Texte intégral
Monsieur le Député,
Depuis que vous avez été élu, vous représentez le peuple de France dans son ensemble. C'est au citoyen chargé de cette lourde mission que je m'adresse par la présente, hors de tout débat de politique politicienne et hors de toute référence à votre appartenance à tel ou tel groupe parlementaire.
Vous me connaissez au moins par ouï-dire et vous savez donc le soin que je prends à éviter toute confusion des rôles : c'est un syndicaliste représentant une partie du monde salarial français, soucieux de l'avenir économique de son pays et aussi des intérêts matériels et moraux des femmes et des hommes qui lui font confiance, qui vous demande quelques minutes d'attention.
Ne votez pas, Monsieur le Député, le projet de loi afférent à la contribution sociale généralisée tel qu'il vous est présenté par Monsieur le Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité. Ne vous laissez pas non plus imposer ce texte par l'habituel recours à l'article 49-3. Dans un cas comme dans l'autre, vous seriez en opposition aux intérêts de la grande majorité de ceux qui vous ont fait confiance, quelle que soit l'étiquette sous laquelle vous avez été élu.
Le problème posé par le gouvernement aux parlementaires dépasse singulièrement les traditionnels affrontements Gauche-Droite qui se déroulent habituellement au Parlement.
Sous prétexte d'élargir l'assiette de financement de la Sécurité Sociale, le gouvernement aboutit à un texte qui fait apparaître un nouvel impôt direct et qui, d'autre part, met en place une nouvelle mécanique de transferts sociaux, sans pour autant répondre au problème initialement posé : comment mieux gérer la sécurité sociale et assurer les moyens de son financement ?
Chaque chose en son temps me direz-vous peut-être, mais pourquoi mettre la charrue avant les boeufs et reporter à plus tard le débat sur la maîtrise des dépenses de santé et celui sur l'avenir de nos systèmes de retraite qui auraient dû constituer la phase préalable du débat qui vous est proposé aujourd'hui ?
Pourquoi, par ailleurs, vous demander d'initier un nouvel impôt prélevé à la source, sans que ne soit examinée au fond la problématique de la fiscalité française et pris en considération le caractère atypique de notre impôt direct, avec son assiette de plus en plus étroite et sa progressivité de plus en plus forte ?
La modernité, n'en déplaise aux porte-paroles du gouvernement, implique la transparence de la démarche et la clarté du projet. Lorsqu'il s'agit en réalité d'une intention de réforme des deux institutions majeures que sont dans notre pays la fiscalité et la protection sociale, elle passe aussi par la recherche d'un consensus national sauf à voir apparaître des phénomènes de rejet irréparables.
Je vous demande, Monsieur le Député, de prendre conscience de l'importance du doute et de la dimension du refus qui se dessinent dans le pays malgré l'ampleur de la campagne développée par le gouvernement.
À différentes reprises, le Premier ministre a avancé les concepts de justice sociale et de solidarité pour justifier sa démarche. Personne n'a le droit, même pas le Chef du gouvernement, de s'approprier ces nobles idées en étayant son argumentation sur des contre-vérités.
Mais mon propos n'est pas d'ouvrir une polémique car vous savez que les femmes et les hommes que je représente n'ont pas de leçon à recevoir en matière de solidarité nationale : le poids des prélèvements fiscaux et sociaux qu'ils supportent leur donne le droit d'être respectés et écoutés à tout moment.
Je souhaite, Monsieur le Député, l'instauration d'une cotisation sociale généralisée, déductible de l'assiette fiscale et dont le taux devrait être déterminé après que vous ayez pu vous prononcer sur la réalité de la situation de notre Sécurité Sociale.
Voilà ce qui pourrait être qualifié de modernité et de justice sociale.
Je vous remercie, Monsieur le Député, d'avoir pris le temps de me lire. J'espère vous avoir convaincu et vous prie de recevoir l'expression de mes sentiments les meilleurs.