Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Alors que je viens de prendre la charge de ce ministère de la culture et de la communication, je me réjouis de ce que ce soit la fête de la musique qui me donne l’occasion de cette première rencontre avec vous tous, acteurs ou partenaires de la vie musicale de notre pays.
La musique, parmi tous les arts, qu’elle soit savante ou populaire, de répertoire ou de création, est un art fondé sur l’échange et le partage, entre amateurs et professionnels. C’est un art qui se pratique collectivement – l’on joue et l’on chante ensemble – et c’est pourquoi je crois, et je souhaite surtout que dans notre société de demain la musique, toutes les musiques, aux côtés des autres disciplines artistiques, aient un rôle majeur à jouer. Rassembler les gens sans frontières : voilà le miracle qu’opère la musique.
Si l’installation du nouveau Gouvernement ne m’a pas permis de tenir plus tôt comme je l’aurais souhaité, une conférence de presse permettant d’annoncer les multiples événements qui vont marquer la journée, la soirée et une partie de la nuit de ce 21 juin, j’ai cependant tenu à vous réunir le jour même de cette 16e édition de la fête de la musique, fête qui revêt pour moi un fort caractère symbolique.
Cette fête a déjà commencé.
Nous en percevons d’ici les échos. Plusieurs concerts ont déjà eu lieu ce matin dans les jardins du Palais Royal. Une grande scène, avec le concours de Radio France, y est également préparée pour ce soir pour accueillir de nombreux musiciens européens.
À Paris certes, mais aussi dans nos villes, nos régions, les pays voisins et le monde entier, elle résonne déjà, ou va bientôt le faire. Tous nous implorons le ciel pour qu’il soit clément.
D’année en année la fête de la musique, tout en gardant sa spontanéité, est devenue le grand rendez-vous de toutes les musiques et de tous les musiciens, avec tous les publics. Véritable fête populaire, qui se déploie chaque année un peu plus dans le monde entier.
Ce succès, avec ses milliers de manifestations en France, en Europe et dans le monde, retient naturellement l’attention du ministre que je suis et nourrit sa réflexion.
La fête de la musique témoigne du foisonnement extraordinaire des pratiques musicales en France. Elle donne envie de faire encore plus, de conquérir d’autres publics.
La vie musicale des Français, rappelons-le, c’est la pratique quotidienne de centaines de milliers d’amateurs, de dizaines de milliers de professionnels ; ce sont aussi les réseaux que constituent les milliers d’écoles de musique ; ce sont aussi les institutions musicales de création et de diffusion : opéras, orchestres, ensembles instrumentaux de toute nature, chorales et ensembles vocaux. C’est un univers tout entier, vibrant de richesses… Faire de toute la cité, une cité de la musique, voilà ce que nous voulons. Pour cette récolte nous devons semer. Plus nous favoriserons l’éducation artistique, plus la récolte sera bonne.
Diversité des acteurs, diversité des expressions artistiques, la fête de la musique permet à tous les praticiens de s’exprimer. Mais elle va plus loin : elle leur permet de témoigner de collaborations durables, originales, souvent généreuses et parfois discrètes entre des catégories que l’on oppose trop souvent : amateurs et professionnels, institutions musicales permanentes et populations en difficulté, artistes confirmés et jeunes publics. À propos de culture, je parle souvent de lien social. Parce que pour moi cette notion est essentielle.
Diversité des musiques, que ne reflète peut-être qu’imparfaitement un vocabulaire qui cloisonne sans doute excessivement les genres et les esthétiques : musiques traditionnelles, musiques d’aujourd’hui, musiques populaire, savante, classique, contemporaine, écrite, improvisée, acoustique, amplifiée, vocale, instrumentale… et qui, à mon sens, témoigne du réel ancrage de la musique dans notre pays et dans notre temps.
Nous sommes attentifs au développement de l’expression culturelle née de la réalité de nos territoires, de nos villes et de nos régions, parce que soucieux de voir la culture jouer pleinement son rôle dans un projet de société, fondé sur le respect et l’épanouissement de l’individu. Cette fête est une réalité et un symbole.
Elle est présente cette année plus que jamais dans les quartiers périphériques, dans les centres ville, les grandes communes et les zones rurales.
Cela témoigne des énergies présentes, mais aussi d’une attente. L’accès à la pratique et à la création musicales suppose notamment des réponses appropriées en termes d’éducation, d’enseignement artistiques et de formation professionnelle. La fête témoigne aussi d’une forte demande de reconnaissance sociale et d’accompagnement de ces pratiques dans leur diversité.
La fête est un moment, elle n’est possible que si notre effort (celui de l’état, des collectivités locales, des associations) est continu, quotidien.
Je mesurais hier, comme maire d’une grande ville, je mesure aujourd’hui, comme ministre, la responsabilité des pouvoirs publics dans l’aménagement du territoire que nous devons mettre en œuvre de façon particulièrement volontaire, dans le domaine culturel et singulièrement dans ce champ musical que nous évoquons aujourd’hui. Nous devons, tous ensemble, œuvrer pour que l’accès à la culture progresse et que l’égalité des chances se traduise dans la réalité.
Ce n’est certes ni le moment ni le lieu d’entrer pour moi dans le détail de la politique de développement musical que j’ai pour mission de proposer, et de mener en liaison avec des partenaires dont il conviendra de préciser les compétences, et partant, les responsabilités.
Je tiens cependant à vous indiquer ce que devront être, à mon sens, les axes de réflexion d’une politique musicale que je veux ambitieuse et que je souhaite définir en dialogue avec les professions et les élus locaux qui partagent avec l’État certaines des responsabilités de notre vie culturelle.
En premier lieu, l’éducation et l’enseignement musical constituent des enjeux déterminants. Ce dont il s’agit d’abord, et ce à quoi je suis résolue de travailler avec vous, c’est de développer un enseignement musical d’une qualité toujours plus grande, et accessible au plus grand nombre.
Il y a urgence, à mon sens, à créer des relations profondes, institutionnelles et pédagogiques, entre l’enseignement spécialisé dispensé dans les écoles de musique, et l’enseignement général. Il y a urgence à consacrer la place de la musique comme enseignement fondamental, parce que facteur de développement individuel. À ce titre, la question de l’aménagement des rythmes scolaires devra être reprise, bien entendu en étroit partenariat avec l’éducation nationale.
C’est à ce prix que nous pourrons définir et dégager les moyens appropriés au renforcement du grand réseau des écoles de musique, dont je mesure aujourd’hui à la fois la richesse et, en même temps, la fragilité.
L’éducation musicale est un enjeu majeur qui détermine une grande part du développement de la pratique des amateurs. La fête de la musique qui, dès son origine leur a été en quelque sorte dédiée, me permet précisément d’insister sur l’intérêt que je leur porte.
L’égalité d’accès aux enseignements de la musique, le respect d’une expression artistique plurielle, doivent permettre à cette pratique musicale qui est la première pratique culturelle des français, de s’épanouir suffisamment pour que les amateurs, qui doivent trouver leur juste place dans notre vie musicale, rencontrent, et à tout âge, des moyens de progresser et de s’exprimer devant des publics.
À cet égard, l’émergence des musiques actuelles témoigne à la fois d’une prodigieuse vitalité, mais aussi d’attentes spécifiques vis-à-vis desquelles les pouvoirs publics doivent pouvoir donner de vraies réponses avec des moyens d’action appropriés, tant en terme de formation que de soutien à des lieux spécifiques de répétition et de spectacle. Des lieux comme le Bikini, l’Aéronef, le Chabada, l’Olympique, le Transbordeur, la Laiterie sont autant de lieux en passe de devenir aussi mythiques pour une nouvelle génération que le sont l’Opéra Garnier ou la salle Pleyel pour nous.
Si les réseaux d’enseignement et leur prolongement en matière de pratique représentent en quelque sorte la clé de voûte d’une politique musicale à long terme, le renforcement de nos institutions de diffusion n’est pas, à mes yeux, un moindre enjeu.
Il s’agit d’abord de nos grandes institutions de diffusion symphoniques, lyriques et chorégraphiques, qui sont, en région comme à Paris, porteuses de nombreux emplois de musiciens et danseurs. Elles constituent un socle à partir duquel nous devons envisager la conquête de nouveaux publics.
L’État doit et peut aider ceux qui entreprennent non seulement en moyens financiers, mais en donnant clairement à voir l’intérêt qu’il manifeste pour telle ou telle forme de musique qui n’apparaîtrait pas comme évidente à tous.
Enfin, et même si je ne le développe pas devant vous aujourd’hui, je m’emploierai à renforcer la politique de création musicale. Il me semble en effet de la responsabilité de l’État de créer les conditions favorables à la constitution des répertoires de demain, et qui seront peut-être joués à de prochaines fêtes de la musique !
Je n’ai évoqué devant vous que quelques axes prioritaires de travail, qui, à mon sens, devront s’inscrire dans un projet d’ensemble, porteur d’avenir pour la vie musicale.
Les autres sujets abondent, telle l’action internationale de la France et sa dimension européenne à laquelle je suis particulièrement sensible. Je suis déterminée à ce propos à tout mettre en œuvre pour poursuivre l’action engagée par la France visant à convaincre tous nos partenaires européens du bien-fondé d’une baisse du taux de TVA sur le prix du disque. Cette mesure me semble essentielle, qui favoriserait tout un jeune public pour lequel l’achat de disques représente l’une de leurs premières dépenses culturelles.
Ces quelques priorités que j’ai esquissées devant vous doivent être envisagées et développées dans un contexte plus général d’aménagement culturel du territoire, comme dans l’optique d’un projet européen auquel vous savez que je suis particulièrement attentive.
Là aussi, le réseau « fête de la musique », qui regroupe depuis 1995, des villes, des communautés, des pays, sous l’impulsion de municipalités ou de ministères, avec l’aide de la Commission européenne (DGX), a su, depuis 1995, se montrer un élément moteur de la construction d’une Europe culturelle.
Cette année, des plateaux d’artistes européens se multiplient, notamment à Paris, Budapest et Berlin, tandis que plus de 300 municipalités italiennes et 32 villes hongroises s’associent cette année à la fête.
Sans la participation de nombreux partenaires publics et privés, fidèles à la Fête de la Musique, celle-ci ne saurait se dérouler dans d’aussi bonnes conditions.
Parmi eux, je tiens à citer tout particulièrement :
- Radio France, qui non seulement couvre largement la fête à travers toutes les stations, mais aussi lui consacre une « Nuit des amateurs », mobilise ses formations musicales, offre un grand concert à Evreux, et retransmet ce soir sur sa nouvelle chaîne « Le Mouv’ » le concert du Palais-royal.
- Radio-France Internationale., qui anime un plateau « Musiques du Monde » au jardin des Tuileries, en liaison avec le ministère de la coopération, MCM et Radio Nova, et a édité un CD « Fête européenne de la musique » destiné à toutes les radios partenaires dans le monde.
- la SACEM, partenaire « historique » qui régulièrement, depuis 1982, abandonne ses droits !
- la SNCF et la RATP, qui modifient leurs horaires la nuit du 21 juin et qui organisent des concerts dans les gares, les stations…
- le journal Le Parisien, qui publie le programme officiel complet de la fête de la musique à Paris et en Île-de-France.
- la confédération musicale de France, avec ses 5 500 écoles de musique et associations musicales, regroupant près de 700 000 musiciens sur toute la France et propose cette année une création dans différentes régions de France à l’occasion de la fête.
- le réseau des maisons des jeunes et de la culture, qui est un lien de la fête avec les quartiers, au même titre que le réseau printemps, qui participe notamment, à l’organisation de concerts en milieu carcéral.
- Ricard Live Music qui s’associe cette année avec l’association « Couleur Carnaval » pour offrir au public une immense fête musicale de rue.
- Kiosques en fête, réseau de 68 kiosques à travers la France.
- et tous les autres, partenaires publics ou privés, associations, institutions ou personnes physiques dont l’imagination et générosité rendent possible, cette année encore, une telle fête.
Grâce à vous tous, la fête de la musique est aujourd’hui un fait culturel et de société de première importance réunissant par-delà bien des frontières le plus grand nombre d’initiatives individuelles et collectives, la plus grande mobilisation d’organismes et d’institutions, l’implication la plus originale de partenaires publics et privés.
Elle vient célébrer ce bien commun, qui est la musique.
À ce titre, sans doute peut-elle être considérée comme un symbole, mais aussi comme une invite d’abord à l’écoute, au partage, puis à l’action.