Françaises et les Français sur le contenu et la possibilité de mettre en œuvre une autre politique, un travail de construction politique citoyenne pour que la formation de gauche, de progrès, écologistes proposent ensemble une perspective de changement novatrice, crédible et mobilisatrice. Du fait de l’anticipation des élections, ces efforts n’ont pu être poursuivis et menés à leur terme. Ils ont cependant compté. Le contenu de la déclaration commune adoptée le 29 avril par le Parti socialiste et le Parti communiste a été en effet fortement marqué par la prise en compte des aspirations et des attentes exprimées lors de ce dialogue citoyen.
Dès le lendemain du second tour des élections législatives, le Parti communiste a pris les contacts nécessaires avec Lionel Jospin et les dirigeants socialistes. En leur soumettant de propositions visant à traduire en mesures concrètes à engager dès le début de la législature les grandes orientations de la déclaration commune. Les réponses apportées aux questions que nous avions posées nous ont conduits à considérer que les propositions que nous avions formulées étaient prises en considération dans une mesure appréciable, quant à l’action du futur gouvernement.
Nous avons, dans le même temps, entrepris la consultation des adhérents de notre parti, les tenant informés en toute transparence des réalités en cours et de leurs évolutions. Dès lundi soir, dans une mobilisation d’ampleur exceptionnelle en un aussi bref délai, ils ont affirmé de façon très majoritaire leur volonté de voir réunies les conditions pour que les communistes participent au gouvernement, afin de contribuer à répondre aux attentes puissantes de changement formulées par les Français et au souhait de beaucoup d’entre eux qui considèrent la présence de ministres communistes comme un atout nécessaire à la prise en considération de leurs aspirations.
Au cours d’une seconde consultation mardi soir, ils ont largement approuvé la proposition que leur faisait en ce sens le Comité national.
Il y aura donc des ministres communistes au gouvernement de la France. Ils y travailleront de façon constructive, en y faisant vivre l’originalité, l’utilité, l’efficacité de leur apport.
En cette heure importante de l’histoire de notre pays et persuadé de répondre aussi à une attente profonde, le Parti communiste français mesure l’ampleur des efforts à accomplir et le rôle qui sera le sien, en liaison avec le mouvement social et citoyen.
C’est avec courage et lucidité que le Parti communiste aborde cette période nouvelle de la vie politique française. Avec la volonté d’être pleinement utile à la réussite des changements tant espérés et si nécessaires pour notre peuple, pour la France.