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RFI : Monsieur le ministre, vous venez d’ouvrir la 77e session de l’assemblée du Conseil supérieur des Français de l’étranger. Tous les délégués sont là, membres désignés et membres élus, cela fait plus de 180 personnes. Plusieurs questions vous ont été posées, auxquelles vous avez tenté de répondre.
Hubert Védrine : Celle qui nous inquiète particulièrement, c’est celle de la sécurité des Français dans certains pays africains ou au Cambodge et surtout, sur l’accueil réservé à nos compatriotes à leur retour. N’y a-t-il pas des progrès à faire ? Et n’y a-t-il pas besoin de solliciter le ministre du budget ?
J’ai d’abord dit aux membres du Conseil supérieur que je souhaitais travailler vraiment avec eux et que je souhaitais tenir vraiment compte des avis et des suggestions qui sont présentés, parfois malheureusement sans suite, alors que je crois que cela doit être un mode de travail normal pour ce ministère.
J’ai également souligné que la situation de nos compatriotes français à l’étranger, aussi bien en matière de sécurité que de scolarisation, en matière sociale ou autre était une vraie préoccupation dont je considère qu’elle doit être constante pour moi. Cela fait pleinement partie des devoirs de ma charge. Ce n’est pas simplement à l’occasion d’une réunion importante comme celle-ci, ce sera un élément permanent de travail pour moi et pour mes collaborateurs. C’est une première chose.
RFI : Pratiquement, que peut-on faire pour ces Français qui reviennent sans rien, ayant perdu tous leurs biens et n’ayant aucun droit ? Ils ne sont pas considérés comme les autres Français à part entière en France.
Hubert Védrine : Il est vrai qu’il n’existe aucun système à l’heure actuelle et je le découvre en prenant mes fonctions, aucun système qui permette d’indemniser ou d’aider, à partir de situations tragiques, à caractère politique. J’ai l’intention de m’attaquer au problème mais je ne veux pas faire de vaine promesse. Je veux simplement dire que je vais m’en occuper sérieusement et j’ai l’intention de commencer à parler, par exemple, avec les dirigeants des grandes compagnies d’assurance pour comprendre pourquoi il n’existe pas de compagnie d’assurance qui accepte de prendre en charge ces grands risques.
Ce n’est quand même pas tellement fréquent. Je vais également aborder cette question avec Matignon, avec les autres ministères concernés pour voir si l’on peut monter un système auquel je ne donne pas encore de nom, car je ne veux pas parler des choses avant qu’elles existent, je ne veux pas faire naître d’espoir prématuré. Ne peut-on pas monter un système qui permette d’aider les gens à redémarrer ? Dans l’immédiat, la situation qui me préoccupe le plus est celle de nos compatriotes du Congo-Brazzaville et à ma demande, il y a la semaine prochaine, une réunion, la première de toute une série avec les services du Premier ministre et les ministères concernés pour savoir ce que l’on peut faire pour eux. Je ne pense pas qu’à leur situation. Il y a en effet, un problème général auquel je vais m’attaquer.
RFI : Autre problème qui préoccupe les Français de l’étranger, c’est celui du nombre de consulats. Pourquoi est-ce que l’on en supprime ? N’aurait-on pas intérêt à mettre des bureaux consulaires dans davantage d’endroits et ne serait-ce pas un meilleur moyen pour les faire participer aux différents scrutins qui existent ?
Hubert Védrine : Je ne veux pas répondre de façon démagogique en racontant que la carte d’implantation consulaire ne va bouger parce que ce ne serait pas possible, pas tenable. La carte des ambassades comme la carte des consulats doit bouger. Cela veut dire que l’on doit ouvrir et fermer. On doit s’adapter à l’évolution des choses puisque les besoins de la France, les opportunités d’influence et en même temps, la répartition des Français à l’étranger change. Ce serait absurde que cette carte ne s’adapte pas. Il ne faut pas, pour des raisons purement symboliques ou nostalgiques, s’opposer à de tels mouvements. Il faut au contraire que l’on suive au plus près l’implantation des Français à l’étranger, leurs besoins et nos besoins. Il faut le faire d’une façon qui ne soit pas rigide, ni bureaucratique. La formule d’agent consulaire peut être excellente. La formule du regroupement entre les services de la DREE et les services consulaires peut être opportune si c’est fait sur une base équilibrée. Toutes sorte de formules sont possibles et en plus, nous partons d’un des réseaux consulaires qui est vraiment l’un des plus denses dans le monde, si ce n’est pas le plus dense. Ce réseau est très important, il faut le faire vivre, il faut l’adapter au mieux pour qu’il puisse répondre aux différentes situations.
RFI : Il y a en particulier quelque chose d’intéressant qui a été créé, ce sont les comités pour l’emploi dans les consulats. Pensez-vous développer cette formule ?
Hubert Védrine : Je l’ai demandé dès mon arrivée. Je l’ai dit tout à l’heure dans mon allocution. J’ai demandé que l’on créé partout des comités de ce type et que ce ne soit pas considéré comme purement facultatif. C’est une option qui est ouverte mais je crois que c’est utile à peu près partout. Cela devrait donner un coup de fouet à la recherche de l’emploi dans chacune des situations.
RFI : Également à propos de l’emploi, vous allez réunifier un certain nombre d’organismes qui s’occupent de l’emploi, en particulier de l’emploi des jeunes pour l’étranger.
Hubert Védrine : Il y a trop d’organismes qui sont censés s’occuper de l’emploi à l’étranger et qui n’ont pas de résultats proportionnels à leur masse bureaucratique. Il faut dont les réformer, les regrouper peut-être, car ce qui est intéressant, ce sont les résultats. Nous allons également nous attaquer à cela.
RFI : Il y a une chose qui, personnellement me choque beaucoup, c’est que les Français de l’étranger sont des étrangers pour les Français de France. Ils sont mal connus, l’information devrait aller, d’une part, vers les Français de l’étranger et, d’autre part, vers les Français de France. Je pense qu’avec votre nouveau directeur des Français de l’étranger qui m’a accueilli avec beaucoup de cordialité, cela pourra être davantage fait.
Hubert Védrine : Le Conseil supérieur est là pour que précisément les autorités françaises – je ne parles pas de l’ensemble de l’opinion, mais les autorités françaises – aient un moyen qui est très précieux de connaître l’état d’esprit, les besoins, les desiderata, les soucis. C’est très important. En sens inverse, et je l’ai dit aux délégués rassemblés, ils doivent se considérer eux-mêmes comme un élément de la politique de la France dans le monde, un élément de l’influence de la France dans le monde, ils doivent indiquer quels sont les problèmes qu’ils rencontrent. Mais ils doivent également savoir quels sont les grands enjeux pour leur pays à un moment donné. Les grands enjeux aujourd’hui sont les suivants : la France doit rassembler tous ses moyens, toute son énergie, toutes les modalités d’action pour que son influence dans le monde, ses intérêts concrets et intellectuels, culturels, ses valeurs politiques, philosophiques, son commerce extérieur – cela forme un tout, il ne faut pas opposer ces différents aspects, ils sont également porteurs de cet enjeu. Les Français de l’étranger ont, compte tenu du très grand nombre de pays dans lesquels ils se trouvent, des contacts qu’ils ont, de leur insertion dans la population, des possibilités d’action tout à fait considérables qui forment la contrepartie de l’autre volet que vous évoquez. Ainsi, il faut également travailler pour que les autorités françaises connaissent bien leurs problèmes et y apportent les meilleures réponses possibles dans le contexte budgétaire qui existe, et en même temps, qu’ils soient mieux connus. Vous avez raison, mais là, c’est quelque chose qui déborde de la responsabilité du gouvernement.
Les médias peuvent jouer un vrai rôle pour faire mieux connaître les problèmes des Français de l’étranger et, en même temps, le côté attractif de cette vie. Il ne faut pas parler que des problèmes, on en donnerait une vision déformée, cela a un côté absolument passionnant. Cela permet à des jeunes de mener des vies exaltantes. Il faut avoir un discours qui soit attirant sur le sujet car il correspond à la vérité.