Texte intégral
La Montagne : Pourquoi tenez-vous tant à ce projet ?
Valéry Giscard d’Estaing : Aujourd’hui, l’opinion mondiale s’intéresse à l’espace, se passionne pour le travail des modules qu’on envoie sur Mars alors que l’on vit sur une planète que l’on connaît encore mal. Je suis convaincu qu’on va maintenant s’intéresser à ce qui se passe et s’est passé sous nos pieds. De plus en plus, on se passionne pour la vie interne de la planète.
On s’interroge sur ses mouvements, son bouillonnement, son réchauffement, sur les événements les plus singuliers qui se manifestent de temps en temps. Le fait de créer un musée du volcanisme et du centre de la Terre sera un atout très fort, très attractif pour répondre à l’attente des populations.
Lorsqu’il ouvrira en juillet 2000, ce sera l’événement médiatique de l’année, qui aura ensuite des retombées très fortes pour l’Auvergne et son image.
La Montagne : Pourquoi tenez-vous tant à ce projet sur le site de Saint-Ours-les-Roches ? Pourquoi pas ailleurs, au Puy de Crouël ou d’Anzelles, comme certains le suggèrent, plus éloigné de la cheire des Cômes ?
Valéry Giscard d’Estaing : Le terrain qui appartenait à la défense nationale n’est pas au cœur de la chaîne des Puys mais à la périphérie. Nous sommes relativement loin de la cheire de Côme qui, d’après les fouilles effectuées, n’a jamais eu de sources, ni d’habitations, ni d’animaux. Si nous avons fait le choix de Saint-Ours-les-Roches, c’est qu’il correspondait à une volonté d’intégrer le centre du volcanisme dans un parcours initiatique, destiné à faire découvrir la silhouette, la texture originale des derniers volcans continentaux, à faire prendre contact avec la réalité des grands espaces.
On ne pouvait implanter ce site près d’une ville. Les visiteurs en viennent. Ils ont besoin d’être pris dans une ambiance, pas dans celle d’un site urbain.
Un cabinet d’études nous avait affirmé, Il y a cinq ans, que le choix du site était un élément déterminant de la réussite du projet.
La Montagne : En annonçant le 21 juillet le démarrage des travaux, vous avez affirmé que tout contentieux était terminé. Or, les opposants ont annoncé qu’ils allaient déposer des recours contre le permis de construire et l’unité touristique nouvelle. Ne craignez-vous pas qu’un sursis à exécution soit prononcé par le tribunal administratif ?
Valéry Giscard d’Estaing : On ne voit pas pourquoi alors que le tribunal administratif vient de se prononcer dans un sens favorable sur le POS, il y aurait maintenant un sursis à exécution. La délivrance du permis de construire, instruit par la DDE, devenait de toute façon automatique le 10 août.
Si le préfet l’avait refusé sans motif juridique, il pouvait être attaqué pour abus de pouvoir et nous aurions pu demander une indemnisation.
La Montagne : Le ministère de l’environnement a déclaré récemment qu’il examinait la légalité de ce permis de construire et que s’il s’avérait attaquable, il pourrait demander son retrait auprès du Conseil d’État...
Valéry Giscard d’Estaing : Avant le Conseil d’État, il y a la cour d’appel administrative et les tribunaux administratifs.
Ceux-ci ont pour but de protéger les citoyens de l’État, mais pas l’État vis-à-vis de lui-même ! L’État ne peut donc se saisir pour s’opposer à cet acte d’État qu’est le permis de construire. S’il y a recours, ce sera le fait de particuliers. Mais, il y a une chose dans cette affaire qui me choque, c’est cette suspicion désagréable que l’on jette sur les services administratifs de l’État.
La Montagne : La position du gouvernement est quand même importante puisqu’en dépendent les subventions de l’État (27,5 millions de francs) et celles de l’Europe au titre du FEDER (75 millions de francs). Que ferez-vous si ces subventions ne sont pas débloquées ?
Valéry Giscard d’Estaing : L’État s’est engagé par lettre, en 1993, à l’époque de la cohabitation sous Mitterrand.
C’est un engagement écrit. Il serait inconcevable que soit remise en cause la parole de l’État. Une attitude contraire ne serait pas gérable sur le plan politique vis-à-vis de l’opinion publique. Nous sommes, il est vrai, dans une période d’instabilité gouvernementale. C’est le troisième ministre de l’environnement qui intervient sur le dossier depuis la création du projet. Malgré tout, il doit y avoir une continuité dans les décisions de l’État.
La Montagne : Il parait que vous avez rencontre Dominique Voynet, ministre de l’environnement et de l’aménagement du territoire et que lors de votre rencontre avec Lionel Jospin, vous avez défendu le dossier Vulcania...
Valéry Giscard d’Estaing : Dominique Voynet est venue, le 24 juillet, à la réunion des présidents des conseils régionaux et nous avons discuté de problèmes autres que celui de Vulcania. Je n’ai pas eu d’autres contacts. J’ai rencontré Lionel Jospin pour aborder la question de l’euro et seulement cela. En revanche, sur le dossier Vulcania, j’ai effectivement écrit à Lionel Jospin, le 14 juin, pour lui demander le respect des engagements ne l’État sur les subventions attendues. Mais, il ne m’a jamais répondu. Je sais qu’il est dans la phase initiale de son gouvernement et qu’il a donc beaucoup de problèmes à régler. Je ne veux pas en ajouter. Mais d’ici quelques semaines, je reprendrai contact avec lui.
La Montagne : Vulcania est un projet financièrement très lourd (420 millions de francs), êtes-vous sûr qu’il induira des retombées économiques importantes pour la région ?
Valéry Giscard d’Estaing : C’est un très grand projet, technologiquement très moderne. Son contenu, les animations, les expositions, destinés à ce que les visiteurs aient le sentiment d’être au centre de la Terre, en feront un spectacle vivant, évolutif. D’où le coût pour le contenu muséographique qui représente la moitié de l’investissement. Le centre devrait employer 200 à 300 personnes. Mais on ne connaît pas les besoins supplémentaires en effectif pour les périodes de pointe estivale.
Ouvert six mois sur douze, il permettra l’étalement de la saison touristique en dehors de l’été. Il est évident que cette fréquentation aura des retombées sur les communes avoisinantes et l’infrastructure hôtelière.
La Montagne : Vous avez institué un comité de suivi du projet où siège, outre des représentants de la majorité régionale et du Parti communiste, un membre du Front national. Il n’y a pas de socialistes, ni d’écologistes...
Valéry Giscard d’Estaing : Il est effectivement constitué des personnes qui ont voté pour le projet Vulcania.
La Montagne : Un projet que l’on appelle aussi la Giscardoscope. Cela vous agace ?
Valéry Giscard d’Estaing : Cela m’amuse. Cela fait penser à Futuroscope. Et comme celui-ci est un grand succès, les gens pensent qu’il y aura un Futuroscope en Auvergne. De ce point de vue, cela ne m’agace pas du tout.
Mais je trouve que Vulcania choisi après une consultation de lycéens est un joli nom. Il fait penser à Vulcain, à gallo-romain...