Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos propos et de vos bons vœux. De le faire en mon nom personnel et au nom de mon épouse, mais aussi au nom des membres du gouvernement qui m'assistent aujourd'hui pour cette cérémonie traditionnelle, comme ils m'assistent dans notre action quotidienne.
Mesdames et Messieurs, chaque période de l'Histoire possède un souffle particulier, a un mouvement propre et obéit à un certain nombre d'événements.
L'année qui s'achève n'a pas dérogé à la règle. Commencée dans la guerre – la guerre du Golfe, à laquelle vous avez fait allusion – elle s'est terminée par un acte de paix : je veux parler de la signature, le 31 décembre dernier, de la paix au Salvador.
Son mouvement, pendant l'année 1991, fut celui de la liberté. Son souffle fut celui de l'accélération. Des événements ont oscillé entre la paix et la guerre ; alors que s'achevaient un certain nombre de conflits – vous en avez mentionné quelques-uns d'autres s'allumaient et s'allumaient sur notre vieux continent.
Vous avez, et je vous en remercie, Monsieur le Secrétaire général, dressé un bilan de cette année riche d'événements, de cette année qui se termine vous avez su mentionner qu'elle avait été la part – et le rôle – de notre pays et de notre diplomatie dans les circonstances qui ont été les plus marquantes de cette année écoulée.
J'ai noté moi-même, à cette occasion, combien notre présence avait été utile sur la scène internationale et notamment dans les grandes enceintes internationales. Car qu'il s'agisse des événements malheureux, comme la guerre, ou des événements plus heureux, comme le rétablissement de la paix, c'est en effet au travers de l'Organisation des Nations Unies que tout cela a pu s'opérer et c'est grâce au Conseil de sécurité que nous avons pu dans un cas, rétablir, le droit international et le faire respecter, comme nous avons pu dans bien d'autres cas jeter les bases d'une paix retrouvée.
Je tiens à dire ici mes remerciements, à toutes celles et ceux qui ont apporté leur contribution à cette action entreprise sous l'impulsion du Président de la République et la mise en œuvre des différents départements ministériels qui avaient la charge de l'exécution et de l'action.
Je voudrais tout particulièrement rendre hommage à ceux qui m'entourent en cet instant, Mme Élisabeth Guigou, qui a pris une part éminente aux travaux préparatoires du Conseil européen de Maastricht et sans laquelle, sans aucun doute, cette rencontre de Maastricht n'aurait été un succès. Et chacun sait, aujourd'hui, quel est l'importance de ce succès. Je voudrais de la même façon remercier Mme Tasca, pour avoir su dans le domaine qui est le sien affirmer haut et fort la présence de la France et dire notamment à l'occasion du Sommet de la Francophonie qui s'est tenu à Paris au mois de novembre dernier qu'il s'agissait là d'un des thèmes porteurs de l'action de la France à l'étranger. M. Bernard Kouchner, pour le remercier de son rôle, non seulement de sa présence, mais aussi de sa parole et de son action, partout – et en particulier en Europe – où les circonstances –et en particulier les circonstances conflictuelles – faisaient que des populations malheureuses souffraient et qu'elles pouvaient avoir l'assurance que la France était présente à leurs côtés. Je le remercie pour tout ce qui a été fait, notamment ces derniers jours, en Yougoslavie, au nom du gouvernement de la République. Alain Vivien, qui dispose d'une compétence générale mais qui sait, chaque fois qu'une mission particulière lui est confiée, la mener à son terme avec rigueur, talent et persévérance.
Ayant fait le tour des ministres, permettez-moi maintenant de vous remercier. Je voudrais le faire, m'adressant à chacune et à chacun d'entre vous, mais ce serait trop long, trop difficile et je risquerais de commettre quelques oublis fâcheux. Mais je voudrais que vous sachiez que le ministre en exercice qui conduit l'action diplomatique de la France a pleine conscience de ce que les résultats, auxquels je faisais allusion, n'ont pu être obtenus que parce que chacun, placé là où il était, a eu pleine conscience de son devoir et l'a accompli avec un dévouement au-dessus de tous éloges.
Et puisque je ne puis remercier individuellement chacun d'entre vous, je voudrais, me tournant vers le Secrétaire général qui parle en votre nom, lui dire combien nous avons apprécié le rôle qu'il a joué pendant cette année écoulée. Notamment dans la difficile mission qui lui a été confiée de négocier avec l'Iran un contentieux qui remontait à nombre d'années bras et pour lequel la preuve et la démonstration de son sens élevé du service public, de son sens de l'État et en même temps de son grand talent de diplomate.
Si la France dispose aujourd'hui d'une place dans le monde, elle le doit d'abord aux choix qui sont faits au niveau le plus élevé de l'État, mais aussi par l'action que vous menez, les uns et les autres, dans la sphère qui est la vôtre.
Je me suis efforcé, depuis mon retour au quai d'Orsay, de donner à ce département ministériel les moyens auxquels il avait droit et dont il avait été trop privé au cours des années précédentes. Nous avons, pour la troisième année de suite, bénéficié d'un budget qui est un budget d'amélioration par rapport à ce qu'il était, qui marque une nette différence avec le budget général de l'État et qui a bénéficié des faveurs et des arbitrages à la fois du Premier ministre et du Président de la République. Je tiens à les en remercier et je tenais à dire ici, devant les directeurs, les fonctionnaires du département ministériel combien j'aurai à cœur au cours de l'année prochaine d'agir dans le même sens.
Nous allons en effet devoir faire face à un certain nombre d'obligations nouvelles, la création de républiques souveraines, l'installation d'ambassades dans chacune de ces républiques à commencer par les Pays Baltes… Mais demain les Républiques – anciennement Républiques de l'URSS – vont devoir accueillir de nouvelles représentations diplomatiques et qui dit nouvelles représentations diplomatiques dit forcément nouveaux moyens budgétaires.
Nous avons donc à nous préparer pour cette année 1992.
Que sera l'année 1992 ?
Elle sera à mes yeux l'année de la persévérance, l'année de la continuité, pour être l'année de la confirmation.
D'abord, pour notre première ligne d'horizon, je veux dire l'Europe, nous allons devoir nous préparer avec force et détermination pour cette échéance qui est là à nos portes, celle de 1993, que nous avons voulu, souhaité et qui est le résultat d'un choix historique.
Et il faut en effet – vous aviez raison, M. le Secrétaire général, de le dire – entrer dans cette Europe de la fin du siècle, armés d'une France forte dans tous les secteurs de l'activité gouvernementale, qu'il s'agisse de l'économie, de la finance, du commerce extérieur, du service public ; chacun y est prêt. Mais au-delà de l'échéance de 1993 il nous faut songer à celles que nous nous sommes fixés à Maastricht, c'est-à-dire 1997-1998, avec une monnaie commune, une politique étrangère commune, une défense commune. Nous l'avons voulu et nous l'avons voulu avec nos partenaires de l'Allemagne, entrainant dans notre sillage 11 de nos partenaires. Je suis de ceux qui pensent que la Grande-Bretagne rejoindra un jour le gros du peloton, que ce jour viendra, mais que nous devons poursuivre notre action, déterminés que nous sommes dans la construction de l'Europe.
Au-delà de cette construction de la Communauté, 1992 nous verra confrontés à la reconstitution de l'Europe de l'Est. La partie de destruction et maintenant de mise à plat est achevée ou presque, mais tant de problèmes se posent encore que nous devrons examiner, résoudre et nous préparer à cette idée. L'idée, lancée déjà en 1989 par le Président de la République, d'une Confédération des État souverains de l'Europe petit à petit fait son chemin. Sans doute faudra-t-il trouver les voies et les moyens d'adapter cette idée généreuse et porteuse d'espoir en même temps qu'il nous faudra trouver les équilibres nouveaux – je dis bien nouveaux – que requiert une situation nouvelle. Parmi ces problèmes et ces équilibres nécessaires, je pense en particulier à tout ce qui touche aux équilibres de défense et au sort des armes nucléaires encore stationnées partout en Europe de façon dispersée et insuffisante pour l'esprit.
1992 sera aussi l'année où il nous faudra nous pencher sur ce qui fut un des thèmes traditionnels de la politique étrangère de la France, je veux dire le regard que nous devrons porter vers les pays en voie de développement. Je reviens, comme me le rappelait à l'instant M. le Secrétaire général, d'une tournée en Afrique de l'Ouest.
Je suis effrayé par la situation de ces pays. Non seulement parce que la situation endémique que nous connaissions bien inhérente au sous-développement, à la surcharge de la dette, aux difficultés de tous ordres pour trouver des équilibres régionaux viennent s'ajouter maintenant des problèmes particuliers, inhérents à la résurgence des luttes tribales. Un peu, vous le disiez à l'instant, à l'instar de ce que nous connaissons en Europe, mais sur un terrain qui est fragile et propice au déchainement des passions. 1991 a vu surgir, ici et là, des conflits particuliers qui n'ont pas encore trouvé leur solution.
Il nous faudra en 1992, et sans doute à l'occasion du prochain et grand sommet France-Afrique qui se tiendra à Libreville au mois de septembre de cette année, répondre à ces grandes préoccupations qui sont, en même temps que la construction des grands ensembles – à laquelle je faisais allusion – le vrai problème qui se posera à la fin de ce siècle. La tâche, vous le voyez, est immense et je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d'entre vous, sur vous tous, pour poursuivre les efforts que nous avons entrepris au cours de l'année écoulée.
J'ai le souci de veiller aussi à la transformation de cet outil merveilleux qu'est le ministère des affaires étrangères. D'abord en me préoccupant du sort du personnel. Je l'ai fait dès 1990, vous le savez, je continuerai de le faire chaque fois que des cas me seront soumis, qu'il s'agisse de problèmes généraux ou de problèmes particuliers.
Mais j'ai voulu aussi, parce que tout cela est lié, que nous résolvions au cours de l'année prochaine, ou que nous commencions de résoudre un certain nombre de problèmes. L'année 1992, sera si vous me permettez d'utiliser cette expression, une année immobilière. Nous avons déjà réinstallé une cellule d'urgence qui fonctionne, me semble-t-il, à la satisfaction de tous et en particulier de ceux auxquels nous devons penser en premier, les bénéficiaires, ceux de nos compatriotes qui, se trouvant à l'étranger, expatriés, sont soumis aux vicissitudes du temps, aux crises qui éclatent, aux difficultés dans un pays ; nous l'avons vu à propos de l'Afrique à de multiples occasions. Cette cellule d'urgence a été mise en place, elle fonctionne bien, je remercie ceux qui en ont la responsabilité. Deux étages de bureaux ont été rénovés ; d'autres initiatives vont être prises. Nous avons, vous le savez, toujours en chantier le Centre de conférences internationales, mais cette année, prenant quelque peu le taureau par les cornes, exaspéré que j'étais par une attitude négative de la part de la ville de Paris, nous avons procédé à la mise à plat du chantier et à certaines démolitions qui vont permettre maintenant d'aller de l'avant et de préparer la deuxième phase, c'est-à-dire la construction du Centre. Celle-ci suppose l'aliénation de l'un de nos biens immobiliers, l'avenue Kléber. La décision a été prise, pour financer le Centre de conférences internationales, de procéder à la vente de cet immeuble. Mais la vente de l'immeuble posait le problème du relogement de ceux qui y travaillent. Par décision intergouvernementale, il a été décidé d'attribuer au ministère des affaires étrangères le bâtiment du boulevard Saint-Germain qui était jusqu'à présent le ministère de l'équipement. Ainsi donc nous pourrons, fermant la boucle, procéder à la vente de l'avenue Kléber, reloger les fonctionnaires qui s'y trouvent à proximité du quai d'Orsay et aurons-nous réalisé ce désir exprimé depuis tant d'années de voir se regrouper dans un périmètre convenable de Paris l'ensemble des services du ministère, puisque désormais autour de trois pôles vous serez tous rassemblés, le Centre des conférences internationales, le quai d'Orsay, le boulevard Saint-Germain.
Voyez, M. le Secrétaire général, que je n'ai pas cédé à la tentation de la délocalisation. Je me suis efforcé au contraire de regrouper tout mon monde sur la rive gauche, ce qui me permettra, Mesdames et Messieurs, d'être plus près de vous, à moins que ce ne soit l'inverse et que ce soit vous qui soyez plus près de moi.
De la même façon j'ai souhaité que nous mettions en place cette année l'École diplomatique. Le soin en a été confié à M. l'ambassadeur Blanc, que je salue, qui m'a déjà fait un très bon rapport et qui poursuivra sa tache au cours de l'année 1992, avec l'espoir que nous pourrons la mener à bien pendant qu'il me sera donné de présider aux destinées de cette maison.
Enfin, je souhaiterais que s'engage, sinon une réforme, du moins une réflexion sur l'Inspection générale. Et à cet égard, M. le Secrétaire général, j'attends de vous que vous puissiez me faire des propositions dans un délai raisonnable.
Voilà, Mesdames et Messieurs, dans quel cadre nous allons être appelés à travailler ensemble. La tâche du ministre des affaires étrangères est une tâche absorbante. Nous voudrions être partout en même temps, là où des sollicitations nombreuses nous appellent, où des situations nous requièrent. C'est une tâche impossible. Je suis heureusement assisté dans cette fonction par les membres du gouvernement qui sont ici et je voudrais les remercier une fois encore de leur concours (…)