Texte intégral
à Cayenne (Guyane) le 8 mars 1999.
Merci. Merci à toutes et à tous pour votre présence.
Je suis heureux de me retrouver une nouvelle fois en Guyane. De me retrouver à Cayenne. De me retrouver en terre française d’Amérique.
Je me réjouis de commencer ici, et nulle part ailleurs, à l’exemple de Jacques Chirac, mon périple dans les départements d’outre-mer.
Je veux remercier Léon Bertrand pour son accueil chaleureux et pour les mots amicaux qu’il vient de prononcer. En le choisissant depuis plus de dix ans pour les représenter, les Guyanais ont su trouver un élu efficace et déterminé. La Guyane ne saurait être mieux défendue. Je me réjouis de saluer également tous les élus locaux, les Conseillers régionaux, les Conseillers généraux et les maires qui nous ont fait l’honneur de leur présence.
Merci encore à mon ami, Paulin Brunet, que je retrouve avec plaisir.
Merci également à Dominique Bussereau, Secrétaire général adjoint de Démocratie Libérale, pour ses propos. En m’accompagnant durant ce déplacement en outre-mer, il témoigne de l’esprit d’union dans lequel nos deux formations engagent cette campagne électorale.
Je veux aussi saluer les responsables départementaux du parti d’Alain Madelin qui se trouvent à nos côtés.
Merci, enfin, à Robert Euryale qui anime avec dynamisme et ferveur notre Mouvement dans ce département. Sa tâche n’est pas simple car la fédération de Guyane est une grande fédération, c’est même, par sa superficie, la plus grandes de toutes. Je mesure les difficultés que cela implique en termes d’organisation et d’animation. Et je luis suis très reconnaissant de s’acquitter de sa mission avec autant de soin et d’attention.
Chers amis,
Pour un Gaulliste, le voyage en Guyane est toujours un moment fort et émouvant.
Car il sait combien entre le Général de Gaulle et cette terre a toujours existé un lien tout particulier fait d’affection et de fidélité. Et j’y pense, j’y pense intensément, en ces instants.
Je n’ai jamais oublié, pour ma part, les moments si denses que j’ai passés ici, il y a maintenant déjà un peu plus de dix ans, alors que j’étais ministre des Affaires sociales du Gouvernement de Jacques Chirac.
Et je suis resté très fier, en particulier, d’avoir pu contribuer à la rénovation du patrimoine hospitalier à Cayenne, mais aussi à Saint-Laurent-du-Maroni et à Kourou, en une période où l’afflux de réfugiés venus du Surinam – dont j’avais d’ailleurs visité les camps – rendait encore plus difficile la satisfaction des immenses besoins du département en matière de santé.
Et puis, je vais vous dire un sentiment qui m’a toujours habité.
Moi-même, du fait des hasards de notre histoire coloniale, je ne suis pas né sur le sol de la métropole. Je suis né outre-mer. J’y ai vécu bien des années. Et j’ai toujours senti que la France, la réalité de la France, la grandeur de la France, là où on pouvait le mieux les lire, là où on pouvait le mieux les percevoir, c’était dans les yeux et dans les cœurs de ceux qui en étaient apparemment éloignés, par la distance ou par la couleur de la peau.
En métropole, on est Français par évidence. Parce qu’on est sur place.
Ailleurs, on est Français parce qu’on choisit de se définir comme tel.
Parce qu’on se fait une certaine idée de la France qu’on ne réduit pas à un lieu !
Eh bien, cela je le ressens tout particulièrement ce soir !
Pour ma part, j’aime la Guyane et j’aime les Guyanais. Comme j’aime les hommes et les femmes qui savent se construire un destin personnel, malgré une enfance difficile.
Ainsi en va-t-il de la Guyane…
Oui, c’est vrai, elle a eu une enfance, c’est-à-dire une Histoire, difficile.
Elle a été marquée, d’abord, comme d’autres départements d’outre-mer, par l’esclavage. Par cet épisode honteux, affreux, de l’Histoire des Hommes.
Elle a été marquée, ensuite, par le bagne, qui a brouillé son image et compliqué sa route…
Et pourtant, on sent ici un potentiel magnifique…
Et une volonté d’aller de l’avant.
On sent une volonté d’assumer et de dépasser à la fois cette Histoire.
Et en tirant les enseignements pour le meilleur et non pour le pire.
Non pour entretenir des complexes, mais pour exprimer une volonté d’affronter l’avenir, de réussir le développement et de faire vivre ensemble, fraternellement, des hommes et des femmes d’origines différentes mais unis par une même vision de l’avenir.
La Guyane, je le sais, reste terre de contrastes.
Et ce n’est pas là une formule d’office du tourisme.
Je pense au contraste qu’on y observe probablement mieux qu’ailleurs entre ce que la France peut produire de meilleur – je pense à la part qu’elle prend dans la fantastique aventure d’Ariane – et ce qu’elle peut faire de plus contestable – je pense à son incapacité à garantir à tous les Guyanais un avenir sans nuages.
Mes chers amis,
Nous sommes une démocratie.
Tous les rendez-vous démocratiques, toutes les élections sont une occasion pour le peuple de s’exprimer. De s’exprimer clairement.
De faire en sorte qu’il n’y ait pas de décalage entre ceux qui prennent les décisions et ceux qui vivent les conséquences.
C’est ça la démocratie.
La démocratie, c’est le régime dans lequel ceux qui décident sont aux ordres, à la disposition de ceux qui les désignent.
Or, trop souvent, ceux qui décident se murent dans une attitude arrogante, estiment avoir la science infuse et accablent de leur indifférence, voire de leur mépris, ceux dont ils ne sont pourtant que les serviteurs.
Ça n’est pas du tout comme ça que moi je vois les choses.
Servir, en démocratie, cela crée un double devoir :
• le devoir de s’exprimer, pour comprendre. Recueillir les espoirs, apprécier les difficultés, discerner les craintes ;
• le devoir de s’exprimer, pour que les choses soient claires.
Et que le contrat – le contrat à durée déterminée – qui va être établi entre l’électeur et l’élu soit respecté.
ET c’est pour cela que je suis ici, devant vous.
C’est pour cela que je suis venu en Guyane. Pour vous écouter. Pour voir, pour comprendre. Et pour vous dire mes propres intentions.
Je vais conduire une liste aux élections européennes. Je vais solliciter l’honneur de vos suffrages. Alors, il était normal que je sois, là, devant vous ; il était hors de question de m’en tenir à une campagne par correspondance…
Et si j’ai décidé de m’engager, ça n’est pas que pour parler des problèmes de la métropole.
D’autant que je sais qu’en tout état de cause, les intérêts de la métropole et ceux des D.O.M. sont indissolublement liés.
Non, je mesure toute l’étendue de mes responsabilités.
Si je suis candidat, c’est parce que je suis résolu d’être le défenseur des Départements d’outre-mer au Parlement européen.
Je suis résolu d’être le défenseur de la Guyane.
D’ailleurs, vous savez bien comment cette élection est organisée.
C’est une élection à la proportionnelle au niveau national. C’est-à-dire que vous allez mêler vos bulletins à ceux de nos compatriotes des Antilles, de Bretagne, du Tarn-et-Garonne ou des Alpes-Maritimes.
Cela veut dire que les élus, ils seront les vôtres. Si je suis moi-même élu, je serai votre élu, autant que l’élu de mes électeurs habituels d’Epinal.
Alors, si je suis ici, c’est parce que j’ai l’ambition d’être, aussi, l’élu de la Guyane. D’être un élu Guyanais. D’être parmi les meilleurs défenseurs de la Guyane.
ET je suis d’autant plus acquis à cette perspective que je crois que la Guyane et l’ensemble des départements d’Outre-mer sont une chance pour l’Europe. Comme ils sont, depuis toujours, une chance pour la France.
Or, cette dimension universelle de la France, nous voulons que l’Europe aussi décide de l’assumer…
Nous ne voulons pas d’une Europe repliée sur elle-même, qui fasse du nombrilisme. Alors qu’on est entré dans l’ère de la mondialisation.
Nous voulons une Europe ouverte sur le monde, présente au-delà des océans, partout où ses intérêts l’exigent.
C’est pourquoi il serait absurde de considérer l’outre-mer comme un fardeau financier supplémentaire pour l’Europe, dont on aurait de cesse que de diminuer le poids sur le budget communautaire.
C’est pourquoi il serait pernicieux, dangereux, de limiter la question des rapports de l’outre-mer à l’Europe aux problèmes d’argent, même ils ont leur importance.
Il s’agit de comprendre, une fois pour toutes, que l’outre-mer peut seul conférer à l’Union un rayonnement planétaire. Il peut seul la conforter dans sa place de première puissance maritime du globe. Il peut seul participer au développement de sa politique spatiale. De même qu’il peut puissamment et utilement contribuer à sa diversité et à sa richesse culturelle.
ET nulle part ailleurs qu’en Guyane on mesure que l’outre-mer est une chance pour l’Europe. Avec le CSG bien sûr, mais aussi avec cette proximité de l’Amérique-du-Sud et, plus particulièrement du MERCOSUR qui, grâce à la Guyane, pourrait ne pas rester une chasse-gardée des Etats-Unis.
Et s’ils ne l’ont toujours pas compris, les Socialistes ou les technocrates bruxellois, s’ils ne veulent pas le comprendre, comptez sur moi pour leur expliquer…
Vous savez, j’ai une patience infinie. Je suis décidé à taper sur le clou. Et je taperai dessus jusqu’à ce que ça rentre. ET, croyez-moi, ça finira par rentrer.
D’autant qu’il va de soi qu’en contrepartie de ce qu’il apporte à l’Europe, l’outre-mer français a un droit ç un juste retour.
Il a droit à ce qu’on l’aide à maîtriser ses problèmes.
Et des problèmes, il en a…
Je les ai discernés, ici, en Guyane. Je sais combien la précarité y est quotidiennement ressentie. Je sais le poids du chômage… Je sais la tentation pour certains de la désespérance.
A l’occasion de ma visite de l’hôpital, j’ai pu prendre la mesure des problèmes que posent le SIDA et la toxicomanie.
Mais pour que l’Europe fasse tout son devoir, encore faut-il que la France elle-même donne l’exemple en menant à l’égard de son outre-mer une politique nationale active, fondée sur l’objectif premier de progrès économique et social.
Vous allez me l’entendre dire souvent, dans les semaines qui viennent, par le truchement de la télévision et de la radio : vous allez m’entendre dire, répéter qu’enjeux européens et enjeux nationaux sont liés, indissolublement liés. On ne peut pas les séparer artificiellement.
Et l’outre-mer en donne une bonne illustration.
En d’autres termes, si le gouvernement devait se borner, outre-mer, à organiser une société d’assistance, sans donner sa chance à chacun, à tolérer l’insécurité, à ouvrir les vannes de l’immigration clandestine, l’Europe ne verrait dans ces îles lointaines ou ces territoires avancés, qu’un héritage anecdotique et bientôt encombrant.
Une indifférence – fut-elle relative – de la France à l’égard des DOM, cela signifierait inéluctablement la négligence de l’Europe à l’égard de l’outre-mer.
Est-ce là une menace vraiment hypothétique ?
Force est bien de constater que le gouvernement ne fait rien pour fortifier les départements d’outre-mer, alors même qu’ils en auraient le plus urgent besoin, à l’heure de l’entrée dans l’Europe.
Et s’agissant plus particulièrement de la Guyane, je ne vois, dans l’action du gouvernement actuel, aucune initiative, aucune décision, aucun projet qui soit de nature à permettre de répondre aux immenses problèmes que tous, ici, connaissent bien : une immigration illégale, incontrôlée et en constant développement, une criminalité et une insécurité en croissance exponentielle qui sont de nature, à terme, à peser sur le développement du tourisme, du centre spatial et de l’économie dans son ensemble, un chômage endémique, qui touche principalement les jeunes et dont on a bien vu, il y a peu, ici, à quels types d’explosions et de violences il peut conduire. Le gouvernement a diminué les crédits des fonds d’investissements publics, dont chacun connaît pourtant l’effet d’entraînement sur l’ensemble de l’activité.
Le gouvernement a soumis les investissements privés au contrôle tatillon de l’administration des finances, entraînant leur diminution, alors même que les DOM, et en tout premier lieu la Guyane, ont besoin de renforcer leur tissu de petites et moyennes entreprises industrielles ou de service.
Et il y a eu, il y a eu surtout, la maladresse insigne de l’abrogation de certaines des dispositions de la loi Pons, qui prévoyait la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer.
Il ne s’agissait pas seulement d’une erreur économique. Il s’agissait d’un contresens politique. En supprimant brutalement, sans réflexion globale ni projet d’ensemble, des mesures encourageant l’essor de secteurs d’activité, notamment touristiques, prometteurs pour la croissance et l’emploi, le gouvernement a envoyé un signal négatif à l’outre-mer. Signal qui ne saurait être contrebalancé par l’annonce tardive d’une loi d’orientation qui se résume en l’état à un catalogue de vœux pieux.
Le gouvernement a en outre, et c’est encore plus grave, ouvert la porte à l’idée que des dispositifs spécifiques, justifiés par la nécessité du développement, n’avaient pas lieu d’être, que l’alignement sur le droit commun était l’alpha et l’oméga de toute politique.
Ce faisant, il ne s’est pas donné – c’est le moins qu’on puisse dire – des titres à faire progresser, dans les instances européennes, la notion d’intégration adaptée des DOM. Comment y parviendrait-il dès lors qu’il s’obstine à plaquer à tout prix sur l’outre-mer les politiques arrêtées pour la métropole ?
Ainsi en est-il des emploi-jeunes, puisqu’on ne s’est jamais vraiment préoccupé de la capacité des communes d’outre-mer à les à les prendre en charge ;
Ainsi en est-il de la politique de traitement des déchets ou de l’eau ;
Ainsi en est-il de la gestion des effectifs de l’éducation nationale ;
Non. En vérité, il y a une réalité qui est incontournable :
pour promouvoir l’intégration adaptée à l’Europe, il faut commencer par la pratiquer chez soi
Cette intégration adaptée, c’est donc à vous, à nous d’en être les champions. D’en être les champions parce qu’elle est la seule voie possible pour assurer le progrès économique et social de l’outre-mer. Il faut s’inspirer, au niveau communautaire, de ce que nous avons fait dans la Constitution française : soustraire les DOM à un égalitarisme juridique dont l’application stricte les pénalise et rechercher les solutions les plus adaptées à leur développement.
Il faut, dans cette perspective, se féliciter que le traité d’Amsterdam – qui n’a décidément pas que des défauts – consacre la reconnaissance des particularités des régions ultra périphériques et la nécessité de moduler l’application du droit communautaire en fonction des contraintes géographiques, climatiques et économiques qu’elles engendrent.
Cette innovation, qui doit beaucoup à l’action de notre ami Dominique Perben, est un progrès. Mais elle doit déboucher sur des applications concrètes :
• Le prochain Parlement Européen aura ainsi la vaste mission de contrôler l’attribution des fonds structurels, c’est-à-dire des crédits qui permettent de financer le développement des zones les plus fragiles. Il importe que l’affectation régionale de cette manne soit réalisée équitablement. Que la Guyane, en particulier, en bénéficie pour une juste proportion.
• Le prochain Parlement Européen aura également la lourde responsabilité de participer au vaste chantier de l’adaptation, indispensable au développement économique et social des zones ultra périphériques.
Les domaines à couvrir sont vastes :
• Ils sont agricoles, avec la protection et le soutien des filières traditionnelles, au premier rang desquels la banane ;
• Ils sont commerciaux, avec l’abolition du principe de non-réciprocité qui pénalise les productions domiennes ;
• Ils sont fiscaux, avec l’avenir de l’octroi de mer ;
• Ils sont maritimes, avec le développement des activités de pêche.
Voilà des problèmes concrets. Des problèmes dont il va falloir parler concrètement, plutôt que de se perdre dans des discussions sans fin sur le sexe des anges.
Il ne sert à rien de rejeter l’Europe en bloc comme le font certains. Ce serait rejeter notre histoire, nos efforts passés, notre vocation, ce serait nier son bilan.
Il ne sert à rien non plus de l’idéaliser, comme le font d’autres, ou de chercher à toutes forces à la faire correspondre au modèle non transposable des Etats-Unis d’Amérique. Serait-ce avoir une grande ambition pour l’Europe que d’en faire un clone ? Nous ne le croyons pas.
A cet égard, on peut dire de l’Europe exactement la même chose que de l’outre-mer. La vraie priorité aujourd’hui n’est pas de se lancer dans je ne sais quelles arabesques juridiques. La priorité, elle est de concentrer ses efforts sur le combat pour la croissance et l’emploi, pour l’amélioration de la sécurité et le renforcement du contrôle des flux migratoires, pour le respect des singularités.
L’essentiel, c’est bien de dire quelle Europe nous voulons bâtir. Au service de quelle politique nous voulons l’orienter. Avec quels instruments nous voulons la faire fonctionner.
Ce que pourrait être cette Europe, nous en avons ici, en Guyane, une illustration avec le Centre spatial de Kourou, ébauche d’une Europe de l’espace susceptible de rivaliser avec les autres puissances.
Grâce aux efforts de la France, permis par la création du C.N.E.S., sous l’impulsion du Général de Gaulle, grâce à l’intelligence, au savoir-faire de ses ingénieurs, l’Europe a pu s’affirmer comme un grand de ce monde en matière spatiale, au point qu’elle lance aujourd’hui un plus grand nombre de satellites que les Etats-Unis d’Amérique.
L’Europe que nous voulons, c’est celle-là !
C’est une Europe qui aurait une ambition : jouer un rôle majeur dans les relations internationales, dans l’organisation des échanges commerciaux, dans la production industrielle. Une Europe qui ne serait pas absente des secteurs de pointe, des activités de haute technologie, mais qui mettrait en commun les ressources de ses pays pour s’y tailler une place de choix.
Cette Europe, elle serait donc fondée sur la volonté des Etats d’unir leurs forces au service d’un projet commun, comme ils ont si bien réussi à les rassembler dans le domaine spatial ou aéronautique.
Cette Europe Unie des Etats, comme l’a si bien dénommée le Président de la République, elle reposerait sur une méthode : privilégier une intervention collective dans les domaines où la valeur ajoutée pour les peuples, pour les citoyens, est réelle. Et laisser agir les nations là où elle ne l’est pas.
L’Europe ne doit pas être un carcan de disciplines communautaires, elle doit être un moyen d’affirmer une identité propre, au service d’un modèle de société. Elle doit être forte, pour faire prévaloir sa vision du monde.
Dans le même esprit, l’Union Européenne doit faire preuve d’une grande fermeté vis-à-vis des Etats qui exploitent leur main-d’œuvre dans des conditions inacceptables. Nous avons commémoré, avec beaucoup d’émotion, l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Et vous y avez pris une part déterminante.
Mais nous n’avons pas célébré Victor Schoelcher, nous n’avons pas rappelé cette grande conquête des droits de l’homme, pour tolérer l’esclavage moderne sur lequel repose encore trop souvent une forme dévoyée de l’économie de marché.
Mais il n’a pas que l’économie ;
Il n’y a pas que l’influence dans le monde ;
Il y a aussi en jeu la capacité de l’Europe à assurer la sécurité de son vaste espace, à maîtriser les flux migratoires qui la traversent.
Vous le savez ici, mieux que quiconque, car la Guyane paie chaque année un lourd tribut à la violence, comme la mort récente de gendarmes, dans l’exercice de leur mission, nous le rappelle.
Le développement de l’insécurité vous inquiète. L’essor du trafic et de la consommation de la drogue vous préoccupe. L’afflux d’immigrants en provenance du Surinam est un défi permanent.
Il ne s »agit pas, sur ce sujet, de faire de la démagogie. Chacun sait que les frontières de la Guyane sont difficiles à surveiller et qu’il est aisé de franchir indifféremment les fleuves qui la constituent. Quels que soient les gouvernements en place, ce sont là des données intangibles.
Cela n’exonère pourtant pas le gouvernement actuel de sa responsabilité, s’agissant de l’orientation générale, de sa politique d’immigration. La politique de régularisation massive des sans-papiers, le démantèlement des lois que nous avions fait voter par le Parlement entraînent en ce moment un appel d’air considérable : croissance des demandes d’asile à la frontière, recul du taux d’exécution des reconduites à la frontière, se conjuguent pour créer une situation dangereuse.
Nous avons besoin d’une véritable harmonisation des lois nationales de lutte contre l’immigration clandestine, dans le sens de la rigueur. Ce qui obligera la France à revoir sa copie, tant elle se situe en décalage par rapport à ses voisins.
Nous avons besoin d’élaborer des critères communs de reconnaissance de l’asile.
Nous avons besoin d’adopter des règles claires en matière de régularisation des clandestins, car dans un contexte de libre circulation, où les étrangers peuvent se rendre sans contrôle dans tous les états de l’Union, le laxisme des uns se répercute chez les autres.
La tâche qui nous attends, sur l’ensemble des sujets que je viens de développer et sur bien d’autres encore, est donc vaste, et même, à bien des égards, immense.
Sans doute cette tâche ne pourra-t-elle être accomplie qu’au prix d’une évolution des institutions européennes qui souffrent aujourd’hui à la fois d’une insuffisance d’efficacité et d’un déficit de démocratie.
Rassurez-vous, je n’étendrai pas ce soir sur cette question qui mériterait de trop longs développements.
Je me bornerai à dire que l’une des clés de la démocratisation du fonctionnement de l’Europe réside dans sa faculté à mieux associer les citoyens aux décisions qui les concernent. Cela passe assurément par une meilleure participation des parlements nationaux à l’élaboration des règlements et directives.
Cela passe aussi par une concertation accrue avec les populations concernées par des dispositifs spécifiques, et je pense bien sûr aux DOM.
Il faut renforcer la présence de l’Union Européenne dans les DOM. Et il convient parallèlement de renforcer la position des DOM dans l’Union, en prévoyant une consultation appropriée de leurs représentants sur les politiques communautaires ou sur les accords internationaux passés par l’Europe susceptibles d’affecter l’outre-mer.
Mesdames, Messieurs,
Aurais-je assez illustré que l’outre-mer en général, que la Guyane en particulier, sont directement concernés par le scrutin du 13 juin ?
Comme pour l’ensemble de la métropole, l’élection européenne est essentielle pour votre avenir.
Sans doute n’en avons-nous pas encore tout à fait conscience.
Sans doute certains croient-ils encore que cette élection n’a pas d’incidence réelle sur leur vie quotidienne. Que l’Europe, c’est loin. Et que, de toute façon, il y a peu de chance que l’Europe se préoccupe vraiment de la Guyane.
Il faut les convaincre du contraire.
En soulignant que la véritable alternative se situe entre les socialistes et nous, entre ceux qui veulent une France forte et solidaire dans une Europe Unie des Etats et ceux qui se résignent à une France engourdie et divisée dans une Europe de la réglementation et de la contrainte.
Il ne s’agit pas de dresser une France contre une autre.
Il ne s’agit pas de donner des leçons à ceux qui ont fait d’autres choix que nous.
Il s’agit de rassembler, d’entraîner autour d’une ambition pour la France dans l’Europe. Autour du sentiment simple et profond que l’Europe a besoin de la France pour réaliser ses vocations :
Pour être une Europe politique, fondée sur le consentement de nations libres.
Pour être une Europe enrichie de la diversité de ses cultures et de ses langues, de ses traditions, et non une Europe appauvrie par l’uniformisation et la standardisation.
Il faut donc aimer la France pour construire l’Europe.
Le défi est exaltant.
Il impose que nous concentrions nos forces pour peser sur l’orientation de l’Union, au lieu de les disperser inutilement pour des motifs obscurs.
Voter utile, ce n’est pas en la circonstance un slogan de campagne ;
C’est une nécessité pour être utile à l’Europe, à l’outre-mer, à la Guyane et donc, en définitive, à la seule cause qui nous importe, celle de la France.
à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)
le 10 mars 1999
Chers amis merci.
Merci à toutes et à tous de cette forte présence ce soir.
Merci encore de la chaleur de votre accueil sur cette terre de Guadeloupe que je connais bien pour y être venu à de nombreuses reprises dans le cadre de fonctions officielles, mais aussi, je ne crains pas de l’avouer, pour me ressourcer auprès de vous, pour reprendre des forces, pour retrouver la volonté et l’enthousiasme.
Merci à tous les élus du RPR et Démocratie Libérale que je suis heureux de retrouver si nombreux ce soir. Merci d’abord à Lucette Michaux-Chevry qui préside aux destinées de la région Guadeloupe et qui représente au Sénat votre île avec une détermination exemplaire.../…
Son expérience politique, sa force de conviction, ses talents sont une chance pour cette belle région. Je salue également Philippe Chaulet, qui s’acquitte de cette même mission à l’Assemblée Nationale, avec beaucoup d’ardeur : Blaise Aldo qui est la voix de l’outre-mer à Strasbourg, et tous les élus locaux, maires, conseillers généraux et conseillers régionaux qui nous font l’honneur de leur présence.
Vous le savez : je suis accompagné, au cours de ce périple par mon collègue et ami Dominique Bussereau secrétaire général adjoint de Démocratie libérale, le parti d’Alain Madelin. Il est lui-même un spécialiste des problèmes de l’outre-mer. Mais sa présence à mes côtés n’est pas seulement utile. Elle témoigne de l’esprit d’union dans lequel nos deux formations engagent ensemble la campagne des élections européennes.
Et ce n’est pas Charles Coppet qui représente en Guadeloupe, Démocratie Libérale, qui me démentira.
Cette campagne, j’attends que vous y preniez toute votre part. A cet égard, j’ai moi-même toute confiance en Daniel Beaubrun, notre secrétaire départemental. Il anime notre mouvement et coordonne son action avec dynamisme. Les prochains mois vont le mettre beaucoup à contribution ; par avance, je lui dis ma reconnaissance.
Chers amis,
Je retrouve ici, comme à chaque fois, les mêmes élans, la même attente, mais aussi la même fierté.
Déjà, cette force et cette ardeur, le Général de Gaulle les avait ressenties comme une caractéristique de votre personnalité, personnalité qui fait la richesse de la France dans sa diversité.
A lui, je pense intensément en ce moment.
Moi, homme de métropole aujourd’hui, mais homme d’outre-mer par mon origine et les débuts de ma formation, je retrouve ici en Guadeloupe, la réalité de la France, la grandeur de la France. Je retrouve ici le miroir où l’on peut lire le mieux cette réalité française. Cette réalité, je la retrouve dans les yeux et dans le cœur de ceux qui en sont apparemment éloignés, par la distance ou par la couleur de la peau.
C’est pour cela que j’aime la Guadeloupe et que je rêve d’y voir effacés les sillons douloureux qui ont marqué son histoire.
Je veux parler en particulier de l’esclavage, cet épisode honteux de l’histoire des hommes sur lequel la France ne doit pas faire l’économie de la condamnation la plus vive.
Même si ici en Guadeloupe, on sent une volonté de dépasser cette histoire, il nous faut savoir en tirer les enseignements pour le meilleur et non pour le pire.
Je le dis et je le dirais encore ailleurs : cette histoire, il faut l’assumer non pour entretenir des complexes, mais pour d’autant mieux affronter l’avenir, pour réussir le développement et faire vivre ensemble, fraternellement, des hommes et des femmes d’origines différentes mais unis par une même vision de leur futur…
Vieille terre de mémoire, de référence sociale, de volonté affirmée, mais aussi d’inquiétude, la Guadeloupe est le reflet contrasté de ce que la France peut produire de meilleur, je pense au développement de l’énergie éolienne, de la géothermie, de la recherche – et ce qu’elle peut faire parfois de contestable – je pense à l’incapacité du gouvernement actuel à garantir à tous les guadeloupéens un avenir clair en se bornant à organiser un débat sur les problèmes d’organisation statutaire alors que les mesures économiques sont retardées.
Il y a toujours des progrès à faire en matière statutaire. Et j’approuve tout à fait l’initiative de Lucette Michaux-Chevry qui a débouché sur la constitution d’un groupe de travail commun au Conseil général et au Conseil régional pour explorer au mieux les possibilités ouvertes par l’article 73 de la Constitution. Mais j’ai l’impression que pour les Socialistes, ces discussions sont surtout un alibi pour esquiver les vrais problèmes. Pour fuir leurs responsabilités. N’oublions jamais qu’un statut, c’est un outil. L’essentiel, c’est ce qu’on fait avec.
Alors ; apprenons à bien utiliser les moyens que nous avons.
Et commençons par bien utiliser l’Europe.
C’est pour cela que je suis ici avec Dominique Bussereau.
C’est pour vous proposer de faire en sorte que demain l’Europe soit plus et mieux encore au service de la Guadeloupe.
Et c’est ça le vrai sujet des élections européennes.
En Europe comme en Guadeloupe c’est pas du statut qu’il faut seulement parler.
Le problème n’est pas de savoir si on est pour ou contre l’Europe, s’il faut qu’elle soit fédérale ou confédérale.
Le problème c’est : comment la faire bien fonctionner ? Comment en tirer le meilleur parti possible ?
Alors nous sommes venus pour vous écouter, pour voir, pour comprendre. Nous sommes venus aussi pour vous dire nos propres intentions.
Vous le savez, je vais conduire une liste d’union de l’opposition aux élections européennes. Je vais solliciter l’honneur de vos suffrages. Et il était évidemment hors de question que je m’en tienne à une campagne depuis Paris, sans venir à votre rencontre…
D’autant que si j’ai décidé de m’engager, ce n’est pas pour parler seulement des problèmes de la Métropole.
C’est d’autant moins mon intention que les intérêts de la métropole et ceux des DOM sont à mes yeux indissolublement liés. Cela, je l’ai appris de Jacques Chirac. Et, croyez-moi, je compte m’inspirer de son exemple.
Si je suis candidat, avec Alain Madelin, c’est parce que je suis résolu d’être le défenseur des départements d’outre-mer au Parlement européen.
Je suis résolu d’être, en particulier, le défenseur des intérêts de la Guadeloupe.
Et j’y suis résolu car je crois que la Guadeloupe et l’ensemble des départements d’outre-mer sont une chance pour l’Europe, comme ils sont, depuis toujours une chance pour la France.
Cette dimension universelle de la France nous voulons que l’Europe aussi décide de l’assumer et qu’en retour vous soyez, à son échelle, les bénéficiaires d’une solidarité et d’une reconnaissance de vos droits et de vos mérites.
Car cette Europe que nous voulons, nous ne la voulons pas repliée sur elle-même.
Nous ne voulons pas d’une Europe nombriliste alors que nous entrons dans l’ère de la mondialisation.
Nous voulons une Europe ouverte sur le monde, présente au-delà des océans, partout où ses intérêts et ceux de sa population l’exigent.
C’est pourquoi je m’élève contre l’outrecuidance de certains qui considèrent l’outre-mer comme un fardeau financier supplémentaire pour l’Europe, dont on aurait de cesse de diminuer le poids sur le budget communautaire.
Il s’agit de comprendre une fois pour toutes, que seul l’outre-mer peut conforter l’Europe dans sa place de première puissance maritime du globe. Que seul l’outre-mer peut participer au développement de sa politique en matière d’énergies nouvelles et puissamment contribuer à sa diversité et à sa richesse culturelle.
Il s’agit de comprendre, qu’en contrepartie, l’outre-mer doit être aidé puissamment, pour pouvoir assumer son développement.
Et s’ils ne l’ont pas compris, s’ils ne veulent pas le comprendre, comptez sur moi pour le leur expliquer “et yo qué couté moin”.
Les problèmes, ici en Guadeloupe, je crois les connaître.
Je n’ai jamais oublié les moments si denses que j’ai passé ici, il y a maintenant déjà un peu plus de 10 ans, alors que j’étais Ministre des affaires sociales du gouvernement de Jacques Chirac. Et je suis resté très fier, en particulier, d’avoir pu contribuer à la rénovation et à l’équipement des hôpitaux de Basse-Terre, de Pointe-à-Pitre et de Marigot, de Saint-Martin aussi, en une période où déjà l’afflux de malades venant des îles voisines contribuait à rendre difficile la satisfaction des immenses besoins du département en matière de santé.
Ces problèmes, je sais qu’ils sont d’abord d’ordre social ; je sais le poids du chômage et de la précarité, je sais les difficultés que rencontrent les producteurs de bananes confrontés à l’envahissement et à la tentative hégémonique des productions de moindre qualité soutenue par les Américains.
Qu’on ne doute pas un instant de ma détermination sur le dossier de la banane. Parce que ce dossier, au-delà de son impact économique, a à mes yeux une forte pensée symbolique. Nous, nous défendons des hommes et des femmes qui participent à une production. Nos adversaires, eux, défendent des multinationales qui exploitent des hommes et des femmes. C’est toute la différence.
Je sais aussi que le développement de l’industrie sucrière, contrairement à ce que croient certains, a encore des possibilités sur le marché européen. Mais pour que cela soit fait, il faut un véritable dialogue entre les dirigeants de l’Union européenne et les producteurs locaux. J’en ai tiré une conviction renforcée de ma visite à Gardel, cet après-midi.
Je sais aussi que les problèmes peuvent varier d’une île à l’autre…
Saint-Martin, par exemple, est confrontée à une double insularité à laquelle s’ajoute la bivalence d’appartenance, avec une immigration clandestine importante, une menace de rupture sociale permanente et un territoire exigu.
Mais pour que l’Europe fasse son devoir, encore faut-il que la France elle-même donne l’exemple en menant à l’égard de son outre-mer une politique nationale active, fondée sur l’objectif premier de progrès économique et social.
Or, je ne vois, dans l’action du gouvernement actuel, aucune initiative, aucune décision, aucun projet qui soit de nature à permettre de répondre aux problèmes qui se posent : un chômage endémique générateur de désespoir et de violence, en particulier chez les jeunes ; des équipements collectifs insuffisants, en particulier dans le domaine de l’enseignement, de la santé et des grandes infrastructures ; des productions menacées, - je pense encore au rhum ou à la pêche, dont les intérêts mériteraient d’être mieux défendus dans les instances internationales ;…/…
Un endettement et des difficultés de financement chroniques, pour les entreprises comme pour les collectivités territoriales, que l’absence, désormais, de toute politique structurante risque de conduire à un déclin durable, alors même que le tourisme, par exemple, devrait pouvoir se développer de façon bien plus profitable pour l’ensemble des habitants de ce département ; l’insécurité enfin ; qui est une menace insupportable au quotidien pour tous ceux qui, ici, veulent pouvoir continuer à se déplacer, à travailler et à vivre, tout simplement, sans craindre pour leur intégrité et celles de leurs proches.
Quel contraste avec les initiatives qui avaient été prises.
Qui pourrait oublier, par exemple que c’est le gouvernement de Jacques Chirac qui a fait voter la grande loi d’orientation de 1986 et la défiscalisation ; que c’est Jacques Chirac, Président de la République, qui a fixé l’objectif de l’égalité et jeté les bases de sa réalisation.
Il est d’autant plus regrettable que le gouvernement socialiste, non content de ne rien faire, s’acharne à défaire ce qu’avaient fait les autres.
Le rythme des investissements tant publics que privés a baissé. Alors même qu’il y avait urgence à renforcer le tissu des petites et moyennes entreprises.
Mais il y a eu pire encore. Il y a eu l’abrogation de certaines des dispositions de la loi Pons. Cette loi avait sans doute besoin d’amélioration mais certainement pas d’être dépecée à grands coups de sabre.
Il ne s’agit pas que d’une erreur économique. C’est un contresens politique. En supprimant brutalement, sans réflexion globale ni projet d’ensemble, des mesures encourageant l’essor de secteurs d’activité, notamment touristiques, prometteurs pour la croissance et l’emploi, le gouvernement a envoyé un signal négatif à l’outre-mer. Signal qui ne saura être contrebalancé par l’annonce tardive d’une loi d’orientation qui se résume en l’état à un catalogue de vœux pieux.
En fait, le gouvernement donne l’impression de ne rien comprendre aux problèmes de l’outre-mer. Il se contente de lui plaquer les politiques arrêtées par la métropole.
Ainsi en est-il des emploi-jeunes, puisqu’on ne s’est jamais préoccupé de la capacité des communes d’outre-mer à les prendre en charge ;
Ainsi en est-il de la politique de traitement des déchets de l’eau ;
Ainsi en est-il de la gestion des effectifs de l’éducation nationale…
Non. En vérité, il y a une réalité qui est incontournable : pour promouvoir l’intégration adaptée à l’échelle de l’Europe, il faut d’abord commencer par la pratique chez soi.
Les socialistes et leurs alliés rouges et verts n’ont aucun titre à être de bons défenseurs de l’outre-mer en général et de la Guadeloupe en particulier.
Il faut faire confiance à ceux qui ont compris qu’il fallait s’inspirer, au niveau de l’Union, de ce que nous avons fait dans la constitution française : soustraire les DOM à un égalitarisme juridique dont l’application stricte les pénalise et rechercher les solutions les plus adaptées à leur développement.
Il faut, dans cette perspective, se féliciter que le traité d’Amsterdam - qui n’a décidément pas que des défauts - consacre la connaissance des particuliers des régions ultra périphériques et la nécessité de moduler l’application du droit communautaire en fonction des contraintes géographiques, climatiques et économiques qu’elles engendrent.
Cette innovation, qui doit beaucoup à l’action de Dominique Perben, est un progrès. Mais elle doit déboucher sur des mesures concrètes. Et je sais que Lucette Michaux-Chevry en a discuté tout récemment, très concrètement à Cayenne avec les six autres chefs d’exécutifs des régions ultrapériphériques.
Le prochain Parlement européen aura ainsi la vaste mission de contrôler l’attribution des fonds structurels, c’est-à-dire des crédits qui permettent de financer le développement des zones les plus fragiles. Il importe que l’affectation régionale de cette manne soit réalisée équitablement. Croyez-moi : j’y veillerai.
De même que je veillerai à ce que l’introduction de l’euro, en 2002, soit un succès. A ce moment-là, l’Europe aura une véritable présence physique en Guadeloupe. Encore faudra-t-il qu’il facilite vraiment nos échanges commerciaux vers l’ensemble de l’union.
Mes chers amis,
De vastes chantiers doivent s’ouvrir :
- Ce sont des chantiers agricoles, avec la protection et le soutien des filières traditionnelles au premier plan desquels la banane, et aussi la canne et le melon.
- Ce sont des chantiers relatifs à la pêche : l’absence de délimitation des eaux françaises, l’absence d’accords de pêche avec nos voisins posent des problèmes qui deviennent insupportables.
- Ce sont les chantiers commerciaux, avec l’abolition du principe de non-réciprocité qui pénalise les productions antillaises, avec la remise en cause du libre accès dans les DOM, des produits de la Convention de Lomé, qui crée une situation tout à fait inéquitable.
- Ce sont des chantiers fiscaux, où il s’agira d’adapter l’octroi de mer au développement économique en préservant son avenir.
- Ce sont des chantiers maritimes avec le développement des activités de pêche pour nos marins trop souvent rançonnés et maltraités parce que le gouvernement n’a pas effectué les démarches de protection nécessaire.
Voilà des problèmes concrets. Des problèmes dont il va falloir parler clairement, plutôt que de se perdre dans des discussions sans fin sur le sexe des anges.
Il ne sert à rien de rejeter l’Europe en bloc.
Il ne sert à rien non plus de l’idéaliser.
L’Europe ne doit pas être qu’un carcan de disciplines communautaires, elle doit être un moyen d’affirmer une identité propre, au service d’un modèle de société.
Elle doit être forte, pour faire prévaloir sa vision du monde. Et ça n’est pas un vain mot.
Dans cet esprit, elle doit faire preuve d’une grande fermeté vis-à-vis des Etats qui exploitent leur main-d’œuvre dans des conditions inacceptables. Nous avons commémoré, avec beaucoup d’émotion, l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Et vous y avez pris une part déterminante.
Mais nous n’avons pas célébré Victor Schoelcher, nous n’avons pas rappelé cette grande conquête des droits de l’homme, pour tolérer l’esclavage moderne sur lequel repose encore trop souvent une forme dévoyée de l’économie de marché.
Comme je veillerai à faire en sorte que les décisions soient prises après que vous ayez été consultés.
Il faudra prévoir une consultation appropriée de vos représentants sur les politiques communautaires comme cela existe aujourd’hui pour les lois nationales.
Chers amis,
Aurais-je pu vous convaincre de l’importance des élections européennes du 13 juin prochain ?
Il va nous falloir dire et redire que la véritable alternative se situe entre les socialistes et nous, entre ceux qui veulent une France forte et solidaire dans une Europe Unie des Etats et ceux qui se résignent à une France engourdie et divisée dans une Europe de la réglementation et de la contrainte.
Entre ceux qui livrent une Guadeloupe à l’ancan, aux troubles et à la désespérance et ceux qui veulent une Guadeloupe sereine, fière de ses filles et fils qui brillent dans la littérature, les sciences et les arts, qui brillent dans le sport sur tous les stades du monde.
Il ne s’agit pas de dresser une France contre une autre.
Il s’agit de rassembler, d’entraîner autour d’une ambition pour la France dans l’Europe. Autour du sentiment simple et profond que l’Europe a besoin de la France pour réaliser ses vocations :
Pour être une Europe politique, fondée sur le consentement de nations libres,
Pour être une Europe enrichie de la diversité de ses cultures et de ses langues, de ses traditions, non une Europe appauvrie par l’uniformisation et la standardisation.
Le défi est exaltant.
Et avec vous tous, rassemblés ici, je le relèverai car je crois que les Guadeloupéens attendent de la France un grand élan de solidarité, un grand dessein dans l’Europe nouvelle.
Alors, à vous tous je dis “quimbé raide an la solide”.
à Pointe à pitre (Martinique) le 10 mars 1999
Chers amis,
Merci d’abord à vous tous et vous toutes pour votre présence si nombreuse ce soir.
Merci pour votre accueil toujours aussi chaleureux. Je savais, en venant en Martinique, que je retrouverai la même ferveur, le même enthousiasme.
Je me réjouis de revoir à l’occasion de cette rencontre amicale, vos deux parlementaires : Pierre Petit et Anicet Turinay qui représente la Martinique à l’Assemblée Nationale. J’ai pu mesurer quand j’en étais le président avec quelle agilité ils arrivaient à concilier leur souci d’assurer une réelle présence sur le terrain et leur assiduité exemplaire dans l’hémicycle et cela malgré la distance qui sépare leur circonscription du palais Bourbon.
Je salue également tous les élus locaux, les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux qui nous font l’honneur d’être avec nous ce soir. Ils témoignent ainsi de leur soutien et je leur en suis très reconnaissant.
Merci à Dominique Bussereau, le secrétaire général adjoint de Démocratie Libérale, pour ses propos. Sa présence à mes côtés durant ce déplacement dans les départements d’outre-mer illustre dans quel état d’esprit nos deux formations abordent cette campagne électorale. Je salue par la même occasion Miguel Laventure qui anime dans votre île la formation d’Alain Madelin.
Enfin je n’oublie pas Michel-Victor Chalono, notre secrétaire départemental qui fait tant pour faire vivre la fédération RPR de Martinique. Par avance je le remercie pour le travail qui lui sera demandé durant les prochaines semaines.
Ma présence dans votre commune dont le nom est si marqué par l’histoire me donne l’occasion de rappeler le lien indestructible que la République a su nouer avec les Antilles et en particulier avec la Martinique. Lien qu’avait immédiatement perçu Victor Schoelcher lors de son premier séjour en Martinique. Ce « quarante-huitard » n’aura alors de cesse que de lutter pour sa liberté des hommes vivant encore dans les chaînes de l’esclavage.
La République dut s’y reprendre à deux fois pour abolir l’esclavage. Une première fois, brièvement, en 1974 puis de manière irréversible en 1848 grâce à ce jeune sous-secrétaire d’Etat à la marine et aux colonies. L’émancipation dont on a commémoré le cent cinquantième anniversaire l’année dernière fut avec le suffrage universel l’honneur de cette Deuxième République. Grâce à l’engagement de ces hommes, notre devise retrouva alors tout son sens.
Et c’est encore la République qui en 1946 vota à l’unanimité les lois sur la départementalisation, donnant à la Martinique mais aussi à la Guadeloupe, à la Guyane et à la Réunion un statut équivalent à celui des départements de métropole.
Ainsi après avoir donné en 1848 aux Antillais le statut d’hommes libres, la République faisait d’eux et des Réunionnais et Guyanais des citoyens français de plein droit, quatre-vingt-dix-huit ans plus tard. Par la même elle se régénérait et disait sa confiance dans l’avenir.
Les liens entre la République et la Martinique ont aussi été éprouvés durant les guerres qui déchirèrent l’Europe. A leur tour les Antillais prirent toute leur part dans le combat pour la liberté. En rejoignant si nombreux les forces du général de Gaulle ils assurèrent la présence de l’outre-mer dans la victoire.
C’est encore la République qui reconnut en 1958 constitutionnellement la spécificité des départements d’outre-mer.
Mais pour l’égalité entre tous les Français soit pleine et entière vous avez dû attendre 1995 et l’élection à la présidence de la République de Jacques Chirac. A son initiative, parce qu’il est, vous le savez bien, profondément attaché à l’outre-mer à ses femmes et à ses hommes, l’égalité sociale a pu enfin être réalisée.
Cet engagement auquel il réserva toute son attention et toute sa détermination se traduisit par la revalorisation significative du SMIC et la mise à niveau des prestations familiales.
C’est dans ce contexte si privilégié entre l’outre-mer et la métropole que s’est inscrit la construction européenne. L’outre-mer y a pris immédiatement toute sa place.
Oh ! Mes chers amis, l’Europe, je le sais, c’est loin.
Déjà, la métropole, ça vus paraît loin. Au propre et au figuré. Tant elle paraît souvent méconnaître vos problèmes. Alors, j’imagine que pour vous, l’Europe, c’est pire encore.
Vous en entendez bien parler de temps en temps parce que vous avez découvert que, bizarrement, certains de vos problèmes ne se traitent plus à Paris, mais à Bruxelles, à Luxembourg ou à Strasbourg. ../…
Vous en entendez bien parler de certains organismes avec des noms compliqués dont on vous dit qu’ils intervenaient financièrement dans les départements d’outre-mer, qu’ils y développaient des programmes.
Mais j’imagine qu’il n’y avait rien là qui fut de nature à entretenir les conversations, le soir à la veillée.
Ce qui fait de moi qui vient vous parler d’Europe, j’éprouve des scrupules et surtout des craintes.
Saurai-je vous convaincre de l’importance du sujet ? Saurai-je vous démontrer combien ce qui se passe au niveau européen peut avoir de conséquences pour la Martinique, peut avoir de conséquences pour votre vie quotidienne ?
La France n’a jamais cessé de plaider en Europe pour l’outre-mer. Elle n’a pas cessé de s’expliquer que c’était tout entière qu’elle devait participer à l’Europe. Elle n’a jamais cessé de faire valoir que l’outre-mer était une chance pour elle, et qu’elle devait devenir une chance pour l’Europe tout entière…
L’outre-mer français peut donner à l’Europe la dimension nécessaire pour s’affirmer sur la scène internationale comme une véritable grande puissance.
Au moment où se constituent des nouveaux blocs économiques et politiques que ce soit aux Amériques avec l’ALENA et le MERCOSUR, ou en Afrique et dans l’Océan indien, la France peut apporter à l’Europe par vos territoires, une présence politique, administrative et maritime à travers les océans.
Toute notre action dans les années qui viennent doit être de persuader nos partenaires européens de cette chance que constituent pour l’ensemble de l’Union ces terres qui lui permettent une présence dans les cinq continents et font d’elle non seulement une puissance continentale mais aussi une vraie et une grande puissance maritime.
Alors, cela entraîne en contrepartie des devoirs de l’Europe vis-à-vis de l’outre-mer.
L’Europe doit prendre sa part à votre effort de développement.
Cette question, j’entends bien en faire moi-même l’une de mes grandes priorités car elle est déterminante. Ou bien l’Europe fait en sorte que l’outre-mer soit sa passerelle vers l’extérieur. Une passerelle moderne, dynamique. Une vitrine en Amérique et dans l’Océan indien. Ou bien elle renonce à cette ambition et se cantonne à n’être qu’une puissance régionale, sous influence et en définitive domination.
Soyons justes, des résultats ont déjà été obtenus. Des résultats qui montrent la voie…
Dans son article 299 le traité d’Amsterdam ouvre à nos DOM non seulement une reconnaissance européenne du statut de région ultrapériphérique de l’Europe, mais encore autorise des adaptations nécessaires à la prise en compte de leurs difficultés de développement.
Ce résultat qui formalise en quelque sorte les droits de l’outremer en Europe et les devoirs de l’Union envers ces territoires n’aurait pas été possible sans l’important travail réalisé par les parlementaires de l’outremer dès 1994 pour faire reconnaître la spécificité de leurs collectivités durant les négociations de la conférence intergouvernementale de Turin qui ont abouti au traité d’Amsterdam.
Dans ce combat ils étaient efficacement relayés par nos deux ministres de l’outre-mer Dominique Perben puis Jean-Jacques de Peretti.
Certes cette reconnaissance est tardive mais elle commence à offrir notamment pour la Martinique des droits à une meilleure prise en compte de son besoin de développement.
C’est dans cette direction qu’il faut continuer.
Et c’est là tout l’enjeu des élections européennes pour la Martinique.
C’est cela l’essentiel.
Il ne s’agit plus de se demander si on est pour ou contre l’Europe : c’est un débat largement dépassé. Il s’agit de savoir comment on en tirera le meilleur parti possible…
Alors, vous, mes chers compatriotes de Martinique, vous devez prendre toute votre part au débat national qui s’annonce.
A tout le débat, au débat dans son entier, dans la plénitude.
Et ne croyez pas que lorsque nous allons devoir contrer ceux qui rêvent à je ne sais quelle Europe des régions, qui rêvent à un système fédéral à l’américaine, pourtant fortement condamné par Jacques Chirac, vous ne serez pas concernés…
Certains vont venir vous dire « que les vieux Etats nationaux ne sont plus à l’échelle… ; que ce n’est plus à l’intérieur de nos frontières dérisoires que l’on peut faire bouger les choses, que l’on peut contraindre les puissants à écouter la voix des faibles »…
Non, cela nous ne vous le diront jamais.
Parce que nous pensons, pour notre part, qu’il devra toujours y avoir une Voix de la France.
Rien que pour cela, ce débat vous intéresse.
Rien que pour cela, je le répète, vous devez y prendre toute votre part.
Mais justement, il n’y a pas que cela… La France est évidemment nécessaire aux départements d’outre-mer.
Vous imaginez-vous, s’il n’y avait plus une nation française, s’il n’y avait plus une volonté politique française, ce que deviendraient vos départements, ce que deviendrait la Martinique ?
Vous croyez que cela les intéresserait le moins du monde, nos chers technocrates de Bruxelles ? Bien sûr que non.
Sans la France, qui plaiderait pour l’outre-mer en Europe ? Personne !
Vous êtes une part de la chair de la France. Alors, pour compter demain, croyez-moi, et quoi que vous disent les mauvais prophètes, il faut que la France, elle-même, continue d’exister !
Et puis ne vous y trompez pas, chers amis : un bon résultat aux européennes ; ce sera également une étape décisive sur le chemin de la reconquête.
Une reconquête nécessaire partout en France et tout particulièrement en Martinique.
Car posons-nous la question, sereinement, honnêtement : qu’ont apporté les socialistes et leurs alliés rouges et verts à l’outre-mer en général et à la Martinique en particulier. Que leur ont-ils apporté en dehors de belles paroles ? Que leur promettent-ils pour demain en dehors d’une loi-cadre qui ne sera qu’un recueil de bonnes intentions non suivies d’effets.
En revanche, je vois bien, nous voyons bien, tout ce que les socialistes ont coûté à l’outre-mer… Toutes les erreurs qu’ils ont commises…
D’abord en s’efforçant de plaquer sans se préoccuper de leurs conditions d’application les mêmes lois, les mêmes décisions qu’en métropole…
Comme si on pouvait y traiter de la même manière les emplois-jeunes ou les problèmes d’éducation, des problèmes de déchets et de l’eau…
Ensuite, en laissant se ralentir le rythme des investissements tant publics que privés.
Enfin, en s’en prenant à la loi Pons de défiscalisation. Ce qui non seulement produit des effets mécaniques défavorables en termes d’activités et d’emplois, mais qui plus est, constitue un signal défavorable pour l’ensemble de l’outre-mer.
Et puis, vous croyez vraiment que lorsqu’il a fallu défendre les intérêts de l’outre-mer face aux Américains ou face à nos partenaires, ils aient fait preuve de toute la détermination nécessaire ?
Sur la banane, fallait-il vraiment qu’ils votent en faveur des propositions de compromis de la Commission qui nous étaient si peu favorables ?
Et demain, lorsqu’il faudra s’opposer à la nouvelle offensive des porte-parole des multinationales qui exploitent l’Amérique du Sud, croyez-vous qu’on pourra compter sur leur détermination ?
Nous, au contraire, nous nous situons dans la ligne de Jacques Chirac qui a su dire, à New-York, ce qu’il avait à dire.
Parce qu’au-delà de la mesure de justice que représenterait la réévaluation à la baisse du contingent américain et l’introduction de mesures compensatoires additionnelles, il y a un problème politique majeur qui a valeur de symbole : nous, la mondialisation, nous voulons la mettre au service des hommes. Ça n’est pas la loi de la jungle.
Et je pourrai parler de bien d’autres secteurs d’activités.
Il est inadmissible que les pêcheurs martiniquais souffrent de l’absence de délimitation des eaux françaises et de l’inexistence d’accords de pêche avec leurs voisins.
Il est inadmissible que les produits de la Convention de Lomé puissent arriver sur vos marchés, alors que les différences de coûts de production créent une situation inéquitable.
En fait, tout cela témoigne d’une grande indifférence vis-à-vis de l’outre-mer et d’une grande méconnaissance de ses problèmes.
Tout se passe comme si les socialistes s’étaient résignés à y installer et à y organiser une société d’assistance, comme si n’existait pas, ici, un formidable potentiel de développement ; comme si les hommes et les femmes de Martinique n’avaient pas droit à leur part de dignité et de progrès.
Et comment diable les Socialistes et leurs amis pourraient-ils prétendre défendre la Martinique en Europe quand eux-mêmes donnent à l’Europe un si mauvais exemple : en laissant se développer un chômage générateur de désespoir et de violence ; en se contentant d’équipements publics insuffisants, en laissant tant de production à l’abandon.
Mes chers amis,
Ces élections européennes sont une première et grande occasion de reprendre les choses en main.
J’aurai l’honneur de conduire, avec Alain Madelin, la liste d’union de l’opposition constituée par Démocratie Libérale et le R.P.R.
Dans la mesure où ce scrutin est organisé selon le principe de la représentation proportionnelle, je serai directement candidat devant vous. C’est pour cela qu’il m’a semblé normal, légitime, nécessaire d’aller à votre rencontre…
Je veux que vous sachiez que j’ai l’intention de me considérer et de me conduire comme un bon élu de la Martinique. Comme un défenseur intransigeant de ses intérêts.
En nous apportant vos suffrages, vous ne ferez pas seulement le bon choix pour la Martinique. Vous ferez le bon choix pour l’ensemble de notre pays.
Et, une fois de plus, la Martinique sera au rendez-vous de la France.