Interview de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, à France-Inter le 15 mars 1999, sur la proposition de mutualisation du un pour cent logement faite par la fondation Abbé Pierre.

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Média : France Inter

Texte intégral

G. Courchelle :
La fondation Abbé Pierre affirme qu'il y a une montée de la précarisation des salariés dans le logement social. Au ministère du logement, pouvez-vous chiffrer cela ?

L. Besson :
« Écoutez, on fait les mêmes constats dans le domaine de la précarité que ceux qui sont faits au niveau du ministère de l'emploi et de la solidarité, au niveau du Gouvernement tout entier. C'est une réalité qui ne peut que préoccuper et pour laquelle d'ores et déjà un certain nombre de dispositions et de dispositifs ont été mis en place ».

G. Courchelle :
Mais ce sont des dispositifs qui sont conjoncturels. La Fondation Abbé Pierre propose une réforme structurelle ; elle propose la mutualisation et l'élargissement du 1 % logement. Est-ce que cela vous paraît applicable et dans quelles conditions ?

L. Besson :
« Nous faisons un pas dans ce sens avec, comme vous le savez, l'accord que nous avons conclu avec les partenaires sociaux, car les fonds du 1 % logement ne sont pas gérés par l'État mais par les partenaires sociaux. Nous avons convenu avec eux de la mise en place de dispositifs de sécurisation de l'accès au logement et des loyers – donc de prévention contre les impayés de loyer – selon des modalités que des textes à paraître avant la fin de ce mois préciseront. C'est une démarche qui va bien dans ce sens. La mutualisation serait une formule plus ambitieuse, moins évidente, qui mériterait un travail tout à fait approfondi et qui doit bien sûr passer par cette discussion avec les partenaires sociaux ».

G. Courchelle :
Quelle est l'attitude des syndicats et des entreprises sur cette proposition ?

L. Besson :
« Je ne crois qu'elle leur ait formulée encore exactement sous cette forme. Il y a eu une ouverture de leur part : à la fois prise en compte des besoins des candidats salariés – mais qui ne le sont pas – alors qu'il y a quelques années seulement, le 1 % était réservé aux salariés des entreprises cotisantes. Donc l'élargissement vers les autres plus précaires heureusement est fait. Mais les modalités d'intervention sont celles que je viens de vous indiquer. Elles vont être précisées incessamment ; elles ne sont pas dans la logique de la mutualisation, qui serait une autre étape, mais encore faut-il regarder cela d'assez près pour voir si cela peut marcher. Autant il y a une certaine égalité dans les soins qu'on peut avoir à faire assurer, autant dans le domaine du logement, nous sommes confrontés à beaucoup de situations très contrastées. L'offre n'est pas la même dans toutes les villes ; les niveaux de loyers ne sont pas les mêmes dans toutes les villes ; entre une petite ville et la région parisienne, l'écart peut aller jusqu'à 1 à 5. Si nous avions un système national de mutualisation, nous aurions le problème d'une tarification quasiment unique. Je ne suis pas certain que ce soit très adapté à cette réalité à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui ».

G. Courchelle :
Vous avez dit que le 1 % logement était géré par les partenaires sociaux – les syndicats de salariés et les entreprises. L'État ne peut-il pas prendre des mesures incitatives pour faire bouger les partenaires sociaux et, en particulier, prendre des mesures incitatives dans la préparation du prochain budget.

L. Besson :
« L'État prend des mesures incitatives d'une manière permanente, c'est-à-dire qu'il soumet à la discussion des propositions et c'est vrai que dans un certain nombre de domaines, il a été très positivement entendu. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que les mesures à venir du 1 % – dont on n'a pas encore le bilan, puisque qu'elles ne sont pas encore appliquées, elles vont l'être à partir des prochaines semaines – s'ajoutent au renforcement des fonds de solidarité logement qui ont été créés en 90 et qui ont déjà aidé quelque 800 000 familles. Leurs moyens ont été doublés par l'État dans les deux dernières années, ce qui, bien évidemment, vient en complément du dispositif permanent d'aide à la solvabilité des ménages modestes pour leurs charges de logement que constitue le versement mensuel des allocations logement et des APL ».

G. Courchelle :
Mais le problème, c'est que tous ces dispositifs et toutes ces aides ne sont que des aides à cours ou à moyen terme ?

L. Besson :
« Celles dont je viens de vous parler, ce sont des aides régulières et permanentes. Le problème c'est de les rendre plus adaptées aux évolutions de situations. Mais il faut savoir qu'aujourd'hui, les allocations logement ou l'APL, c'est un effort de quelque 75 milliards annuellement que le Gouvernement de L. Jospin a revalorisé et actualisé régulièrement, et ce qui représente des prestations versées en supplément de quelque 5 milliards depuis vingt-et-un mois ».