Editoriaux de M. Alain Deleu, président de la CFTC, dans "La Lettre confédérale CFTC" des 2 et 23 juin 1997, et dans "La Vie à défendre" de juin 1997, sur la manifestation européenne pour l'emploi.

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Circonstance : Manifestation européenne pour l'emploi le 10 juin 1997

Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

La lettre confédérale – CFTC La vie à défendre. N° 706 du 2 au 8 juin 1997.

Dominantes : Quels que soient les résultats du scrutin, la CFTC adoptera une attitude exigeante mais constructive, soutenant ce qui lui paraît juste, combattant ce qui lui semble aller à l’encontre des intérêts des salariés et de leur famille.

A la veille du scrutin

Ce dimanche, les Français auront élu leurs députés et un nouveau gouvernement sera en passe d’être constitué. Par respect du choix de chacun, la CFTC ne commente par les déclarations des candidats à la veille d’une telle échéance. Nos priorités sont clairement identifiées. Militants CFTC et salariés les connaissent. Nous les avons exprimées sous forme de questions aux différents groupes parlementaires. A chacun désormais de se déterminer.

Quel qu’il soit, le nouveau gouvernement affrontera immédiatement la réalité. Vaincre la pauvreté, lutter contre la précarité, redonner confiance et faire repartir la croissance, telles seront ses contraintes immédiates. Quels que soient les résultats du scrutin, la CFTC adoptera une attitude exigeante mais constructive, soutenant ce qui lui paraît juste, combattant en revanche ce qui lui semble aller à l’encontre des intérêts des salariés et de leur famille. Nous ne cultivons pas de stratégie de pouvoir, ni de calculs politiques. Nous travaillerons avec ceux qui seront là, et dont la tâche ne sera pas facile.

Deux grands objectifs sont pour la CFTC inséparables : la volonté de développer l’esprit d’entreprise et de participation et l’ambition d’une solidarité adaptée aux nouveaux défis. Quel qu’il soit, le nouveau gouvernement ne réussira pas sans les salariés.

La lettre confédérale – CFTC La vie à défendre. N° 709 du 23 au 29 juin 1997

Dominantes : A Amsterdam, la France cohabitante a obtenu un succès d’estime avec une déclaration sur l’emploi et une promesse de rencontre prochaine à Luxembourg, mais rien n’a changé sur le fond.

Le cynisme ne se cache même plus

Entre les deux tours, j’avais rêvé d’un gouvernement qui nous inviterait très vite pour débattre des réformes à entreprendre. Ce rêve a connu un petit bout de réalité puisque le nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, nous a reçus avant même sa déclaration de politique générale. Le geste mérite d’être souligné, comme celui du ministre de la Fonction publique qui a déjà reçu nos fédérations.

Un dialogue approfondi est vraiment nécessaire et urgent. Les choses s’accélèrent. La rigueur budgétaire et monétaire est inscrite pour longtemps dans les tables de la loi européenne avec l’accord d’Amsterdam. Ce n’est plus un temps de qualification, c’est définitif. La France cohabitante a obtenu un succès d’estime avec une déclaration sur l’emploi et une promesse de rencontre prochaine à Luxembourg. Mais rien n’a changé sur le fond et les grandes entreprises adoptent une attitude « asociale » de façon de plus en plus ouverte. C’est Moulinex qui annonçait une restructuration brutale avant de négocier. C’était Renault qui arrêtait sa décision avant toute discussion. C’est maintenant Electrolux qui met la pression maximale sur ses 100 000 salariés en annonçant qu’il va tous les observer avant de choisir les sites qu’il fermera ; tout cela pour gagner davantage d’argent. Quel mépris des personnes !

Ne nous leurrons pas ! Nous sommes entrés dans une nouvelle phase du libéralisme apatride. Le cynisme ne se cache même plus. La bataille sera longue et rude. Beaucoup de facteurs sont réunis pour une remontée des tensions sociales. La CFTC a rendez-vous telle qu’elle est avec une nouvelle page de l’histoire sociale. Comme nous avons commencé à le faire le 10 juin, mobilisons-nous sur le seul objectif qui vaille : UNIR LES EFFORTS DE TOUS LES MILITANTS pour l’emploi, la protection sociale et le juste salaire.

Au travail, ensemble.

La Vie à Défendre : Juin 1997

Une route semée d’écueils

Les Français se sont donnés une nouvelle majorité parlementaire. Ila été beaucoup dit que le scrutin des 25 mai et 1er juin marquait l’instabilité d’au moins une partie de nos concitoyens puisqu’ils changeaient de majorité à chaque élection. En est-on si sûrs ? Dans le domaine social, celui qui nous concerne, les Français savent ce qu’ils veulent et ils n’en démordent pas. Ils veulent un développement économique qui profite à tout le monde. Davantage que les promesses, c’est la réalité des résultats qu’ils jugent. Et de scrutin en scrutin, ils demandent davantage de justice sociale.

Cette fois encore, des promesses sociales ont été faites. Il serait très grave, même pour la démocratie, qu’elles ne soient pas suivies d’effets. Bien entendu il faudra discuter, négocier, car les contraintes sont fortes et multiples. Que signifieraient, d’ailleurs, de décisions toutes arrêtées à quelques-uns en coulisse, comme on a pu le voir par le passé, sans un vrai travail de négociation entre les partenaires sociaux et le gouvernement ?

Ce ne sera pas facile. Entre les cohabitations politiques, les enjeux budgétaires et européens, les plans sociaux et par-dessus le marché la perspective de élections prud’homales, les écueils seront nombreux sur la route du vaisseau France.

Nous ne cesserons de dire qu’il faut restaurer la confiance des salariés, de demandeurs d’emploi et des familles. Pour cela il faudra agir conformément à la justice aussi bien pour l’emploi que pour les salaires ou la protection sociale, car la prospérité du pays ne peut se construire qu’en s’appuyant sur les besoins et la réussite de chacun. La conférence nationale sur l’emploi, les salaires et le temps de travail ne sera pas la première du genre. Il faudra des décisions concrètes pour un effet solide sur l’emploi. Elles ne devront pas impliquer seulement l’État et le secteur public, mais l’ensemble des entreprises et du patronat.

Dans l’immédiat, la conférence intergouvernementale de l’Union européenne a mobilisé le tout nouveau gouvernement. Nous ne sommes pas au bout de nos peines pour que l’on cesse de considérer le social comme un sous-produit de l’économie, pour qu’on engage enfin une politique concertée de développement et que l’on sache ce que l’on peut faire de l’Euro. C’est le sens que nous avons voulu donner à notre participation à la manifestation du 10 juin. Cette manifestation a encore montré la difficulté pour les syndicats français de s’entendre pour défendre leurs intérêts communs au niveau européen.

La CFTC tiendra son cap. Exigeante mais réaliste et revendicative mais constructive et ouverte au dialogue. Nous avons indiqué au Premier ministre nos priorités : rendre plus efficace l’action publique pour l’emploi, y compris l’accès à la retraite par l’embauche des jeunes, réveiller la négociation sur les salaires, l’aménagement et la réduction du temps de travail, combattre la précarité avec un statut de travail qui assure la continuité sociale malgré les fluctuations de l’économie, assurer la qualité des services publics sur tout le territoire, donner un nouveau souffle à l’économie en répondant à la diversité des besoins de notre pays à court, moyen et long terme.

Notre choix sera encore et toujours celui d’une société de liberté et de responsabilité. Nous savons qu’il nous faudra être particulièrement attentifs à cet objectif dans des domaines comme l’éducation, la politique familiale ou la protection sociale. Et nous serons. Libre de nos analyses, de nos projets et de nos actions, nous continuerons de faire entendre notre vérité dans le nouveau contexte politique.