Conférence de presse de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur le bilan provisoire de la saison touristique de 1997, Paris le 1er septembre 1997.

Prononcé le 1er septembre 1997

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,


Avant même que les derniers vacanciers bouclent leurs valises et alors que les enfants se préparent à rejoindre leur école, j’ai tenu à vous commenter les premières estimations auxquelles mes services viennent de procéder et qui ont tout lieu de satisfaire l’ensemble des acteurs du tourisme.

Ces premières estimations montrent sans ambiguïté que l’année 1997 sera un très bon cru touristique. Elles corroborent les informations fournies par la presse et les professionnels du tourisme et contrastent singulièrement avec le pessimisme exprimé les années précédentes à la même époque.

Ces premières estimations procèdent d’une évaluation objective construite à partir du croisement de trois sources : les résultats provisoires produits par les observatoires régionaux et concernant le mois de juillet, le sondage IFOP réalisé pour la direction du tourisme du 11 août au 14 août auprès de 610 professionnels et les enquêtes conduites sur le terrain par les délégations régionales au tourisme.

Ce premier bilan montre que la saison 1997 est marquée par une hausse sensible de la fréquentation touristique dans notre pays et une certaine stabilité des comportements touristiques qui confirment les tendances observées au cours des trois dernières années.


I – Les premières estimations montrent une augmentation sensible de la fréquentation notamment étrangères.

Première observation, nous avons assisté à une « montée en charge » de la fréquentation durant la saison 1997 qui s’est déroulée selon une séquence déjà observée au cours des trois dernières années.

C’est ainsi que nous avons observé une première quinzaine de juillet médiocre sur l’ensemble du territoire, à l’exception des régions méditerranéennes qui, comme l’an dernier, ont fait le plein dès les premiers jours de juillet. Si les conditions météorologiques défavorables en début de saison, comme en 1996, expliquent pour partie cette situation, elles constituent néanmoins un facteur explicatif insuffisant. En effet, l’observation de ces dernières années montre clairement que la haute saison ne commence véritablement qu’à partir du 15 juillet.

Au cours de la seconde quinzaine de juillet, la fréquentation apparaît globalement stable dans la majorité des régions, exceptions faites du Languedoc-Roussillon, de l’Aquitaine, de la Corse, de la Bretagne, des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes où elle augmente nettement.

Au cours de la première quinzaine d’août, les résultats sont, comme l’an passé, très bons. L’ensemble des régions progresse par rapport à 1996, y compris les régions situées au nord de la Loire.

Phénomène encourageant, la deuxième quinzaine d’août est jugée, dans de très nombreuses régions, comme supérieure à celle de l’an dernier, notamment dans le quart Sud-Est et Nord-Ouest de notre pays. Au-delà d’une fréquentation globalement supérieure, il faut y voir l’effet d’un allongement de la durée des séjours sur la fin août.

Deuxième observation : la fréquentation touristique globale est tirée par la demande étrangère.

La fréquentation française a été globalement conforme aux prévisions résultant du sondage effectué par la direction du tourisme à la fin juin 1997, qui indiquaient que près de 80 % de nos compatriotes avaient l’intention de rester dans notre pays pour tout ou partie de leurs congés d’été et concluaient ainsi à une stabilité de la fréquentation de la clientèle française sur les mois d’été à venir.

Confirmation de cette enquête donc, exceptions faites de la fréquentation dans certaines régions telles que Provence-Alpes-Côte d’Azur qui ont attiré davantage de touristes français que l’an dernier.

L’augmentation de la fréquentation étrangère confirme le redressement annoncé à la fin de l’année 1996 et au début 1997. Il convient de rappeler que lors du premier semestre 1997, l’enquête de fréquentation de l’hôtellerie homologuée avait indiqué que la fréquentation étrangère serait en hausse sensible (+ 9,5 % des nuitées par rapport à 1996).

Celle-ci est particulièrement forte dans les hôtels 3* et 4* 4* Luxe (13,5 % par rapport à l’année précédente). Cette progression est très sensible à Paris (+ 12,9 %) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 12,8 %).

Au cours de l’été, la presse nationale notait également une progression de la fréquentation étrangère dans la plupart des régions françaises : augmentation de la fréquentation britannique en Bretagne, retour des touristes nord-européens, notamment belges, néerlandais et allemands sur la côte atlantique, croissance de la fréquentation touristique étrangère italienne et espagnole sur la côte méditerranéenne. À Paris, les clientèles américaines, britanniques et japonaises sont en nette augmentation.

L’enquête IFOP fait apparaître une hausse sensible de la fréquentation des touristes américains, belges, néerlandais et italiens.

Les séjours des clientèles britanniques et allemandes, clientèles majeures pour le tourisme français, semblent globalement, sur l’ensemble du territoire, équivalents à ceux de l’été 1996.

Les estimations pour les 5 premiers mois de 1997 du poste voyages de la balance des Paiements laissent donc présager une augmentation sensible des recettes touristiques en France et une relative stabilisation des dépenses des Français à l’étranger ce qui devrait conduire à une progression du solde en 1997.

Ainsi, de janvier à mai 1997, les recettes internationales ont représenté 57,5 milliards de francs contre 51,8 milliards de francs pour la même période de 1996, soit une progression de 11,1 %. Les dépenses ont également progressé, mais plus faiblement, s’élevant à 35,1 milliards de francs au lieu de 34,1 milliards de francs lors des 5 premiers mois de 1996 (+ 3,2 %). De ce fait, le solde du poste de voyage de la balance des paiements s’élève pour la période de janvier à mai à 22,4 milliards de francs, en progression de 26,2 % par rapport à la même période de l’année précédente.

L’amélioration de la situation économique sur de nombreux marchés étrangers et l’évolution du cours de certaines devises (dollar américain, livre britannique, lire notamment) renforcent donc de façon sensible, en 1997, la compétitivité de la destination France dont les attraits sont bien connus de nos amis étrangers.

La stabilité du socle de fréquentation française se confirme, le retour à une période de croissance de la clientèle étrangère, perceptible dès ce début d’année 1997, constitue un élément de rupture manifeste par rapport aux constats alarmants des précédentes années.

Troisième observation : une situation qui diffère selon les espaces.

Avec une forte médiatisation du tourisme « vert », des erreurs d’analyse quant aux tendances lourdes de la situation du tourisme pourraient être faites. De fait, l’attrait pour le tourisme « vert » ne s’est pas accompagné d’une désaffection pour le tourisme du littoral, au contraire. Cette saison a en effet donné lieu à une reconsolidation en faveur des destinations méditerranéennes, l’année 1996 ayant connu une « vogue » certaine pour les côtes de l’Atlantique.

Sur la base des informations communiquées par les délégations régionales au tourisme et du sondage IFOP auprès des professionnels, il faut constater que :

- La mer attire au cours de l’été la majorité de la clientèle française et étrangère même si l’attrait du littoral semble devoir être relativisé. Ainsi dans les régions Aquitaine, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur notamment, les touristes français et étrangers semblent s’être mieux reportés sur l’espace rural, comme le laissait prévoir le sondage réalisé fin juin sur les intentions de départ en vacances des vacanciers français. Le littoral se consolide donc par un développement harmonieux de l’arrière- pays.
- L’espace rural a connu une bonne fréquentation cet été, à l’exception de certaines régions de l’intérieur telles que l’Auvergne ou la Franche-Comté pour laquelle le mois de juillet a été médiocre.
- L’incidence des conditions météorologiques relevées début juillet a été sensible dans les massifs montagneux (Alpes, Pyrénées). La fréquentation semble avoir été bien meilleure en août, sauvant ainsi, pour ces zones, la saison estivale 1997.

Ces remarques doivent nous conduire à engager une politique de qualité sur l’espace littoral, qui reste bien sûr notre « noyau dur » touristique, et une politique de professionnalisation et de diversification sur notre espace rural, dont nous ne devons pas oublier qu’il demeure, dans de nombreuses régions, un champ d’expérimentation. Elles doivent également nous conduire à reprendre la réflexion sur le tourisme estival en montagne, qui dispose de très nombreux atouts et qui doit permettre d’équilibrer les effets de saisons hivernales aléatoires, comme dans les Pyrénées cette année.


II – En ce qui concerne le volet des comportements, le premier bilan montre une poursuite de l’évolution des comportements touristiques

Les difficultés économiques qu’ont connu les pays européens à partir de la fin 92, et « l’état de crise » qui s’est installé dans les esprits à partir de cette date, ont provoqué chez ceux qui peuvent partir en vacances une double rupture dans sa consommation touristique traditionnelle : d’une part, un besoin de « fuite » et d’évasion de plus en plus fréquent, d’autre part une vigilance nouvelle sur les dépenses de loisirs.

C’est ainsi que ces dernières années, on a pu assister à :

- Un fractionnement et un raccourcissement de plus en plus marqués des séjours étrangers et français. Ainsi, part-on moins longtemps mais plus souvent. Cette tendance avait déjà été constatée au cours du premier semestre, notamment pendant la saison de sports d’hiver. Elle se maintient, exerçant une pression forte sur les différents systèmes de transport.
- Un contrôle accru des dépenses par les clientèles et l’émergence d’une exigence concernant le rapport qualité-prix. À l’évidence, d’une période marquée par la « loi » des prestataires, nous sommes passés à une époque où le client fait valoir plus souvent ses volontés. Cette transformation n’est pas toujours comprise par les professionnels, mais ceux qui l’ont intégrée se portent convenablement. Les niveaux de remplissage des hôtels et le ralentissement de la chute des prix confirment qu’un meilleur équilibre dans le rapport « client-prestataire » a été atteint.

Cet été, en raison du fractionnement de leurs vacances, les touristes ont modifié leur comportement de dépenses, les concentrant sur deux postes de consommation prioritaires (transport, hébergement) au détriment de la restauration et des achats de souvenirs.

Les touristes ont en outre plébiscité les activités culturelles (visites de musées, de sites industriels et de monuments) et le retour à la nature avec une augmentation de la pratique de la randonnée.

En fait, le comportement en vacances ne semble pas très être différent de celui au quotidien, exception faite bien entendu du budget consacré au transport et à l’hébergement.

On notera toutefois que, contrairement aux années passées, la hausse de la fréquentation a également bénéficié aux hébergements marchants et, fait notable, tout particulièrement à l’hôtellerie et aux résidences de tourisme.

Bien que cela ne soit pas l’objet de notre propos d’aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de vous livrer les conclusions que je tire de ces premières estimations à savoir un « cocorico » mesuré et actif pour l’avenir.

L’amélioration de certains indicateurs de notre activité touristique réjouit bien entendu la ministre en charge du secteur, mais aussi et surtout tous ceux qui, après des années de doute, sont les véritables acteurs de ce redressement, à savoir les professionnels, les associations, les collectivités locales et territoriales ainsi que les agents de l’État qui les encouragent et les accompagnent.

Ce « réveil » constitue à mon sens un signal fort : nous devons à partir de maintenant redoubler d’effort pour transformer cette embellie en un printemps durable.

Commençons d’abord par conforter cette demande touristique française et étrangère que nous sentons à portée de nos mains, mais qui fait l’objet de convoitises de la part de nos principaux concurrents.

Pour cela, je propose à l’ensemble des acteurs du tourisme un plan de bataille en quatre points :

1) Conserver notre « socle » de clientèle française. C’est sur lui qui s’est bâti notre tourisme. C’est grâce à lui que, face aux aléas d’une demande étrangère quelquefois versatile, notre économie et nos emplois touristiques peuvent être consolidés. C’est lui qui sera l’enjeu des batailles commerciales futures. La réalisation de véritables outils de promotion et d’information, voire de réservation, au service du tourisme français constitue à cet égard un enjeu que je juge majeur. Un effort de modernisation est indispensable.
2) Étendre ce socle à des catégories sociales qui n’ont pas aujourd’hui accès aux vacances. Ces « clientèles » nouvelles se porteront tout naturellement vers la découverte de notre pays. L’action que je mène pour éteindre le bénéfice du chèque-vacances aux millions de salariés des entreprises de moins de 50 employés s’inscrit, en dehors de ses aspects sociaux, dans cette logique économique. De la même façon, nous devons accorder une attention particulière à toutes les actions qui permettent aux enfants de partir en vacances ; les enfants d’aujourd’hui seront les citoyens de demain.
3) Poursuivre notre effort de reconquête de nos marchés extérieurs traditionnels, notamment européens, américains et japonais.
4) Lancer une offensive concrète sur les marchés émergents et lointains, sur lesquels il me semble que notre discrétion n’est plus admissible et qu’elle est dommageable.

J’aurai l’occasion de développer ces derniers points lors de la prochaine assemblée générale de Maison de la France que je présiderai à la mi-septembre.

Mais, et c’est la deuxième conclusion que je tire du bilan que je viens d’évoquer devant vous, il ne servirait à rien de lutter pour augmenter notre clientèle si nous ne faisons pas, parallèlement, un effort identique pour la satisfaire. Il nous faut donc, tous ensemble, et sans concession, nous pencher sur la qualité et la fiabilité de notre offre touristique. À mon sens nous devons, ensemble, nous pencher sur trois aspects essentiels de cette offre, les produits touristiques, la sécurité et l’accueil.

Pour ce qui concerne les produits touristiques que nous offrons, je propose à l’ensemble des acteurs du tourisme de s’engager plus avant sur le terrain, dans une revue méthodique des produits offerts à nos visiteurs, de manière à les inscrire plus explicitement dans les politiques, régionales ou départementales. C’est pour donner aux collectivités locales et territoriales, aux professionnels et au secteur associatif les meilleures informations possibles en matière de perception du marché, de connaissance des évolutions et d’adaptation de leurs produits que j’ai lancé une réflexion sur l’amélioration, de l’efficacité des outils d’observation dont dispose mon administration.

Il s’agit de pouvoir mieux éclairer les choix stratégiques et politiques des acteurs publics comme des acteurs privés contribuant ainsi à leur donner confiance en l’avenir et à favoriser leur dynamisme.

Comme je l’avais souligné, lors de la communication relative au déroulement de la saison touristique, que j’ai faite lors du conseil des ministres du 16 juillet, il nous faut encore travailler pour améliorer la sécurité sur les lieux de vacances de manière à fiabiliser davantage encore l’offre nationale.

* Des actions de sensibilisation ont été menées pour améliorer la sécurité en mer et en montagne. Les accidents qui ont été malheureusement constatés, encore trop nombreux, notamment en montagne, montrent à l’évidence la nécessité d’aller plus avant pour renforcer la prévention et la sécurité dans les pratiques sportives.

* Des actions de contrôle sur la qualité des denrées alimentaires toutes aussi concrètes ont été réalisées pour offrir de meilleures garanties aux consommateurs. De nombreux contrôles ont eu lieu dans tous les départements, notamment dans 38 départements les plus touristiques. En 1996, les services avaient relevé 3 % d’infractions (3 562 infractions sur 113 000 contrôles). Cet été des fonctionnaires, appartenant à 9 ministères différents, ont participé aux contrôles en mettant l’accent sur la qualité alimentaire, avec une vigilance accrue sur la restauration saisonnière et rapide. Le bilan de cette action sera publié au début du mois de septembre ; il devrait faire apparaître des progrès dans la fiabilité des prestations.

* Par ailleurs, une vigilance accrue a été portée à toutes les questions relatives à l’environnement et notamment à la qualité des eaux de baignade ; cela a conduit les pouvoirs publics à fermer momentanément quelques plages pour cause de pollution Le suivi permanent complète utilement les actions de promotion « Pavillon bleu » qui valorise les communes du littoral et les ports de plaisance qui investissent dans l’environnement. Sur ces questions essentielles, des progrès doivent encore être réalisés par la concertation.

Ainsi, au travers de plus d’une vingtaine d’actions de sensibilisation et de prévention menées par différents ministères, plus 180 000 fonctionnaires d’État, de nombreux agents des collectivités locales et les professionnels ont été mobilisés pour accueillir et assurer la sécurité des touristes français et étrangers qui ont choisi la France.

Il importe bien évidemment de tirer les enseignements de ces actions au plan national, comme au pan départemental, de manière à anticiper au maximum sur les conditions de déroulement de la prochaine saison touristique. J’attache en effet la plus grande importance à ce que le produit France soit gage de qualité et de fiabilité pour tous, sans ségrégation d’aucune sorte.

Pour ce qui concerne l’accueil, mettant à profit l’évènement que constituera la Coupe du Monde en 1998, je proposerai à tous les acteurs du tourisme et des transports une opération « Bonjour » dont je souhaite qu’elle prenne une autre dimension et marque ainsi une véritable étape dans la professionnalisation de notre économie touristique.

Enfin, et c’est par cela que j’en terminerai, tous ces efforts ne seront justifiés que si nous les laissons clairement et explicitement dans une perspective stimulante. Et cette perspective, c’est l’emploi. L’emploi des jeunes, d’abord. L’emploi permanent, ensuite. L’emploi enrichi par une professionnalisation accrue, enfin.

Sur ces trois thèmes, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer et mes collaborateurs travaillent à la fois sur l’application du futur plan emploi-jeunes au tourisme, sur l’aboutissement des efforts visant à annualiser les contrats saisonniers et sur l’ouverture des filières existantes de formation.

Je me suis déjà exprimée, vous disais-je, et je continuerai inlassablement à le faire, parce que je suis profondément convaincue que le tourisme constitue non seulement l’une des clés économiques de notre présent, mais qu’il représente surtout l’une des clés de la reconquête de l’emploi pour l’avenir.

Je vous remercie de votre attention.