Déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, le 9 juin 1997, et déclaration du Bureau national du PCF, publiées dans "L'Humanité " le 10, sur le lancement de l'initiative nationale communiste de "rencontres citoyennes".

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Média : L'Humanité

Texte intégral

L’Humanité - 10 juin 1997

PCF. – Le secrétaire national a présenté à la presse le lancement d’une dynamique politique. Objectif : donner force et efficacité au mouvement social et citoyen pour que la gauche réussisse.

Robert Hue : « Un millier de rencontres citoyennes tout de suite »

Le secrétaire national du PCF a annoncé, lundi, devant la presse le lancement d’une initiative nationale de rencontres citoyennes. Un millier de ces rencontres devraient se tenir sans délais, le processus devant se poursuivre à la rentrée. Chaque débat pourrait donner lieu à la rédaction d'un procès-verbal.

Robert Hue a expliqué que le Bureau national a pensé utile d'engager tout de suite ces rencontres citoyennes. « Ce qui nous a guidés, a-t-il précisé, c'est le climat que nous sentons ces derniers jours. Ceux qui ont porté, dans les conditions que l'on sait, la gauche à la direction des affaires du pays sentent aujourd'hui qu'il ne faut pas qu'ils abandonnent le terrain. Ils veulent être partie prenante de ce qui est en train de se passer. Ils sentent même que c'est indispensable pour que les changements puissent s'engager ». Avant les élections, et même au cours du congrès du PCF, nous avions dit, a-t-il rappelé, que si la gauche l'emporte le mouvement devrait de toute façon se poursuivre. « Nous sommes dans cette phase. Il peut y avoir un développement du mouvement social : les communistes y seront engagés dans leur responsabilités singulières, et nous serons partie prenante de ce mouvement. Il y a aussi, à côté, une dynamique politique à enclencher : la nécessité de donner au développement de la démocratie toute sa dimension citoyenne.

Il a évoqué la consultation des communistes pour savoir si les conditions étaient réunies pour la participation au gouvernement de la France, et le bouillonnement politique constaté à cette occasion. Selon lui, cette démarche s’inscrit « à contre-courant de la délégation de pouvoir » ou « de l’attente de solutions venues d’en haut au risque d’être déçue ». Il a parlé « de la crise sérieuse que connaît la démocratie française » et de « la volonté, traduite dans les élections, de la dépasser ». Pour lui, les partis politiques ont aujourd’hui une responsabilité particulière : « Il faut recoudre des liens ».

Intervention citoyenne, intervention des citoyens : cela signifie-t-il pression sur le gouvernement ? Robert Hue : « Ni complication pour le gouvernement ni conflit. La confrontation d’idées, le mouvement citoyen, est une dynamique qui intervient sachant qu’il est impossible d’imaginer les changements nécessaires sans intervention du peuple : c’est d’ailleurs toute la différence avec d’autres périodes, notamment 1981. C’est une initiative politique prise par le parti communiste ».

Ces rencontres devraient donc être mises en place, dès à présent, de façon la plus ouverte et constructive possible par les organisations du PCF, à l’échelon de la section, de la localité, de l’entreprise ou du groupe de quartiers. La démarche se veut décentralisée, profonde, au plus proche possible des citoyens. Mais elle se veut aussi « processus de long terme, de longue haleine, pas du tout éphémère ». Elles seront organisées dans des lieux qui pourraient d’ailleurs devenir, selon le PCF, des espaces citoyens démocratiques. « Tout cela est à inventer », a répété Robert Hue. Il y voit une contribution politique originale. « Changer la politique, a-t-il ajouté, faire de la politique autrement, implique naturellement un engagement du gouvernement. Il y a à cet égard, me semble-t-il, la volonté du Premier ministre. Mais peut-on dans notre pays changer la conception de la politique exclusivement au niveau institutionnel sans que les formations et les partis politiques s’en mêlent ? La responsabilité du PCF est de contribuer à ce grand mouvement citoyen, ce relais fort portant les changements nécessaires parce que nous voulons que la gauche réussisse ».

En réponse à une question, le secrétaire national du PCF a précisé que les parlementaires auront un rôle très important à jouer. À ce propos, il a indiqué son intention de proposer aujourd'hui la candidature d'Alain Bocquet à la présidence du nouveau groupe de députés PCF et apparentés. C'est aussi Alain Bocquet qui interviendra après la déclaration de politique générale que devrait prononcer le 19 juin le Premier ministre.

Interrogé sur l'Europe et la monnaie unique, Robert Hue a noté que les choses dites ces derniers jours par le Premier ministre ou par le ministre de l'économie, Dominique Strauss-Kahn, sur le pacte de stabilité « vont dans le sens des orientations qui sont celles des organisations de gauche » et « s'est félicité que Lionel Jospin a rappelé qu'il tiendra ses engagements pris pendant la campagne électorale, engagements qui sont ceux de la déclaration commune PCF-PS ».


L’Humanité - 10 juin 1997

La déclaration du Bureau national du PCF
Une initiative nationale des communistes

Celles et ceux – la majorité de notre peuple – qui ont choisi par leur vote de confier à la gauche, dans la pluralité de ses composantes, la direction des affaires du pays sont aujourd'hui heureux et fiers d'y être parvenus. Pour autant, leur état d'esprit n'est pas celui d'une attente passive de résultats. Ils se sont mobilisés pour refuser la société de plus en plus inhumaine, livrée pieds et poings liés à la volonté des marchés financiers, que la droite mettait en place ; beaucoup sont conscients que leur mobilisation est et sera nécessaire pour s'engager effectivement dans une autre voie.

Nous, communistes, qui avons placé la démocratie, l'intervention personnelle au cœur de notre conception de la politique, ne pouvons qu'être profondément encouragés par cette situation.

Nous mesurons, sans vaine exagération, le rôle que nos initiatives inspirées de cette conception ont joué pour rendre possible cette réalité nouvelle et ses potentiels : nos efforts, certes inachevés, en faveur d'une construction politique neuve qui ont marqué le contenu de la déclaration commune parti socialiste-parti communiste ; notre campagne électorale citoyenne qui a grandement favorisé le rassemblement majoritaire pour battre la droite et le Front national ; notre consultation démocratique aux lendemains du second tour qui a contribué à la formation d'un gouvernement de toute la gauche se donnant pour objectif de répondre à l'attente de changement.

Nous nous sentons, du même coup, une responsabilité particulière pour que l’intervention citoyenne puisse maintenant se déployer pleinement afin que le processus qui s’enclenche soit conforme aux exigences populaires. C'est ce que nous avons décidé à notre 29e Congrès : « Si la droite est battue, avons-nous dit, nous ferons tout ce qui peut dépendre de nous pour que la situation ainsi créée permette la satisfaction du besoin de changement (…) ; pour mettre en œuvre une conception réellement moderne de l'exercice même du pouvoir, favorisant le développement d'une dynamique sociale et politique permettant de faire de l’aspiration à des solutions neuves une réalité offensive. »

« Dynamique sociale ». Militantes et militants communistes, notre engagement est total, au sein et aux côtés des luttes de toute nature, pour contribuer à faire droit aux exigences dont elles sont porteuses. Le développement du mouvement social et citoyen n'est pas une « complication » pour l'œuvre de changement, il en est la condition.

« Dynamique politique ». Notre engagement, là aussi, doit être total : nous nous devons de prendre des initiatives nouvelles sur le terrain proprement politique, afin que la dynamique de refus et d'espoir qui a mis la gauche aux responsabilités puisse maintenant – et pour toute la période qui s’ouvre – se poursuivre et gagner en force, en lucidité, donc en efficacité.

C'est le sens de la décision que prend le parti communiste : une initiative nationale et de longue haleine de rencontres citoyennes à l’invitation des militantes et militants communistes.

Adhérents, élus, candidats lors des récentes élections, nous allons dans les jours prochains nous adresser à toutes celles et tous ceux avec qui, par notre vote commun, nous avons battu la droite pour changer réellement de politique, celles et ceux qui constituent à nos yeux la « force communiste » : les 10 % d’électrices et d’électeurs qui ont accordé leurs suffrages à nos candidats et, au-delà, celles et ceux, parmi les électeurs qui ont choisi un autre vote à gauche ou à l’extrême-gauche, parmi les abstentionnistes et les jeunes non-inscrits, qui partagent une volonté de changement réel. Nous allons leur proposer non pas d’être seulement des observateurs – fussent-ils vigilants – de ce que fait le nouveau gouvernement, mais d’être ensemble partie prenantes du nécessaire travail de construction d’un tel changement politique. Notre démarche est de placer l’intervention citoyenne au cœur de cette construction ; nous concevons notre parti – tous nos militants, de l’adhérent sans responsabilité particulière au ministre – comme relais de cette intervention.

En ce mois de juin, à l’échelle de chacune de nos sections, d’entreprise ou locales, ou à l’occasion de nos fêtes fédérales, nous allons ainsi tenir environ 1 000 rencontres conçues comme les premières d’une série, comme l’engagement d’un processus destiné à se poursuivre à la rentrée et dans les mois qui suivront, la Fête de L’Humanité permettant de marquer cette démarche de façon significative. Nous allons bien sûr proposer à celles et ceux qui le souhaitent de prendre leur place dans l’espace de liberté et de citoyenneté qu’est le parti communiste. Plus largement, nous allons inviter toutes et tous à établir et maintenir le contact en ouvrant par ces rencontres un lieu de confrontation d’opinions et d’expériences, de fraternité et de solidarité, d’action pour faire entendre ses exigences ; un lieu de travail et de construction où l’on puisse ensemble contribuer à la recherche de solutions neuves aux problèmes posés et à ceux qui se présenteront.

« L’expérience a abondamment prouvé, avons-nous encore indiqué au 29e Congrès, que, lorsque le déroulement des événements échappe au peuple, il finit par se retourner contre lui. La transformation de la société en faveur du peuple implique qu’il ait, de bout en bout, la maîtrise et le contrôle de cette transformation. » À bien des égards, les conditions que nous connaissons aujourd’hui ne peuvent être comparées à des expériences passées. Y répondre suppose créations, initiatives politiques inédites. Prenons ces initiatives !

Ce texte a été adopté par le Bureau national, Maxime Gremetz votant contre.