Texte intégral
Question : La solidarité n'est plus la même... Les pays ne souhaitent-ils pas être traités sur un pied d'égalité ?
Réponse : Il est évident que les 53 pays figurant dans la zone de solidarité prioritaire ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes. Les solutions que nous envisageons sont donc différentes, et le volume de l'aide que nous allons leur apporter ne sera pas forcément utilisé avec la même intensité. Ne serait-ce que pour tenir compte des capacités qui peuvent varier de la part d'un pays partenaire à un autre selon sa situation et la configuration de son économie à un moment donné. Cela m'amène à rappeler que le fait d'appartenir à la zone de solidarité prioritaire, la ZSP, n'équivaut pas à un droit de tirage automatique. C'est une vocation à bénéficier de la coopération française à travers un contrat de partenariat en développement. Nous allons organiser sur une période moyenne, disons cinq ans, nos engagements réciproques, les nôtres, bien sûr, mais aussi les efforts que nous attendons de nos partenaires en matière d'amélioration de la gestion publique. Ce point vaut aussi bien pour l'organisation judiciaire que pour celle des douanes et, plus largement, de la bonne gouvernance. Nous souhaitons que ce partenariat se développe dans un climat de confiance, autorisant en particulier un dialogue politique sur tous les sujets qui peuvent fâcher. Je pense à l'alternance démocratique, aux Droits de l'Homme. Cela nous renvoie à l'évaluation de notre coopération internationale au sens large. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) nous y oblige, et seule une logique « projets » permettra son évaluation.
Nous devrons aussi gagner en flexibilité, de façon à pouvoir très rapidement porter les inflexions ou les corrections, voire suspendre les coopérations qui se révéleraient inutiles. Et, autre corolaire, nous sommes convaincus de l'importance de l'aspect institutionnel. C'est largement à cause de la faiblesse des instruments de l'État que nombre de pays en développement se trouvent en situation de crise. Oserais-je dire qu'avec une administration plus solide, on traverse plus facilement les alternances politiques ?
Question : L'aide bilatérale trouve-t-elle encore sa justification au sein de la ZSP ?
Réponse : J'en suis convaincu, spécialement en ce qui concerne l'Afrique francophone. Je pense, en plus, que compte tenu de son histoire, la France continue d'avoir un rôle important à y jouer en partenariat avec les institutions multilatérales. Ce qui n'est pas vrai pour les autres pays du monde, où, en dehors d'une présence culturelle et scientifique, nous sommes d'accord qu'il nous faut plutôt agir à l'intérieur des institutions multilatérales. Ce qui signifie que nous devons être plus présents au sein de ces institutions et mieux organisés entre Européens et, sans doute, avec les pays en développement. Il y a certainement des majorités d'idées à constituer pour faire prévaloir les approches sociales et culturelles auxquelles nous tenons.
Question : Les organisations non gouvernementales jouent un rôle de plus en plus actif en matière de gestion de l'aide au développement. Cette tendance va-t-elle durer ?
Réponse : L'ère de la coopération de projets tend en effet à s'effacer devant la coopération d'acteurs, de plus en plus diversifiés et de moins en moins étatiques : villes, régions, ONG, entreprises, mutuelles, syndicats. Les partenariats deviennent complexes, multiformes et donc bien plus passionnants.
Question : C'est dans le droit fil de la réforme de la coopération en France ?
Réponse : D’une certaine façon, oui, car si la France maintient ses flux d'aide publique au développement, elle veille à ce que celle-ci soit affectée à des dépenses de développement, en liaison avec les ONG compétentes. Nous sommes, en effet, confrontés à des contraintes budgétaires qui nous obligent à gagner en efficacité. Ne serait-ce que pour prendre en compte l'augmentation du nombre des pays avec lesquels nous organisons ce partenariat. Vous aurez en effet observé que la zone de solidarité prioritaire dépasse largement le « pré carré » francophone. Si nous voulons être aux côtés de pays francophones qui se battent pour leur développement et leur démocratie, tout en répondant à la demande de coopération avec la France émanant de pays hispanophones ou anglophones, comme le Nigeria, il nous faut, à volume d'aide publique constant, gagner en efficacité.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 avril 1999)