Article de M. Jean-Marie Le Pen, Président du Front national, à "Identité" en juillet-août et dans "La Lettre de Jean-Marie Le Pen" du 15 juillet 1991, sur l'écologie, en tant que valeur de droite, et sur l'identité nationale.

Prononcé le 1er juin 1991

Intervenant(s) : 

Média : Identité - La lettre de Jean-Marie Le Pen

Texte intégral

Identité juin-août 1991

La cause des peuples par Jean-Marie Le Pen

En dénonçant la « peste blanche », celle qui atteint la volonté des Occidentaux, Pierre Chaunu définissait, il y a quelques années, ce qui attaque notre identité et à quoi lui-même prêta la main, je l’espère inconsciemment, lorsqu’il fut membre de la calamiteuse Commission des sages sur la nationalité : mélange de l’autosatisfaction morale qui était celle des Européens conquérant le monde, mais abandon du désir de dépassement de l’individu, joint à un penchant irrépressible pour l’autodénigrement. La maladie commença par un vague à l’âme « soixante-huitard », dérivé de « l’ennui » des romantiques, pour s’achever par le refus actuel de ce que nous sommes. Comment s’étonner, dans ces conditions, que nous ayons baissé la garde et déserté le rempart, puisque « Je est un Autre », paré des qualités et des fameuses « valeurs » que nous n’aurions plus ou que nous n’aurions jamais eues ?

Certes, l’identité des peuples occidentaux est atteinte, spirituellement et physiquement, mais le ressort n’est pas cassé puisque, de l’Atlantique à l’Oural, les peuples d’Europe se réveillent, s’ébrouent et brisent leurs chaînes, souvent avec d’autant plus de vigueur et de santé que la domination reposait sur la force physique brutale. Cela se voit par contraste chez les Européens de l’Ouest pour lesquels la perte d’identité n’est pas due à l’occupation militaire qui accompagnait à l’Est le « matérialisme historique », mais à une aliénation née du matérialisme marchand, accompagné, il faut le dire, de la chape de plomb des quelques lobbies qui tirent leur puissance et, pour certains, leur prospérité de notre affaiblissement. Les mêmes souhaiteraient aligner sur notre décadence les peuples de l’Est dont ils achètent à tour de bras la presse, les maisons d’édition, les chaînes de radio et de télévision : Big Brother les regarde encore.

C’est de la Nation qu’il s’agit : faire voler en éclats cet être collectif dont ils ramasseraient les morceaux. « Solve et coagule » (« Dissous pour reconstruire »), tel était le mot d’ordre des « illuminés de Bavière » lorsqu’ils décidèrent de s’en prendre aux trônes qu’ils ne contrôlaient pas et qui constituaient des obstacles à leur œuvre de subversion.

Après s’être attaqué aux institutions et à l’organisation sociale — et, sur ce plan, le socialisme social-démocrate, paré des plus de paon d’un pseudo-libéralisme, a été quasiment aussi efficace que le socialisme marxiste —, il faut maintenant dissoudre les peuples qui composent les nations d’Europe, en leur extirpant de l’âme leur culture et leurs traditions. La sinistre besogne est en partie réussie, mais la vie est supérieure à la mort : chaque génération nouvelle est une promesse de renaissance. Voilà pourquoi on a persuadé les Européens que l’enfant est une charge insupportable, et que l’Autre, c’est-à-dire les peuples d’immigration, nous fournira la population qui nous manque. Les femmes du tiers monde seraient ainsi les mères porteuses de notre standing matériel maintenu. Tel est le prédicat, devenu slogan à décerveler.

Il faut rassurer les Occidentaux qui craignent, à juste titre, pour leurs retraites et leur systèmes sociaux : le tiers monde y pourvoira. Comment ? Chez vous ! Si l’absurdité économique et démographique d’une telle proposition saute aux yeux, sa perversité n’en est pas moins grande. Sous le travestissement de l’intérêt matériel immédiat, se cache le projet de supprimer physiquement les peuples, par une instillation régulière et massive d’un sang non européen. Car Babel est la cité idéale des lobbies et puissances occultes, particulièrement de ceux dont le vagabondage intellectuel et l’errance sont une constante historique.

Joseph de Maistre se posait déjà la question : « Une nation peut-elle mourir sur son propre sol (…), par voie de putréfaction, en laissant parvenir la corruption jusqu’à son point central, et jusqu’aux principes originaux et constitutifs qui la font ce qu’elle est ? Si vous en êtes là, il n’y a plus de Français, même en France. » De tels propos ne concernaient, en 1814, que les principes politiques et institutionnels, ainsi que les élites censées les défendre. Aujourd’hui, ce sont les peuples eux-mêmes qui sont atteints, et leur existence physique même qui est en jeu.

Racisme : les chiens sont lâchés sur nous qui souhaitons préserver notre être, ce qui est le propre des organismes vivants. L’amour-propre, c’est-à-dire celui que l’on se porte à soi-même, est le premier dans l’ordre psychologique, bien qu’il ne le soit pas dans l’ordre des fins : si l’on ne s’aime pas, comment aimer les autres ? Non, n’hésitons pas à le dire, les peuples d’Europe sont admirables, parce qu’en leurs différences apparentes, nous nous retrouvons nous-mêmes, comme les cousins retrouvent dans leurs regards celui de leur ascendance commune. Il y a dans cette constatation bien autre chose que de l’exclusion, mais plutôt une idée que le socialisme ne peut comprendre, à savoir que seul le sentiment national peut conduire au véritable internationalisme, celui des rapports de respect et d’intérêts mutuels entre nations distinctes.

National populisme ? Est-ce le mot nation ou le mot peuple qui dérange ? Au moment où à la tête de nos nations se trouvent placés des dirigeants qui les défont, ce doit être la notion de peuple qui provoque le ressentiment des tenants de l’amour de l’humanité en général opposé à l’amour national. Car nos peuples d’Europe, imbrication de familles et de corps intermédiaires fortement enracinés, demeurent le principal obstacle à l’entreprise cosmopolite. Ils ont un passé et ils peuvent encore avoir une descendance t donc un avenir. Là se trouve le motif de la haine contre eux et de notre attachement charnel à nos nations. À travers la survie physique de leurs ethnies, de leurs langues et de leurs cultures, c’est une race spirituelle qui perdure. Nul racisme en cela. Simplement l’observation que les nations et les peuples d’Europe se situent à un aboutissement de l’histoire : aucune origine n’est belle en soi, mais la beauté vient au terme des choses.

La lettre de J. M. Le Pen
15 juillet 1991

Ce n’est pas une hardiesse d’esprit que de déclarer que l’écologie est un détail essentiel de la politique puisque la politique est l’art du bien public. L’écologie doit demeurer le rapport d’harmonie irremplaçable qui existe entre l’homme et son environnement matériel et humain. C’est ce qu’ont d’ailleurs souligné de grands penseurs de droit comme, au début du siècle, le prix Nobel de médecine, le docteur Carrel ainsi que le docteur Carton.

L’homme, en effet, est le premier mais non l’unique, dans le monde vivant et sur la terre. Il est donc comptable du don qui lui a été fait — et de la vie et de la nature. Les droits qu’il s’est acquis par son intelligence et son travail, comportent évidemment des devoirs impérieux envers la vie en général : la faune, la flore, les paysages, la santé, l’intégrité de l’air, de l’eau et de la terre.

L’homme de droite ne devrait pas avoir besoin de se dire écologiste. Il l’est, en quelque sorte, substantiellement car l’une de ses valeurs fondamentales est celle de la conservation et de l’enrichissement des patrimoines : patrimoine naturel, intellectuel, artistique, biologique. L’homme doit donc défendre et exalter sa santé physique, morale et sociale ; il doit préserver les éléments fondamentaux qui constituent le milieu dans lequel il vit : l’air, l’eau, la terre. Ceux-ci sont menacés, agressés, quelque fois même en voie de destruction par des phénomènes de pollution dont beaucoup sont inhérents au développement de la révolution scientifique, technique et technologique.

Là d’ailleurs, réside l’un des contradictions qui explique sans doute l’effondrement du socialisme et de la gauche dans le monde. En effet, l’évolution de ces phénomènes contredit radicalement, l’un des dogmes de la pensée de gauche, à savoir que le progrès scientifique et technique entraînait automatiquement le progrès humain.

Au contraire de la prévision utopiste de la gauche, la révolution scientifique, technologique et technique menace les espèces vivantes, l’homme et sa civilisation ; notamment par les retombés nuisibles de l’énergie nucléaire mais aussi de la chimie de synthèse.

Ces pollutions peuvent être radioactives, chimiques, biologiques, sonores. Elles augmentent l’insécurité ; elles s’ajoutent aux phénomènes d’urbanisation excessive ; elles ne se bornent pas à l’attaque des milieux physiques ou biologiques, mais visent aussi l’univers mental ; elles touchent enfin à l’équilibre de l’homme et des sociétés humaines.

Il s’agit de l’une des questions les plus angoissantes qui se pose, tant à nos sociétés nationales qu’à la société humaine toute entière. Comme l’a révélé le phénomène de Tchernobyl, les frontières ne suffisent pas à protéger les nations et les peuples des accidents qui peuvent se produire dans d’autres pays, ce qui n’est pas une raison pour les supprimer, au contraire.

L’écologie est donc un des domaines où l’action de prévention et de défense dont s’inscrire dans un cadre régional, national et international. L’eau, la mer, les rivières, l’air, la pluie, les phénomènes mondiaux qui intéressent notamment les capacités mondiales de nutrition ainsi que les phénomènes politiques et sociaux révolutionnaires qui peuvent découler de telles désertifications.

Révélation pour beaucoup de gens, ce que l’on croyait être un trésor indestructible, inépuisable, est en train de se détériorer à une vitesse extrême. L’on voit se réduire les espaces forestiers dans le monde et, au fur et à mesure de la progression géométrique des populations, la terre elle-même se désertifie à une grande vitesse. Dans nos pays occidentaux, dont le génie propre était lié justement à la notion de conservation, d’embellissement et d’enrichissement, l’on a vu dans les dernières décennies, en particulier dans le domaine de l’agriculture, saccager et détruire l’œuvre de siècles et de millénaires de travail humain.

La droite, c’est le mouvement écologique par essence, à tous les niveaux de la pensée et de l’action politique. Nous n’avons dans notre programme ni dans notre philosophie de contradictions fondamentales. Il est paradoxal aujourd’hui que la gauche ait pu, grâce à la paresse intellectuelle de l’établissement droitier dans notre pays, se tailler un espace qui est tout à fait indu car c’est la philosophie de la gauche qui a abouti aux aberrations que l’on a connues dans ce domaine.