Texte intégral
Q - Pour les Français, vous êtes Dany le rouge ou Dany le Vert ?
Les deux. Dany le rouge, c'est resté dans l'imaginaire. Mais quand je vais à la Hague, c'est bien le vert qui est accueilli. Cela dit, les gens sont très réceptifs.
En tout cas, je ne laisse pas insensible.
Q - Surtout pas les agriculteurs et les... ? ... (On n'a pas eu le temps de finir la phrase)
Il y a une grande incompréhension. Dans ma conception de la vie, la ruralité est fondamentale. Ce que je critique, c'est une certaine forme d'agriculture qui distribue 67 % des subventions à 20 % de gros. Je suis favorable à une réforme de la Pac qui donne une aide à l'exploitation et non à la production avec une prime pour la qualité et le bio. Une agriculture extensive doit succéder à une agriculture intensive qui crée des inégalités entre agriculteurs, beaucoup d'agriculteurs sont d'accord avec mon discours ; il est vrai qu'ils sont plutôt à la confédération paysanne qu'à la FNSEA. Je plaide pour une réforme de fond, une révision du mode de production et du rôle de l'agriculteur dans son environnement. Cela concerne aussi l'irrigation, l'utilisation des pesticides. Et à ce titre, les CTE vont dans le bon sens.
Q - Et les chasseurs. Ils semblent vous préférer à Dominique Voynet ?
Encore un malentendu. Les Verts ne sont pas anti-chasse, mais pour une non chasse.
Q - C'est subtil...
Je m'explique : il faut parvenir à un compromis qui permette aux chasseurs, aux citadins, aux usagers en général de profiter de la nature. Et ces accords, ils doivent se faire ensemble entre chasseurs et non chasseurs. Sur les directives européennes, c'est pareil : il existe des compromis et il faut les trouver ensemble pour sortir de l'impasse et mettre en place une chasse écologique.
Q - Si Voynet est prise à partie, c'est parce qu'elle est écologiste, ou parce que c'est une femme ?
En politique et dans les gouvernements il faut toujours des boucs émissaires... C'est nul d'avoir attaqué et insulté Dominique en tant que femme, surtout quand on évoque en France la parité et l'égalité. À ce propos, je suis pour la loi sur la parité, car en France, il est tant que nous les hommes apprenions à vivre cette égalité.
Q - Vous étiez parti fort. Mais finalement c'est moins le provocateur qu'un candidat consensuel qui semble en campagne ?
Ma personne et mon discours sont caricaturé en permanence et il y a eu toute une série d'incompréhensions. J'ai des convictions fortes : je suis favorable à la régularisation des sans-papiers, j'estime que sur la réduction du temps de travail le Gouvernement ne va pas assez vite et qu'il est temps de mettre en place au niveau européen. Je pense aussi qu'il n'y a pas suffisamment de prévision sur l'énergie… Cela dit avoir des positions fortes n'empêche pas d'écouter les autres, de dialoguer. Je le fais depuis le début de la campagne, et c'est pour cela que je suis à Toulouse et à Montauban cette semaine. Les Verts se battent sur des sujets européens.
Q - Certains ont eu l'impression, qu'on rappelait Cohen-Bendit pour donner une pointe de révolte, de provocation et pour son aisance médiatique ?
J'ai une image, elle ne changera pas. Mais j'ai surtout une méthode qui est celle du dialogue et une histoire politique. À Francfort, où j'étais conseiller municipal, nous avons réalisé des actions dans le domaine de l'intégration, du chômage, de la politique de la ville, de l'environnement. Les Verts, c'est un parti en mesure de proposer des programmes de gouvernement, des actions à long terme, pas forcément provocatrices ou médiatiques.
Q - Sur le nucléaire, vos amis verts allemands ont avalé les couleuvres ?
Ils ont fait des concessions sur le calendrier de sortie pas sur le fond. Bien évidemment que la France ne se débarrassera pas du nucléaire comme cela. Mais j'estime que dès aujourd'hui, on doit mettre en place un programme de diversification vers le gaz, les énergies renouvelables, l'économie d'énergie pour être prêt à l'échéance 2010 qui verra le renouvellement de centrales. 90 % de la recherche scientifique sur l'énergie est aujourd'hui consacrée au nucléaire en France. C'est trop.
Q - Faire campagne en France et en Allemagne, c'est pareil ?
En Allemagne, les divergences européennes portent davantage sur une politique européenne que sur des problèmes internes. En France, on assiste au cours de cette campagne à de nombreux faux-débats, cela dit, laissons le temps au temps. Petit à petit, la campagne avec davantage de dialogue s'oriente vers des thèmes européens. Il faut sortir des débats sur Maastricht ou Amsterdam pour accélérer la construction. Et se poser les vrais questions sur l'Europe : pourquoi par exemple en France 40 % des fonds accordés par Bruxelles aux régions pour le développement économique, la formation etc. ne sont pas utilisés. Si l'on ajoute aujourd'hui toutes les composantes de la vie politique française favorables à cette construction, on obtient une très large majorité.
Q - Mais beaucoup de Français ne s'enthousiasment pas pour cette Europe lointaine ?
Parce qu'au lieu de défendre et d'expliquer pourquoi la construction européenne est nécessaire, on fait peur aux gens ou on n'en dit pas assez pour ne pas les effrayer ! Encore une fois, c'est par la parlementarisation et l'élection de l'exécutif européen au suffrage universel que l'on avancera.
Q - Qu'est ce qui vous différencie des autres composantes de la majorité plurielle ?
En préalable, j'estime que nous sommes plus proches sur l'Europe du PS et du PRG que ne l'est le Mouvement des Citoyens. La différence avec eux, c'est que nous plaidons pour une révision des institutions européennes qui donne un vrai pouvoir au Parlement européen qui n'a qu'une mission consultative. Je suis pour que le président de la commission, voire les commissaires soient élus au suffrage universel direct par tous les citoyens européens. Au moins, ils auront une visibilité sur les institutions européennes. Avec Robert Hue et son équipe, nous partageons les principaux points de vue sur l'essentiel, mais nous sommes certainement plus communautaires et plus fédéralistes.
Q - On a également dit que vous étiez libéral ?
Encore une erreur d'interprétation. C'est vrai au sens d'un libéralisme politique à propos des institutions de la démocratie qui renforce le parlementarisme mais je suis contre le néo-libéralisme à la Milton Friedman qu'applique aussi Pinochet…
Q - Finalement, vous êtes centriste ? Plus proche de Bayrou que de Robert Hue ?
On ne peut pas dire cela. Sur la construction européenne et ses institutions, nous serions proches de Bayrou mais on ne peut accepter son néo-libéralisme économique. Sur le PCF, tel qu'on le voit évoluer sur l'Europe démocratique tournée vers le citoyen, nous sommes en grande partie en phase. Cela dit plus proche de Bayrou que de Pasqua, Madelin ou Séguin, oui.
Q - Une vingtaine de listes annoncées, cela traduit un émiettement de la vie politique française ?
Ce n'est pas plus ni moins que les fois précédentes. C'est une élection à la proportionnelle, principe que les Verts défendent, donc conçue pour que toutes les familles se présentent, cela dit, il faut 4 MF pour imprimer ses bulletins et cela va limiter les candidatures réelles.
Q - Vous un fan de foot. Pourtant vous écriviez en 1996 que la France ne battrait pas l'Allemagne ? (hésitation)
C'était après l'euro 96 et la déception qu'avait procuré l'équipe de Jacquet. Mais il a su leur donner l'envie de gagner, libérer les capacités individuelles et surtout l'équipe a démontré une capacité extraordinaire à s'organiser alors que les Allemands se sont enfermés dans leurs certitudes, se sont coupés de l'envie, de la joie. Cela dit, l'équipe de France est plus forte aujourd'hui que pendant le mondial car elle a trouvé avec Anelka l'attaquant qui redimensionne tout le monde.
Q - Cohn-Bendit, c'est l'Anelka des Verts ?
(Rires) On ne se ressemble pas. Mais j'aime être offensif.
Q - Les sondages, vous les suivez...
Comme tout le monde, mais c'est une photographie d'un instant donné. J'étais à 10, je suis descendu à 5, je remonte à 7-8. À trois mois d'une élection, ce n'est pas vraiment significatif.
Q - Vous vous régalez depuis le début de la campagne ?
J'ai passé beaucoup de temps à expliquer des malentendus à « déconstruire » des préjugés, des jugements préfabriqués. Le plus intéressant car les débats fondamentaux sur l'Europe vont se poser maintenant.