Texte intégral
Q - Demain, à Paderborn en Allemagne, va se tenir un sommet entre les quinze ministres européens des Sports. On va y reparler de ce qu'on appelle « l'exception sportive. » En quoi cela consiste exactement ?
- « Jusqu'à présent le sport n'était pas pris en compte par l'Europe, et donc on appliquait au sport au niveau de l'Union européenne les règles de la libre concurrence comme en entreprise. Donc, je me suis battue depuis plus d'un an, avec d'autres ministres, pour que soient reconnus les aspects spécifiques du sport. Une exception sportive qui permettrait que le sport sorte de ces règles de la libre concurrence et garde tout son sens, qu'on protège le mouvement sportif. »
Q - Par exemple, le fait que des clubs de football fassent leur marché dans les centres de formation français et repèrent très vite des jeunes pour les faire venir dans leur pays. Cela serait interdit ?
- « Il faut que l'on trouve au niveau de l'Union européenne des règles communes. Il faut qu'on évite de se piller mutuellement. Il faut qu'on se mette d'accord pour qu'il n'y ait pas de transactions sur mineurs, par exemple, pour que les fédérations gardent leurs prérogatives par rapport… »
Q - Les transactions sur mineur sont interdites ?
- « Pour l'instant, non. Donc c'est une des questions qu'on va poser demain. »
Q - Le fameux arrêt Bosman qui permettait les transferts de joueurs.
- « La commission européenne a reconnu dans son document que cet arrêt Bosman a entraîné une déréglementation dans le sport. Je pense que, même si on ne revient pas sur cet arrêt Bosman, il faut trouver le moyen de limiter ses conséquences. La commission est aujourd'hui ouverte pour qu'on avance sur ces questions. »
Q - Est-ce que la difficulté pour certains clubs sportifs français tient au fait qu'ils ne peuvent pas afficher les mêmes rémunérations que d'autres grands clubs européens ?
- « Le sport français a voulu avoir une gestion saine, c'est très bien. Ce n'est pas toujours le cas dans d'autres pays ; on est, en effet, face à une concurrence un peu déloyale. Il faut apprendre à travailler de façon correcte entre les différents pays de l'Union européenne. Mais jusqu'à présent nous n'avions pas l'occasion d'en débattre puisque nous avons eu la première réunion des ministres des sports en janvier – sur les questions du dopage. Et demain ce sera la deuxième fois que nous aurons l'occasion vraiment de travailler avec les représentants de la commission ; et nous allons adopter sur différents points des résolutions. Donc c'est très important. »
Q - Le dopage sera aussi au coeur de vos conversations. Va-t-on vers une harmonisation ou la France reste-t-elle celle qui est la plus exigeante en matière de contrôle de dopage ?
- « Je ne crois pas que ce soit une question d'exigence. Je crois que la France a pris les mesures nécessaires pour s'attaquer vraiment de façon efficace à ce fléau. L'Italie d'ailleurs va adopter une loi identique à la nôtre. Plusieurs pays sont décidés à mener ce combat. Moi, ce que je voudrais demain c'est qu'on fasse le point : depuis janvier, comment a-t-on avancé dans chacun des pays ? Comment peut-on trouver à partir des réalités de chacun une harmonisation la plus proche possible sur la façon de combattre ? C'est une question de santé publique au-delà même de l'éthique sportive. Maintenant cela touche des mineurs, il faut que l'on prenne cette question à bras-le-corps. »
Q - Avec ce principe de contrôle longitudinal – un contrôle a priori et pas a posteriori – on a appris vendredi que peut-être la moitié du peloton pourrait être mis au repos pour des raisons médicales au moment du Tour de France ? Est-ce vrai ?
- « En effet, le suivi médical a révélé que beaucoup de coureurs cyclistes avaient un état de santé quand même très touché. Et donc les médecins demandent que certains s'arrêtent, et prennent du repos. Cela n'a pas de conséquences pour l'instant pour le Tour de France. Personne ne peut dire aujourd'hui que tel ou tel coureur sera interdit de Tour de France. »
Q - Vous démentez catégoriquement les interprétations qu'on a pu faire ?
- « Oui, mais faisons attention ! Il faut prendre cette affaire au sérieux. Et c'est pour cela qu'il faut éviter les rumeurs, les exagérations. C'est assez grave comme cela sans, je dirais, en rajouter. »
Q - Donc le Tour de France n'est pas menacé ?
- « Écoutez, franchement, je crois que le Tour de France va se tenir et j'espère qu'il va se tenir dans de bonnes conditions avec du beau sport. »
Q - Est-ce qu'à terme il ne faudra pas s'interroger sur ce type de contrôles auxquels pourraient être soumis aussi les cyclistes étrangers ? Parce qu'il pourrait y avoir une sorte de discrimination !
- « C'est pour cela justement que nous cherchons au niveau européen à harmoniser les démarches, parce que jusqu'à présent il y a des pays qui ne disposaient même pas de loi de lutte pour la santé des sportifs. Donc il faut qu'on avance ensemble. Je crois que c'est important si on veut que cette lutte soit efficace ; sinon il y aurait un sentiment un peu de désarmement unilatéral, et je crois que ce serait très mauvais pour l'esprit du sport. »
Q - Il ne faudrait pas que les cyclistes français aillent courir sous pavillon étranger pour échapper à cela ? Ce week-end vous avez beaucoup parlé de sport au féminin. Vous trouvez que les femmes ne sont pas assez présentes dans le sport. Qu'est-ce qu'il faut faire pour améliorer cela ?
- « C'est elles qui le disent avec force. Cela fait un an qu'elles travaillent. On était 400 femmes réunies pendant deux jours. Elles sont très présentes dans la pratique de la plupart des sports. Dans des sports qui s'étaient construits au masculin elles ont du mal à s'insérer vraiment et à trouver toute leur place. Elles sont surtout très absentes des instances dirigeantes. Il n'y a qu'une seule fédération olympique, celle de l'équitation, dirigée par une femme aujourd'hui en France. Donc, elles ont élaboré toute une série de propositions – qui vont, pour certaines, aller dans la loi sur le sport, d'autres qui sont d'ordre réglementaire – pour être plus présentes dans les fédérations, dans les instances de concertation du ministère, pour avoir plus de visibilité, notamment pour les sports collectifs, pour mener une action de formation plus importante. Et voilà, on va certainement en sortir avec une centaine de propositions. On va ensuite dresser les priorités et un calendrier précis pour les mettre en oeuvre. »
Q - Il y aurait bientôt une loi ?
- « Bien sûr. »