Interview de M. Charles Pasqua, sénateur RPR, dans "La Dépéche du midi" du 4 mars 1999, sur la constitution de sa propre liste pour les élections européennes de juin 1999, son refus du fédéralisme de l"euroland" et sa définition de la souveraineté nationale.

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Média : La Dépêche du Midi

Texte intégral

La Dépêche du Midi :
« Marchons contre l’Euroland ! », écrivez-vous sur vos affiches. Mais, l’Euroland, qu’est-ce, sinon une autre dénomination de l’Europe ?

Charles Pasqua :
Si c’était l’Europe pourquoi l’appellerait-on Euroland ? J’appelle Euroland cette partie de l’espace européen où est établi l’euro. Donc, ce sont les technocrates de Bruxelles et les gens de la Banque centrale européenne qui, finalement, gouvernent cet Euroland. Un espace dominé par trois pouvoirs : le pouvoir financier avec la Banque centrale de Francfort ; le pouvoir juridique avec la Cour du Luxembourg qui, avec le traité d’Amsterdam, peut en imposer aux droits nationaux y compris aux diverses constitutions ; le pouvoir politique avec la Commission européenne, au détriment de l’institution qui représente les nations : le Conseil des ministres… L’Euroland, c’est ça. Moi, je suis pour l’Europe…

La Dépêche du Midi :
Euroland ou pas, cette construction n’ira pas sans abandons de souveraineté de la part des États !

Charles Pasqua :
Non ! C’est là que réside la différence entre la conception d’une Europe comme Europe des nations et celle d’une Europe allant vers le fédéralisme. Pour moi, il ne saurait être question d’abandon de souveraineté, mais de délégations de compétences. Délégations que chaque État peut reprendre lorsqu’il y va de ses intérêts vitaux. Voilà, pour moi, ce que doit être l’Europe : une association de nations souveraines.

La Dépêche du Midi :
Vous n’êtes pas, alors si eurosceptique que ça !

Charles Pasqua :
Ça, c’est un terme inventé par les champions de la pensée unique ! Par ceux qui adopte la ligne souhaitée par Bruxelles. L’Europe, existe. Je le sais bien. Je suis pour une Europe des coopérations. Comme l’Europe d’Airbus et d’Arianne que vous connaissait bien à Toulouse et qui n’ont rien à voir avec l’Europe de Bruxelles. Le général de Gaulle était, lui, pour une Europe Européenne face aux deux blocs. Aujourd’hui, croyez-vous que l’Europe soit une force par rapport à l’hégémonie américaine ?
Enfin, alors que les principales orientations politiques y sont fixées en fonction des critères de rigueur et de stabilité monétaire, que restera-t-il à faire aux États ? Payer les chômeurs !

La Dépêche du Midi :
Face à cette Europe, ou cet Euroland, vous ne savez dire que « non » !

Charles Pasqua :
Pour exister, il faut conserver le pouvoir de dire « non » ! C’est la définition même de la souveraineté. Je dis aux citoyens : en acceptant le traité d’Amsterdam sans consultation populaire, sans référendum, on vous a enlevé ce pouvoir qui vous appartenait.
Au soir des élections européennes que comptera-t-on ? D’un côté, ceux qui sont pour une Europe fédérale ; d’un autre côté, les autres. Voilà, l’enjeu ! Ma liste qui ne sera pas définitivement constituée avant la fin avril. Mais croyez-moi, elle vous surprendra.